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polonais 27 ans Vit à Varsovie avec trois co-locataires Vient de rentrer d'un séjour à

1 – FAUX-PAS ÉCONOMIQUES

2ème témoignage : LA PENTE DESCENDANTE

H, polonais 27 ans Vit à Varsovie avec trois co-locataires Vient de rentrer d'un séjour à

Manchester où il était barman pour poursuivre des études de droit. Ne possède aucune photo de Manchester car il dit « j’y étais pour gagner de l’argent pas pour visiter ! . (Pol 01)

--- « J’avais des petits boulots ici en Pologne, mais j’ai décidé de tenter ma chance à l’étranger. Je me rendais compte qu’ici sur place, je ne pouvais pas vivre avec l’argent proposé. Et puis je n’avais aucune obligation, pas de famille, j’ai donc décidé de partir. On m’a dit qu’à l’hôtel Sheraton de Varsovie, il y avait des entretiens, qu’on cherchait des polonais pour travailler à l’étranger. Des managers de Manchester sont venus chercher des gens pour travailler dans une grande chaîne de restos, de cafés, dans les gares et les aéroports de Manchester. Mon entretien s’est déroulé fin février et j’ai été qualifié ; le seul critère, c’était de pouvoir communiquer en anglais, personne ne m'a demandé mon diplôme de l’université (rire). Mon plan, c’était de partir de toute façon, de chercher du travail sur place, comme beaucoup de Polonais, mais parfois cela finit mal, donc en ayant occasion d'avoir du travail au départ, je me suis dit que ça valait la peine d’essayer et j’ai accepté. Je me suis dit qu'avec un premier boulot, ça serait plus facile de chercher un autre travail sur place. En fait je n'en ai jamais trouvé d’autre et je suis resté onze mois dans le même resto. Au début j’ai eu deux jours de formation pour connaître l’entreprise, c’est une compagnie qui a beaucoup de restos dans le monde entier, principalement dans les gares et les aéroports, là où il y a du monde ! Au début avec un groupe de nouveaux arrivants, on louait un appartement. Il y avait une boîte qui ne louait qu’aux Polonais. Le patron ne demandait pas de références, il savait qu’on ne pouvait pas en avoir, mais en échange le prix était plus élevé. Les autres agences exigeaient les références des anciens propriétaires, preuve que tu as payé régulièrement ton loyer, que tu es correct, mais moi je ne pouvais pas présenter de références anglaises.

Plus tard, quand on habitait en ville, on s’est rendu compte qu'on payait trop et que ce n’était pas un problème de trouver une location lorsque tu connais quelqu’un qui connaît quelqu’un, etc. Mais au début, quand tu es étranger c’est difficile, tu ne connais personne et tu arrives dans une ville inconnue. On était cinq dans une maison de quatre pièces et cuisine.

J’étais assez bien dans ce resto, ils m’ont aidé à faire les formalités, à obtenir un numéro de sécurité ; car autrement il faut bosser au black, et c'est dangereux. Ils nous ont fait obtenir un compte bancaire à la Lloyd, c’est une banque tellement populaire parmi nous qu’elle a des agences en Pologne !

Je suis parti avec l’idée que c’était pour une année et je suis resté onze mois. Si j’avais été plus jeune, je serais resté plus longtemps. Mais une copine m’avait averti : « Si tu restes plus longtemps ça va être trop difficile de rentrer et tu risques de compromettre tes études ». J’ai donc décidé de rester une année au maximum et de revenir. Mais si notre gouvernement s’imagine que tous ses jeunes vont revenir, il se trompe. Ceux qui y sont depuis deux ou trois ans vivent mieux qu’en Pologne ; ils ont contracté des crédits, fait des études, fondé une famille, se sont fait des amis… alors pourquoi revenir ici et travailler pour un salaire de misère ?

précarités contemporaines / PUCA 12-2008 I 178

Mon problème c’était mes études : qui aurait besoin d’un juriste polonais ? Au cours de ma scolarité, j'ai fait un lycée technique et j'ai obtenu un diplôme d’électricien, mais il n'est pas reconnu comme valable en Angleterre ; je devais m’inscrire dans un collège anglais pendant un an pour le valider. Comme je ne voulais rester là-bas qu’un an, cela ne valait pas la peine. J'ai un copain qui est électricien là-bas et qui gagne très bien sa vie. Il prend l’avion pour la Pologne toutes les deux semaines ; beaucoup de gens font la même chose, ils vivent là-bas mais viennent étudier ici, cela leur revient moins cher.

Pour ne pas être tenté de rester là-bas trop longtemps, j’avais acheté mon billet de retour à l’avance. C’est plus facile de rester pour des gens jeunes qui connaissent un minimum de la langue, la vie là- bas est plus facile qu’en Pologne. Pour certaines choses, la vie quotidienne est moins chère qu’en Pologne. On voit là-bas comment peut être la vie dans un pays normal. Ici tu dois payer pour beaucoup de choses qui là-bas sont gratuites, par exemple la médecine. Je n’ai pas l’argent pour tout ça ici. Ce n’est donc pas étonnant que cela nous révolte. Seul un petit groupe de gens a profité de tous les changements. Ce séjour m’a apporté une meilleure résistance au stress. J'ai vu ce que c’était un travail normal et le traitement correct d’un salarié. Je suis revenu parce que quand tu es un étranger, tu deviens un citoyen de troisième classe. Peut- être que mes enfants seraient devenus anglais. Un Anglais m’a dit : « même si tu as les mêmes qualifications qu’un Anglais tu n’as aucune chance d’accéder à un poste important. Il y a comme un "plafond en verre" du fait que ce n’est pas ton pays. » Ce n’est pas une question de tolérance. Ici en Pologne c’est pire, le pays est lamentable mais c’est mon pays.

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Nos directeurs pensent toujours qu’une entreprise ce sont des machines, des voitures, de l’argent et pas les gens. En fait une entreprise ce sont les gens, mais souvent ce sont des gens simples, qui ne savent pas et qui permettent qu’on abuse d’eux.

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Au retour, c’était plus difficile, il fallait oublier la bonne vie et accepter l'idée de vivre ici malgré les difficultés et le fait que personne ne veuille de moi. Je me suis dit que le plus important était d’acquérir de l'expérience professionnelle même s’il me fallait travailler avec un salaire de misère.

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Parfois ici à Varsovie j'ai envie de retourner derrière le comptoir d'un bar et de faire des cocktails ! C'est agréable de discuter avec les clients, je me souviens d'une hôtesse de l'air, elle m'apprenait la bonne prononciation, parfois mon chef me grondait pour ces conversations avec les clients, mais je faisais bien mon boulot. Je n'ai pas eu l'occasion de connaître les Anglais, ils ne voulaient pas trop avoir de relations avec nous, on appartenait à la "deuxième catégorie". C'était une équipe internationale : Biélorusses, Tchèques, Slovaques, un Hindou, un Bulgare. On se parlait dans un mélange de langues : polonais, russe, anglais…

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Le plus difficile c'était à la fois un terrible manque du pays et une réticence par rapport au retour. Ces sentiments venaient de temps en temps. Je crois que chacun de nous les ressentait. Mes amies filles pleuraient souvent en se languissant de leur famille, avaient le mal du pays mais elles ne voulaient pas rentrer. Elles cherchaient longtemps un travail. Il était difficile, mais elles ne voulaient pas l'abandonner car ici, en Pologne,

179 I précarités contemporaines / PUCA 12-2008 elles n’avaient pas de chance pour survivre. Là-bas j'ai connu des gens qui n’en pouvaient plus, qui revenaient en Pologne, et puis qui retournaient en pleurant en Grande-Bretagne. Quand je partais en Grande-Bretagne, je pleurais, quand je revenais, je pleurais aussi, comme tout le monde, c'est un cercle vicieux. Je pense qu'un salaire de 1400 à 1600 zlotys ici dans notre pays serait suffisant pour que tous ces jeunes ne partent pas et restent ici. Mais on ne peut pas l'avoir. Je me sens comme si personne ne voulait de moi dans ce pays. Je pensais que si je ne trouvais pas de travail après mon retour je ferais mes bagages et je reviendrais en Angleterre, mais c'est un choix difficile. …/… Actuellement, je vis de mes économies anglaises. Tout ce qui compte à notre âge, gagner de l'argent, se développer, fonder une famille… ici, je n'ai aucune chance d'obtenir ces choses- là. Un copain architecte sans expérience gagne 2000 £ en Angleterre, ici c'est 600 zlotys, une immense différence ! Je ne suis pas trop exigeant, je voudrais gagner juste assez pour vivre, mais ce n'est pas possible à Varsovie. C'est pas bizarre de ne pas pouvoir obtenir cette base après 5 ans d'études ?

Si je n’étais pas ce juriste de merde, je ne serais pas revenu, mais je ne peux pas exercer ma profession ailleurs, car le droit en Grande- Bretagne est complètement différent du droit européen. Avec mes études en sciences humaines je me suis condamné à vivre en Pologne. …/… En Pologne, tout ce qui est à l'Est de la Vistule, c'est une tragédie. Il faudrait tout brûler, retourner la terre et recommencer dès le début. Là-bas les villes et les villages ce sont des "entrepôts" de retraités et de rentiers, les jeunes sont partis en masse, les gens dynamiques sont partis. Varsovie est la première grande ville à l'Est, donc elle aspire tout le monde dans un rayon de 150 kilomètres et tous ceux qui y viennent n'en repartent jamais. Mais il y a des gens qui reviennent de l'étranger comme moi, et qui n’acceptent pas les conditions d'ici, ils savent qu'on peut vivre différemment et ils vont changer les choses. »

2 – ÉMIGRATIONS

précarités contemporaines / PUCA 12-2008 I 180

Parfois, la précarité est davantage ressentie au plan affectif ou relationnel qu'au plan économique. D'autres fois encore, une maladie ou un accident servent de déclencheur à la dégradation d'une situation personnelle. Cette rubrique met l'accent sur ces impondérables qui menacent toute vie et dont, parfois, la conscience est imposée cruellement.

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7ème témoignage : LE CORDON QUI ÉTOUFFE Danino

H, italien. 51 ans. Veuf sans enfant. Commerçant