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1.3 Conclusion

2.1.3 Points de repères chronologiques

Robert Ledley, un physiologiste américain, a décrit les principales propriétés de l’ordinateur justifiant son intérêt en médecine et en sciences biomédicales (Led- ley, 1959) : capacités de stockage, de recherche et de traitement de l’information, qu’il s’agisse de données individuelles ou de connaissances scientifiques ; capacités de calcul (pour la résolution d’équations, la simulation). Dès cette époque, Ledley prévoyait un certain nombre d’obstacles culturels (besoins en formation initiale et continue), technologiques (disponibilité des ordinateurs, des périphériques et des

infrastructures) et économiques (coût des ressources humaines et matérielles). As- socié à Lee Lusted, un radiologue, il a développé les aspects d’aide à la décision médicale (Ledley et Lusted, 1959) et fondé la National Biomedical Research Foun- dation(NBRF), un organisme de recherche et développement pour l’utilisation de l’informatique en sciences biomédicales.

Quelques années plus tard, Spencer et Vallbona (1965) énuméraient les applica- tions potentielles de l’informatique en pratique clinique : examens complémentaires (biologie, épreuves fonctionnelles. . .), informatisation du dossier médical avec aide au suivi des malades et aide à la décision, simplification de la communication entre professionnels de santé, rationalisation de l’offre de soins.

Situation aux états-Unis

De nombreux systèmes d’information ont été mis en production dans des éta- blissement ou des organisations de soins à partir du milieu des années 1960, permet- tant de confronter les espoirs initiaux avec la réalité du terrain (Institute of Medicine – Committee on Improving the Patient Record, 1991; Pryor, 1992) :

1967 le Health Evaluation through Logical Programming (HELP, système d’aide à la décision comportant une ébauche de dossier médical) au Latter-Day Saints Hospital de Salt-Lake City ;

1969 le Computer Stored Ambulatory Record (COSTAR) dans les entités couvertes par le Harvard Community Health Plan ; The Medical Record (TMR) au centre médical de la Duke University ;

1971 le Technicon Medical Information Management System (TDS) au El Camino Hospital de Mountain View ;

1972 le Regenstrief Medical Record System (RMRS) au Marion County General Hospital puis aux hôpitaux de l’Indiana University et des environs ;

1985 le Decentralized Hospital Computer Program (DHCP) devenu ensuite le Ve- terans Health Information Systems and Technology Architecture(VistA), tou- jours en fonction dans le réseau des Veterans Affairs.

En dépit de leur statut de pionniers, les états-Unis peinent aujourd’hui à stimuler l’informatisation du dossier médical. Dans son rapport, l’Institute of Medicine – Committee on Improving the Patient Record (1991) estimait que l’activité clinique de tous les médecins pouvait être informatisée en 2000. Dans une enquête réalisée en 2007-2008, moins de 15% des médecins interrogés utilisaient un dossier mé- dical informatisé en consultation, la plupart d’entre eux au sein d’une institution ;

lorsqu’ils étaient informatisés, les dossiers disposaient de fonctionnalités avancées – observation médicale longitudinale, prescription des examens complémentaires, visualisation des images, alertes. . . – dans1/4des cas seulement (DesRoches et al.,

2008). à la même époque, la proportion d’établissements de santé disposant d’un dossier médical informatisé était inférieure à 10%, dont1/6ayant des fonctionnali-

tés avancées (Jha et al., 2009).

Le Health Information Technology for Economic and Clinical Health Act (HI- TECH Act), adopté en 2009, appelle au déploiement large et à l’interconnexion des dossiers médicaux informatisés (Blumenthal et Tavenner, 2010). Des incitations sont prévues à partir de 2011 pour les médecins et les institutions qui s’informa- tisent, et des pénalités à partir de 2015 pour ceux qui ne le font pas. Pour bénéficier des incitations ou échapper aux pénalités, les médecins et les institutions doivent faire preuve d’un bon usage (meaningful use) de l’outil informatique. Ce bon usage est défini par 15 items obligatoires et au moins 5 parmi 10 items optionnels qui correspondent assez bien aux fonctionnalités cliniques avancées des enquêtes de DesRoches et Jha, auxquelles s’ajoutent des fonctionnalités pour des usages non cliniques comme l’évaluation des pratiques, la recherche ou la veille sanitaire. Situation en France

à de rares exceptions près, le début de l’informatisation du dossier médical a été plus tardif qu’aux états-Unis mais ce retard tend à s’estomper pour les établisse- ments de santé et même à être largement rattrapé pour les cabinets. En effet, l’infor- matisation des médecins libéraux a tiré profit de nombreuses incitations. L’ordon- nance 96-345 du 24 avril 1996 relative à la maîtrise médicalisée des dépenses de soins a crée le Fonds de réorientation et de modernisation de la médecine libérale (FORMMEL) au sein de la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM), avec notamment pour mission d’accompagner l’informatisation des cabinets médicaux. Cette même ordonnance spécifiait en outre que les médecins devaient être en me- sure d’émettre, de signer, de recevoir et de traiter des feuilles de soins électroniques le 31 décembre 1998 au plus tard, et prévoyait des pénalités pour les feuilles de soins papier à partir du 1erjanvier 2000.

Des aides à l’équipement informatique des cabinets médicaux ont été distribuées en 1998 et 1999, puis en 2005. Par ailleurs, une aide pérenne à la transmission des feuilles de soins électroniques a été accordée à partir de 1999, selon des modalités qui ont régulièrement évolué. Le rapport sur l’informatisation dans le secteur de la

santé présenté en 2005 au Sénat notait que les médecins libéraux étaient alors dotés d’un équipement informatique à plus de 80% mais qu’une partie seulement (moins de 50%) utilisaient de façon effective un dossier informatisé digne de ce nom.

La convention médicale signée en 2011 entre l’Union nationale des caisses d’as- surance maladie et les syndicats comporte un certain nombre d’indicateurs relatifs à l’informatisation des cabinets dans le but d’améliorer les pratiques et leur effi- cience :

– tenue du dossier médical informatisé avec saisie de données cliniques per- mettant le suivi individuel et de patientèle ;

– création d’une synthèse clinique annuelle par le médecin traitant dans le dos- sier informatisé ;

– utilisation d’un logiciel certifié d’aide à la prescription ;

– connectivité permettant de télétransmettre et d’utiliser des téléservices. Ces dispositions réglementaires et incitatives en rapport avec l’informatisation du dossier médical ne s’appliquent pas aux établissements de santé. Leur informatisa- tion est donc plus lente, dépendant d’actions locales.

Le dossier médical personnel (DMP) aurait dû constituer un levier important pour favoriser l’informatisation non seulement dans les cabinets mais aussi dans les établissements de santé. La loi 2004-810 du 13 août 2004 relative à l’assurance ma- ladie prévoyait que la généralisation du DMP soit effective à compter du 1er janvier 2007. De nombreux facteurs ont ralenti le déploiement du DMP, notamment les mo- dalités économiques et technologiques imprécises de l’hébergement des données et une inertie importante de la part des professionnels de santé en l’absence de gou- vernance bien affichée. Après avoir été remis à plat par un groupe de travail saisi par le ministère de la santé (Gagneux et al., 2008), le projet a été relancé en 2009 et l’Agence des systèmes d’information partagés de santé (ASIP-santé) a été créée pour le piloter. En pratique, le DMP se déploie très progressivement sur le territoire depuis 2011 et reste peu utilisé par les professionnels et dans les établissements de santé équipés6.