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1.3 Conclusion

2.1.1 L’observation médicale papier

L’observation papier dispose de nombreux atouts (Institute of Medicine – Com- mittee on Improving the Patient Record, 1991; McHugh, 1992) :

– elle correspond, aujourd’hui encore, à la modalité la plus familière de sai- sie de l’information ; elle ne demande donc pas de formation spécifique, en dehors d’une familiarisation avec son organisation ;

– elle est flexible, permettant de transcrire à peu près n’importe quelle don- née ; même lorsque la saisie est structurée et standardisée, il est possible de contourner ces contraintes pour accommoder une information imprévue ; – la disposition des éléments peut être réarrangée si besoin ;

1. http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/ 2. http://www.ncbi.nlm.nih.gov/mesh/68008499

– elle peut être lue de différentes manières, par exemple en vue d’ensemble (feuilletage) ou à la recherche d’une information spécifique (balayage) ; – elle est facilement transportée d’un lieu à l’autre ;

– elle n’est pas accessible à distance, ce qui favorise la confidentialité ;

– elle ne nécessite pas de matériel spécifique pour être consultée et ne tombe pas en panne.

Les avantages du papier doivent être pondérés par les inconvénients qui en sont la contrepartie (Institute of Medicine – Committee on Improving the Patient Re- cord, 1991; McHugh, 1992; Wyatt et Wright, 1998). Le dossier papier ne peut être consulté qu’à un endroit et par une personne à la fois. L’écriture manuelle est peu li- sible : 15% des notes d’observation hospitalières ne sont pas compréhensibles selon Rodríguez-Vera et al. (2002). La flexibilité de la saisie autorise un recueil incom- plet et hétérogène de l’information, avec parfois des erreurs grossières d’ordre de grandeur (liées par exemple à une confusion d’unité). La structure n’est partagée que dans ses grandes lignes, y compris au sein d’une même institution. Il n’y a pas de responsable désigné pour vérifier la bonne tenue de l’observation. Le suivi de l’évolution des valeurs d’une variable est difficile, car elles sont dispersées à plusieurs pages de différence et que la réalisation de tables ou schémas récapitula- tifs demande du temps. L’information est très difficile à trouver si elles est écrite ou rangée à un endroit impropre, car une recherche par le contenu est impossible. Souvent, au contraire, l’information est répétée de façon inutile, par exemple à l’oc- casion d’épisodes de soins différents ou dans des parties différentes de l’observation d’un même épisode.

Tang et al. (1994) ont évalué le pourcentage de cas dans lesquels il n’était pas possible de trouver une information importante dans l’observation d’un patient. Pour ce calcul, ils ont noté les questions posées par les médecins seniors aux in- ternes qu’ils supervisent en consultation. Les malades étaient connus de l’hôpital et l’interne disposait des observations pour répondre aux questions. Les défauts de réponse correspondaient à une information manquante ou à une information pré- sente mais non trouvée durant la conversation, sans qu’il soit possible de distinguer ces deux cas de figure. Pour 136/168 patients (81%), les internes n’étaient pas en mesure de répondre à toutes les questions que le médecin responsable jugeait perti- nentes pour prendre en charge le patient ; en moyenne, 3,7 informations par patient n’étaient alors pas trouvées. Ces informations correspondaient à des résultats d’exa- mens complémentaires (36%), des traitements prescrits ou reçus (23%), des anté- cédents ou des éléments d’histoire de la maladie (31%) ; la plupart (69%) avaient

été produites ou observées dans l’hôpital même. Les médecins devaient retrouver les informations à la source (42% des cas), faire confiance à la mémoire du patient ou de sa famille (26%) ou prendre leurs décisions en se passant des informations non trouvées (31%). Ces résultats sous-estiment le problème de la documentation des observations car ils ne tiennent pas compte des informations trouvées mais in- exactes. Les auteurs notent en outre que, par nature, le dossier papier n’est pas en mesure de répondre efficacement à des questions pertinente, comme « ce patient a-t-il déjà reçu telle classe pharmacologique et pourquoi, avec quel effet et quelle tolérance ? », « ce patient a-t-il eu tel examen et quel était le résultat ? » ou encore « quels sont les problèmes actifs du patient ? ». L’information manquante ou non trouvée est responsable d’une perte de temps pour le médecin et le patient, de la réalisation d’examens redondants avec le coût et les risques associés, ou d’une prise de décision mal informée (Smith et al., 2005; Burnett et al., 2011).

D’une manière générale, l’information est fragmentée dans le dossier papier (Institute of Medicine – Committee on Improving the Patient Record, 1991; McHugh, 1992). Cela rend difficile le suivi des données d’un patient au cours du temps et en- core plus la gestion parallèle de plusieurs problèmes de santé concurrents. Le même patient a au moins un dossier différent par lieu de soins : médecin généraliste, mé- decins spécialistes, établissements de santé. La fragmentation de l’information est encore accrue lorsque plusieurs observations coexistent pour le même patient dans un même lieu de soins.

La matérialité du dossier papier impose des ressources physiques pour le sto- ckage et une gestion rigoureuse des mouvements. Le nombre de dossiers à archiver et leur volume augmente avec la banalisation du recours aux système de santé, l’al- longement de la durée de vie et les exigences réglementaires de durée de conserva- tion. Les institutions doivent faire face à ces besoins considérables dans des condi- tions susceptibles d’assurer la sécurité et la confidentialité des informations. Par ailleurs, il est nécessaire que les dossiers puissent être rapidement mis à disposition des professionnels de santé, y compris dans des situations de semi-urgence. Des archivistes compétents et disponibles sont donc indispensables. Les coûts d’archi- vage, en termes de locaux et de personnel, sont très importants.

Les difficultés rencontrées pour intégrer l’information d’un patient dans l’espace (coexistence de plusieurs dossiers) et dans le temps (fragmentation de l’information au sein de chaque dossier) font obstacle à la prise en charge cohérente des malades. Les ruptures de continuité sont responsables d’un part non négligeable des erreurs de prise en charge et des accidents liés aux soins (Dovey et al., 2002).