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Évaluation et amélioration des pratiques et des résultats

L’observation médicale est liée à la qualité des soins à double titre. À premier niveau, la qualité de l’observation (organisation, lisibilité, complétude, exactitude) est au moins un marqueur, et peut être un facteur, de la qualité des soins en géné- ral (Dunlay et al., 2008; Giorda et al., 2009; Zegers et al., 2011). Autrement dit, les médecins qui tiennent le mieux leurs observations sont ceux qui prennent le mieux en charge les malades. Malgré quelques résultats discordants (Goudswaard et al., 2003), on comprend donc que la bonne tenue de l’observation soit reprise comme un élément d’évaluation pour la certification des établissements de santé. À un deuxième niveau, l’observation consigne les prises en charge et témoigne donc des pratiques individuelles et collectives. Les pratiques et les résultats des médecins et des institutions peuvent ainsi être comparés entre eux et avec des référentiels. L’observation participe alors à l’évaluation (i) de l’hétérogénéité des pratiques et des résultats et (ii) à l’adéquation des pratiques au regard de standards reconnus. Ce rôle dans la traçabilité intervient également dans la fonction médicolégale mais les objectifs sont différents : l’utilisation médicolégale vise à déterminer des res- ponsabilité en vue de la sanction d’une faute ou de la réparation d’un dommage ; l’évaluation des pratiques s’inscrit dans une démarche qualité et vise à définir des actions pour améliorer les pratiques suboptimales.

L’utilisation de l’observation à des fins d’évaluation dans un projet d’améliora- tion continue de la qualité a été systématisée par le programme de standardisation américain, qui a posé les premiers jalons de la standardisation des observations pour évaluer les médecins et accréditer les hôpitaux. L’acte fondateur de l’évaluation des pratiques telle qu’elle s’entend aujourd’hui, comme partie intégrante d’une dé- marche qualité, est décrit comme étant la publication de Donabedian (1966). Dans cet article, Donabedian définit l’évaluation des pratiques en prenant l’observation médicale pour référence quasi-exclusive. Nous reviendrons en détail sur les prin- cipes d’évaluation des pratiques dans le Chapitre 4.

Évaluation et diminution des risques

La surveillance des risques en temps réel a été abordée dans la section sur la quantification de l’activité (cf supra). L’observation participe a une autre modalité d’évaluation des risques, qui n’est plus quantitative mais qualitative. Il s’agit en ef-

fet de reprendre dans le détail un cas ayant conduit, ou presque, à un événement indésirable consécutif à une erreur. Les revues de morbimortalité (RMM) analysent de façon rétrospective des événements indésirables graves subis par un malade et tentent d’en analyser les facteurs favorisants de façon systématique, qu’ils soient organisationnels, techniques ou humains. Les retours d’expérience (REX) partent d’événements précurseurs à risque d’effet indésirable mais n’ayant pas eu de consé- quence, pour mettre en place des actions de correction à visée préventive. Dans les deux cas, l’objectif est de faire prendre conscience aux soignants des risques liés aux soins et de proposer des remèdes pour éviter la reproduction des dysfonction- nements. L’analyse demande une évaluation détaillée des circonstances de dysfonc- tionnement et de leurs conséquences éventuelles. L’exploitation de l’observation est donc centrale dans ces démarches, car elle seule comporte le niveau de détail requis pour l’analyse.

Paiement à la performance

La notion de paiement à la performance fait référence à une rétribution qui ne dépend plus seulement du temps passé ou des soins produits mais aussi de la qua- lité des soins produits. L’objectif est d’inciter les individus à atteindre des objec- tifs témoignant de bonnes pratiques et, dans la mesure du possible, associés à des meilleurs résultats. Ce type de paiement (pay for performance) a été adopté de- puis 2004 en Grande Bretagne pour les médecins généralistes, avec 146 indicateurs portant sur 10 maladies chroniques. L’évaluation de la satisfaction des indicateurs nécessite que les médecins utilisent une prescription connectée et, pour certains, une observation médicale informatisée (Doran et al., 2006). Le taux de conformité aux indicateurs a atteint presque 85% la première année, suggérant un impact bé- néfique de cette mesure incitative sur les pratiques. Cependant, cette amélioration des pratiques pourrait s’inscrire dans un tendance séculaire ou bien ne pas persister à distance (Houle et al., 2012). De plus, rien à ce jour ne permet d’affirmer que le paiement à la performance améliore la santé des patients. On peut même craindre des effets néfastes sur l’attitude des médecins, plus préoccupés à améliorer des in- dicateurs que la santé de leurs malades (Gillam et al., 2012). Malgré l’absence de démonstration d’une amélioration des résultats, des programmes similaires se dé- veloppent rapidement dans les pays occidentaux.

Les médecins libéraux français dans leur grande majorité a accepté de se sou- mettre en 2012 à la convention signée par l’assurance maladie et les syndicats le

26 juillet 2011. Cette convention définit les modalités de distribution des primes sur objectifs qui viennent compléter la rémunération à l’acte. Des indicateurs de bonnes pratiques ont été définis par spécialité, avec des objectifs qui rapportent des points s’ils sont atteints, ces points étant ensuite convertis en devises. Le suivi des objectifs se fait sur données déclaratives mais les médecins doivent être en me- sure de fournir les éléments justificatifs à l’assurance maladie. Or, les indicateurs de suivi d’une pathologie chronique nécessitent l’identification des patients cibles (diabétiques, hypertendus, coronariens) à partir des diagnostics reportés dans l’ob- servation médicale. La plupart des indicateurs relèvent de la juste prescription de traitements ou d’examens complémentaires, mais certains sont relatifs à l’examen clinique (mesure de pression artérielle) ou des résultats biologiques reportés dans l’observation médicale (hémoglobine glyquée, cholestérol LDL).