• Aucun résultat trouvé

Poids d’incapacité 1 Généralités

Dans le document en fr (Page 98-101)

4. Évaluation des impacts sanitaires de la pollution de l’air

4.3. Méthodes d’agrégation des effets sanitaires

4.3.3. Années de vie ajustées sur les incapacités

4.3.3.1. Poids d’incapacité 1 Généralités

Une incapacité peut être définie comme une limitation. Elle traduit la difficulté à vivre normalement et peut conduire à un handicap durable et, selon le milieu dans lequel la personne évolue, à des désavantages sociaux (perte d’emploi, exclusion, dépendance…). Par exemple, le développement d’une pathologie cardiaque n’aura pas le même impact sur un sportif de haut niveau et une personne travaillant dans un bureau. Les années de vie avec incapacité (AVI), mesures de la morbidité via les incapacités, ne prennent pas en compte les différences de conditions de vie, de façon à être reproductibles (Granados et al., 2005).

Un poids d’incapacité représente la gravité d’un état de santé associé à une pathologie ou une blessure spécifique. Leur valeur est comprise entre 0, pour un état de santé idéal, et 1, représentant la mort. Elle augmente donc avec l’importance de l’incapacité (Granados et al., 2005). Ce sont des valeurs subjectives (estimation de la gravité par des échantillons de personnes) utilisées avec des valeurs objectives (mortalité et données épidémiologiques).

En pratique, dans la première version du Fardeau des maladies (Burden of Diseases) de 1990, 6 catégories d’incapacités, décrites Tableau 17, ont été définies et disposaient d’un coefficient d’incapacité déterminé par consensus entre des experts, obtenu via des méthodes détaillées au paragraphe suivant (Schwarzinger, 2003 ; Granados et al., 2005).

Tableau 17 : Catégories d'incapacité et poids d'incapacité (PI) associés (Granados et al., 2005)

Catégories Description PI

I

Au moins une activité limitée parmi les champs d’action suivants : loisirs, éducation, procréation, profession

0,096

II Plusieurs activités limitées dans les champs

d’action proposés 0,220

III Limitation dans au moins deux champs d’action 0,400 IV Limitation dans tous les champs d’action 0,600

V Besoin d’aide dans la vie quotidienne pour se préparer à manger, faire ses courses et faire le ménage

0,810

VI Besoin d’aide dans la vie quotidienne pour

manger et faire sa toilette 0,920

Afin de répondre à certaines critiques, telles que le manque d’adaptation à un contexte local, des poids d’incapacités propres à chaque région de l’OMS auraient été développés à la suite de travaux menés en 2000 (Granados et al., 2005), sur lesquels nous revenons ci-dessous.

4.3.3.1.2 Méthodes

Les méthodes permettant de déterminer la valeur accordée par une population à un état de santé sont généralement basées sur les préférences individuelles (Time trade-off, Standard gamble), ou sur les valeurs sociales (Person trade-off). Les principales méthodes utilisées pour l’obtention des poids d’incapacités pour les AVAI sont les suivantes (Üstün et al., 2001;

Schwarzinger, 2003 ; Salomon and Murray., 2004) (synthétisées dans le Tableau 18) :

§ L’échelle visuelle analogique (Visual analogue scale - VAS). La gravité de l’état de santé est mesurée à l’aide d’une échelle (de type thermomètre ou réglette), en le situant par rapport aux extrêmes de l’échelle (pire et meilleur état de santé imaginable). Pour une même espérance de vie dans chaque état de santé, on demande ainsi de les classer du plus au moins désirable et de les noter sur une échelle, allant généralement de 0 (mort) à 100 (santé idéale) ;

§ La technique des compromis de temps (Time trade-off technique - TTO). Elle mesure la durée de vie à laquelle les répondants pourraient accepter de renoncer pour éviter une condition hypothétique et être en pleine santé. Il s’agit d’un choix entre vivre pendant une durée fixée (par exemple 10 ans) dans un état de santé et vivre en parfaite santé mais avec une espérance de vie inférieure. Le choix est quantifié par le nombre d’années considéré comme équivalent aux 10 ans ;

§ La technique de compromis de personnes (Person trade-off technique - PTO) est basée sur des compromis entre la gravité des maladies, la taille du gain sanitaire et le nombre de personnes aidées. Cette fois-ci, les personnes sont interrogées sur le choix entre un programme qui permettrait d’étendre de 10 ans la durée de vie de personnes en pleine santé et un programme qui permettrait de prévenir l’apparition d’un problème chez un certain nombre de personnes et leur permettrait de ramener leur santé à un état idéal pour 10 ans d’espérance de vie. Ainsi, cela correspond au nombre d’évènements de santé évités équivalents à la prévention de 100 morts.

§ Le « Standard Gamble » (SG). Le choix est alors posé entre vivre 10 ans dans un état de santé donné ou accepter une procédure qui offrirait une chance de vivre ces 10 ans en pleine santé, mais avec un risque de mourir immédiatement.

On détermine ainsi le niveau de risque auquel l’option incertaine aurait la même valeur que l’état de santé.

Évaluation des impacts sanitaires de la pollution de l’air

Tableau 18 : Caractéristiques des réponses des principales méthodes d’estimation de la valeur (chapitre 32, Salomon et al, 2003)

Méthode   Unité  et  

Les résultats sont ensuite convertis pour obtenir les coefficients de pondération. Les méthodes d’enquête TTO, SG et PTO ont été développées pour être menées auprès de personnes de formation supérieure (échantillons de population ou groupes d’experts). En théorie, ces méthodes pourraient être appliquées en population générale, mais la fiabilité des résultats semble moins assurée. En revanche, les enquêtes utilisant la méthode d’échelle virtuelle analogique sont bien appropriées à l’ensemble de la population, et sont d’ailleurs fréquemment utilisées pour estimer le niveau de douleur ressenti par des malades.

Des biais peuvent être observés dans toutes ces méthodes (maîtrise des modes de réflexion, connaissances différentes, aversion pour le risque variable…).

Une enquête peut avoir recours uniquement à une de ces méthodes. Par exemple, les poids d’incapacité construits par l’OMS pour calculer le Fardeau mondial des maladies (GBD) en 1990 ont été obtenus en suivant un protocole PTO appliqué à des panels d’experts (professionnels de santé) de toutes les régions du monde (Murray and Acharya, 1997).

Sinon il est possible de combiner différentes méthodes, ce qui permet de minimiser l’impact des biais propres à chacune d’entre elles sur les résultats. Les combinaisons permettent de déterminer des tendances générales. Des outils statistiques sont alors utilisés pour identifier et quantifier les différences entre les résultats. Les biais liés à chaque méthode peuvent être identifiés et les résultats sont ajustés. Il est alors possible d’obtenir un résultat moyen. C’est ce qui a notamment été fait pour le « Multi-country Survey Study on Health and Responsiveness » par l’OMS en 2000-2001, par le biais d’une enquête en population générale, complétée par des enquêtes plus poussées (telles que TTO, PTO, SG) auprès de personnes ayant répondu et disposant d’un « haut » niveau d’études (étudiants, journalistes, professionnels de santé, politiciens…) (Murray et al., 2001). L’enquête générale a consisté en une description d’états de santé hypothétiques suivant 7 domaines, suivie par une évaluation via une échelle visuelle analogique (VAS). L’enquête plus détaillée n’a pas été menée en population générale car les évaluations plus abstraites et détaillées ne seraient pas fiables en population générale (Üstün et al., 2001). Elle a permis d’ajuster de manière empirique les valeurs estimées grâce à l’enquête en population. Une méthode statistique est utilisée pour corréler les résultats et obtenir une fonction d’évaluation.

Pour chaque pathologie, deux facteurs de pondération sont calculés indépendamment, en cas de traitement ou non. En effet, la gravité de la maladie n’est pas comparable dans ces deux conditions et permet de prendre en compte certaines disparités dans la gravité de maladies entre les pays développés où des soins sont disponibles et les pays moins avancés où ce n’est pas le cas. Diverses études tendent à montrer une cohérence du classement des maladies entre les méthodes d’une part, et entre les pays d’autre part (en tous cas d’Europe de l’Ouest : Murray et al., 2001 ; Salomon et al., 2003, ch. 32). L’étude de Murray et al. (2001) avait notamment pour objectif de collecter des informations sur les valeurs accordées aux différents états de santé par la population afin de comprendre les différences entre pays et, au sein d’un pays, entre différentes catégories sociodémographiques (âge, sexe, niveau d’études, revenu…). Il est cependant précisé que cette similarité de classement serait insuffisante pour juger de la validité d’un poids d’incapacité universel, comme utilisé par l’OMS. L’application au grand public est préconisée, mais en faisant attention au niveau de santé, au niveau d’étude et à la compréhension des méthodes par les personnes interrogées.

4.3.3.1.3 Résultats

La liste des poids d’incapacité utilisés par l’OMS dans le calcul des AVAI en 2004 est disponible sur Internet (table 3A.6 - Mathers et al., 2006). Ils sont définis au niveau mondial et peuvent être exprimés en fonction de l’âge et du sexe. Il s’agit, pour la plupart, des valeurs de 1990, complétées en 2000 pour de nouvelles maladies ou avec des valeurs actualisées à la suite d’études spécifiques à une pathologie (sida, vision basse…), notamment aux Pays-Bas (dépressions…). Les valeurs obtenues à la suite de l’étude internationale de l’OMS décrite précédemment devraient être intégrées dans le calcul de la prochaine version du Fardeau des maladies (Mathers et al., 2003 ; Mathers et al., 2006)

L’applicabilité de ces facteurs internationaux à une échelle nationale est discutée. En effet, les poids d’incapacité peuvent varier selon les régions, en raison de la distribution de la gravité des états de santé et de la proportion de cas traités quand on ne les sépare pas (Mathers et al., 2006). Il semblerait plus pertinent de définir des poids d’incapacité à une échelle plus régionale (Üstün et al., 1999 ; Jelsma et al., 1999), même si des études tendent à monter une bonne cohérence entre les pays (Mathers et al., 2006). Ce travail a été mené pour l’Europe de l’Ouest dans le cadre de travaux sur le fardeau national des maladies des Pays-Bas (Stouthard et al., 2000), en adaptant notamment la méthode proposée par l’OMS. Par ailleurs, les facteurs d’incapacités sont spécifiques à un état de santé lié à une maladie et ne prennent pas en compte la comorbidité (Van Baal et al., 2006).

Dans le document en fr (Page 98-101)