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Evaluation des impacts du cycle de vie 1 Généralités méthodologiques

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4. Évaluation des impacts sanitaires de la pollution de l’air

4.2. Méthodes d’évaluation des impacts sanitaires

4.2.3. Potentiels de toxicité

4.2.3.3. Evaluation des impacts du cycle de vie 1 Généralités méthodologiques

Le terme ACV recouvre différentes approches et méthodologies, qui ont en commun de se baser sur les émissions puis de modéliser le comportement des substances émises (dispersion et dégradation notamment). Les impacts potentiels générés par les substances émises au

Évaluation des impacts sanitaires de la pollution de l’air

cours de la vie des produits peuvent, de cette manière, être quantifiés via modélisation et il est possible d’en présenter une vision globale.

L’étape d’évaluation des impacts du cycle de vie se situe après l’inventaire des émissions et des ressources utilisées. Elle comporte quatre étapes (Humbert et al., 2009), les deux premières étant obligatoires et les deux dernières optionnelles selon les normes ISO :

a. Sélection des catégories d’impact et classification : on définit les catégories d’impact pertinentes selon les chaînes de causalités, ainsi que les indicateurs pour chacune d’entre elles. Les flux sont alors assignés aux catégories auxquelles ils participent.

b. Caractérisation : les impacts de chaque émission sont modélisés quantitativement selon les mécanismes sous-jacents. Toutes les contributions à un impact donné sont exprimées en une unité commune (par exemple en kg d’équivalents CO2 pour la catégorie changement climatique), grâce à l’application de facteurs de caractérisation. On aboutit alors à un score d’impact pour chaque catégorie, composé des participations relatives de chaque substance à l’impact considéré.

c. Normalisation : les différents scores d’impact sont reliés à une référence (par exemple les impacts causés par une personne pendant un an), afin de faciliter les comparaisons entre les catégories.

d. Pondération : on affecte un poids à chaque catégorie d’impact, sensé refléter leur importance relative. Les scores d’impacts pondérés sont alors additionnés pour calculer un score d’impact final.

En dehors de la composition des émissions, les données nécessaires dépendent fortement du type d’approche suivi et des modèles utilisés pour estimer les phénomènes de dispersion et la persistance des substances dans l’environnement (en lien avec leur dégradation). Deux approches se distinguent selon le positionnement des impacts qu’elles étudient dans la chaîne de causalité. L’approche « orientée problèmes » (« midpoint ») cible les impacts de premier ordre (ou impacts intermédiaires), c'est-à-dire ceux qui résultent d’un phénomène particulier (exemple : acidification). L’approche « orientée dommages », quant à elle, se situe le plus possible en aval dans la chaîne de causalité et se concentre sur les impacts finaux (« endpoint ») en regroupant les impacts selon leur cible, également appelées zones de protection (AoP, « area of protection ») et généralement constituées de la santé humaine, de l’environnement naturel et des ressources. La deuxième approche sera plus développée au paragraphe 4.3.3.3, par le biais des années de vie ajustées sur les incapacités (AVAI ou DALYs en anglais). Par ailleurs, certaines méthodes permettent d’aborder ces deux approches à la fois (calcul de scores d’impacts pour chaque catégorie et d’un score par type d’impact final), par exemple EcoIndicator 99 (Goedkoop and Spriensma, 2001).

Une même émission peut avoir un rôle dans plusieurs types d’impact (par exemple, le dioxyde d’azote a une toxicité directe sur l’homme, intervient dans la formation photochimique de l’ozone et contribue au phénomène de pluies acides). Ceci explique qu’elles doivent être classées dans la ou les catégories d’impact dans lesquelles elles interviennent (Huijberg et al., 2000). Le terme de « catégorie d’impact » est utilisé pour définir la cible de l’impact. Selon les méthodes, les catégories d’impacts peuvent être différentes, définies en faisant attention aux redondances, de manière à éviter les doubles comptages. Généralement, les catégories trouvées dans l’approche problème sont les suivantes : la toxicité pour l’homme, l’écotoxicité, la destruction de la couche d’ozone stratosphérique, le changement climatique (effet de serre), l’eutrophisation, l’acidification, l’utilisation des sols, les radiations ionisantes, la formation d’agents photo-oxydants et l’épuisement des ressources naturelles. Il s’agit d’un mélange d’impacts qui ne semblent pas avoir été définis sur des critères communs et ne sont donc pas tous identifiables à une chaîne de causalité telle que définie au paragraphe 3.2. En effet, par exemple, la toxicité directe pour l’homme constitue un impact sur une cible finale, contrairement à la destruction de la couche d’ozone.

L’approche problèmes correspond à l’approche la plus courante. Plusieurs méthodes ont été développées parmi lesquelles TRACI (US), EDIP (Danemark) et CML 2002 (Université de Leyde, la plus utilisée). Leurs résultats sont exprimés dans différentes unités (masse équivalente d’une substance, monnaie, volume critique, impacts potentiels…). Les normes sur les ACV élaborées par l’ISO (série des ISO 14040) semblent plutôt orientées dans le sens de l’approche problème.

Le score d’impact par catégorie, calculé lors de la seconde étape obligatoire, constitue la somme des émissions pondérées par des facteurs. Ces différents scores pourront alors être pondérés entre eux. Cependant, l’étape de pondération esr la plus controversée et la plus difficile à réaliser (Goedkoop and Spriensma, 2001), une bonne transparence étant en effet nécessaire, ce qui explique qu’elle ne soit pas obligatoire d’après les normes internationales sur les ACV.

Les scores d’impacts sont calculés de la manière suivante (Huijbregts et al., 2000) :

∑ ∑

==

=

= ×

= ee m xx n p ipe

i E FC

IS 1 1 , ,

avec IS: le score d’impact par unité fonctionnelle (par exemple par kg, km…) ;

FCi;p;e le facteur de caractérisation de la catégorie d’impact i pour la substance p due à une émission dans le compartiment e (sans dimension, air, eau, sol) ;

Ep;e l’émission de la substance p dans le compartiment e par unité fonctionnelle (kg) ; m est le nombre de compartiments ;

n est le nombre de substances.

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Les indicateurs sont ainsi construits comme la somme des émissions des gaz impliqués dans l’impact potentiel évalué, pondérées par un facteur d’impact (potentiel) intégrant le devenir (transferts, dégradation) et l’intensité de l’effet de chaque polluant. Cette architecture permet de prendre en compte les différences entre les polluants.

Les effets sanitaires liés aux polluants secondaires, dont l’ozone, sont traités à part, dans l’indicateur de pollution photochimique.

Compte tenu de nos objectifs, on s’intéressera à la catégorie d’impact « toxicité humaine », car il s’agit de la catégorie correspondant aux impacts directs, et aux émissions dans l’air.

Par la suite, le facteur de caractérisation FCp,e désignera le facteur pour la toxicité humaine. Dans le cas des impacts sur la santé de la pollution atmosphérique, e = air et l’équation serait donc simplifiée de la manière suivante :

== ×

= pp nEp FCp

IS 1

avec n le nombre de substances p.

Comme le représente la chaîne de causalité décrite au paragraphe 3.2, il est possible de décomposer les étapes menant des émissions aux impacts et d’en déterminer les paramètres clés. De tels potentiels peuvent être calculés pour chaque substance en évaluant le devenir et le transport des polluants dans les différents milieux pour estimer les consommations par inhalation, ingestion et contact cutané, soit à partir de méthodes empiriques, soit à partir de modèles, par exemple le modèle CalTOX (McKone and Hertwich, 2001 ; Bare et al., 2003 ; Toffel and Marshall, 2004) ou le modèle USES-LCA (Huijbregts et al., 2000).

4.2.3.3.2 Facteur de caractérisation de la toxicité humaine

Plusieurs méthodes cherchent à développer un tel facteur (FCp), dénommé potentiel de toxicité humaine (HTP) dans les travaux sur les potentiels d’équivalence toxique (Huijbregts et al., 2000), ou facteur de caractérisation de la toxicité humaine (Huijbregts et al., 2005 ; Goedkoop et al., 2009 ; van Zelm et al., 2009).

Les facteurs sont calculés à partir de modèles, dont certains sont utilisables en dehors des ACV (par exemple le modèle d’évaluation des risques CalTOX utilisé dans la méthode TRACI). En revanche, d’autres modèles ont spécialement été adaptés pour les ACV, par exemple le modèle USES-LCA utilisé par la méthode développée à l’Université de Leyde (CML). Les relations entre une méthode et les modèles qu’elle utilise sont parfois difficiles à identifier. Des variations, parfois importantes, sont trouvées entre les résultats des différentes méthodes. Afin de pallier ce problème et la difficulté liée à la diversité de modèles disponibles, un groupe de travail a été formé dans le cadre de l’initiative groupée du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE ou en anglais UNEP) et de la Société pour la toxicologie et la chimie environnementales (SETAC) sur les cycles de vie, depuis 2003. Il comprend notamment des membres des équipes développant sept des

principaux modèles concernant la toxicité humaine. Leurs objectifs sont de fournir des préconisations sur les pratiques et d’harmoniser autant que possible les modèles traitant de la toxicité sur les hommes et les écosystèmes. En outre, ils développent un modèle consensuel, nommé USEtox, aussi transparent que possible et dont les paramètres correspondent à ceux identifiés comme les plus importants d’après l’étude des modèles existants (Hauschild et al., 2008 ; Commission Européenne, 2010). Selon les méthodes, différents résultats peuvent être distingués quant à la définition des composants du facteur et à sa forme finale.

Trois dimensions sont généralement considérées : le devenir de la substance (« fate »), l’exposition à celle-ci et son effet. La Figure 10, d’après Hauschild et al. (2008), indique le positionnement des différents sous-facteurs composant le facteur de caractérisation dans l’approche harmonisée USEtox.

Figure 10 : Chaîne de causalité observée dans le modèle UseTox, pour l'évaluation des impacts sanitaires du cycle de vie

Dans un premier temps, les facteurs de devenir et d’exposition étaient bien séparés. Dans les approches plus récentes qui modélisent à la fois la dispersion et l’exposition (USEtox, USES-LCA 2.0…), ces deux facteurs sont regroupés. Le terme « dose » (intake) correspond à l’exposition. Il s’agit ainsi réellement d’une dose (quantité) dans le cas de l’ingestion, mais d’une concentration dans le cas de l’inhalation. L’équation suivante exprime ces notions (Huijbregts et al., 2000 ; Guinée , 2001 ; Krewitt et al., 2002 ; Huijbregts et al., 2005 ; Goger, 2006a ; Rosenbaum et al., 2008 ; Goedkoop et al., 2009 ; van Zelm et al., 2009) :

Emissions (compartiment e)

Doses d’exposition (voie r)

Incidence de la pathologie

Devenir des substances

Exposition

Dose-réponse

Fraction exposante (iF pour « intake

fraction))

Facteur d’effet (FE) Concentrations (intégrées

dans le temps) (compartiment j)

e= air, eau ou sol

j= air, eau, sol, poussières, alimentation

si e=j : dispersion intra compartiment ; sinon dispersion inter compartiments

r= ingestion, inhalation ou contact cutané

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avec FCp le facteur de caractérisation de la toxicité humaine pour la substance p ;

iFp la fraction exposante, facteur prenant en compte à la fois le devenir (FDep) et l’exposition (FExpp), soit le changement marginal de la dose (ou concentration) d’exposition à la substance p via une voie d’exposition donnée (en kg.jour-1) à une échelle donnée par unité d’émission ;

FEp le facteur d’effet, intégrant la toxicité propre de la substance p, soit le changement d’effet par unité d’exposition à p ;

FDep qui indique la persistance de la substance dans l’environnement, soit le changement marginal de la concentration ambiante de la substance p dans un compartiment par unité d’émission ;

FExpp le facteur d’exposition, correspond à la quantité de polluant p consommée par l’homme pendant une durée déterminée, par une voie d’exposition donnée, soit le changement marginal de la dose (ou concentration) d’exposition par unité de concentration dans le compartiment j.

La fraction exposante (intake) (iF) prend en compte l’ensemble des compartiments et des voies d’exposition. Elle est définie pour une exposition à l’échelle g (local, régional, national…) via la voie r par le compartiment j à une substance p émise dans le compartiment e (sans dimension). substance p dans le compartiment j (en kg.m-3).

Pour chaque substance, on effectue la somme des facteurs calculés pour chaque voie d’exposition, via chaque compartiment j pour les émissions produites dans chaque compartiment.

Dans un premier temps, on considèrera le cas de l’inhalation de substances émises dans

iFp, correspond alors à la fraction inhalée de la substance p à l’échelle géographique g.

Ce facteur prend donc en compte les phénomènes de dispersion intra et inter compartiments et les propriétés liées à l’exposition (taux de ventilation et taux d’absorption pour l’inhalation).

Or, dans le cas de l’inhalation, la dose est estimée à partir de la concentration ambiante de la substance – concentration multipliée par le volume moyen inhalé et le taux d’absorption de la substance, constants. Ainsi, la variation de la dose est identique à celle de la concentration et cette expression peut être simplifiée de la manière suivante :

p 2009), CalTOX et USEtox (Rosembaum et al., 2008). Les émissions sont additionnées sans tenir compte de leur répartition géographique, ce qui explique que les modèles ne soient pas utilisés aux échelles locales et régionales. Une division peut être faite entre le milieu urbain et le milieu rural, selon le nombre de personnes et la densité moyenne. Les estimations des surfaces urbaines et rurales sont effectuées à partir de ces données. Selon les modèles, les hypothèses et les paramètres pris en compte peuvent être très différents (par exemple certains modèles intègrent la pluviométrie).

Le facteur d’effet (FE) est séparé selon deux composantes (formule ci-dessous). Ce facteur sera détaillé dans le paragraphe suivant (4.2.3.4).

Dose

Dans les approches des impacts intermédiaires, ces facteurs de devenir, d’exposition et d’effet peuvent être divisés par ceux d’une substance de référence afin d’exprimer ce potentiel sous la forme d’équivalent de cette substance (Krewitt et al., 2002), cf paragraphe 4.3.2.

!

Partie!spécifique!à!la!

maladie! Partie!spécifique!à!la!

substance!

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Un facteur de gravité (FG) peut également être ajouté. Il permet d’exprimer le score en une unité permettant d’agréger différents effets sur la santé dans les approches des impacts finaux. Cette unité peut correspondre à des années de vies ajustées sur les incapacités (AVAI, ou DALY en anglais), qui seront développé dans la partie sur les méthodes d’agrégation (§ 4.2.3). Dans la méthodologie EPS et dans le projet ExternE, la gravité est prise en compte via des consentements à payer. Ces aspects économiques sont traités au paragraphe 4.3.4.

Les facteurs d’effet (FE) et de gravité (FG) peuvent être regroupés (facteur d’effet et de gravité, FEG) : raisons est l’impossibilité, du moins en l’état des connaissances, d’estimer directement les impacts finaux, c'est-à-dire sans passer par des étapes intermédiaires (même quand elles ne sont pas explicites, comme c’est le cas pour les méthodes ne donnant des résultats que pour les impacts finaux). Les différences sont surtout marquées sur l’expression du résultat (en kg équivalent d’une substance ou en AVAI) et dans la caractérisation du facteur d’effet. Le premier aspect sera abordé dans le paragraphe 4.3 sur les méthodes d’agrégation des impacts sanitaires. Le paragraphe suivant s’attache aux différentes définitions du facteur d’effet.

Les différentes méthodes développées proposent des facteurs de caractérisation pour de nombreuses substances. Ces facteurs peuvent être directement appliqués par les utilisateurs, par exemple des bureaux d’études spécialisés dans la réalisation d’ACV. Certaines espèces chimiques disposent de plusieurs facteurs, calculés par différentes méthodes. Au contraire, aucun facteur n’est proposé pour d’autres polluants. Il s’agit d’une des principales limites soulignées. Des travaux sont engagés pour y remédier.

Le facteur de caractérisation de la toxicité humaine ne sera pas le même pour les impacts intermédiaires et finaux, puisqu’on ne s’intéresse pas au même niveau d’impact. Les impacts intermédiaires sont en effet exprimés en équivalents de substances, alors que les impacts finaux doivent être plus explicites, par exemple en diminution d’espérance de vie. Certaines méthodes ont été développées pour répondre à ces deux types de besoin, même si le facteur d’effet ne sera pas exprimé en entier dans l’approche des impacts intermédiaires.

! Facteur!de!gravité!

Il est recommandé de prendre en compte deux dimensions : la potentialité de l’effet (vraisemblance) et sa gravité (Crettaz et al., 2002 ; Pennington et al., 2002 ; McKone et al., 2006). D’une manière assez générale, la prise en compte de la gravité est essentielle à la pondération des effets, puisque ne pas la prendre en compte reviendrait à affecter le même poids à tous les effets, ce qui est loin d’être satisfaisant. Cela se traduit dans les travaux d’analyse des impacts du cycle de vie par l’introduction d’un facteur de gravité, caractérisant les conséquences des émissions dans la population exposée. Le facteur d’effet, abordé au paragraphe suivant, reflète alors plutôt la potentialité de l’effet, même si ces deux facteurs sont de plus en plus souvent couplés. Le facteur de gravité sera abordé plus tard, dans l’étude des méthodes d’agrégation des impacts (paragraphe 4.3.3.3.).

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