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Evaluation des risques sanitaires (ERS)

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4. Évaluation des impacts sanitaires de la pollution de l’air

4.2. Méthodes d’évaluation des impacts sanitaires

4.2.1. Evaluation des risques sanitaires (ERS)

L’Evaluation des risques sanitaires a été définie par le Conseil national de recherche états-unien (National Research Council) en 1983 comme l'utilisation de faits scientifiques pour définir les effets sur la santé d'une exposition d'individus ou de populations à des matériaux ou à des situations dangereuses. Il s’agit d’une démarche standardisée qui peut être adaptée pour répondre à des problématiques plus précises.

Évaluation des impacts sanitaires de la pollution de l’air

4.2.1.1. Objectifs et destinataires

L’évaluation des risques sanitaires est utilisée pour apporter des informations dans de nombreuses situations et constitue un outil d’aide à la décision. Par exemple, elle permet de sensibiliser des non-spécialistes à un problème, de définir une stratégie d’action ou encore d’étudier la pertinence d’une action de prévention, du lancement de mesures complémentaires (études ou actions de surveillance épidémiologique, de dépistage…). On parle d’évaluation quantitative des risques sanitaires (EQRS) quand la disponibilité des données rend possible la quantification des risques. Elle peut alors servir de support scientifique pour fixer des objectifs de décontamination ou encore des valeurs guide de qualité des milieux (InVS/AFSSET, 2007).

La méthodologie définie aux Etats-Unis a été retranscrite par l’InVS, notamment dans le guide de janvier 2000 sur l’analyse du volet santé des études d’impact (InVS, 2000), et par l’Ineris (Ineris, 2003). Des travaux sont menés de manière continue pour améliorer cette méthode, en prenant en compte les difficultés rencontrées lors de son application et les objections sur sa méthodologie, notamment quant aux hypothèses sous-jacentes (National Research Council, 2009).

En France, cette méthode constitue la référence pour les procédures règlementaires, notamment les études d’impact des demandes d’autorisation d’installations classées pour l’environnement (ICPE) (volet sanitaire) et, depuis la loi sur l’air et l’utilisation rationnelle de l’énergie (LAURE) du 30 décembre 1996, celles des infrastructures routières d’une certaine importance (volet « air et santé »).

Compte tenu de la diversité de ses applications, il est nécessaire de bien définir la finalité de l’étude afin de s’assurer qu’on répond bien à la question posée (acceptation d’un risque, faisabilité d’une étude épidémiologique, dimensionnement d’une activité…) (InVS/AFSSET, 2007).

4.2.1.2. Périmètre

L’ERS est une démarche prédictive, qui s’applique dans un périmètre bien défini. Il peut s’agir d’étudier les risques sanitaires liés aux différentes substances émises par une infrastructure (installation classée, site pollué…) ou ceux liés à l’émission d’une substance en particulier, par exemple les dioxines pour les incinérateurs d’ordures ménagères dans le passé.

Les expositions sont estimées à partir des émissions des substances. Que leur source soit ponctuelle ou linéique, les expositions décroissent avec la distance, par dilution. Il faudra donc étudier particulièrement les expositions à proximité de ces sources, où les risques liés seront maximaux. Deux situations peuvent alors se présenter selon le niveau de fond de chaque polluant : la création d’un risque local pour les substances relativement rares et une augmentation du risque à proximité des émissions (surexposition par rapport à la population générale) pour les substances plus fréquemment présentes dans l’environnement. L’ERS permettra d’estimer le risque encouru à proximité de ces émissions supplémentaires, dans le

cas où l’exposition est mesurée ou modélisée.

4.2.1.3. Principes et étapes de la méthode

Pour mener à bien une telle évaluation, trois dimensions sont à prendre en compte : les dangers présents, l’exposition des populations et enfin le risque, qui résulte de ces deux paramètres.

Les ERS sont menées, par convention, selon quatre étapes, présentées Figure 7 :

! b) Estimation de

la relation!dose -

réponse d) Caractérisation

du risque a) identification

des!dangers

c) Estimation de l’exposition

Figure 7: Etapes des évaluations quantitatives des risques sanitaires (EQRS)

Dans le domaine de la santé-environnement, un danger peut être défini comme un effet nocif sur la santé. Ainsi, l’identification des dangers correspond, en pratique, à établir la liste des substances rejetées, dans notre situation dans l’air, et les informations sur leurs effets sanitaires potentiels. Les polluants pourront éventuellement être sélectionnés, par exemple selon les quantités rejetées, les effets…

Une fois les substances dangereuses identifiées, l’étape suivante consiste à estimer la relation dose-réponse. Cette relation permet de faire le lien entre la dose d’exposition à une substance et l’apparition d’un effet sur la santé dans la population. Concrètement, il s’agit de sélectionner les valeurs toxicologiques de référence (VTR) appropriées (niveau et durée d’exposition, effet à seuil ou sans seuil). Plus d’informations sont disponibles sur les relations dose-réponse et les différents types de VTR au paragraphe 3.3.3.4. Les critères permettant de choisir quelles valeurs retenir sont notamment la notoriété de l’organisme qui les a élaborées (US EPA, OMS…), l’origine des données à la base de sa construction (animal ou homme), les facteurs d’incertitudes utilisés lors de sa construction ou encore la cohérence de la voie d’exposition ou de la durée de l’expérimentation par rapport à ce qu’on étudie.

En parallèle à ces étapes, il faut également estimer l’exposition des populations à chaque substance considérée. Il s’agit alors de déterminer la quantité de substance dangereuse identifiée arrivant au contact de ces personnes, pour chaque voie d’exposition. D’une part, les populations exposées doivent être clairement identifiées et localisées. D’autre part, il faut évaluer ces doses. Dans certaines situations, il est possible de les mesurer directement au plus près des personnes. Le plus souvent cependant, les doses d’exposition sont calculées à partir des niveaux de pollution modélisés pour chaque milieu (air, sol, eau…) et de scénarios d’exposition, élaborés si possible en prenant en compte les habitudes locales. Ces deux données permettent d’estimer le temps de contact, à partir de la fréquence, de la durée et l’intensité (dose) de l’exposition.

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Une fois les dangers et les expositions estimés, le risque peut enfin être caractérisé. En santé-environnement, le risque est la probabilité de survenue du danger (c’est-à-dire de l’effet toxique). Le calcul ne peut avoir lieu que pour les substances possédant une VTR et pour lesquelles l’exposition a pu être estimée (InVS/AFSSET, 2007). Les résultats sont expliqués de manière plus approfondie dans la partie suivante.

4.2.1.4. Indicateurs de risque

A l’issue de l’ERS, trois indicateurs de risques peuvent être obtenus : le quotient de danger (QD) pour les effets à seuil, l’excès de risque individuel (ERI) et l’excès de risque individuel cumulé pour les effets sans seuil. D’autres indicateurs peuvent être construits à partir de ceux-ci, afin de rendre les résultats plus compréhensibles à des personnes non habituées aux probabilités. Il s’agit du pourcentage de la population pour lequel l’indicateur de risque dépasse des seuils donnés (généralement 1 pour le QD et 10-5 pour l’ERI, à savoir une personne sur 100 000) et, uniquement pour les effets sans seuil, du nombre de cas en excès attendus dans la population exposée aux polluants incriminés. Toutes ces valeurs ne sont qu’indicatives pour la situation concernée, elles ne correspondent en aucun cas à des seuils de décision réglementaires (InVS/AFSSET, 2007).0

Le quotient de danger (QD) constitue l’indicateur de risque pour les substances à seuil. Il correspond au taux de dépassement de seuil, soit le rapport de la dose d’exposition (D) sur la valeur du seuil de l’effet considéré, c'est-à-dire la VTR. Toutes deux ont la même dimension.

VTR QD= D

Si on s’intéresse à l’inhalation, D correspond à la concentration moyenne inhalée (CI) en mg/m3 (ou µg/m3). La VTR peut par exemple être une concentration de référence (RfC) établie par l’US EPA.

Le quotient de danger correspond donc à un facteur multiplicatif entre la dose et la VTR.

Ainsi, un QD de 2 signifie que la dose d’exposition est deux fois plus élevée que la VTR. Il n’indique en aucun cas une probabilité (c’est à dire que pour un QD de 2, l’effet nocif n’aurait pas deux fois plus de risques de se produire que pour un taux de 1). Ainsi, les quotients indiquent l’apparition potentielle des effets : inférieur à 1, la manifestation de l’effet est a priori exclue aux incertitudes près. En revanche, il est impossible d’exclure l’apparition d’un effet pour un QD supérieur à 1 (ce qui ne signifie pas qu’il sera obligatoirement observé). Cet aspect non probabiliste ne permet pas le calcul d’un excès de cas. Par contre, il sera possible de déterminer la part de la population pour laquelle ce rapport dépasserait 1 (et serait alors susceptible de développer la pathologie). (InVS/AFSSET, 2007)

Pour les substances sans seuil, on calcule un excès de risque individuel (ERI), qui correspond à l’augmentation de la probabilité de développer des effets sanitaires suite à son exposition au facteur de risque. Il est calculé à partir de l’excès de risque unitaire (ERU, défini par unité de dose), de la dose d’exposition (D) exprimée en concentration et de la durée

d’exposition (Te) en années. Pour rappel (paragraphe 3.3.3.4), l’ERU est une VTR sans seuil et possède la dimension de l’inverse d’une dose, pour une exposition vie entière à une dose journalière constante. Tvie est la durée d’exposition pour laquelle la VTR a été définie (en général 70 ans).

vie e

T D T ERU

ERI = × ×

Par exemple, pour une exposition D = 21 µg/m3 à du formaldéhyde, avec ERU = 2,6.10-4 (µg/m3)-1, pendant 65 ans : 4 5,1.10 3

70 21 65 10 . 6 ,

2 × × =

ERI = . Un risque de

10-3 est supérieur à 10-5, qui est généralement pris comme limite. Il s’agit donc d’un risque non négligeable.

Ce calcul souligne l’hypothèse d’augmentation proportionnelle du risque cancérogène avec la dose reçue dans les faibles doses (hypothèse de linéarité). L’ERU représente la relation dose-réponse dans le domaine des faibles à très faibles doses et donc des faibles risques. L’US EPA a ainsi posé qu’il était valide d’utiliser les ERU pour un niveau de risque (ERI) inférieur à 10-2 (Ineris, 2003 ; InVS/AFSSET, 2007). La notion de risque acceptable est assez discutée. Au-dessus d’une valeur de l’ERI de 10-5 à 10-6, on considère que le risque ne peut pas être négligé. Ces limites ne sont cependant pas fixes, notamment dans le cas où la population exposée est très importante, comme l’illustrera l’exemple ci-dessous.

Il est aussi possible de représenter l’impact sanitaire sous la forme du nombre potentiel de cas de la pathologie étudiée (NA) liée à l’exposition étudiée susceptible de survenir dans une population (N individus) sur une période donnée.

NA = ERI x N.

En reprenant l’exemple précédant, dans une population A de 1000 personnes et dans une population B de 100 000 personnes, on attend pour toute la période d’exposition NAA=0,26 cas et NAB=26 cas. Dans la première situation, l’excès de risque, pourtant non négligeable, est à l’origine d’un impact sanitaire très faible, puisque peu de personnes sont exposées. Dans le second cas, 26 cancers pourraient se produire du fait de cette exposition, car la population exposée est importante. Ils ne peuvent pas être négligés.

NA correspond donc au nombre de cas potentiels de cancers en excès. Ces cas peuvent être évités si la causalité avec l’émission peut être clairement établie et l’exposition supprimée. Le délai entre l’exposition et le développement d’un cancer fait que, compte tenu des autres causes de mortalité, une fraction de ces cancers ne se développera pas.

Ces résultats sont à interpréter au cas par cas. Il est essentiel de bien les définir, notamment dans leur nature potentielle : c’est le nombre de cas en excès estimé sans tenir compte des autres sources de mortalité et de morbidité.

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L’excès de risque individuel cumulé constitue quant à lui l’excès de risque d’une pathologie particulière, toutes causes connues et voies d’exposition confondues (addition des probabilités de survenue de cancer de même nature reliées à une exposition à différents polluants) (InVS/AFSSET, 2007).

4.2.1.5. Pertinence, validité et limites d’application

La pertinence de mener une ERS augmente avec l’importance des impacts potentiels. De plus, dans ces situations, la demande sociale devient de plus en plus forte. Il est ainsi important de pouvoir traduire la présence potentielle (ou l’absence) de risque sanitaire d’une manière compréhensible par tous et qui réponde aux préoccupations de la population.

L’application de cette méthode est plus rapide et moins coûteuse que celle d’études épidémiologiques. Elle permet surtout de s’intéresser à des niveaux de risque très faibles, impossibles à mesurer par une étude épidémiologique locale. Il peut même s’agir d’une première réponse afin d’orienter les décisions sur la poursuite du projet. En effet, elles ont pour avantage, contrairement aux études épidémiologiques, de pouvoir être menées en amont de la réalisation du projet et ainsi de pouvoir orienter le projet pour limiter autant que possible l’apparition de ces problèmes. Dans tous les cas, le risque pour la santé doit rester en dessous d’un niveau qualifié d’acceptable.

La quantification n’est possible que lorsque les données toxicologiques et d’émission sont disponibles. Il s’agit d’une limite pratique, qui peut s’avérer problématique dans certaines situations (par exemple si les données d’émission ne sont pas connues pour une substance très toxique).

Comme dans toute évaluation, les sources d’incertitudes doivent être identifiées à chaque étape et les incertitudes quantifiées. Chaque résultat doit ainsi être exprimé avec un intervalle de confiance. Seule cette connaissance permet d’estimer la fiabilité et la robustesse des résultats.

A l’étape d’identification des dangers, l’incertitude peut naître du manque d’information et des controverses scientifiques sur le sujet.

La seconde étape, l’estimation de l’exposition, comporte de nombreuses incertitudes, provenant de chaque élément de son calcul. Par exemple, si l’exposition est estimée à partir des concentrations, l’incertitude est due à l’erreur sur la mesure et à la variabilité des concentrations dans le temps et dans l’espace. Ce type d’incertitude est généralement quantifiable et alors pris en compte.

Les incertitudes autour de la troisième étape, estimation de la relation dose-réponse, sont les plus difficiles à prendre en compte. En effet, plusieurs hypothèses que l’on ne peut pas vérifier (inférences) sont sous-jacentes à cette étape. Il s’agit notamment de l’extrapolation des données aux faibles doses et de la transposition des résultats animaux à l’homme. Les incertitudes en résultant ne peuvent pas être quantifiées en

l’état actuel des connaissances. Ainsi, on accepte généralement ces hypothèses. De plus, d’autres incertitudes reposent sur les VTR, par exemple le fait de les déterminer pour l’effet critique, ce qui est protecteur.

L’incertitude sur la dernière étape, caractérisation du risque, résulte de l’ensemble des précédentes. La qualité des données et la transparence des hypothèses sont alors très importantes pour interpréter le résultat et sa fiabilité (INVS/AFSSET, 2007).

Conclusion intermédiaire :

Méthode de base pour évaluer les risques sanitaires.

Les données d’entrée sont les émissions (FE) et les VTR :

! Dispersion

Exposition Impacts sur la santé!

Population Concentrations!

Emissions!

Selon le sujet de l’ERS, les concentrations peuvent être estimées ou mesurées

Evaluation de la pollution à proximité de la source pour une activité ou une infrastructure ou évaluation pour un polluant émis par plusieurs sources.

Non applicable directement à la pollution de fond

Utilisation possible de la liste de polluants sélectionnés, à remettre à jour.

4.2.2. Évaluation des impacts sanitaires (EIS) de la pollution

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