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Le poids de l’héritage communal et intercommunal dans la formation du patrimoine immobilier des SDIS

Titre liminaire : Le statut juridique des SDIS tels qu’issus de la Loi n° 96-369 du 3 mai

Section 1 Le poids de l’héritage communal et intercommunal dans la formation du patrimoine immobilier des SDIS

Nous l’avons vu dans la partie liminaire, l’histoire des sapeurs-pompiers est intimement liée à celle des communes et aux pouvoirs de police municipale qui leur sont attachés. Les Maires utilisant, en vertu de ceux-ci, les soldats du feu, afin de maintenir l’ordre public notamment dans ses composantes sécuritaires et salubritaires sur le territoire de la commune. Cette relation quasi filiale entre édiles municipaux et hommes du feu a traversé les siècles, et même si aujourd’hui, pour partie, les sapeurs-pompiers se sont émancipés en matière de gestion, de l’autorité du Maire, celui-ci conserve encore quelques liens avec ses anciens collaborateurs. Le poids de l’héritage communal dans la formation du patrimoine immobilier des SDIS n’est donc pas négligeable car les bâtiments servant aux sapeurs-pompiers avant les opérations de transfert étaient communaux ou intercommunaux. Il est cependant rapidement apparu que cette « dot » serait insuffisante pour faire fonctionner les nouveaux établissements publics, car les biens immobiliers apportés étaient des plus disparates.

En effet, les biens immobiliers hérités des communes et des EPCI à compétence incendie ont formé le socle du patrimoine des SDIS nouvellement créés. Les casernements reçus des EPCI étaient généralement importants car ceux-ci concernaient des corps de sapeurs-pompiers importants de type urbain et professionnalisés. A l’inverse, les casernes communales étaient de natures très différentes selon la richesse de la commune et l’intérêt que les premiers magistrats municipaux portaient à leurs pompiers.

A titre d’exemple, le département du Puy-de-Dôme comptait en 1996 : 61 cantons, 41 communautés de communes, une communauté d’agglomération (Clermont-Ferrand) et 470 communes. Avant la mise en œuvre de la loi du 3 mai 1996, il existait sur le territoire de ce département, plus de 300 corps communaux ou intercommunaux des plus hétéroclites. Lors des différentes phases d’intégration des corps de sapeurs-pompiers, le SDIS a récupéré des locaux fonctionnels de plusieurs milliers de mètres carrés comme le centre de secours principal (CSP) de Clermont-Ferrand mais aussi parfois de simples « granges » non isolées servant de remise, ou encore d’anciens préaux d’école transformés en caserne de pompier par l’adjonction d’une simple porte !

Cette situation a été aggravée par un effet indirect et non désiré de la loi de 1996 dite de « départementalisation » : celle-ci a provoqué une réaction attentiste chez certains élus locaux chargés de la compétence incendie. Ceux-ci ont déplacé, volontairement ou involontairement, les investissements bâtimentaires sur la tête du futur établissement public en ne faisant pas réaliser les travaux nécessaires à la conservation des bâtiments dans les années qui ont précédé les opérations de transfert. Cet attentisme a aggravé la situation de certains biens en les privant de l’entretien nécessaire à leur bon fonctionnement pendant de longs mois. La conséquence en a été une augmentation des coûts de rénovation pour les nouveaux SDIS.

Section 2 : L’incidence de la « départementalisation » sur la formation du

patrimoine immobilier des SDIS

Les nouvelles personnes publiques spécialisées appelées SDIS se sont donc trouvées, au lendemain de leur création, titulaires d’un ensemble de biens immobiliers hétéroclites. La gestion imposée à l’échelon départemental par la loi de 1996 et l’obligation de réaliser un audit des risques sur ce territoire (SDACR) a amené les cadres en charge des SDIS à se poser la question de la pertinence du maillage territorial en matière immobilière. Les casernements reçus étaient-ils judicieusement répartis sur le territoire du département afin d’assurer une couverture des risques satisfaisante ? Après étude147, il s’est avéré que certains biens immobiliers, qui dans une logique communale avaient une réalité, n’étaient plus nécessaires pour réaliser cet objectif, car inadaptés pour certains ou surabondants pour d’autres. A l’inverse, dans d’autres cas, il est apparu essentiel de créer de nouvelles entités soit par regroupement d’unités existantes soit en construisant de nouveaux locaux fonctionnels. Les personnes chargées de l’administration des nouveaux SDIS ont ainsi eu conscience assez rapidement de la nécessité de se doter d’une politique patrimoniale performante et cohérente 148 . Mais en pratique, de profondes distorsions vont apparaître entre les départements. Le poids de l’histoire, très présent dans le monde des sapeurs-pompiers, et une certaine « pression » politique liée à une assimilation de la fermeture des CIS à un recul du service public notamment en milieu rural vont faire que l’impact de la rationalisation attendue suite à la loi de 1996 sera plus faible que prévue dans certaines régions. Ainsi, en fonction de l’économie des départements, les disparités sont grandes en matière de couverture territoriale. A titre d’exemple, le SDIS du Bas-Rhin dispose aujourd’hui d’environ 6 600 sapeurs pompiers répartis dans 391 CIS. Ce département, classé en première catégorie149, d’une superficie de 4755 km², défend une population d’un million deux cent mille personnes. A titre

147 Art. L. 1424-12 alinéa 3 du CGCT : « Un plan d’équipement est arrêté par le conseil d’administration en

fonction des objectifs de couverture des risques fixés par le schéma départemental mentionné à l’article L 1424- 7 ». Ce plan concerne tut autant les biens mobiliers que les biens immobiliers des SDIS.

148 Sapeurs pompiers de France, n° 1042, février 2012 ; interview de Monsieur Robert CABE, Président du

CASDIS des Landes sur le plan de modernisation du parc immobilier du SDIS 40.

149 Arrêté du 26 décembre 2013 portant classement des services départementaux d'incendie et de secours, JORF

de comparaison, le SDIS de l’Hérault a dans ses effectifs un peu moins de 4000 sapeurs- pompiers affectés dans 39 centres de secours, or ce département de première catégorie lui aussi est d’une superficie légèrement supérieure au Bas-Rhin (6101 km²) pour une population défendue presque équivalente (1 019 798 habitants). En conclure que la population héraultaise est moins bien secourue que celle du Bas-Rhin parce que le nombre de casernes est dix fois moins important est un raisonnement intellectuel qui ne semble pas valide. Par contre, force est de constater que l’impact budgétaire ne sera pas le même pour les deux SDIS, le coût de l’entretien et de la rénovation du parc immobilier dans le Bas-Rhin impactera plus fortement le budget de l’établissement que dans l’Hérault.

La Loi de 1996 sur les SIS a donc eu un impact différent sur les patrimoines immobiliers des SDIS en fonction des départements. Les SDACR n’ayant pas pour vocation d’harmoniser de manière nationale le maillage territorial des CIS pour la bonne raison qu’il n’a jamais été défini, par exemple, une zone de couverture d’un CIS en fonction de son classement : un CSP défendant tant de km² ou un CS couvrant un rayon évalué à tant de minutes définissant ainsi un secteur géographique, à l’instar de ce qui peut se faire dans des pays du nord de l’Europe ou aux Etats-Unis150.

Le patrimoine immobilier des SDIS s’est donc constitué au fil des intégrations de CIS dans le laps de temps octroyé par la loi de 1996 (cinq ans à compter de la promulgation du texte151), voire au delà pour certain retardataires.

A côté de cette dévolution patrimoniale originale et hétérogène, la formation du patrimoine immobilier des SDIS s’est constituée et continue à évoluer selon les procédures de droit commun. Comme pour les biens des personnes privées, l’entrée des biens fonciers et des droits qui leur sont attachés, dans le patrimoine des SDIS, peut provenir d’acquisitions amiables à titre onéreux (ventes, échanges …etc.), ou d’acquisition à titre gratuit (legs successoraux, donations …etc.).

150 V. en ce sens la série d’articles passionnants publiés par le Colonel (e.r.) J.F. SCHMAUCH sur l’Analyse

scientifique du risque dans la revue « Sapeurs-pompiers de France » n° 1051, 1052 et 1053 et notamment sur l’écriture des équations f(R, M, D, T) permettant de définir des délais d’intervention et des moyens opérationnels de base en fonction de l’urbanisation ou non d’une zone et de la présence de risques industriels.

Nous venons de voir dans un premier chapitre l’origine du patrimoine immobilier des SDIS. Voyons maintenant qu’elle est la nature des biens qui le compose (Chapitre 2).

Chapitre 2 : Nature et typologie des biens composant le