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LA VALORISATION DU PATRIMOINE IMMOBILIER DES SDIS

Paragraphe 1 Définition des montages contractuels complexes

Que sont donc ces « montages contractuels complexes » que l’on appelle parfois « contrats globaux » et pourquoi ont-ils un tel succès ces dernières années auprès des collectivités publiques ?

Avant la première vague de décentralisation qui a débuté au début des années 80, les personnes publiques, par absence de liberté contractuelle, appliquaient des contrats types sans grande originalité. Pour réaliser les équipements publics dont elle avait besoin, l’administration concluait en principe des marchés de travaux selon les prescriptions du Code des marchés publics334 et de certains autres textes qui lui étaient liés. Les transferts de compétences réalisés dans ces années de mutations ont profondément bouleversé la donne, mettant les personnes publiques face à de nouvelles contraintes qui sont venues se superposer à d’anciennes problématiques. Ainsi, les contrats utilisés traditionnellement par le droit public se sont avérés au fils du temps inadaptés à la mise en œuvre des nouveaux projets nécessaires aux besoins de ces personnes. De même, le droit public et certaines de ses règles (domanialité, marchés publics …etc.) sont apparus trop rigides et ont poussé les juristes vers des droits plus « souple » d’usage, droits qu’ils ont empruntés pour l’essentiel au droit privé. Aux côtés de ces problématiques « anciennes », se sont développés des besoins plus nouveaux liés au contexte économique ambiant, comme la recherche de nouvelles sources de financement et son corollaire financier de la mise en place de sûretés. Parallèlement, la liberté contractuelle de ces personnes s’est accrue335 et les modèles de contrats-types ont disparu pour laisser place à de nouvelles formes de contrats issus de la négociation et de l’imagination des personnes chargées de ces questions. Les techniques issues de la pratique du droit privé ont été transposées en droit public, comme par exemple celles du Crédit Bail ou de la Vente en l’état futur d’achèvement (VEFA). L’avantage était double pour les personnes publiques : le transfert de la maîtrise d’ouvrage sur un tiers devenait possible ainsi que le financement de l’opération. Il a ainsi été mis en œuvre « toute une série de mesures destinées à permettre aux

personnes publiques de conclure avec d’autres personnes des contrats globaux leur confiant,

334 MENEMENIS et JOUGUELET, Code des marchés publics et autres contrats, commenté.

335 V. THIBAULT FLEURY, « La liberté contractuelle des personnes publiques, questions critiques à l’aune de

moyennant rémunération, une mission étendue, portant sur le financement, la conception, la construction et la gestion d’équipements ainsi que sur des prestations de services »336.

Le droit public traditionnel s’en est trouvé profondément bouleversé car il s’est agit pour les personnes publiques d’abandonner les vieilles méthodes pour devenir de véritables acteurs économiques en utilisant des processus du droit privé. Ainsi a-t-on assisté au développement d’un véritable droit public des affaires.

A. Définition

Définissons337 dans un premier temps chaque terme puis appliquons cette définition au contexte des personnes publiques :

o Montages : la définition généraliste les définit comme un : « Assemblage

d’éléments afin d’obtenir un résultat particulier » ; si on l’applique au contexte, il s’agit en ce cas d’ « une construction intellectuelle destinée à

réaliser une opération d’investissement par des moyens juridiques légaux ».

o Contractuels : signifie « Stipulé par contrat ». Appliqué au contexte, il s’agit de contrats de droit public et d’une multitude de contrats de droit privé attachés. La négociation devient dominante dans les relations contractuelles et les personnes publiques utilisent des méthodes de droit privé.

o Un montage contractuel est alors « un assemblage de contrats nommés ou

innomés destiné à atteindre un objectif commun ou un contrat innomé caractérisé par la construction intellectuelle originale ou innovante qu’il comporte » selon la définition338 de Monsieur Nil SYMCHOWICZ.

o Complexes : la complexité peut être définie comme suit : « Qui contient, qui

réunit, plusieurs éléments différents » ; appliqué au contexte, on se retrouve en présence d’une multitude de relations contractuelles. Le financier devient prédominant, d’où le rôle important des banquiers, des juristes et des

336 P. DELVOLVE, « les contrats globaux », RFDA 2004, p. 1079. 337 Le Nouveau Petit Robert.

338 N. SYMCHOWICZ et P. PROOT, "Partenariats public-privé et montages contractuels complexes analyse et

comptables. Complexité n’est donc pas en ce cas synonyme de compliqué et donc un contrat complexe n’est pas forcément un montage compliqué pour qui a une certaine habitude de son maniement. De même, la complexité ici entendue n’est pas celle requise par la jurisprudence dans le cadre d’un contrat de partenariat concernant le projet source du contrat339.

B. Application

Toutefois, cette liberté contractuelle accordée aux collectivités publiques n’est pas absolue, elle est limitée et encadrée. Car s’il est communément admis que les personnes publiques peuvent recourir librement aux montages contractuels complexes340, il se pose le problème des limites : jusqu’où peut-on aller ? Comment doit-on encadrer ces contrats ? Les « vieux » principes du droit public que sont la protection des deniers publics, la protection de la domanialité publique ou les règles de la commande publique suffisent encore t-ils à assumer ce rôle de gardien ?

Le Conseil constitutionnel, dans une décision du 26 juin 2003341, s’est posé la question de la légalité de ces montages et de leurs limites, notamment à la faveur d’un article342, inséré dans un projet de loi autorisant le gouvernement à simplifier le droit et qui autorisait celui-ci (le gouvernement) à imaginer toutes formes contractuelles nouvelles. Les sages de la rue Montpensier ont affirmé dans la solution publiée que la liberté contractuelle existait bien pour les personnes publiques, et par là même, ont admis les contrats globaux343. Mais ils ont aussi

339 CAA Bordeaux, 26 juillet 2012, req. n° 10BX02109 « Cité du Surf et de l’océan », note P. Le Bouedec,

Contrat public, n° 125, octobre 2012.

340 Art. 295 du Traité de Rome « ne préjuge en rien du régime de la propriété dans les Etats membres » ; indiffé-

rence du traité à la nature privé ou publique des entreprises.

341 C. constit., n° 2003-473 DC du 26 juin 2003.

342

Art. 6 de la Loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit autorisant le Gouvernement à modifier la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'œuvre privée, en instituant de nouvelles formes de contrats portant sur « la conception, la réalisation, la transformation, l'exploitation et le financement d'équipements publics, ou la gestion et le financement de services, ou une combinaison de ces différentes missions ».

343 «

posé de fortes barrières en affirmant que toutes les lois autorisant les montages contractuels complexes sont des exceptions au droit commun, notamment au regard des « vieux » principes du droit public. Les sages du Conseil n’admettent ces dérogations que si elles répondent « à des motifs d’intérêt général tels que l’urgence qui s'attache, en raison de

circonstances particulières ou locales, à rattraper un retard préjudiciable, ou bien la nécessité de tenir compte des caractéristiques techniques, fonctionnelles ou économiques d'un équipement ou d'un service déterminé ».

La doctrine, intéressée par la question, a principalement dégagé de la pratique contractuelle deux catégories de montages contractuels complexes : ceux qui mêlent plusieurs objets dans un contrat et ceux qui mêlent plusieurs actes à plusieurs objets.

Le premier type de contrat fait coexister au sein d’un même acte contractuel plusieurs objets, il est par la même un des critères pouvant permettre de définir la complexité de ces montages. Car, quand bien même une personne publique pourrait traiter des objectifs différents par la conclusion de contrats différents, certaines souhaitent regrouper ceux-ci au sein d’un même acte pour diverses raisons. Cette indivisibilité entre les objets permet de traiter les contrats à plusieurs objets comme un seul et unique contrat344.

Dans le second type de contrat, le choix qui est effectué par la personne publique, est celui de recourir à différentes formules contractuelles, afin d’appréhender les objectifs qu’elle se fixe. Dans ce cas, les actes forment un tout indivisible et un ensemble contractuel offrant des solutions de gestion globale.

confier à des personnes distinctes la conception, la réalisation, la transformation, l'exploitation et le financement d'équipements publics, ou la gestion et le financement de services ; qu'aucun principe ou règle de valeur constitutionnelle n'interdit non plus qu'en cas d'allotissement, les offres portant simultanément sur plusieurs lots fassent l'objet d'un jugement commun en vue de déterminer l'offre la plus satisfaisante du point de vue de son équilibre global ; que le recours au crédit−bail ou à l'option d'achat anticipé pour préfinancer un ouvrage public ne se heurte, dans son principe, à aucun impératif constitutionnel ; »