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LA VALORISATION DU PATRIMOINE IMMOBILIER DES SDIS

Paragraphe 2 : Les constructions nouvelles

B. La construction de l’immeuble

Une fois le terrain acquis, il reste à construire sur celui-ci l’immeuble envisagé par le SDIS. Nous avons vu précédemment que lorsqu’un SDIS souhaite édifier un équipement public, il concluait en principe un marché de travaux sous maîtrise d’ouvrage publique (I). La construction se fait alors en régie, mais celle-ci peut aussi être confiée à un mandataire (II) en vertu d’un contrat de mandat ou faire l’objet de solutions plus ou moins globales qui s’éloignent des modes traditionnels de construction (III).

I. La maîtrise d’ouvrage publique

La maîtrise d’ouvrage publique (MOP) est apparue avec la loi du 12 juillet 1985306 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée. Avant ce texte, il n’y avait rien sur la maîtrise d’ouvrage publique, ni sur comment celle-ci s’exerçait. Cette loi fondatrice a eu quatre apports fondamentaux en la matière :

o elle a défini la maîtrise d’ouvrage publique et son champ d’application ; o elle a fixé les obligations du maître de l’ouvrage ;

o elle a organisé la maîtrise d’ouvrage publique ;

o et enfin, elle a précisé les rapports entre la maîtrise d’ouvrage publique et la maîtrise d’œuvre privée.

305 Deuxième partie, Titre 1, Section 2, Chapitre 2 : « Les principaux montages contractuels utilisables par les

SDIS »

306 L. n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise

a. Définition

L’article 2 alinéa 1 de la loi de juillet 1985 définit au préalable ce qu’est un « maître de l’ouvrage public ». Il s’agit de « […] la personne morale, mentionnée à l'article premier, pour

laquelle l'ouvrage est construit. ». L’article 1er307 du même texte dresse une liste limitative de ces personnes morales. La place des SDIS est ici aussi ambigüe ! Ni établissement public étatique, ni établissement public local, ni groupement de collectivités : la qualité de personne publique spécialisée fait décidemment cruellement défaut. Il semble toutefois que les SDIS rentrent bien dans la catégorie des maîtres de l’ouvrage, la loi MOP leur est donc bien applicable308.

Mais la loi MOP définit de façon vague le maître de l’ouvrage et sa détermination n’est pas sans poser problème notamment lors de l’utilisation de montages contractuels complexes. La doctrine est d’ailleurs divisée sur ce point, à l’exemple de certains auteurs qui ont fait de la « conduite générale de l’opération de construction, c'est-à-dire son financement, la passation

307 « Les dispositions de la présente loi sont applicables à la réalisation de tous ouvrages de bâtiment ou

d'infrastructure ainsi qu'aux équipements industriels destinés à leur exploitation dont les maîtres d'ouvrage sont : 1° L'Etat et ses établissements publics ;

2° Les collectivités territoriales, leurs établissements publics, les établissements publics d'aménagement de ville nouvelle créés en application de l'article L. 321-1 du code de l'urbanisme, leurs groupements ainsi que les syndicats mixtes visés à l'article L. 166-1 du code des communes ;

3° Les organismes privés mentionnés à l'article L. 124-4 du code de la sécurité sociale, ainsi que leurs unions ou fédérations ;

4° Les organismes privés d'habitations à loyer modéré, mentionnés à l'article L. 411-2 du code de la construction et de l'habitation, ainsi que les sociétés d'économie mixte, pour les logements à usage locatifs aidés par l'Etat et réalisés par ces organismes et sociétés. »

308 Question écrite n° 07888 de M. Gérard Bailly (Jura - UMP) - publiée dans le JO Sénat du 12/03/2009 - page

611 : « La compétence en matière de construction ou de réhabilitation des casernes de sapeurs-pompiers appar-

tient au SDIS, en application de l'article L. 1424-12 du code général des collectivités territoriales, qui dispose que « le SDIS construit, acquiert ou loue les biens nécessaires à son fonctionnement »… Cette compétence lui permet soit d'agir directement en qualité de maître d'ouvrage, soit de confier cette opération à un maître d'ou- vrage délégué en application de la loi maîtrise d'ouvrage public (MOP) ».

des marchés, etc.»309le critère déterminant de cette définition. D’autres, à l’instar du Professeur Canedo, ont dressé le constat de « l’incapacité de la doctrine à élaborer un critère

fiable de l’identification du maître de l’ouvrage »310.

Les termes « réalisation de tous ouvrages » au sens de la loi de 1985 recouvrent tous les ouvrages de bâtiments ou d’infrastructures ainsi que les équipements industriels destinés à leur exploitation. Il faut ici entendre par « bâtiment » un espace dans lequel l’homme peut se mouvoir, les « infrastructures » étant par exemple les voiries et réseaux divers (VRD) ou les systèmes de chauffage. Une précision importante est donnée par la circulaire d’application du 4 mars 1986311 : « Elle (la loi de 1985) s'applique non seulement à la réalisation d'ouvrages,

mais aussi à la réhabilitation et à la réutilisation d'ouvrages existants. ».

L’alinéa 2 pose quatre exceptions à la loi MOP. Celle-ci n’est donc pas applicable aux :

- ouvrages de bâtiment ou d'infrastructures destinés à une activité industrielle dont la conception est déterminée par le processus d'exploitation ;

- infrastructures réalisées dans le cadre d’une Zone d’Aménagement Concerté (ZAC) ou d’un lotissement ;

- ouvrages acquis par un OPHLM grâce à un contrat de VEFA ;

- ouvrages édifiés par un OPHLM quand ils sont destinés à s’intégrer à des constructions relevant d’autres régimes juridiques.

b. Les obligations du maître de l’ouvrage

Le principe est fixé par l’article 2-I de la loi : le maître de l’ouvrage est le principal

responsable de l’ouvrage et « il remplit dans ce rôle une fonction d’intérêt général dont il ne

309 E. FATOME, « Réflexions sur les notions de travail effectué pour le compte d’une personne publique et de

maître de l’ouvrage », CJEG 1990, p. 119.

310 M. CANEDO, « Le mandat administratif », LGDJ 2001, p. 419.

311 Circ. n° 86-24 du 4 mars 1986 relative aux conditions d'entrée en vigueur de la n° 85-704 du 12 juillet 1985

peut se démettre ». Il s’agit d’une restriction très importante à la liberté contractuelle et donc à l’utilisation des contrats globaux.

Les conditions de l’exercice de la maîtrise d’ouvrage sont énoncées par l’alinéa 2 du même article 2-I : « Il lui appartient, après s'être assuré de la faisabilité et de l'opportunité de

l'opération envisagée, d'en déterminer la localisation, d'en définir le programme, d'en arrêter l'enveloppe financière prévisionnelle, d'en assurer le financement, de choisir le processus selon lequel l'ouvrage sera réalisé et de conclure, avec les maîtres d'œuvre et entrepreneurs qu'il choisit, les contrats ayant pour objets les études et l'exécution des travaux ».

Ce même article pose un principe général de concurrence. Si la procédure de consultation n’est pas fixée par un texte, il appartient au maître de l’ouvrage de s’assurer d’une mise en concurrence minimale, eu égard à la nature de l’ouvrage.

La définition du programme de l’opération envisagée est certainement l’un des points les

plus importants du dispositif et la première tâche pratique que le maître de l’ouvrage doit accomplir. Le quatrième alinéa de l’article 2-I de la loi du 12 juillet 1985 en donne une définition juridique précise : « le maître de l'ouvrage définit dans le programme les objectifs

de l'opération et les besoins qu'elle doit satisfaire ainsi que les contraintes et exigences de qualité sociale, urbanistique, architecturale, fonctionnelle, technique et économique, d'insertion dans le paysage et de protection de l'environnement, relatives à la réalisation et à l'utilisation de l'ouvrage ».

La loi se soucie donc de l’insertion dans le paysage de l’ouvrage ainsi que de la protection de l’environnement (alinéa 4). Le maître de l’ouvrage devant aussi évaluer dans le programme, tout un ensemble d’exigences et de contraintes relatives à l’ouvrage.

Le programme demandé, qui est une étude, doit porter sur cinq points :

- La présentation de l’opération doit aborder l’historique de celle-ci, sa nature ainsi que le rôle des principaux acteurs,

- Les principaux objectifs qualitatifs et quantitatifs que le maître de l’ouvrage veut atteindre,

- Le fonctionnement futur de l’ouvrage,

- Les contraintes et exigences générales.

Le deuxième point important concerne la définition de l’enveloppe financière. Le maître de l’ouvrage doit « arrêter une enveloppe financière prévisionnelle » et ce avant que les avant- projets ne soit fixés. Le technique et le financier doivent donc s’accorder en amont. L’article 2 susvisé donne obligation au maître de l’ouvrage d’assurer le financement du futur ouvrage. Solution logique au regard du principe de finances publiques qui veut qu’aucune dépense ne peut être effectuée sans prévoir au préalable l’inscription des crédits budgétaires correspondants.

Le texte exige donc que le programme et l’enveloppe financière soient déterminés par l’assemblée délibérante de la personne publique avant toute chose, l’exception étant limitée à la réutilisation ou la réhabilitation d’un ouvrage existant. Dans ces cas, l’assemblée peut délibérer sur le programme et l’enveloppe financière lors de la phase d’étude des avant-projets (alinéa 5).

c. Organisation de la maîtrise d’ouvrage publique

Le maître de l’ouvrage peut effectuer lui-même, grâce à ses propres services, toutes les tâches qui lui sont dévolues par la loi de 1985. Mais il peut aussi confier les études nécessaires à l’élaboration du programme et l’enveloppe financière à un programmiste externe. Une fois ces données arrêtées, il peut aussi confier à un tiers une mission de maîtrise d’ouvrage ou de conduite d’opération. La maîtrise d’ouvrage publique peut donc s’effectuer en régie mais la loi de 1985 prévoit qu’elle puisse être confiée, sous conditions, à un mandataire.

II. La maîtrise d’ouvrage mandatée

L’ancienne maîtrise d’ouvrage déléguée, par laquelle le maître d’ouvrage public pouvait se démettre totalement de ses prérogatives au profit d’une tierce personne, a pris fin lors de la promulgation de la loi MOP du 12 juillet 1985312. On parle aujourd’hui de maîtrise d’ouvrage mandatée, il s’agit donc d’un mandat de maîtrise d’ouvrage.

Le mandat, tel que le connait le droit civil, est « un acte par lequel une personne donne à une

autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom »313. Il s’agit donc d’un acte de représentation juridique.

La loi de 1985 a créé un mandat « MOP » réglementé aux articles 3 à 5.

L’article 3 pose le principe du dispositif, tout en énonçant que tout n’est pas délégable, et se distingue ainsi du mandat de droit commun : « Dans la limite du programme et de l'enveloppe

financière prévisionnelle qu'il a arrêtés, le maître de l'ouvrage peut confier à un mandataire, dans les conditions définies par la convention mentionnée à l'article 5, l'exercice, en son nom et pour son compte, de tout ou partie des attributions suivantes de la maîtrise d'ouvrage ». Les attributions susceptibles d’être confiées par mandat sont doublement limitées : à la fois par les limites inhérentes au programme et à l’enveloppe financière, et à la fois par la liste dressée à l’article 3. Elles concernent :

- La définition des conditions administratives et techniques selon lesquelles l'ouvrage sera étudié et exécuté ;

- La préparation du choix du maître d'œuvre, la signature du contrat de maîtrise d'œuvre après approbation du choix du maître d'œuvre par le maître de l'ouvrage, et la gestion du contrat de maîtrise d'œuvre,

- L’approbation des avant-projets et accords sur le projet,

- La préparation du choix de l'entrepreneur314, la signature du contrat de travaux, après approbation du choix de l'entrepreneur par le maître de l'ouvrage, et la gestion du contrat de travaux,

- Le versement de la rémunération de la mission de maîtrise d'œuvre et des travaux, - Et la réception de l'ouvrage.

Ces attributions peuvent être confiées en « tout ou partie » au mandataire.

Cependant, le maître de l’ouvrage ne peut se démettre par mandat des attributions touchant à la faisabilité et à l’opportunité de l’opération, ni à sa localisation ou à la définition du programme, pas plus que ne peut être délégué la détermination de l’enveloppe financière ou le financement de l’opération315. De même, le choix du maître d’œuvre et des entreprises est de

313 Art. 1984 c. civ.

314 Sur décision de l’organe délibérant, TA Lyon, 18octobre 2007, « Préfet du Rhône », n° 07-01963.

315 CAA Nancy, 27 janvier 2005, « Commune d’Amnéville c/OPAC de la ville de Metz », n° 98NC02300 : est

illégal le mandat stipulant que le mandataire sera chargé de trouver les ressources nécessaires au financement de l’ouvrage.

la seule compétence du maître de l’ouvrage316.

Le mandataire peut agir en justice en vertu du dernier alinéa de l’article 3 susvisé mais les conditions de ces actions doivent être précisées dans la convention de mandat de l’article 5.

L’article 4 de la loi MOP, dans sa nouvelle rédaction issue de l’ordonnance du 17 juin 2004 portant modification de la loi MOP317, se contente d’indiquer que le mandat est « exercé par

une personne publique ou privée […] ». Cette nouvelle rédaction est issue d’un contentieux qui a opposé la France à la Commission européenne et qui a abouti à une condamnation par la CJUE (ex-CJCE)318, cette dernière considérant que le contrat de mandat était un contrat de prestation de service au sens communautaire et donc qu’il n’y avait pas lieu de le réserver aux seules personnes morales de droit français, qui plus est sans mise en concurrence.

Cet article fixe un certain nombre d’incompatibilités, notamment « toute mission de maîtrise

d'œuvre, de réalisation de travaux ou de contrôle technique portant sur le ou les ouvrages auxquels se rapporte le mandat, exercée par cette personne directement ou par une entreprise liée ». La suite de l’alinéa précise que la notion d’entreprise est liée au sens du droit communautaire et qu’il interdit la sous-traitance de toute ou partie du contrat de mandat par le mandataire et soumet ce dernier aux dispositions de la loi MOP.

L’article 5 de la loi MOP prévoit que le mandat est nécessairement contractuel. Cet acte, bien que limité aux opérations autorisées par l’article 3, est un véritable mandat puisqu’il limite l’engagement de la responsabilité du mandataire au cas de la faute personnelle commise dans le cadre des attributions déléguées.

En ce qui concerne son régime juridique, il convient de regarder le contrat de mandat comme un marché public de services soumis aux règles de passation du Code des marchés publics319. Et selon la nature de la mission confiée au mandataire, la personne publique sera tenue de respecter les articles 29 ou 30 du CMP320.

Le contenu de la convention de mandat doit contenir, sous peine de nullité, des éléments minimaux : « a) L'ouvrage qui fait l'objet du contrat, les attributions confiées au mandataire,

316 CE, 17 février 1993, « Société d’équipement de l’Auvergne », n° 80.515, Rev. marchés publ. 1993, p. 17. 317 Ord. n° 2004-566 du 17 juin 2004 portant modification de la loi MOP, JO du 19 juin 2004.

318 CJCE, 20 octobre 2005, « Commission c/ France », aff. C-264/03, Rec. CJCE, I, p. 8831, note W. Zimmer. 319 CE, 5 mars 2003, « UNSPIC », n° 233372, Contrats Marchés publ. 2003, chron. 4, concl. D. Piveteau. 320 Réponse ministérielle à la question écrite n° 24859, JO du Sénat, question du 26 avril 2007, p. 871.

les conditions dans lesquelles le maître de l'ouvrage constate l'achèvement de la mission du mandataire, les modalités de la rémunération de ce dernier, les pénalités qui lui sont applicables en cas de méconnaissance de ses obligations et les conditions dans lesquelles le contrat peut être résilié ; b) Le mode de financement de l'ouvrage ainsi que les conditions dans lesquelles le maître de l'ouvrage fera l'avance de fonds nécessaires à l'accomplissement du contrat ou remboursera les dépenses exposées pour son compte et préalablement définies ; c) Les modalités du contrôle technique, financier et comptable exercé par le maître de l'ouvrage aux différentes phases de l'opération ; d) Les conditions dans lesquelles l'approbation des avant-projets et la réception de l'ouvrage sont subordonnées à l'accord préalable du maître de l'ouvrage ; e) Les conditions dans lesquelles le mandataire peut agir en justice pour le compte du maître de l'ouvrage ».

Le juge administratif sanctionne le non-respect de ces dispositions321 de façon ferme.

Les SDIS peuvent bien entendu utiliser le mandat MOP, au même titre que n’importe quelle autre personne publique, notamment pour réaliser des centres d’incendies et de secours322.

III. L’utilisation de montages contractuels complexes

Il existe, aux côtés des modes « traditionnels » de constructions, des techniques plus récentes qui mêlent des dispositions du droit privé à celles du droit public. Celles-ci permettent aux personnes publiques de s’affranchir dans certains cas des obstacles générés par la maîtrise d’ouvrage publique ou le recours aux procédures de passation des marchés publics. Elles permettent aux décideurs publics de dynamiser et d’optimiser la gestion des patrimoines dont ils ont la charge.

Les développements concernant l’utilisation des montages contractuels complexes par les SDIS feront l’objet d’une étude particulière à la section 2 du présent titre.

321 CE, 20 mai 1994, « Commune de Saint-Egrève », n° 129.030.

322V. en ce sens, annexe 7, convention de « mandat de représentation pour faire réaliser au nom et pour le compte du SDIS du Morbihan les travaux de construction du centre d’incendie et de secours de Ploemeur ».

Section 2 : L’intervention des collectivités locales dans la gestion du parc