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Place et définition de l’établissement public au sein des personnes publiques spécialisées

Titre liminaire : Le statut juridique des SDIS tels qu’issus de la Loi n° 96-369 du 3 mai

Paragraphe 1 : La théorie juridique de l’établissement public et sa classification

A. Place et définition de l’établissement public au sein des personnes publiques spécialisées

I. La place de l’établissement public au sein des personnes publiques spécialisées

Nous avons vu précédemment que la doctrine avait retravaillé la classification traditionnelle des personnes publiques (Etat, collectivités territoriales et établissements publics) pour faire évoluer la catégorie des établissements publics qui auparavant réunissait l’ensemble des entités personnalisées que l’on souhaitait autonomiser, en un ensemble plus vaste partageant une certaine identité juridique : les personnes publiques spécialisées.

71 A. DE LAUBADERE, J-C. VENEZIA, Y. GAUDEMET, Traité de droit administratif, L.G.D.J., 1999, Tome

1, Droit administratif général, P.305.

Le législateur lui-même dans de récents textes73 distingue les « autres personnes publiques » des catégories traditionnellement évoquées (« l'Etat, aux collectivités

territoriales et à leurs groupements, ainsi qu'aux établissements publics »74.)

En effet, la catégorie des établissements publics étant déjà elle-même « surexploitée », l’intégration de nouveaux types d’entités personnalisées ne pouvait se faire sans mal pour cette notion malmenée. Ces personnes publiques spécialisées n’en conservent pas moins un lien filial fort avec la notion d’établissement public notamment en partageant le dénominateur commun de la spécialisation fonctionnelle.

La catégorie des personnes publiques spécialisées regroupe donc outre l’entité

établissement public, d’autres personnes juridiques dont les plus marquantes sont les groupements d’intérêts publics75 tel le SAMU social de Paris ou les Maisons

Départementales des Personnes Handicapées (MDPH) dans chaque département, les

autorités publiques indépendantes76dont les plus célèbres sont entre autres la Haute

Autorité de Santé (HAS) ou la récente Haute Autorité pour la Diffusion des Œuvres et la Protection des droits sur Internet (HADOPI). La Banque de France est quant à elle un cas unique, qualifiée de « personne publique sui generis » par la doctrine et par la jurisprudence du Conseil d’Etat77 en raison de son statut juridique et de ses missions. Vient enfin un ensemble d’objets juridiques non identifiés selon la formule du Professeur et Sénateur Patrice Gélard qui est constitué par des personnes publiques particulières à qui le législateur ou le juge n’ont pas souhaité les rattacher à la catégorie

73 Article L. 2 du Code Général de la Propriété des Personnes Publiques : « Le présent code s'applique également

aux biens et aux droits, à caractère mobilier ou immobilier, appartenant aux autres personnes publiques dans les conditions fixées par les textes qui les régissent. »

74 Article L. 1 du CGPPP.

75 Conseil d’Etat, « Les groupements d’intérêt public », La documentation Française, 1997. 76 M. DEGOFFE, « Les autorités administratives indépendantes », AJDA 2008, p. 622.

77 CE, 22 mars 2000, « Syndicat national autonome du personnel de la Banque de France c/ Banque de

France », Lebon 125, conclusions H. Savoie : « Considérant qu’aux termes de l’article 6 de la loi du 4 août 1993 : « La Banque de France est une institution dont le capital appartient à l’Etat » ; qu’elle constitue une per- sonne publique chargée par la loi de missions de service public qui, ayant principalement pour objet la mise en œuvre de la politique monétaire, le bon fonctionnement des systèmes de compensation et de paiement et a stabi- lité du système bancaire, sont pour l’essentiel de nature administrative ; qu’elle n’a pas le caractère d’établissement public mais revêt une nature particulière et présente des caractéristiques propres ».

des établissements publics78. Tel est le cas de « L’institut de France ainsi que de

l’Académie française, l’Académie des inscriptions et belles-lettres, l’Académie des sciences, l’Académie des beaux-arts et l’Académie des sciences morales et politiques qui le composent sont des personnes morales de droit public à statut particulier placées sous la protection du Président de la République »79.

Sur l’échelle des personnes publiques, les établissements publics rejoignent un sous- ensemble plus vaste d’entités spécialisées. Il faut donc savoir maintenant ce que sont vraiment les établissements publics.

II. La définition de l’établissement public

Le doyen Hauriou, en 1927, définissait l’établissement public comme « un service

public spécial personnifié80 ». Plus récemment, le professeur Yves Gaudemet analysait celui-ci comme « un mode de gestion du service public caractérisé par le fait que le

service, tout en étant confié à un organisme public, reçoit une certaine autonomie sous la forme de la personnalité morale ».81

Ce mode d’administration est fréquemment utilisé tant pour la gestion des services publics de l’Etat (Etablissements publics nationaux) que pour celle des collectivités territoriales (Etablissements publics locaux).

78

Voir la notion d’opérateur public de l’Etat : Les agences régionales de santé, Météo-France, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), le Centre national d’études spatiales (CNES), l’Institut national du cancer (INC), le Centre national de gestion, la Cinémathèque française… : tous ces EPA pour certains, EPIC, GIP ou associations pour d’autres, ont en commun d’être inscrits dans la liste des 550 organismes qualifiés d’opérateurs de l’Etat, dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2014.

Cette notion d’opérateur est apparue avec la LOLF (loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001),

qui a créé une comptabilité générale de l’Etat. Cependant, comme le rappelle une étude du Conseil d’Etat, sa définition « ne figure dans aucun texte normatif, et en particulier pas dans la LOLF ».

79 L. n° 2006-450 du 18 avril 2006 pour la recherche, article 35.

80 M. HAURIOU, Précis de droit administratif et de droit public, Dalloz, 1927, 11ème éd., p. 236. 81 Y. GAUDEMET, Droit administratif, L.G.D.J., 19ème éd., 2010, p.352

a. Un organisme public

L’établissement public est une personne publique. Il se différencie ainsi d’autres formes juridiques, comme la concession de service public, où la gestion du service est confiée à une personne privée, mais aussi de l’économie mixte, où la gestion est partagée entre personnes publiques et privées.

Ce procédé est un mode de gestion applicable tout aussi bien aux services publics administratifs (SPA) qu’aux services publics industriels et commerciaux (SPIC). La personnalité publique attachée à ce mode de gestion emporte des conséquences sur le personnel de l’établissement qui a la qualité d’agent public (sauf pour les EPIC) et sur les décisions des dirigeants qui ont la nature d’actes administratifs susceptibles de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir devant le juge administratif.

b. Qui reçoit une certaine autonomie de par la loi.

C’est parce que l’on veut doter le service public d’une certaine autonomie que ce dernier est organisé en établissement public. Il s’agit là de la principale distinction d’avec la régie. L’autonomie est dans ce cas obtenue grâce à l’octroi de la personnalité morale qui permet un système de décentralisation par service : un organisme non- territorial qui exerce une mission de service public reçoit une certaine autonomie. Elle se différencie de la décentralisation territoriale qui a un cadre géographique et qui réalise cette autonomie dans ce cadre là.

La création d’un établissement public est de la compétence de la loi82. De même, sa suppression résulte soit de la loi elle-même, soit de la disparition effective du service public géré. La doctrine et la jurisprudence administrative ont dégagé des critères afin de qualifier tel organisme public en établissement public.