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Titre liminaire : Le statut juridique des SDIS tels qu’issus de la Loi n° 96-369 du 3 mai

Paragraphe 1 : La domanialité des SDIS

A. Le domaine public des SDIS

Si l’on reprend la définition de l’article L. 2111-1 du Code Général de la Propriété des Personnes Publiques étudié au précédent chapitre et que l’on applique celui-ci aux SDIS, il convient de ne classifier ici que les biens appartenant à l’établissement public. Or, lors de la période de constitution des nouveaux établissements publics qui s’est ouverte en 1996, le législateur a laissé le choix aux communes et EPCI à compétence incendie du sort des biens immobiliers qu’ils devaient transférer aux SDIS naissants : soit ils optaient pour un transfert en pleine propriété202, soit pour le système de la mise à disposition203. C’est cette dernière technique qui a eu les faveurs des collectivités dans une grande majorité des cas204. Les SDIS n’ont ainsi pas bénéficié d’une mesure de dévolution du patrimoine205 de la part des propriétaires d’immeubles, certainement trop nombreux et peu enclins à se départir de leurs biens immobiliers. On peut toutefois regretter l’absence d’une telle mesure qui aurait été un complément naturel à l’autonomie des SDIS, et noter une nouvelle fois que cette abstention est de nature à fragiliser la qualification d’établissement public choisie par le législateur. La conséquence directe a été de ne pas faire rentrer la majorité des bâtiments au sein du patrimoine immobilier des SDIS nouvellement créés et à faire de ces derniers des affectataires. Les collectivités à qui appartiennent les édifices restent propriétaire de ceux-ci mais c’est bien la personne publique affectataire (SDIS) qui est garante de la correcte affectation du bien.

202 Art. L. 1424-19 du CGCT : « Indépendamment de la convention prévue à l'article L1424-17, et à toute épo-

que, le transfert des biens au service départemental d'incendie et de secours peut avoir lieu en pleine proprié-

té. Une convention fixe les modalités du transfert de propriété… »

203 Art. L. 1424-17 du CGCT : « Les biens affectés, à la date de la promulgation de la loi n° 96-369 du 3 mai

1996 relative aux services d'incendie et de secours, par les communes, les établissements publics de coopération intercommunale et le département au fonctionnement des services d'incendie et de secours et nécessaires au fonctionnement du service départemental d'incendie et de secours sont mis, à titre gratuit, à compter de la date fixée par une convention, à la disposition de celui-ci, sous réserve des dispositions de l'article L. 1424-19… »

204 Sondage National effectué par l’ENSOSP en 2008

Situation des biens Biens en pleine propriété Biens mis à disposition Biens en location

Moyenne Nationale 20,5 % 78 % 1,5 %

205 A titre de comparaison : « La dévolution du patrimoine, complément naturel de l'autonomie des universités »,

Il faut donc exclure du patrimoine des SDIS l’ensemble des ces biens, qui font partie du domaine public ou privé de la collectivité historiquement propriétaire.

Le domaine public des SDIS peut se subdiviser de façon classique en fonction du caractère mobilier ou immobilier des biens et selon les dispositions du récent Code général de la propriété des personnes publiques.

I. Le domaine public mobilier des SDIS

La loi a reconnu l’existence d’un domaine mobilier public dès la fin du 19ème siècle206. La jurisprudence a fait de même notamment en déclarant que les objets d’art et les collections des musées étaient des dépendances du domaine public des établissements publics207. Aujourd’hui, le CGPPP reconnait officiellement la catégorie en lui consacrant un chapitre composé d’un unique article L. 2112-1, marquant ainsi le déséquilibre existant avec le domaine immobilier selon l’adage « res mobilis, res vilis ». Le législateur a donc consacré la séparation des deux domaines publics : immobilier et mobilier. L’originalité de cette dichotomie réside dans la dissociation des critères des domanialités. En effet, alors que la domanialité publique immobilière est constituée de biens qui sont « soit affectés à l'usage direct du public, soit

affectés à un service public pourvu qu'en ce cas ils fassent l'objet d'un aménagement indispensable à l'exécution des missions de ce service public »208, la domanialité publique mobilière quant à elle diffère en ce que les biens doivent présenter « un intérêt public du point

de vue de l’histoire, de l’art, de l’archéologie, de la science ou de la

technique ».209 . L’objet de la domanialité mobilière publique est donc, dans la conception de l’ordonnance de

2006, la protection des œuvres d’art des musées et autres manuscrits et livres précieux. La domanialité de ces biens dépend donc de leur nature et non de leur affectation. Il s’en suit que les meubles affectés directement à l’usage du public font toujours partie du domaine privé, tel sera le cas de livres non précieux par exemple.

206 L. du 30 mars 1887 consacrant la domanialité publique des livres des bibliothèques et des documents

d’archives.

207 Cass. 2 avril 1963 précit. 208 Art. L. 2111-1 du CGPPP 209 Art. L. 2112-1 du CGPPP

Il faut donc déduire de ce texte que les meubles utilisés par les SDIS (bureaux, ordinateurs, fournitures, fauteuils …etc.) appartiennent à leur domaine privé et ce malgré leur affectation au service public des secours.

Le cas des logiciels utilisés par les SDIS ne semble pas déroger à la règle, en effet, la plupart des logiciels utilisés sont d’usage courant et ne présentent pas « d’intérêt public du point de

vue […] de la science ou de la technique » car ils ne sont pas un élément indissociable participant à de la recherche scientifique.

Le sort des véhicules utilisés par les SDIS aurait pu présenter un réel intérêt si le critère de l’affectation avait été retenu ainsi que celui de l’aménagement indispensable à l’exécution de la mission de service public. En effet, un « camion de pompier » est traditionnellement une base (châssis et/ou porteur) ayant fait l’objet d’un aménagement particulier (cuve, pompe, échelle …etc.) afin qu’il remplisse ses fonctions au sein d’un SDIS. Or, le fait que le juge n’utilise plus le critère de l’affectation pour identifier le domaine public mobilier mais applique le nouvel article du CGPPP, exclue de fait les véhicules incendies de la domanialité mobilière publique. En pratique, l’intérêt aurait été réduit puisque cela aurait conduit à l’inaliénabilité de ces véhicules, disposition pénalisante pour la gestion quotidienne des SDIS.

En conclusion, la domanialité mobilière publique des SDIS est donc réduite à la portion congrue. En effet, s’il est possible de s’interroger sur le sort de véhicules de collection voués à être conservés et exposés dans des musées (pompes à bras, autopompes …etc.) ou sur celui de certains objets ayant une valeur historique ou artistique comme des statues ou des fresques de Sainte Barbe qui ornent parfois les anciennes remises, il convient néanmoins de conclure à une affectation privative majoritaire des biens mobiliers utilisés par les SDIS.

II. Le domaine public immobilier des SDIS

Les SDIS sont donc de petits propriétaires fonciers et immobiliers, comme nous l’avons vu précédemment. Mais pour la fraction des biens dont ils ont la propriété, il convient de s’interroger sur l’étendue de la domanialité publique.

Pour faire partie du domaine public immobilier, le bien doit remplir une des deux conditions de l’article L. 2111-1 du CGPPP : soit être affecté à l'usage direct du public, soit être affecté à un service public, pourvu qu'en ce cas ils fassent l'objet d'un aménagement indispensable à l'exécution des missions de ce service public.

Le critère de l’affectation à l’usage direct du public est peu opérant en ce qui concerne les SDIS, en effet, les centres d’incendies et de secours ainsi que les services supports opérationnels ou administratifs ne sont pas des Etablissements Recevant du Public (ERP) ni du point de vue de la législation spécifique210, ni dans leur fonctionnement quotidien.

Le second critère semble être plus pertinent pour effectuer une répartition. Les centres d’incendies et de secours sont des bâtiments qui ont fait l’objet d’aménagements indispensables à l’exécution des missions du service public de lutte contre l’incendie. En effet, l’architecture des casernes, notamment pour les plus récentes, a été pensée pour faciliter l’exécution des missions confiées aux sapeurs-pompiers : travées dimensionnées pour le gabarit des véhicules incendies, remises sanitaires facilitant la désinfection des ambulances, chambres de garde, local d’alerte, asservissements des portes, lumières, sonneries …etc. Un bémol doit cependant être apporté quant à la domanialité des immeubles affectés au logement des sapeurs-pompiers dans le cadre des dispositions sur les logements attribués par nécessité absolue de service211 : par analogie avec la jurisprudence et la doctrine en matière de domanialité des casernes affectées au logement des personnels militaires, il conviendra de retenir un régime de domanialité privé car s’il y a bien affectation au service public de la défense nationale, le critère de l’aménagement indispensable de l’article L. 2111-1 précité fait défaut. De même, les immeubles affectés au logement des sapeurs-pompiers, s’ils sont bien affectés au service public des secours et de la lutte contre l’incendie, ne font pas l’objet d’aménagements indispensables à l'exécution des missions de ce service public.

Le cas des États-majors (directions départementales) est plus délicat car ceux-ci ne sont pas des ensembles uniformes sur le territoire national. Certains SDIS ont des directions départementales (DDSIS) dédiées uniquement aux tâches administratives d’état-major alors que d’autres peuvent contenir des aménagements prévus à l’article L. 2111-1 du CGPPP

210

Art. R. 123-2 du Code de la construction et de l’habitation : « …constituent des établissements recevant du

public tous bâtiments, locaux et enceintes dans lesquels des personnes sont admises, soit librement, soit moyennant une rétribution ou une participation quelconque, ou dans lesquels sont tenues des réunions ouvertes à tout venant ou sur invitation, payantes ou non. Sont considérées comme faisant partie du public toutes les personnes admises dans l'établissement à quelque titre que ce soit en plus du personnel ».

211 Art. 5 du Décret n° 90-850 du 25 septembre 1990 portant dispositions communes à l’ensemble des sapeurs-

pompiers professionnels : « Les sapeurs-pompiers professionnels ont droit au logement en caserne dans la limite

(CTA-CODIS par exemple).

Dans le premier cas, les DDSIS sont des immeubles de bureaux abritant les directions, les groupements et les services nécessaires au fonctionnement du SDIS. L’alinéa 2 de l’article L. 2211-1 du CGPPP trouve donc application, et ces locaux font partie du domaine privé du SDIS pour peu qu’il en soit propriétaire.

Le second cas constitue-t-il un « ensemble indivisible avec des biens appartenant au domaine

public » au sens de l’article susvisé ? Même s’il semble qu’il faille s’en remettre à l’appréciation du juge afin de définir ce que sont ces ensembles indivisibles avec des biens appartenant au domaine public, nous pensons qu’hormis le cas des États-majors uniquement constitués de bureaux regroupant les services administratifs nécessaires au fonctionnement du SDIS, les autres ensembles comprenant des bureaux et ayant fait l’objet d’aménagements indispensables appartiennent bien au domaine public de ces personnes publiques. Solution qui semble confortée par certains montages effectués pour financer et réaliser de tels types d’immeubles212.