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Titre liminaire : Le statut juridique des SDIS tels qu’issus de la Loi n° 96-369 du 3 mai

Paragraphe 2 L’incidence sur la responsabilité pénale des SDIS

Depuis l’adoption du nouveau Code pénal en 1992115, les collectivités publiques et les personnes de droits publics en général peuvent, dans certaines conditions, être pénalement responsables d’infractions commises pour leur compte. Si la loi116 exclue la responsabilité pénale de l’Etat et limite celle des collectivités territoriales (Régions, Départements et Communes) et de leurs groupements, aux activités susceptibles de faire l’objet d’une délégation de service public, il n’en va pas de même pour les établissements publics. Les SDIS se trouvent donc dans une situation paradoxale qui tient à l’absence d’homogénéité des Services d’incendie et de secours de ce pays. En effet, une application littérale de ce texte aboutit à ce que les Services d’incendie et de secours relevant de la compétence directe de l’Etat soient pénalement irresponsables : tel est le cas de la Brigade des sapeurs-pompiers de

114 Cass. crim., 3 mars 2009, n° 08-85.720

115 L. n° 92-683 du 22 juillet 1992 portant réforme des dispositions générales du code pénal.

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Art. 121-2 du Code pénal : « Les personnes morales, à l'exclusion de l'Etat, sont responsables pénalement,

selon les distinctions des articles 121-4 à 121-7, des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants. Toutefois, les collectivités territoriales et leurs groupements ne sont responsables pénalement que des infractions commises dans l'exercice d'activités susceptibles de faire l'objet de conventions de délégation de service public. La responsabilité pénale des personnes morales n'exclut pas celle des personnes physiques auteurs ou complices des mêmes faits, sous réserve des dispositions du quatrième alinéa de l'article 121-3 ».

Paris ou des Unités d’Instruction et d’Intervention de la Sécurité Civile (UIISC). Il en va de même des corps communaux de sapeurs-pompiers qui relèvent de la compétence des communes et qui sont donc irresponsables pénalement eux aussi, car leur activité n’est pas susceptible de faire l’objet d’une délégation, en vertu du principe qui veut que « la police

administrative ne se délègue pas ». Par contre, les SDIS, personnes morales de droit public distinctes de l’Etat et des collectivités territoriales ou de leurs groupements, s’exposent particulièrement à des poursuites judiciaires puisque leur responsabilité pénale pourra être pleinement recherchée. Un des effets surprenant de ce texte est qu’une même faute dommageable n’aura pas les mêmes conséquences en fonction du statut de l’agent qui l’aura commise : pompier communal, agent de l’Etat ou sapeur-pompier d’un SDIS. Ce dernier pourra engager la responsabilité pénale de l’établissement public par son comportement lors d’une intervention alors que pour des faits similaires, son homologue militaire ou pompier communal n’en aura pas la possibilité. Conscient de cette épée de Damoclès pesant sur leur tête, les SDIS se sont vus dans l’obligation de provisionner en ce sens des sommes parfois conséquentes sur leur budget, sous peine de voir leurs finances mises à mal par une éventuelle condamnation à une peine d’amende majorée117 (la dissolution ne pouvant être envisagée pour une personne morale de droit public).

L’incidence de la qualification des SDIS par le juge est donc fondamentale en cas d’action en responsabilité pénale contre l’établissement. Le seul cas jurisprudentiel à ce jour nous a été délivré par le Tribunal correctionnel de Chambéry118, à l’occasion d’un sinistre meurtrier qui avait défrayé la chronique en 2002. Nous avons vu précédemment que les juges du premier degré avaient admis sans réserve la responsabilité du SDIS en décidant qu’« Aux termes des

dispositions de l’article L. 1424-1 du Code général des collectivités territoriales, les SDIS sont des « établissements publics ». Le SDIS de la Savoie n’est pas une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales et il est qualifié expressément par la loi d’établissement public, doté d’un conseil d’administration et représenté par son président. Le

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Article 131-38 du Code pénal : « Le taux maximum de l'amende applicable aux personnes morales est égal

au quintuple de celui prévu pour les personnes physiques par la loi qui réprime l'infraction. Lorsqu'il s'agit d'un crime pour lequel aucune peine d'amende n'est prévue à l'encontre des personnes physiques, l'amende encourue par les personnes morales est de 1 000000 Euros ».

SDIS est donc pénalement responsable des infractions commises, pour son compte, par ses organes ou représentant, conformément aux dispositions de l’article 121-2 du Code pénal ».

Si dans une affaire similaire la conception développée par la chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Limoge précitée avait été retenue, le SDIS de la Savoie n’aurait même pas été partie au procès.

Il y a donc un réel enjeu financier pour les SDIS en la matière, et outre l’iniquité entre les grandes catégories de personnes publiques, il semble opportun de convenir que les SDIS ne sont pas des établissements publics classiques, et qu’ils sont une nouvelle illustration d’une notion qui se voulait malléable, mais qui a atteint ses limites fédératrices. Les SDIS sont donc des personnes publiques hybrides qui empruntent à la théorie classique des établissements publics mais aussi aux collectivités territoriales et à leurs groupements.

Nous pensons donc qu’il serait plus juste de classer les SDIS au sein des personnes publiques spécialisées et d’en faire ainsi une catégorie particulière partageant des critères avec celle des établissements publics mais s’en différentiant aussi sur de nombreux points de par leur originalité.

Si l’on essaye de schématiser sur une échelle graphique les personnes publiques françaises en incluant les SDIS, voici ce que cela pourrait donner :