• Aucun résultat trouvé

Pour répondre à la problématique que nous venons de poser dans la Section 2, nous avons articulé l’analyse de l’expérimentation d’évaluation de l’utilité sociale de l’UCPA en deux parties. La première partie aborde le processus de problématisation autour de l’utilité sociale de l’UCPA dans l’objectif de contribuer à répondre à la question suivante : Pourquoi les entreprises de l’ESS s’engagent-elles dans des processus d’évaluation de leur valeur sociale ? La seconde partie aborde, quant à elle, le processus de raisonnement et d’expérimentation autour de l’utilité sociale de l’UCPA, avec comme objectif de contribuer à répondre à la question suivante : Comment les entreprises de l’ESS s’engagent-elles dans des processus d’évaluation de leur valeur sociale ? La question sur les motivations qui ont amené l’UCPA à s’engager dans l’évaluation de sa valeur sociale sera abordé dans les Chapitre 1 et dans le Chapitre 2, et la question sur les spécificités du processus d’evaluation de la valeur sociale de l’UCPA sera abordé dans le Chapitre 3 et dans le Chapitre 4.

Le Chapitre 1 traitera de la construction d’accords et des pratiques de justification de la valeur sociale en vigueur en 2015 à l’UCPA afin de mieux comprendre l’état et l’évolution de ces pratiques lors du lancement du projet de recherche-action. Il s’agira d’envisager l’UCPA comme un lieu où les salariés s’engagent dans des pratiques de justification de la valeur économique et de la valeur sociale (Boltanski et Thévenot 2011 [1991]). Ce faisant notre objectif est de parvenir à mieux comprendre la façon dont le projet de recherche-action a pu répondre à un besoin de développer certaines pratiques de justification de la valeur sociale de l’UCPA. Notre analyse sera fondée sur les données que nous avons collectées au cours des réunions de négociation et de préparation du projet de recherche-action entre l’équipe de chercheurs du GRÉUS et l’équipe de direction de l’UCPA, ainsi que sur les données obtenues au cours d’une série d’entretiens réalisés auprès de salariés de l’UCPA durant les premiers mois du projet de recherche-action. La théorie de la dissonance du sociologue David Stark (2011a) nous permettra d’envisager la genèse du projet de recherche-action comme l’un des maillons d’un processus de transformation engagé par la direction générale de l’UCPA et venu modifier la manière d’appréhender et de gérer la dissonance entre valeur sociale et valeur économique au sein de l’association.

Le Chapitre 2 analysera, pour sa part, la relation entre l’UCPA et les financeurs solidaires. Il s’agira de mettre en lumière les spécificités des demandes externes de redevabilité (accountability) relatives à la valeur sociale auxquelles l’association était

soumise. Ce faisant notre objectif est de mieux cerner la façon dont le projet de recherche-action a pu répondre à un besoin de légitimer la valeur sociale de l’UCPA et d’en rendre compte auprès de ses parties prenantes externes. Notre analyse sera fondée sur des entretiens réalisés à des représentants d’institutions liées à la finance solidaire en France et sur la bibliographie disponible sur ce secteur. L’approche transactionnelle des philosophes J. Dewey et A. Bentley (1960 [1949]), la théorie de la légitimité organisationnelle du sociologue Mark Suchman (1995) et la théorie de la redevabilité (accountability) des experts en sciences de gestion Vassili Joannidès et Stéphane Jaumier (2013a ; 2013b) nous permettront d’envisager la genèse du projet de recherche-action comme la réponse de l’UCPA à la demande externe d’administration de preuves de son engagement pour des valeurs sociales.

Le Chapitre 3 traitera d’expliciter les principaux partis-pris de la méthode d’évaluation de l’utilité sociale du GRÉUS en identifiant les principales questions sous-jacentes à cette approche évaluative et en synthétisant la façon dont le groupe les a abordés à l’occasion de ses rencontres mensuelles. Ces réunions constituaient alors des moments de réflexion collective autour de la lecture de textes et du partage d’expériences de terrain, de convictions et de réflexions antérieures. Le travail d’intelligence collective au sein du GRÉUS a permis de consolider progressivement des « jugements », des « croyances » ou des « hypothèses » à partir desquels les membres du groupe abordent le phénomène de la pratique de l’évaluation de l’utilité sociale des organisations de l’ESS en France (Dewey 2012 [1922] ; Gadamer 1996 [1960] ; Peirce 1905). Ce chapitre synthétise les réflexions développées au sein du GRÉUS en explicitant les partis-pris théoriques, épistémologiques et méthodologiques du groupe. La grille de lecture constructiviste issue notamment d’une approche pragmatiste et institutionnaliste nous permettront d’articuler la réflexion du GRÉUS autour de trois partis-pris : 1) une conception pragmatiste de la valeur et de l’évaluation ; 2) une appréhension de l’utilité sociale comme convention socio-politique ; 3) une vision non-utilitariste de la valeur sociale des organisations de l’ESS.

Le Chapitre 4 analysera l’expérimentation ou mise en application concrète de la méthode du GRÉUS dans le cadre du projet de recherche-action à l’UCPA. Il s’agira de proposer une observation de second ordre, au sens du sociologue Niklas Luhmann (2011 [1991]), des différentes étapes de l’évaluation de l’utilité sociale de l’UCPA : 1) lancement de la démarche, 2) identification initiale de l’utilité sociale, 3) dialogue pluraliste, 4) identification finale de l’utilité sociale, et 5) mesure de l’utilité sociale. Nous partagerons le constat des philosophes, économistes et sociologues pour

qui seule une approche plus systématique et théorique peut répondre à l’insuffisance de réflexivité sur la pratique évaluative au sein de l’ESS et à la réduction du phénomène de l’évaluation sociale à une simple mesure d’indicateurs d’impact. L’observation de deuxième ordre de l’expérimentation d’évaluation de l’utilité sociale menée à l’UCPA - laquelle s’est construite sur la base des « partis-pris » du GRÉUS et a été conduite par trois de ses membres - nous permettra d’identifier les enjeux de chaque étape et d’analyser de façon exhaustive et transparente le processus qui a permis de qualifier et de mesurer l’utilité sociale de l’UCPA. Ces éléments nous permettront d’identifier la spécificité de l’approche évaluative dite de l’utilité sociale du point de vue du GRÉUS et de mieux comprendre l’articulation entre les processus de qualification et de mesure de la valeur sociale des organisations de l’ESS.

PARTIE I

Pourquoi les entreprises de l’ESS s’engagent-elles dans