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Place selon les différents contextes d’apprentissage

CHAPITRE 4 : PLACE DES EMOTIONS EN CLASSE

4.7 Place selon les différents contextes d’apprentissage

Nous recherchons, dans ce mémoire, quelle place peuvent avoir les émotions d’un enseignant dans sa classe. Durant nos entretiens, les enseignants ont relevé la différence entre les divers contextes d’apprentissage. En effet, les émotions ont une grande place selon la division dans laquelle nous nous trouvons ou à quel moment de notre apprentissage nous nous situons. Il y a six subdivisions différentes : la division élémentaire, la division moyenne, le spécialisé, le cycle d’orientation, le post-obligatoire et les hautes écoles telles que l’université.

Contexte de l’école primaire

Nous allons nous concentrer sur les trois grandes divisions de l’école primaire. Puis, nous évoquerons la place des émotions tout au long de notre formation.

Certaines des personnes interrogées nous informent de leur tendance à faire une différence entre les « grands » et les « petits ». En effet, ils ne communiquent pas de la même manière avec les élèves en élémentaire et en moyenne. Nous souhaitons mettre en évidence ces quelques extraits sur lesquels se fonde notre analyse :

« Alors oui éventuellement, mais plus avec des petits. Avec des grands, je pense qu’ils ont une sorte de pudeur en grandissant à exprimer ce genre de sentiments. » (Natacha)

Les propos tenus par Natacha accentuent la place des émotions dans les petits degrés.

Son explication repose sur la pudeur qu’éprouvent les plus grands à s’exprimer. C’est selon elle, la raison qui fait qu’un enseignant peut plus souvent s’exprimer en élémentaire. La question demeure au sujet de cette opinion. Est-il vrai que les « grands » ressentent une plus grande gêne dans l’expression des émotions ? Est-ce que cette pudeur est la raison pour laquelle un enseignant ne doit pas dévoiler ses émotions à la classe ? Les enfants sont-ils formatés à devenir pudiques ? Contrairement à Natacha, Sylvie et Stéphanie pensent que leurs émotions ont une place tant chez les enfantines que chez les primaires :

« Et avec les petits et avec les grands. Evidemment, t’as un choix de mots mais dans ce qui ressort, oui, les émotions ont une place pour moi et pour les élèves. » (Sylvie)

« Alors, j’ai jamais eu des petits de première enfantine, mais je crois que c’est important de faire ça chez les plus petits. Les plus petits sont capables de comprendre, mais je crois que les plus petits, ils prennent comme l’histoire du décès de la maman, on m’a expliqué que les enfants mettent moins de choses que nous autour de la mort.

Donc, je crois qu’il faut le dire, mais il y a la manière de le dire. Je le dirai pas de la même manière à des sixièmes qu’à des premières enfantines. Je crois que c’est ça. » (Stéphanie)

Nous rejoignons l’opinion de Stéphanie et Sylvie quant au choix de la communication. En effet, la communication de nos émotions ne peut pas se dérouler de la même manière en première enfantine qu’en sixième primaire. Le choix des mots est important. Cela étant dit, ces deux enseignants pensent que l’on peut dire ce que nous ressentons dans ces deux degrés. Leur bémol se situe juste au niveau des mots.

Nous avons abordé la question de la place des émotions dans la division élémentaire et la moyenne. Quant est-il dans le spécialisé ? Les émotions des enseignants ont-ils une plus grande place ? Lors de nos entretiens, ces questions ont été soulevées. Les avis récoltés sont les suivants :

« Disons que, si tu te permets de déballer tes émotions et puis ton ressenti, c’est beaucoup plus facile après de gérer ça en ordinaire qu’en spécialisé. Parce qu’en spécialisé, on est quand même face à des enfants qui vont mal. C’est soit ça va les rendre encore plus mal, ça va encore plus les déprimer de voir que leur maîtresse est triste, que leur maîtresse… Du coup, ça va beaucoup plus les toucher que dans

l’ordinaire. Ou alors, ça va être du style : “Ah bin tiens, je t’enfonce encore plus.”. » (Valérie)

« […] moi j’ai beaucoup vu qu’ils avaient besoin de savoir ce qu’on ressentait, par rapport à mon expérience, j’en fais pas une généralité. Mais, je pense que c’est important pour eux de savoir ce qu’on ressent, mais dans une certaine mesure. Après, dans une classe ordinaire, c’est moins important, moins fort. » (Natacha)

« En spécialisé, encore plus je dirais. Encore plus. Je crois que c’est justement des enfants qu’on écoute peu ou pas, parce qu’ils nous énervent tout de suite, car c’est souvent des élèves qui ont des problèmes de comportement. Je pense que travailler sur ces émotions avec les élèves de spécialisé, c’est encore plus important. Erica : Là, tu parles de leurs émotions, mais l’enseignant en spécialisé par rapport à ses émotions ? Aussi. Tout à fait, car il doit montrer l’exemple et qui il est. Et il peut faire avec. Ça c’est mon expérience, car j’ai toujours eu des classes spécialisées alors évidemment des maîtres et des maîtresses qui travaillent différemment. » (Sylvie)

« Par rapport au spécialisé, je pense pas que moi je réagirais forcément très différemment, mais les discussions, elles viendraient plus souvent du fait de… du comportement des enfants, en fait. Mais pas tellement… je pense de l’adulte après bon, c’est je pense beaucoup plus difficile au niveau émotionnel en spécialisé. On est quand même beaucoup plus sollicité de… je pense, de ce côté en tout cas quand je parle avec mes collègues, ils ont quand même plus souvent besoin de parler de telles situations ou de tels enfants etc. » (Eric)

« Ouais, je pense. Et pis, notamment en spécialisé, je pense que c’est des enfants qui ont besoin de … de se sentir proche de l’enseignant. (Katia : D’accord) Mais ça c’est, j’ai jamais enseigné en division spécialisée. (Katia : tout à fait) Je sais pas si justement on est trop proche et pis qu’on partage trop, ça peut… ça met peut-être aussi des limites après au niveau du comportement tout ça. » (Eric)

Tous ces enseignants ne partagent pas le même avis sur la question des émotions en spécialisé. Natacha et Sylvie se retrouvent sur ce sujet : les émotions d’un enseignant ont une place en spécialisé. C’est important pour leurs élèves de savoir ce qu’elles ressentent. Leur besoin de savoir est plus grand que dans les classes ordinaires. Sylvie pense que cela est lié au comportement, au vécu des élèves. Eric est très partagé sur ce thème. Il pense qu’un enseignant est beaucoup plus sollicité qu’en division moyenne ou élémentaire. Les élèves aimeraient une certaine proximité avec leur enseignant. Cependant, dans son entretien, il nous alerte sur les limites. Si nous partageons trop, risquons-nous de briser les limites ? Cette mise en garde nous conduit à la pensée de Valérie. Nous désirons rappeler qu’elle est enseignante en spécialisé. Elle pense, contrairement à Sylvie, que c’est plus difficile à

« gérer » en spécialisé, parce que les enfants ont suffisamment à faire avec leurs propres problèmes. Sylvie nous signale que comme nous nous trouvons devant des élèves peu écoutés, il est primordial qu’un enseignant montre l’exemple sur l’expression des émotions.

De ce fait, Sylvie imagine que les élèves se sentiront plus libres d’être écoutés. Valérie, qui s’oppose à cet esprit, nous mentionne deux répercussions possibles dans le cas de figure d’un enseignant qui dévoile ses émotions à la classe. La première est le risque de transférer le malaise ou la tristesse d’un enseignant à ses élèves qui sont déjà en souffrance ou en difficulté. La deuxième répercussion est le danger d’avoir des élèves qui se retournent contre nous suite à cette faiblesse passagère. Valérie nous apporte un élément crucial en spécialisé : la peur de perdre le contrôle de ses élèves en difficulté.

Pour finir sur la place des émotions dans les trois divisions de l’école primaire, les avis sont très partagés. Cependant, nous avons retenu divers points qui semblaient à nos yeux les plus judicieux à respecter dans une classe. Tout d’abord, nous pensons que les émotions ont une place dans toutes les divisions. Toutefois, nous gardons à l’esprit que les mots à employer sont adaptés et choisis selon le degré dans lequel nous nous trouvons. De plus, le danger de trop dévoiler aux élèves est le même dans tous les degrés. Il s’agit de la perte de contrôle comme le cite Valérie. Néanmoins, Liu, lors de son entretien, nous fait part de cette même peur qu’elle a franchie en se rendant compte qu’il était nécessaire de laisser une place aux émotions dans la classe que ce soit celles de l’enseignant ou celles des élèves.

Liu reconnaît qu’il s’agit d’une prise de risque pour son programme et pour elle-même. Cela étant dit, nous pensons que la place des émotions d’un enseignant est liée à certaines limites.

En effet, nous devons être vigilantes pour éviter d’être trop vulnérables face aux élèves.

Nous estimons qu’en définitif les émotions ont une place dans tous les degrés de l’école primaire tout en gardant à l’esprit qu’il y a des limites diverses en ce qui concerne les émotions d’un enseignant selon sa classe.

Contextes hors école primaire

Enfin, un enseignant aborde la place des émotions à travers la formation universitaire :

« Ouais, je pense. Je pense que c’est quelque chose d’un peu exponentiel comme ça. Après quand on arrive à l’université, il n’y a carrément plus du tout d’émotions. En tout cas, dans les… dans les cours à cinq cents personnes euh… le prof, il va pas commencer à dire bon bah, écoutez aujourd’hui je (rires). J’ai encore jamais vu ça, mais peut-être que mais euh… » (Eric)

Nous constatons qu’Eric a sans doute raison : plus nous nous dirigeons vers les

« hautes écoles » moins les émotions d’un enseignant ont leur place. Nous pouvons le

constater de notre vécu. Les encouragements sont encore présents dans les bulletins de notes, mais au sein même de la classe, les enseignants sont assez réservés. Des souvenirs nous viennent à l’esprit:

« J’avais une maîtresse d’allemand au collège que toute la classe avait poussé à bout, parce qu’elle nous avait dévoilé, une fois, une “faiblesse” émotionnelle. Mes camarades de classe en ont profité jusqu’à ce que l’enseignante craque et se mette à pleurer. Ou encore, un professeur de mathématiques avait réagi violemment sur un élève tellement que ses nerfs étaient à fleur de peau. D’ailleurs, il est parti en dépression peu de temps après » (Katia)

Ces souvenirs, nous pouvons les interpréter différemment, néanmoins nous préférons en dégager des questions : Ces enseignants, qui nous ont dévoilé une fois leur émotion, ont-ils craqué parce qu’ont-ils ne laissaient aucune place à leurs émotions tout au long de l’année ? Est-il dangereux pour notre santé de trop emmagasiner, ou de trop accumuler d’émotions au fond de nous ? Est-il donc judicieux de penser que les émotions n’ont pas de place passé un certain stade dans les études ?

En conclusion à ce dernier point, nous tenons à nuancer la place des émotions des enseignants à l’université. En effet, nous suivons une formation dans un métier de l’humain et nous relevons que les enseignants nous apportent souvent les émotions qu’ils ont ressenties dans leur classe ou dans différentes expériences sans pour autant nous apporter une solution. C’est normal qu’ils ne nous disent pas une ligne de conduite à adopter vis-à-vis des émotions, parce que c’est un sujet qui est en lien direct avec notre propre personnalité. Il n’y a pas une solution unique, mais il y a une solution par enseignant, parce que chaque enseignant a des limites différentes selon son tempérament.