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CHAPITRE 2 : EMOTION EN GENERAL DANS LE CONTEXTE

2.1 Distinction entre sentiment et émotion

Avant d’entrer dans « distinction entre sentiment et émotion », nous tenons à soulever, selon nos entretiens, le fait que la naissance des émotions découle d’une situation.

Cette dernière peut être d’origines diverses, tant au niveau du contexte que des intervenants.

Lors de ces multiples situations, la distinction des termes « émotion » et

« sentiment » pose de sérieuses difficultés. Ils sont souvent, dans leur emploi, utilisés comme synonymes. C’est pourquoi, nous avons choisi de commencer notre analyse par cette grande problématique que nous avons côtoyée tout au long de nos entretiens. Les différentes personnes interviewées ont exprimé leur difficulté à donner deux définitions distinctes. De plus, ceux qui y sont parvenus, ont reconnu que l’utilisation des deux termes durant la vie de tous les jours était parfois confuse. Nous désirons donc, éclaircir ce point primordial. Partant des conceptions des enseignants interrogés, nous établirons ensuite, un parallèle avec la théorie. Nous nous intéresserons aux ressemblances, mais surtout aux divergences entre les diverses opinions.

Nous avons relevé différentes définitions des deux termes principaux de cette thématique. Nous trouvons intéressant de les décortiquer afin de dégager, en comparaison avec la théorie, une définition propice.

Voici les visions des huit enseignants :

« C’est l’émotion ce qui va suivre le… s’il se passe quelque chose et que ça me provoque euh des pleurs, des rires, ça va être l’émotion mais par contre le sentiment c’est ce qu’il y a en arrière fond » (Laurène)

« Voilà, je pense que c’est assez synonyme aux sentiments. […] Je pense qu’un sentiment, c’est quelque chose qu’on ressent par rapport à quelque chose. Une émotion, ça se base plus sur le vécu, le passé. Voilà. » (Natacha)

« Le sentiment, enfin, c’est l’image, je veux dire, enfin, c’est quelque chose euh enfin j’ai l’impression que c’est quelque chose de plus dans la constance, plus dans le fond. Enfin dans le décor c’est un peu la structure en fait pour moi le sentiment c’est le cadre et pis les émotions c’est tout ce qu’il y a dans le cadre. Comme si tu as un tableau et puis les émotions bah voilà, c’est les choses qui viennent animer le tableau. Quand c’est de bonnes émotions, c’est de belle couleurs. Quand c’est un peu plus triste, bah c’est plus sombre. C’est un peu l’image que j’ai. » (Liu)

« Pour moi, c’est un peu lié. Quoi je pourrais pas dire qu’est-ce qui fait plus partie d’un sentiment ou d’une émotion peut-être que l’émotion c’est plus quelque chose qu’on exprime et le sentiment quelque chose qui est intérieur. » (Eric)

« Alors les émotions… pour moi c’est ce qui relève des sentiments tels que la tristesse, la joie, la colère, la paix, (silence court) Qu’est-ce qu’on pourrait dire l’angoisse, le stress pour moi c’est plutôt ça les émotions. » (Stéphanie)

« Je pense que les sentiments qu’on peut avoir justement, nous font ressentir des émotions mais c’est très… c’est vraiment très, très lié. » (Valérie)

« Une émotion c’est quelque chose que je vais exprimer. Je suis en colère, je te montre que je suis en colère, j’élève la voix ou pour m’apaiser je vais courir. Donc voilà, c’est quelque chose qui sort de mon corps. Un sentiment, il reste chez moi, il reste pour moi. Voilà comment, moi, je le vois. T’as dit qu’est-ce qu’une émotion ? Non ? » (Sylvie)

« On ressent une émotion qui peut se traduire… même par des symptômes physiques, je dirais une émotion. On se sent très bien ou bien on se sent mal, ça dépend évidemment de la situation que l’on vit. Je dirais que le sentiment c’est quelque chose qui vient après l’émotion. Après avoir réfléchi à l’émotion qu’on a eu l’occasion de vivre. Le sentiment, c’est quelque chose qui à mon avis vient après, après avoir un peu réfléchi à la situation que l’on a vécue et aux émotions que l’on a vécues bonnes ou mauvaises. » (Maurice)

Dans ces extraits d’entretiens, nous observons que les émotions et les sentiments sont, pour la plupart, étroitement liés. Effectivement, les émotions sont, pour beaucoup des interviewés, l’expression d’un sentiment. Nous retrouvons différents points de vue dans la succession des événements. Nous allons les confronter à la théorie. Enormément de théoriciens tentent de définir ces deux termes. Nous avons décidé de citer les définitions d’un dictionnaire classique afin de partir sur une base commune, accessible à tous :

« ÉMOTION : Trouble subit, agitation passagère causés par un sentiment vif de peur, de surprise, de joie, etc. » Dictionnaire Petit Larousse illustré (1996)

« SENTIMENT : 1. […] 2. Etat affectif complexe et durable lié à certaines émotions ou représentations. Sentiment religieux. 3. […] 4. Disposition à être facilement ému, touché. Agir plus par sentiments que par réflexion. » Dictionnaire Petit Larousse illustré (1996)

Nous souhaitons maintenant comparer les différentes prises de positions des enseignants à ces deux définitions. Pour ce faire, nous avons formé trois catégories regroupant les huit entretiens. Nous les analyserons, puis nous établirons des parallèles avec la théorie dégagée. Enfin, nous les confronterons les unes aux autres.

La première catégorie est composée d’enseignants (Eric, Laurène, Valérie, Liu et Stéphanie) pensant que suite à un événement surgit un sentiment qui reste interne. Ce dernier provoque une émotion qui est exprimée. Dans cette optique, diverses interprétations ressortent. L’une d’entre elles est illustrée par la métaphore d’un tableau. Le tableau se nommerait « sentiments » et les couleurs le composant seraient les « émotions ». Nous observons ici que les sentiments constituent la toile de fond du tableau. Il s’agit donc du support qui reste invisible. Les couleurs qui créent le dessin représentent les émotions auxquelles nous avons accès. Dans cette métaphore, les sentiments sont clairement représentés par une matière (la toile), mais ils restent non accessibles (non visibles) à la personne qui se trouve en face. En effet, nous sommes conscientes que cet être éprouve des sentiments, mais la seule chose dont nous pouvons prendre connaissance sont nos émotions.

Cette image se rattache à la théorie des deux définitions du Petit Larousse illustré ; les émotions découlent d’un sentiment. Nous pouvons donc dire que les deux termes sont par conséquent liés, même s’ils ne signifient pas la même chose.

La deuxième catégorie (Maurice) se détache de la première dans l’ordre des événements. Assurément, lors de l’événement surviendraient, de manière spontanée, des émotions. Suite à la situation, la réflexion portée sur les émotions ressenties nous ferait apparaître un sentiment. Il est clairement explicité dans un des entretiens que les sentiments s’identifient après les émotions. Cette catégorie s’écarte donc de la définition du Petit Larousse illustré au niveau de la succession des deux mots, mais non dans leur explication.

Nous observons ici que les deux termes sont toujours étroitement liés.

La troisième catégorie (Sylvie) exprime la difficulté à faire une distinction claire entre les deux. Elle nous fait part de sa confusion. Elle nous définit les émotions comme la face exposée et les sentiments comme la face cachée. Effectivement, elle nous montre une similitude avec les définitions du Petit Larousse illustré au niveau de la signification des deux termes, mais elle dévoile une réelle difficulté quand au lien les unissant. Elle se doute qu’il en existe un, mais sans réussir à le définir.

La quatrième et dernière interprétation (Natacha) diffère grandement des trois précédentes. En effet, elle définit les émotions comme un ressenti lié au vécu, au passé. Le sentiment est une réaction qui surgit face à de nouvelles situations que la personne n’a pas encore connues durant son passé. Par interprétation, nous pouvons dire que le sentiment se transforme en émotion, si nous nous retrouvons confrontés à une situation identique. Pour

Natacha, les deux termes ne sont pas bien distincts, mais similaires. La seule différence demeure dans la relation du ressenti avec le vécu.

Les quatre orientations proposées sont très intéressantes et suscitent de nombreuses interrogations et interprétations. Les trois premières tournent autour de la succession des événements puisqu’elles font apparaître des différences, soit dans l’ordre d’apparition, soit dans l’identification de cet ordre. La première souligne clairement que les émotions sont provoquées par les sentiments que nous ressentons au préalable, tandis que l’opinion de Maurice nous expose que les sentiments ne peuvent être identifiés qu’en seconde position.

L’avis de Sylvie, nous montre la difficulté à trouver un réel accord entre les deux points de vue qui précèdent. Cependant, ces apports différents nous amènent à nous poser la question suivante : Maurice parle-t-il de l’apparition des sentiments ou de leur identification ? En effet, il nous dit formellement que les sentiments viennent après avoir établi une réflexion sur les émotions que nous avons ressenties. Par ce biais, nous pouvons approfondir l’opinion de Maurice de plusieurs façons.

D’un côté, les sentiments se dévoilent uniquement après avoir ressenti une émotion et après avoir construit une réflexion dessus. Cette première interprétation se distingue nettement de la première catégorie que nous avons établie. Cependant, si nous cherchons plus loin que les simples mots, nous pouvons déduire, d’un autre côté, que les sentiments viennent après une réflexion. Cette dernière analyse ne nous indique en aucune manière qu’ils apparaissent après les émotions, mais une réflexion est peut-être utile pour les identifier. Dans ce cas là, cette catégorie ne s’éloigne plus de la première au niveau de la venue des événements, mais éclaircit le fait qu’il n’est pas aisé de définir le sentiment qui germe face à une situation. Avant de pouvoir le reconnaître, l’émotion est exprimée et ensuite, en prenant quelques instants, nous pouvons déterminer le sentiment qui est à la base de notre réaction émotionnelle. Nous sommes parvenues à unir les deux premiers styles de définitions malgré une différence apparente lors d’une première analyse. Cette union est soutenue théoriquement par les définitions du Petit Larousse illustré (1996).

La troisième catégorie ne se différencie absolument pas des deux premières.

Seulement, la difficulté d’établir le lien entre « émotion » et « sentiment » existe bien. Il est normal d’obtenir des divergences quant à la distinction de ces deux termes, car la question reste ouverte. Il y a un lien accompagné d’un ordre qui est le plus utilisé, mais ce n’est pas une source exacte et définitive. Cette question reste encore en discussion. Cependant, les

opinions ne peuvent pas être toutes assimilées à ces définitions. L’idée dont nous a fait part Natacha ne peut pas être interprétée dans ce sens. Son explication s’isole des autres par son caractère très spécifique au niveau du vécu. En effet, pour elle, « émotion » et « sentiment » ne se succèdent pas puisqu’ils sont synonymes dans le temps. L’utilisation des termes dépend de l’authenticité de la situation. S’il s’agit d’une situation déjà croisée par le passé, c’est une émotion, tandis que si c’est un événement inconnu, nous emploierons «sentiment ».

Ce dernier témoignage se sépare des autres par le lien unissant les termes, par leur apparition, mais surtout au niveau de leur propre définition puisqu’elle ne distingue aucune nuance entre les deux termes qui sont pour elle de simples synonymes.

Serge Tisseron (2005), quant à lui, apporte un autre regard. Il présente les émotions comme une réponse réflexe suite à un événement. Cette vision nous soutient dans la manière dont nous abordons la « gestion » de nos émotions. Un réflexe est par définition indépendant à la volonté.

En conclusion, nous pouvons affirmer que la définition que nous avons prise en considération n’est pas la seule et l’unique et nous gardons donc à l’esprit certaines réserves.

Les émotions et les sentiments sont donc, étroitement liés au cours d’une situation. Les sentiments sont la face cachée de l’iceberg, tandis que les émotions sont la partie visible. Ni phrases, ni mots ne sont utiles pour percevoir les émotions d’une personne.

En ce qui concerne l’étymologie, elle suppose bien une action provoquée par les émotions puisque le terme « émotion » se compose du verbe latin « motere » signifiant

« mouvoir » et du préfixe « é » qui indique un mouvement vers l’extérieur (Daniel Goleman, 1997). Tisseron (2005) soutient cette idée dans la définition qu’il donne des émotions en disant que, contrairement aux sentiments que l’on peut cacher, les émotions sont visibles.

Elles peuvent donc être perçues par de multiples signaux de transmission que nous aborderons dans un autre sous-chapitre. Les sentiments sont, quant à eux, impossibles à détecter pour une personne extérieure à celle qui les ressent. Instaurer un dialogue permet de déceler la provenance des émotions et d’analyser pourquoi les sentiments se sont traduits de cette façon là afin d’éviter des malentendus dus à une mauvaise interprétation qui peuvent conduire à de gênantes et inconfortables tensions.

Nous sommes conscientes du caractère personnel des interprétations et des différentes analyses qui sont étroitement liées à la personnalité de chacun d’entre nous. Nous

en avons fait l’expérience tout au long de notre analyse, la plus importante réside dans l’interprétation de la métaphore du tableau : l’une d’entre nous avait perçu les sentiments comme la toile et les émotions comme les couleurs qui composent le dessin, l’autre voyait les sentiments comme le cadre et le tableau représentait les émotions et ses couleurs. Les deux sont possibles, mais la deuxième rejoindrait l’idée que les sentiments viennent après les émotions. Suite à une discussion, la première nous semblait la plus proche de ce qu’avait voulu dire cette enseignante compte tenu de la suite de ses propos. Nous tenons à illustrer ces multiples commentaires pour accentuer les réserves qu’il faut faire sur de telles définitions.