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Place et fonction de l’Art dans les sociétés négro- africaines

Les sociétés négro-africaines n’ont pas connu une révolution intellectuelle semblable à celle que connut la Grèce au VIe siècle. N’ayant pas rompu avec un mode de penser qualifié de « primitif », elles n’accordèrent pas une grande importance au développement de l’esprit scientifique. Aussi restèrent-elles figées, avec des modes de production et de représentation qui furent ceux des premiers âges de l’humanité, comme le fait constater Senghor [1977 : 21] :

L’Egypte des Pharaons nous offre l’image exemplaire de la littérature, plus généralement de l’art africain, qui pendant quatre mille ans, présenta le même visage impassible (…). Mais nous n’avons pas besoin de l’Egypte pour notre propos. Parcourons sur dix mille ans, les œuvres de la Négritude : des fresques du Tassili aux toiles de Papa Tall.1 Nous y découvrons la permanence des traits qui font l’originalité de la littérature nègre1

de langue française.

1Les fresques du Tassili. Le mot tassili est d’origine berbère : il signifie « plateau ». Les géographes l’ont employé pour désigner les plateaux de grès du Sahara septentrional. Le plus célèbre de ces plateaux est le Tassili des Ajjer (du nom d’une confédération touareg) situé dans le Sahara algérien, au nord du massif volcanique du Hoggar. En effet, c’est dans les grottes de ce tassili qu’Henri Lhote a découvert des gravures rupestres des fresques datant du Néolithique et établissant que le Sahara n’a pas toujours été un désert, qu’il fut, par le passé, fertile, abondamment

Cette « permanence des traits » s’explique sur le fait que, ce que recherche l’artiste nègre, c’est

moins l’originalité que l’efficacité2

: son art n’est pas un art gratuit, c’est un art au service du sacré. L’on ne saurait comprendre la signification de cet art si l’on ne commence pas par s’informer sur la psychophysiologie du Nègre, son ontologie et sa religion, d’où la précaution de Senghor

Mais il me faut, avant d’essayer de dégager les lois fondamentales de l’art négro-africain, parler de l’Homme noir, qui a élaboré une culture originale, et, d’abord, esquisser une psychophysiologie du Nègre.

Préfaçant le livre d’ Herber Pepert, Anthologie de la vie africaine, il revient sur la nécessité

d’étudier l’art en le considérant comme élément constitutif d’une anthologie, non comme une création secondaire en marge des autres activités humaines. Il commence par donner des précisions sur le titre [1964 : 238 ] :

Il est significatif que notre auteur ne nous parle pas d’une « anthologie de la musique africaine » le titre choisi exprime une méthode nouvelle qui vise à une saisie totale du réel, comme l’art négro-africain.

. Ensuite, il justifie le bilan de la démarche de Peppert [1964 : 238 ] :

En effet, la civilisation négro-africaine procède d’une vision unitaire du monde. Aucun des domaines n’est autonome, que les « sciences humaines » de l’occident divisent artificiellement. Le même esprit anime en les liant, la philosophie, la

arrosé et qu’il a été peuplé, successivement, par des Noirs agriculteurs et de pasteurs nomades ancêtres des Peuls actuels. Papa Ibra Tall est un peintre sénégalais contemporain. Directeur de la manufacture de Tapisserie de Thiès, il est également l’auteur d’un essai intitulé Négritude et Arts plastiques contemporains publié dans Colloque sur la négritude. Présence africaine, pages 105-112.

1 Et, pour Senghor, toute bonne littérature est art.

2 De là découle la différence entre artiste nègre et artiste français, différence que souligne Senghor : Au contraire de l’art africain « qui est permanence, l’européen est changement, du moins depuis la « Renaissance qui a libéré l’esprit des formes. Ici, la France. Là, l’Egypte « Pour l’écrivain, pour l’artiste français, il s’agit de dire, de « faire voir » ce que jamais on ne verra deux fois ». D’où ce renouvellement incessant des sentiments-idées et des formes, d’où ces emprunts »renouvelés à l’étranger. » [1977 : 20 ] :

religion, la société et l’art des Négro-Africains. Et leur philosophie qui est onthologie exprime leur psychophysiologie.

En penseur méthodique, Senghor donne des précisions sur ce qu’il entend par le terme « psychophysiologie ». Jugeant [1964 : 257 ] :

(qu’)il faut, cependant, partir du corps : des processus physiologiques, des impressions neuro-sensorielles, en passant par les sensations et les comportements pour aboutir à la conscience…

il titre la déduction suivante [1964 : 257] :

C’est en raison des structures de notre corps, de notre organisation nerveuse, que nous percevons les choses et selon certaines lois. Notre psychologie est l’expression de notre physiologie, encore que celle-là conditionne à son tour celle-ci et la dépense.

L’auteur fait suivre ces précisions sont suivies d’une esquisse de la psychophysiologie du Nègre [1964 : 258] :

Le Nègre est l’homme de la nature. C’est un homme de plein air, un homme qui vit de la terre. Et que l’on prenne le mot au sens cosmique. C’est un être aux sens ouverts, perméables à toutes les sollicitations, aux ondes mêmes de la nature, sans intermédiaires filtrants – je ne dis pas sans relais entre le sujet et l’objet. Homme pensant bien sûr, mais d’abord formes et couleurs, surtout odeurs, sons et rythmes.

Ces lignes constituent une illustration de la thèse selon laquelle l’homme noir est d’abord un primitif : un homme n’ayant pas rompu le cordon ombilical qui le lie à son environnement. La réalisation physiopsychologique au sein de cet environnement l’a conduit à concevoir l’univers comme un tout, d’où cette conception du monde que Senghor a appelée une anthologie

existentielle et unitaire. Les deux épithètes ont, chacune, une signification bien précise.

Au cours d’une conférence donnée à l’Université de Montréal, le 29 septembre 1966, il explicite le contenu des deux épithètes. A propos de l’ontologie unitaire, il déclare [1977 : 32] :

Les différentes apparences sensibles, constituées par les règnes animal, végétal, minéral, ne sont que les manifestations matérielles d’une seule réalité fondamentale : l’univers, réseau de forces diverses, mais complémentaires, qui sont l’expression des virtualités renfermées en Dieu, seul être véritable, seule force réelle. Car Dieu est la force des forces. L’ontologie négro-africaine est unitaire, l’unité de l’univers se réalise, en Dieu, par la convergence des forces complémentaires issues de Dieu et ordonnées vers Dieu. C’est ce qui explique que le Nègre ait un sens si développé de la solidarité des hommes et de leur coopération ; ce qui explique son sens du dialogue.

Cette explicitation permet de se faire une idée des différences de conceptions que l’on a de l’art suivant que l’on se trouve en Occident ou en Afrique noire. Avant de développer ces différences, suivons le conférencier qui continue en nous éclairant sur le contenu de la seconde épithète :

existentielle [1977 : 93] :

L’ontologie négro-africaine n’est pas seulement unitaire ; elle est aussi existentielle. Tout le système est fondé sur la notion de « forme vitale », qui, préexistant à l’être, fonde l’être. Dieu a donné la force vitale aux animaux, aux végétaux, aux minéraux, aux hommes : par quoi ils sont. Mais cette force vitale a pour vocation de croître. Ainsi l’existence se fonde sur l’existence pour s’épanouir en existence. D’où la place privilégiée qu’occupe l’homme dans le système, en sa qualité d’existant actif, capable de renforcer sa force, de se réaliser en personne, c’est à dire en existant de plus en plus libre au sein d’une communauté solidaire. De se réaliser, véritablement, en être. Tous les étants ne sont que des instruments au service de ce but. Car le renforcement de l’homme, centre de l’univers visible, aboutit nécessairement au renforcement de l’ensemble du réseau, au renforcement de Dieu de qui émane et qui accomplit toute force.

La psychophysiologie du Nègre explique que celui-ci ait conçu une métaphysique amenant à se considérer comme un microcosme vivant en symbiose avec un macrocosme. A son tour, cette métaphysique a inspiré une religion avec sa doctrine, on a donné le nom d’animisme car, pour le Négro-Africain. [1964 : 71] :

Le monde n’est pas, dans sa réalité, une somme de couleurs, de formes, d’odeurs : une somme de qualités sensibles… sous l’aspect sensible et matériel, il y a un monde d’âmes.

L’on ne saurait donc saisir la signification de l’art nègre si on l’étudie in se. Une approche objective de cet art suppose que l’on commence par s’informer sur trois données : la manière dont l’homme noir réagit face à son environnement ; la métaphysique née de cette réaction, la religion élaborée à partir de cette métaphysique. Que la signification de l’art nègre dépende de ces trois données explique qu’il se différencie totalement de l’art européen comme le fait constater Senghor.[1977 : 95] :

L’œuvre d’art exprime, par nature, une idée ou sentiment – image : un symbole. Alors que l’esthétique gréco-latine place le beau dans l’initiation, sans doute corrigée, idéalisée de la nature, le négro-africain, lui, s’émeut du sens caché du signe qui lui apparaît. Son émotion naît de sa participation à une réalité sous jacente, qu’il perçoit par delà les apparences sensibles. L’art nègre est explicatif non descriptif. Il participe du vitalisme qui anime l’ontologie négro-africaine..

En ce sens, il est le plus opposé à l’art grec, qui est l’exemplaire de l’Occident.

Ces lignes sont extraites d’un texte de conférence prononcé devant un public plutôt profane. Conscient du caractère abstrait de son argumentation, Senghor l’illustre, afin de se faire mieux comprendre, par une comparaison entre deux chefs d’œuvres : la Vénus de Milo et la Vénus de Lespugue. Après avoir noté que [1977 : 95] :

La Vénus de Milo et la Vénus de Lespugue diffèrent aussi bien par leurs significations, en d’autres termes, par leurs destinations respectives, que par leurs styles…

il écrit, à propos du chef d’œuvre découvert dans une île des Cyclades, en 1820 [1977 : 95] :

On pourrait dire que la Vénus de Milo n’a aucune signification, en ce sens que, comme l’affirme Elie Faure, elle n’est pas un symbole, elle ne renvoie pas à un signifié. Bien sûr, les Vénus – et c’est ce qu’indique le nom représentaient une déesse autrefois, au temps de la ferveur hellène. Mais, depuis, on avait fait descendre la déesse du ciel sur la terre, de l’esprit dans la matière. Il s’agit, ici, d’une femme dans le monde, en chair et en os, qui ne représente rien de plus qu’elle-même(…). On veut donc représenter une femme grecque et pas autre chose. On l’a sculptée à la mesure de la race…

Ces lignes confirment ce que nous écrivons plus haut, l’art occidental s’est différencié de l’art nègre parce que, à la suite d’une révolution intellectuelle, les Grecs ont « fait descendre » dieux et « déesses du ciel sur la terre, de l’esprit dans la matière. » L’art nègre a ignoré cette révolution. Aussi a-t-il conservé à ces chefs d'œuvre une signification que Senghor éclaire en étudiant la statuette stéatopyge des négroïdes de Grimaldi [1977 : 95] :

Et la Vénus de Lespugue1 ? Elle a d’abord été saluée par des cris d’horreur, tant elle ressemblait peut à une femme albo-européenne normale. Et, depuis, la dénomination de Vénus hottentote lui est restée parce que le naturalisme est resté parce que le naturalisme est inhérent aux hommes de raison discursive. Les préhistoriens, en effet, ont commencé par assimiler les négroïdes de Grimaldi aux Hottentots(1) à cause de la stéatopygie de leurs statuettes féminines. Mais un examen plus attentif a révélé que les hommes de Grimaldi avaient la taille des Français d’aujourd’hui – ce qui n’est pas une petite taille – et que leurs femmes n’étaient pas plus comblées que les négresses actuelles. Comme quoi on avait confondu callipygie et stéatopygie. En réalité, les négroïdes de Grimaldi, comme les Négro-Africains actuels, donnaient une signification, un sens, à leurs œuvres d’art, singulièrement à leurs statuettes de fécondité. Car ces statuettes à la cambrure audacieuse, aux formes courbes, symbolisent l’idée de fécondité. Elles sont des images symboles qui ont une fonction précise.

La différence est donc nette entre la conception que l’on se fait de l’art dans les sociétés industrialisées et la conception que l’on en a dans les sociétés préindustrielles, dont la société

(1) « Comme celle-ci est moins connue je vous rappellerai qu’elle est une des premières œuvres d’art de l’homme sapiens. C’est une de ces statuettes en pierre, très précisément en stéatite, que nous a laissée la première civilisation du Paléolithique supérieur : la civilisation aurignacienne, œuvre des négroïdes de Grimaldi. Ces statuettes sont d’autant plus caractéristiques que les sculpteurs de l’Afrique noire en fabriquant toujours ». a écrit Senghor. [1977 : 94-95]

(2) Les textes de Senghor sur l’art nègre sont très nombreux, si nombreux que leur exploitation est impossible dans le cadre de cette étude, si l’on veut maintenir un équilibre entre les différentes parties. Cependant leur importance est telle que nous avons jugé nécessaire d’en donner une liste exhaustive en précisant que ces textes classent leur auteur parmi les meilleurs spécialistes de l’art nègre. En effet, étudiant cet art de l’intérieur, il a, mieux que quiconque sut dégager ses rapports avec la vie du peuple qui l’a produit. Ces textes se classent en deux catégories, la seconde comportant, à son tour, des sources diverses.

La première catégorie ne comprend qu’un seul texte dont la caractéristique est d’être uniquement consacré à la réflexion sur l’art nègre, il s’agit de l’essai intitulé L’Esthétique négro-africaine, publié par le numéro du mois d’octobre 1956 de la revue Diogène et repris dans Liberté 1. Pages 202 – 217. En fait, il s’agit du texte de la communication faite par Senghor lors du premier congrès des écrivains et artistes du monde noir. Mais le cas d’essai uniquement consacré à la réflexion sur l’art nègre est rar e. La caractéristique des textes constituant la seconde catégorie est que Senghor choisit d’y aborder la question, le thème, mais en l’insérant dans une réflexion sur la culture négro-africaine en général. Ces textes sont :

a) des essais rédigés sur commande et destinés à figurer dans des ouvrages collectifs. Ainsi sont : Ce que l’homme noir apporte in L’homme de couleur, collection « présence », éditions Plon (cf.Liberté 1. Pages 22 – 38) Vues sur l’Afrique noire ou assimiler, non être assimilée in La communauté impériable française. Edition Alsatia, 1945 (op.cit. 39-68). L’Afrique noire. La civilisation négro-africaine in Les plus beaux écrits de l’Union française et du Maghreb, Editions la Colombe, 1947 (op.cit. pages 70-82) b) une postface, celle du recueil Ethiopiques intitulée comme Comme les lamantins vont boire à la source.

négro-africaine traditionnelle. Après avoir souligné cette différence en d’exemples concrets,

Senghor développe les caractéristiques de l’art nègre1 : l’art nègre est une technique

d’intégration : il est également, une technique intégrale et, enfin, il est l’expression d’une esthétique.

D’abord, une technique d’intégration. L’art, comme aime à le répéter, Léopold Sédar Senghor, est « la saisie nègre de l’univers »le négro-africain attend de l’art ce que l’albo-européen demande à la science car, pour celui-là [1964: 317] :

… connaissance, art et action sont liés par des échanges fulgurants. La connaissance s’exprime non en chiffres algébriques, mais en œuvres d’art, en images rythmées…

Son ontologie l’amène à concevoir l’univers comme un réseau de forces indépendantes les unes des autres, disposées selon une hiérarchie – de Dieu au caillou, - un équilibre, une harmonie. Il agit sur ce réseau par le moyen de l’Art : afin de connaître la hiérarchie et la renforcer, de maintenir l’équilibre et l’harmonie. L’art devient ainsi un moyen de s’intégrer au réseau des forces cosmiques, soit pour les maîtriser, soit pour se les rendre propices, d’où la déduction de Senghor [1964: 279] :

c) un compte-rendu de spectacle, les Ballets africains de Fodéba Keïta in l’hebdomadaire L’Unité africaine

du 5 août 1959 (op.cit. 287 – 291).

d) des préfaces comme Le langage intégral des Négro-africains, préface pour l’Anthologie de la vie africaine

d’Herbert Pepper (op. cit. Pages 237-240). Le réalisme d'Ahmadou Koumba, préface pour les Contes de l'ouest africain de Roland Collin, Editions présence africaine, 1959 (op.cit. pages 175-180) ; D’Ahmadou Koumba à

Birago Diop, préface pour les Nouveaux contes d’Ahmadou Koumba ; Editions présence africaine, 1958 (op.

cit. pages 241-251).

e) des textes de communications ou de conférences comme Language et poésie négro-africaine (op. cit. pages

159-172) ; Eléments constitutifs d’une civilisation négro-africaine (op. cit. pages 252-286). La Négritude est un humanisme du XXè siècle (1977 : 69-79) ; Qu’est ce que la négritude ? (op. cit. pages 90-101) ; Les fondements de l’Africanité ou négritude et arabité (op. cit. pages 105-150) ; Négritude et Modernité ou la Négritude est un humanisme au XXè siècle (op. cit. pages 215-242) Pourquoi une idéologie négro-africaine ? (op. cit. pages 290-313).

C’est dans l’essai intitulé L’Esthétique négro-africaine que Senghor a, le plus développé les caractéristiques de l’art nègre. Lors du Second congrès des écrivains et artistes du monde noir (Rome 1958), il en rappelle les caractères généraux dans sa communication intitulée. Eléments constitutifs d’une civilisation négro-africaine : 1. L’art est, avec la production, c’est à dire le travail, l’activité génétique de l’homme. L’artiste, c’est l’Home faber qui se réalise en Homo sapiens. Plus exactement peut être, l’art est un aspect de la production.

2. L’art est fonctionnel. Il n’est pas divertissement ni ornement qui ajoute à l’objet. Il donne à l’objet son efficacité, il l’accomplit : c’est lui qui donne son caractère d’objet. 3. Les arts sont liés les uns aux autres pour la raison que nous avons « une civilisation non divisée contre elle-même, dont l’unité est le principal caractère. 4. Pour la même raison, l’œuvre d’art est faite par tous et pour tous, encore qu’il y ait des professionnels de l’art et de la littérature, la littérature n’étant qu’un domaine de l’art. 5. Parce que fonctionnel et collectif, social, l’art est engagé ».

L’art, en Afrique noire, est lié à la vie profonde des communautés agraires et pastorales, à la religion et aux technologies. L’art est une technique d’approche, mieux, d’identification. Il s’agit d’agir sur les forces supérieures, de se les approprier en s’identifiant à elle1

– par le geste et la parole, le poème et la musique, la danse et le chant, la sculpture et la peinture.

L’art est donc une technique religieuse. Il est également, sinon artisanat, du moins, technique

artisanale.2

Ensuite, une technique intégrale. Dans l’Afrique traditionnelle, un art, pour accomplir efficacement son rôle, a besoin du concours des autres arts : aucune forme d’art n’existe

isolement, de manière autonome.3

Parce que technique intégrale, l’art n’est pas divisé contre lui-même. Plus précisément, les arts, en Afrique noire, sont liés l’un à l’autre, les

1 A propos de cette identification aux forces supérieures, nous lisons, dans Dieu d’eau de Marcel Griaule cité par Roland Collin : « Battre le tambour », dit Ogotéméli, « c’est faire marcher le soufflet qui est le symbole du soleil. Le tambour soleil, comme l’astre, jette de la chaleur, de la vapeur d’eau chaude et sonore sur les danseurs. Les danseurs sont chauffés sous les aisselles qui respirent comme le nez. La chaleur pénètre dans la bile et de là se répand dans tout le corps. C’est pour aider son action que les assistants crient : « Ardent ! Ardent ! ». Et cette chaleur est aussi la parole des ancêtres révélés par le tambour. La sueur qui coule des aisselles et du corps, c’est le trop plein de la parole des ancêtres révélés par le tambour. La sueur qui coule des aisselles et du corps, s’est le trop plein de la parole des ancêtres qui déborde. Ainsi enflammés, les danseurs masqués ceinturés de fibres rouges, deviennent des morceaux de soleil (in Littérature africaine d’hier et de demain. Op. cit. Page 61.)

2

Selon Senghor, l’art accomplit l’objet en lui conférant l’efficacité requise. La romancier guinéen Camara Laye dont le père était forgeron corrobore cette idée en évoquant la signification de l’art nègre avant la colonisation :