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Le matériau sur lequel travaille le poète a, pour nom, la langue. L’étude de la langue amène à se prononcer sur la morphologie et la syntaxe : sur le vocabulaire et la grammaire : sur les mots et les différentes techniques pour les combiner afin de signifier quelque chose.

Or, que fait ressortir une comparaison entre les langues négro-africaines et la langue française ? Uniquement, qu’elles diffèrent par plus d’un point. Léopold Sédar Senghor s’est, à plusieurs reprises, livré à cette comparaison, approfondissant sans cesse les résultats de ses investigations. La conclusion à laquelle il a abouti est que les langues négro-africaines d’une part, la langue française, d’autre part, n’usent pas des mêmes procédés pour véhiculer un message, encore moins pour composer un poème. Ceux qui utilisent ces langues ne conçoivent pas les mots de la même manière, ne construisent pas les phrases selon les mêmes structures. De là découle la différence entre leurs procédés poétiques laquelle différence, à son tour, explique la différence entre les qualités d’un poème négro-africain et un poème français.

Développant le thème de la différence de matériau, nous examinerons : d’abord, la différence entre langues négro-africaines et langue française ; ensuite, la différence entre les mots et les syntaxes ; enfin, la différence entre les poésies et les poétiques.

a. Langues négro-africaines et langue française

D’abord, une précision : Senghor ne prétend pas pouvoir parler des langues négro-africaines dans leur globalité et leur totalité. Parmi ces langues, il ne parle que de celles qu’il connaît réellement : les langues du groupe sénégalo-guinéen. Sur ces langues devait porter sa thèse de doctorat d’Etat. Aussi est-ce en spécialiste qu’il parle d’elles, commençant par les situer par rapport aux autres langues parlées en Afrique occidentale :

Les langues du groupe sénégalo-guinéen sont isolées, parlées par des peuples donc les ancêtres sont originaires des bords du Nil et qui, par la suite, furent peu influencés par les autres peuples : A peine moins importantes sont les

relations qui ont uni les Mandingues aux (…) « Sénégalo-Guinéens » (Peuls, Wolofs, Sérères, Dyolas)[1993 : 334].

Au départ, les parlers du groupe sénégalo-guinéen ne constituaient qu’une seule langue dérivée de l’égyptien ancien d’après l’égyptologue Cheikh Anta Diop. C’est par la suite qu’ils se différencièrent les uns des autres. C’est donc les langues du groupe sénégalo-guinéen qu’il compare à la langue française. L’étude de ces langues s’avérait, continue de s’avérer indispensable, pour une bonne approche de la poésie et de la poétique négro-africaines. Aussi

ne manque-t-il pas de souligner une erreur commise par des « Coloniaux »1 :

L’erreur des « coloniaux » (…) est de n’avoir appris aucune langue négro-africaine et de n’avoir jamais porté leur réflexion sur le langage humain.

[1964 : 159].

Cette erreur est la source de bon nombre d’ignorances et de méprises. Qu’elles soient commises implique que les langues négro-africaines doivent être réhabilitées. Ce que fait

Senghor, chaque fois que l’occasion se présente. Ainsi, dans son texte : De la poésie

française à la poésie francophone ou apport des Nègres à la poésie francophone, il fait remarquer :

Il faut partir des langues négro-africaines. Contrairement à ce que croit l’Européen moyen, les langues négro-africaines ne sont pas prolixes, ni verbeuses leurs littératures.

Et de revenir à la charge, quatre années plus tard, écrivant dans Dialogue sur la poésie

francophone, à l’intention de ses amis, feu Pierre Emmanuel, Alain Bosquet et Jean Claude Renard :

Je commencerai par dénoncer le préjugé qui, en Europe, dénie l’élégance à ces langues…

1 André Davesne que cite Léopold Sédar Senghor (cf. 1964 : 159) dans Croquis de brousse écrit : « Nombre d’Européens imaginent que les Noirs n’ont pas de littérature, à peine un langage, et que leur vie intellectuelle est des plus rudimentaires. L’intelligence des Africains, pensent-ils, n’est pas capable d’autre chose que de conceptions quasi enfantines et leur langage n’est qu’un dialecte grossier permettant tout juste, par le moyen de quelques centaines de mots maladroitement assemblées, d’exprimer les mots les plus élémentaires de l’existence quotidienne. Or, en réalité, les langues africaines sont presque toutes riches, complexes, nuancées et dénotent une intelligence qui ne le cède en rien à la nôtre. » Ces lignes datent des années 1950. Mais, encore en 1962, Senghor devait déplorer « l’insuffisance des spécialistes en linguistique négro-africaine et le volume considérable des travaux non utilisables". (Op. cit. Page. 330).

Senghor eut le mérite d’avoir étudié, à fond, et les langues négro-africaines et la langue française. De cette étude, il déduit que ces langues ne possèdent ni les mêmes

caractéristiques, ni les mêmes vertus.

Pour les caractéristiques, il note que les langues du groupe sénégalo-guinéen sont des langues agglutinantes et le français, une langue isolante :

(La) qualité majeure (des langues négro-africaines) est, au contraire,

l’économie de moyens. Ce sont, en effet, des langues « agglutinantes », synthétiques. Au moyen d’affixes, elles expriment des rapports grammaticaux, qui, dans les langues indo-européennes, analytiques, sont rendus par des mots séparés. Ainsi, l’expression « il n’a pas tué » est-elle rendue, en Sérère, par l’unique mot wareeraam1 (Idem).

La même idée se trouve exprimée dans De la poésie française à la poésie francophone : les

langues négro-africaines sont

… des langues agglutinantes, qui se servent d’affixes, c’est-à-dire de particules, pour exprimer des rapports morphologiques ou syntaxiques là où d’autres familles de langues emploient des mots, voire des expressions.

A ces caractériques, Senghor a consacré de longs développements, notamment dans deux

textes. Dans Langage et poésie négro-africaine, il se prononce sur les vertus des langues du

groupe sénégalo-guinéen :

La beauté de la langue provient, ici, non seulement de la richesse du vocabulaire et des tours, mais encore de l’aisance avec laquelle on construit des mots composés au moyen d’affixes, greffés sur des racines dont la valeur concrète n’échappe pas au sujet parlant. Ainsi, le Wolof dispose de quelque vingt-trois suffixes pour former des verbes composés, dont chacun peut, à son tour, servir à former des noms dérivés. [1964 : 160].

1 La même « économie de moyens » se note dans la langue wolof qui, pour la même phrase, dira rayul la différence est nette avec une langue du groupe mandé : en bamanankan (langue des Bamanans), « il n’a pas tué » se traduit par a ma falikè.

Parmi les vertus de la langue française, il retient : « la richesse du vocabulaire » et les

ressources de la stylistique. A ce propos, dans le texte : Le français langue de culture, il

écrit :

… le vocabulaire n’épuise pas les vertus du français. La stylistique, en particulier, est l’occasion de pêches miraculeuses. [1964 : 363].

En définitive, la comparaison entre les langues négro-africaines et le français conduit Senghor à établir la supériorité de celui-ci dans le domaine scientifique et la supériorité de celles-là, dans le domaine poétique. Il s’agit là, bien sûr, d’un jugement relatif à une période bien déterminée. Senghor ne veut nullement signifier que les langues négro-africaines ne soient pas capables de créer des concepts scientifiques, tout comme il ne soutient pas que le français soit impropre à l’expression de la poésie. L’objectivité recommande tout simplement que l’on tienne compte de ce qui est : le développement de l’esprit scientifique a conduit les Français à réfléchir, et à s’exprimer, plus par concepts que par images. La préférence qu’il a continué

d’accorder à la connaissance mystique jusqu’au XXe

siècle fit que le Négro-africain réfléchit

et s’exprime plus par images que par concepts1. D’où la constatation de Senghor :

Je le sais bien, contrairement à ce que croit le Français moyen, les langues négro-africaines sont d’une richesse et d’une plasticité remarquables. Là où le Français emploie un mot latin pour désigner un arbre, une périphrase pour désigner une action, le Négro-africain emploie un seul nom ou un seul verbe populaire. Comme l’écrit André Davesne dans Croquis de Brousse, on compte en wolof, sept mots pour désigner la femme de mauvaise vie quand chercher se traduit par onze mots et changer par vingt . Mais ce qui, à première approximation, fait la force des langues négro-africaines fait, en même temps, leur faiblesse. Ce sont des langues poétiques (…) Ce qui, en définitive, fait la supériorité du français dans le domaine considéré, c’est de nous présenter, en outre, un vocabulaire technique et scientifique d’une richesse non dépassée. Enfin, une profusion de ces mots abstraits, dont nos langues manquent.

[1964 : 360].

1 Fily Dabo Sissoko aide davantage à comprendre en quoi cette idée de Senghor est relative à une période déterminée quand il écrit : « Pour ce qui me concerne, je considère que j’occupe avec tous mes frères de race noire, un point déterminé de l’évolution cyclique mondiale, et que les Blancs en occupent un autre. Et il m’a été donné, après d’éminents chercheurs, de déterminer ces points et de dire qu’entre les deux, il y a une démarcation de l’ordre de sept siècles (…) J’ajoute que pour franchir cette étape. Il nous faudra huit à dix générations d’efforts soutenus ; et ce en collaboration avec des frères se trouvant à un niveau plus élevé que nous ». (Une page est tournée ; 2è série, page 51).

b. Les mots et les syntaxes

Le matériau sur lequel travaille le poète est la langue : donc, un matériau, non une donnée abstraite, un univers constitué par des mots. Et, depuis l’échange de propos relatif à la rédaction du poème entre le peintre Degas et Mallarmé, tout bon poète s’accorde pour reconnaître un fait ; c’est avec des mots, non avec des idées, que l’on fait un poème.

Or, les mots n’ont pas la même valeur en français que dans les langues négro-africaines : là, ils se caractérisent par leur clarté et leur précision ; ici, par leur valeur suggestive, valeur éminemment poétique, d’où cette constatation :

Chez nous (Négro-Africains), les mots sont naturellement nimbés d’un halo de sève et de sang ; les mots du français rayonnent de mille feux comme des diamants. [1964 : 226].

Ainsi, on trouve d’un côté, des langues où la portée sémantique du mot se trouve très limitée et, de l’autre, des langues où la portée sémantique est multivalente. Entre les langues négro-africaines et les langues indo européennes, Senghor découvre un point commun : la richesse de leur vocabulaire. Mais, tout de suite, il découvre également que cette richesse découle de causes différentes. A propos du français, par exemple, il écrit :

Clarté du vocabulaire, qui tient à la clarté des procédés de dérivation et de composition, des procédés de dérivation en particulier, à partir des mots grecs et latins. Ce qui n’empêche pas des procédés plus populaires et, partant, plus spontanés et plus vivants. [1977 : 81].

Donc, le français s’enrichit par dérivation et par composition. Et, à côté de la dérivation populaire, il connaît la dérivation savante. A partir d’un fonds traditionnel constitué par les vocabulaires du grec et du latin, il se renouvelle constamment pour exprimer de nouvelles réalités.

Les langues négro-africaines s’enrichissent différemment. Celles du groupe sénégalo-guinéen étudiées par Senghor n’ont plus de lien avec leur substrat originel : l’égyptien ancien. Aussi s’enrichissent-elles en ayant recours aux affixes et à l’onomatopée.

A propos du recours aux affixes, Senghor écrit :

Que l’on ajoute à cela (l’emploi des onomatopées) l’emploi des affixes de classe, et l’on devinera quelle musique peuvent être ces langues. Car l’affixe de classe, qui peut être un article ou un adjectif démonstratif est répété devant tout nom ou adjectif qualificatif. Ainsi cette phrase bontoue : « Les garçons du chef moururent tous », baleke bana ba nfumu, bankaka ba nbote, bankaka ba nbi, bafwudi bau baakulu, (Koongo). Ainsi cette expression peule du Sénégal : « cet honneur », ngal teddungal ngal. [1977 : 144].

Et, à propos de l’onomatopée :

Le nègre raffole des onomatopées, qui font la langue plus expressive. Le Marquis de Lavergne de Tressan appelle ces onomatopées des « mots descriptifs ». Il a calculé que, dans les langues du groupe sénégalo-guinéen, environ un tiers du vocabulaire était de mots descriptifs. [1977 : 168].

Ces onomatopées peuvent être employées comme mot ou servir de racines à partir desquelles se créent d’autres mots et :

M. de Lavergne de Tressan a calculé que, dans nos langues, à peu près un tiers des racines était d’origine onomatopéique. [1977 : 160].

Sur cet emploi des onomatopées comme racines, Senghor donne deux exemples à partir de la transcription du poème oral wolof que voici, avec la traduction qu’il en propose :

Transcription Traduction

Dyalgati dyalat dyalafèn Contre – déal redéal superdial !

Dyalgatili lîti Centre – dial flûti !

Gasti m’ab tôno Je ne creuserai plus de puits

Dyalgatili lîti Contre – dial flûti !

Ku gs ma nân tyi Qui en creuse, j’y bois

Dyalgatili lîti Contre – dial flûti !

Té pétyaxndikv tyi Et y prends mes ébats

Dyalgatili lîti Contre – dial flûti !

Té xody tyi laitâi Et y lave mes layettes

Dyalgatili lîti Contre – dial flûti !

Té sanga tyi sama dôm Et y baigne mes petits

Dyalgatili lîti Contre dyal fluti !

A propos du fond, Senghor donne la précision :

C’est une gazelle qui prend ses ébats dans une fontaine, en l’absence des propriétaires. [1964 : 168].

Mais, c’est surtout sur la forme qu’il s’attarde attirant particulièrement l’attention sur les mots

dyal et lîti. Tout le poème est bâti à partir de ces deux mots. Or, dans le vocabulaire wolof, ils

n’ont pas de sens précis, ce que la traduction en français permet de découvrir. Pourtant, cette absence de signification précise ne les rend pas incompréhensibles. En effet, et Senghor explique :

Sur dyal, racine onomatopéique, qui exprime la danse, on a formé des mots composés au moyen de suffixes verbaux. Lîti est construit à peu près de la même manière, par analogie avec rîti, qui désigne un instrument de musique, employé dans les poèmes satiriques. [1964 : 169].

Il existe donc une différence entre les fonds originels à partir desquels les langues européennes et les langues négro-africaines, traditionnellement, s’enrichissent : celles-là le font, le plus souvent, à partir de langues classiques : celles-ci, le plus souvent, à partir d’onomatopées. Cette différence en entraîne une autre : celle qui existe entre la valeur des

mots. Plus haut, il a été dit que, dans les langues européennes (comme le français, en particulier) les mots sont clairs et précis tandis que, dans les langues négro-africaines, ils sont plutôt suggestifs. Pour mieux faire ressortir cette différence de valeur, Senghor donne deux exemples à partir de deux verbes Wolof. Le premier verbe est nêyu. Il signifie saluer. Mais sa richesse dépasse le cadre de cette seule et simple signification car :

nêyu, « saluer », à finale - u médio - passive, vient de nooyu « respirer pour soi », « sentir », « prendre en considération », « honorer ». [1977 : 360].

Le second verbe est sufeelu. Formé à partir substantif suf ( terre ), il peut se traduire par

s’abaisser , s’humilier . Seulement, bien que dans «s’humilier, il y ait la notion de terre:

Le Français moyen ne songe point à la terre quand il entend un mot comme s’humilier ». Sufeelu, pour un Wolof, c’est toujours, peu ou prou, « se jeter à terre devant quelqu’un », et le « u » garde bien sa valeur médio – passive.

Cette différence entre la valeur des mots et, partant, des images, en français et dans les langues négro-africaines se comprend aisément, à la lumière de la manière dont évoluent les sociétés. L’homme commence par acquérir la puissance sur son environnement grâce au langage. Nommer quelqu’un ou quelque chose, c’est l’appeler à l’existence et, du coup, c’est le posséder. Comme Dieu, dans le livre de la Genèse. Cette fonction primitive de la nomination apparaît dans toutes les langues lorsque les civilisations qu’elles expriment en sont encore à leurs premiers stades, que les locuteurs n’ont pas encore rompu le cordon ombilical les liant au Cosmos ; c’est avec les progrès du rationalisme que les mots perdent leur efficacité et leur puissance.

Le rationalisme, avec le scientisme qu’il engendre, contribue à désacraliser l’univers. Partant, l’homme cesse de croire au féerique, au merveilleux, au fantastique : aux « mensonges

vitaux » pour reprendre une expression employée par Gilbert Durand dans Les Structures

anthropologiques de l’imaginaire1 .

1

En Occident, dès l’Antiquité, et sous l’influence de Platon, la poésie commence à ne plus se nourrir de ces « mensonges vitaux », cessant par là d’être conçue comme moyen de

connaissance. Au XVIè siècle, la redécouverte de l’Antiquité s’accompagne d’un

développement du critère d’objectivité : l’imagination commence alors à perdre ses droits, à se dévaloriser. « Dès lors », comme le notent Roger Laufer et Bernard Lecherbonnier, « Les recueils de faits mémorables et admirables : chroniques, légendiers, bestiaires, sont soumis à un examen critique qui en élimine l’obscur, l’incertain, l’improbable » : le savoir, débarrassé des faits et croyances que l’expérience ou l’observation ne vérifient pas, formera les bases de l’astronomie, des sciences naturelles, de la géographie, de l’histoire. Les faits et récits

merveilleux ne sont pas admis au nombre des matières écrites et demeurent oraux 1.

Ainsi, en s’opposant au Moyen Age et à son mysticisme, la Renaissance provoque le passage du sacré vers le profane. « Les matières écrites » servant de fondement à « la culture bourgeoise et aristocratique » nécessitent l’emploi d’un vocabulaire scientifique et technique. Avec le développement d’un tel vocabulaire, les mots se figent en des acceptions bien précises, et, du coup, en même temps que les images, ils perdent leur expressivité poétique. Il se produit comme une sorte de dégradation : l’image cède la place au concept, le symbole à l’allégorie, la poésie à la prose. Pierre Giraud aide à comprendre, davantage ce transfert

desséchant dans son étude intitulée Pour une semiologie de l’expression poétique, il ressort

que les mots, au cours de leur existence connaissent deux phases. La première phase est celle du mot avec sa valeur suggestive ; la seconde, celle du mot ayant perdu cette valeur.

A propos de la première phase, il écrit : « Les choses, en effet, ne sont pas de pures représentations : à leur souvenir adhèrent des préjugés, des sympathies, des craintes, des désirs collectifs plus ou moins particuliers à tel groupe, à tel individu. Ainsi le lait ou le sang, le rouge ou ou le bleu, le soleil ou la terre, la liberté ou la mort, sont des notions valorisées. Ce sont aussi des mots poétiques générateurs d’images. Mais, comme l’a montré Bachelard, ce sont moins des représentations formelles que les expériences profondes : le chant de l’alouette n’est pas un cri, mais une liberté, un jaillissement aérien qui nous libère des lois de la pesanteur et des contingences de notre condition terrestre.

« Le mot, avec sa signification, libre des valeurs attachées à la chose : ces valeurs particulièrement fortes dans certains cas peuvent recouvrir le sens ; le signe cesse alors d’évoquer une représentation pour n’exprimer qu’une émotion ou une réaction affective. Dans de telles métaphores, il y a moins transfert d’un sens que d’une valeur.

« Cette transvalorisation est le mode d’expression majeur de l’expérience majeure de l’expérience poétique dans son originalité. (Avec cette) transvalorisation, le mot arraché aux conventions collectives est rendu aux hiérarchies intimes qui structurent et signifient notre

expérience dans ce qu’elle a de plus singulier et d’incommensurable aux vulgaires »1

A la transvalorisation s’oppose la lexicalisation. Et Guiraud de faire noter : « Cette