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Il existe un second facteur susceptible d’expliquer l’orientation de Senghor vers la poésie : le poids de la double influence culturelle qui s’est exercée sur lui : influence de la tradition négro-africaine et influence de la tradition française.

a. Influence de la tradition négro-africaine

Léopold Sédar Senghor est d’une aire culturelle, voire d’un continent où, avant la pénétration européenne, on ne saurait concevoir l’existence sans l’apport de la poésie : un apport immense

car la poésie rythmait toutes les activités humaines afin de les rendre efficaces ou propices 1

[1977 : 25] :

La Parole rythmait, en forces cosmiques, les signes archétypes déposés dans les profondeurs abyssales du cœur : de la mémoire humaine.

Le Négro-Africain a préféré la Parole à l’Ecriture. Cette préférence l’a conduit à élever au

niveau d’un art l’acte consistant à s’exprimer oralement d’où cette constatation [1977 : 14] :

Pendant longtemps, le sens artistique des Nègres et des Arabes se concentra sur le Verbe, très précisément sur la poésie.

Cela est si exact qu’au Sénégal, par exemple, chez les Ouolofs, le mot français « conversation »

au sens de « exposés-débats » se traduit par l’expression waxtane : « paroles choisies ». 1 Dans

ces conditions, il n’est pas étonnant que, chez eux, comme chez tous les autres peuples soudano-sahéliens, la parole se fasse poésie, spontanément. Après avoir constaté que ces peuples savent faire, d’un simple marchandage sur le prix d’une de kola, un véritable poème, Senghor en déduit [1977 :464] :

C’est la marque même de l’Afrique noire, où toute parole est poiêsis ; c’est-à-dire création.

Senghor a donc commencé par vivre dans un univers où la poésie est le genre majeur, où tout le monde est poète car, comme il nous l’a confié lors de notre entretien :

Pour être parfait, le jeune homme doit être non seulement un athlète, un lutteur, mais encore un danseur et il doit un chanteur2. Mais surtout, la jeune fille, pour être accomplie doit être une chanteuse, doit être une poétesse. Et chez les Sérères en général, la jeune fille compose des chants pour chanter son Noir-Elancé, c’est-à-dire son fiancé.

Son enfance a été charmée par les kim composés par les « poétesses du sanctuaire » et les

« griots du roi » [1977 : 464] :

Car j’avais, au Royaume d’Enfance, au cœur du pays sérère, vécu un monde de politesse dans l’échange, un monde où le corps comme l’âme, était magnifié par le rythme et la parole, la danse et le poème : une monde de beauté.

Le séjour au Royaume d’Enfance n’aura donc pas été pour rien, dans sa vocation de poète, d’où

sa déclaration [1977 : 12] :

1

Dans une étude intitulée La Parole pensée et publiée par la revue Notre Librairie (n°81 octobre – décembre 1985) Papa Massène Sène rapporte que les Ouolofs établissent la différence entre la parole « agréable à entendre (esthetique) et de haute portée morale (éthique) d’une part et, d’autre part, le « discours socialement inacceptable, non littéraire, parce que mal poli. Le premier genre de parole est qualifié de Wax ju neex (parole agréable). Pour le second, on a des expressions comme : Wax ju nyagas (discours rude) Wax ju naxari (discours déplaisant ). »

2Au démeurant, dans ma langue natale, le sérère, le même mot, : gim au singulier, kim au pluriel, signifie en même temps chants et poème. (Entretien avec le poète.)

Ce n’était pas pour rien que nous étions de petits Sénégalais, héritiers d’une civilisation féodale, nourris de récits légendaires et de poèmes épiques.

Effectivement, Senghor a su tirer profit de son héritage littéraire ancestral. Il a commencé par écouter des poèmes. Puis, ayant eu à s’exprimer par l’écrit, il a voulu se rattacher à une tradition en rédigeant, à son tour, des poèmes.

b. Influence de la tradition littéraire française

Dans la tradition littéraire française, la poésie 1 jouit d’un grand prestige. Des siècles durant, elle

est restée le genre majeur, comparé, par exemple, au roman. Ce prestige, elle le doit à ses

origines qui sont, à la fois, anciennes et nobles.

Elles sont, d’abord, anciennes. On le sait : la culture française doit plus à la Grèce et à Rome

qu’à la Gaule.2

En effet, contrairement à ce qui s’est passé dans les autres pays à peuplement

celtique 3 ou dans les pays nordiques et germaniques,4 en France, la littérature écrite s’est

voulue, dès ses origines, une continuation des littératures grecque et romaine. Or, le genre qui,

par excellence, assurera cette continuité fut la poésie.5

Ensuite, la poésie, même si elle n’est pas produite par des nobles, a des origines « nobles » de par sa manière d’être conçue et rédigée : elle n’était pas élaborée par n’importe qui, tout comme

1 Certes, nul ne saurait cdontester l’existence d’une poésie populaire : oésie élaborée spontanément par le peuple et pour le peuple. Mais, en Occident, il y eut, le départ, une nette distinction entre l’art populaire et l’art réservé à l’élite. Cette distinction fut accentuée par l’emploi de l’écriture et, en matière de littérature, l’héritage qui nous est parvenu, notamment par le biais de l’école, est constitué par les œuvres des grands maîtres baptisés, pour la

circonstance « classiques ». Aussi, quand ici, nous employons le mot « poésie », c’est par référence à cette poésie », c’est par référence à cette poésie à caractère élitiste.

2 La constitution du vocabulaire français en donne la preuve : seuls quelque deux cent mots du vocabulaire celtique sont passés en français.

3 Nous songeons en particulier aux pays celtiques situés Outre-Manche.

4 Dans ces pays, le fonds populaire traditionnel a persisté et s’est maintenu, malgré la colonisation ou l’infuence romaine.

5 Régime Pernoud a collaboré, sous la direction de Raymond Quenaud, à la rédaction du troisième tome de l’Histoire des littératures édité par Gallimard. Elle est l’auteur du chamitre : La littérature médiévale (page 3 – 163) et, propos de l’ancienneté et de l’antériorité de la poésie par rapport au roman, elle écrit ; « On doit être reconnaissant aux érudits qui, comme Reto R. Bezzola, ont exploré ce premier domaine de la littérature médiévale et remis en valeur ce que l’on considérait presque comme un « chaînon manquant ». Entre la littérature latine du Bas Empire et la littérature française, le chaînon existe. On peut parfaitement suivre les étapes d’une évolution entre les poèmes d’Ausone et de Sidoine Apollinaire encore liés aux traditions antiques malgré leur saveur originale, et le moment où apparaissent les premières œuvres en français. C’est au VIè siècle que l’on voit ainsi poindre les traditions médiévales et que s’opère la jonction entre notre littérature et les lettres antiques… Or, si la poésie a des liens avec l’Antiquité, le roman est un genre dépourvu de racines antiques. Il y a bien eu quelques romans écrits en grec ou en latin comme ce Théagune et Chariclée qui faisait les délices de Racine adolescent, mais l’œuvre date du IVè siècle de notre ère. Le roman se situe hors de toute tradition classique ».

elle ne s’adressait pas à n’importe qui. Le poète était celui qui, grâce au commerce qu’il entretenait avec les Muses, grâce à la mise en œuvre d’un ensemble de procédés, charmait en recréant. Donc, la poésie française se prévaut de ses racines antiques et nobles. Les Grecs qui ont influencé les Français avaient, du genre, une haute idée et c’est bien ce que Senghor retient lorsque, justifiant son choix de la poésie, il confie, de nouveau, lors du même entretien :

…la poésie était l’art majeur autrefois. Si l’on remonte à son étymologie grecque, la poésie c’est la création, c’est l’œuvre d’art.

S’entretenant avec André Fontaine,entretien rapporté par Le Monde du 17 mai 1978, il a encore

recours à l’étymologie grecque pour mettre en exergue la noblesse de la poésie, sa prééminence

sur les autres genres 1:

Qu’est-ce que la poésie ? Je suis en train de préparer une note sur la poésie, en partant de l’idée de la poïèsis grecque. Poïein, vous le savez, c’est faire, fabriquer, créer (…) C’est cela la poésie ; et la sculpture, la poésie. Le sport, c’est encore de la poésie.

Donc, prééminence d’un genre sur les autres genres ; mais aussi, prééminence d’un genre parce qu’il constitue l’objet de toute forme d’art, de toute manifestation artistique dans la mesure où [1977 : 29] :

… toute forme d’art (est) poésie, c’est-à-dire création par le moyen de l’image rythmée, que celle-ci soit sonore ou plastique.

En définitive, Senghor a choisi d’être poète parce que son double héritage culturel lui inspire : [1977 : 23] :

1 Nous fondant sur une étude de Régime Pernoud, nous avions conclu à la supériorité de la poésie sur le roman, en partant des origines des deux genres. Un texte de Georges Pompidou intitulé Poésieet qui sert d’introduction à son

Anthologie de la poésie française nous permet de poursuivre cette comparaison, à partir des effets que les différentes formes d’art produisent sur nous. Pompidou commence par constater : « A vrai dire, les vers ne sont qu’une des multiples expressions de la poésie. Celle-ci est ou peut se trouver partout. Dans un roman comme dans un tableau, dans un paysage comme dans les êtres eux-mêmes. Tous les hommes, ou presque, y son sensibles. Tous les sujets ou presque y prêtent ». (Op. cit. Page 7). Cependant, il poursuit : « Mais si la poésie peut se rencontrer partout il n’est pas défendu de la chercher de préférence chez les poètes. Si l’art des vers me paraît le plus difficile et donc sans doute le premier de tous c’est parce que le poète prend un risque redoutable : délibérément, de surcroît. Ce qyu chez le romancier par exemple peut n’être qu’une réussi suprême, une parure en apparence inutile, et dont l’absence en tout cas ne lui sera pas immédiatement reprochée, est, pour le poète, l’essence et la raison d’être de son art. Un tableau, une sumphonie, un roman sans poésie peut encore se lire, s’écouter, ou se regarder (…). Mais rien ne peut empêcher qu’il poème dénudé de poésie soit plus que mort, intolérable. (Ed. Hachette. 1961. Pages 8-9).

Si je dis « art », en pensant « poésie », c’est que la poésie est l’art majeur parce qu’art de la Parole. En quoi, au demeurant, (on) rejoint le Négro-africain, dont la mythologie de la parole est la clef de son anthologie.

Cependant, il n’est pas devenu, immédiatement, le grand poète que la postérité, dix ans après sa disparition, continue de célébrer. Approximativement, pendant une dizaine d’années, il a versifié plus qu’il n’a poétisé. Sous l’influence des Maîtres de l’époque, les poètes symbolistes, il a débuté en imitant. Ses premiers poèmes s’inscrivent dans le sillage de ces poètes ayant pour

noms : Henri de Régnier, Emile Verhaaren, Jules Laforgue, René Ghil, Maurice Maeterlinck. 1

Comme eux, et comme le font constater ses poèmes de jeunesse, il va cultiver l’art de suggérer idées, sensation et sentiment grâce au choix des mots et à leur sonorité. Ce ne sera que par la suite qu’il rédigera les poèmes qui feront sa célébrité. Ce qui, entre temps, s’est passé, est suffisamment connu : après avoir proclamé la négritude, l’avoir défendue, il a entendu l’illustrer en créant une nouvelle poésie nègre de langue française. Ainsi, de l’imitation des modèles français, il a évolué vers une création originale. Voilà qui autorise à parler de cheminement, de

quête. C’est de cette quête qu’il sera question dans les deux chapitres qui suivent : A la

recherche de la poétique et La poétique retrouvée.

1

L’influence de ces poètes sur Senghor n’a pas encore été mise en lumière parce que, à part une étude suffisamment argumentée que Rober Jouanny a consacré aux poèmes de jeunesse, la critique ne s’est pas encore intéressée aux débuts littéraires du poète sénégalais.

A LA RECHERCHE DE LA POETIQUE

Nous introduirons ce chapitre en partant de Paul Valéry. L’auteur de La Jeune Parque et de

Charmes occupe, dans l’histoire de la poésie française du XXe siècle, une place à part. En effet, il se différencie fondamentalement de ses contemporains, par son esthétique et ses sources d’inspiration. Fidèle à une tradition remontant à Malherbe et codifiée par Boileau, il se sent à l’aise dans le respect des normes contraignantes du classicisme : accordant la priorité au travail sur l’imagination, il s’inspire fréquemment des mythes et de la mythologie de la Grèce antique pour rédiger ses poèmes.

Ces normes que l’on pourrait dire édictées pour Paul Valéry, les autres « phares » de la poésie

française du XXe siècle les récusent. Certes, au début du XIXè siècle, réagissant contre le

classicisme et l’académisme, les romantiques avaient contribué à rendre plus souple l’alexandrin. Mais les « phares » jugent leurs innovations insatisfaisantes et ambitionnent d’aller plus loin qu’un Hugo, par exemple. Estimant que la rhétorique traditionnelle ne peut pas être utilisée pour exprimer le monde contemporain, ils ne se contentent pas de «disloquer ce grand niais d’alexandrin », ni de « placer un bonnet rouge sur le vieux dictionnaire ». Comme Rimbaud, ils ambitionnent d’inventer un langage nouveau. Ils y réussissent à merveille, d’où leur originalité ; originalité d’un Guillaume Apollinaire, poète de la modernité et précurseur immédiat du surréalisme, certes ; mais surtout, pour ce qui concerne notre étude, originalité d’un Péguy, d’un Claudel, d’un Saint-John Perse. Arthur Rimbaud, Charles Péguy, Paul Claudel, Saint-John Perse : des poètes auxquels Senghor se réfère constamment, avec lesquels il se découvre maintes affinités quand il est question d’esthétique. Les a-t-il imités ? La réponse à cette question mérite d’être nuancée. Il serait vain d’essayer de nier leur influence sur sa personne. Mais, ce qu’il faut davantage retenir, au nom de l’objectivité, c’est plutôt la rencontre, la convergence entre l’esthétique de ces poètes de l’Hexagone et l’esthétique de Senghor.

Le poète sénégalais ne s’est pas contenté de se soumettre à la poétique de ses devanciers français. La poétique à laquelle il souscrit est celle dont il a découvert les éléments constitutifs, au terme d’une véritable quête.

Dans le titre du présent chapitre, on retiendra l’emploi de l’article défini « la » devant le mot « poétique ». Il ne s’agit pas là d’un emploi fortuit. En effet, l’emploi de l’indéfini « une » aurait pu conduire à croire que Senghor s’est efforcé de créer ou de découvrir une nouvelle technique

de versification, au terme d’une série d’épreuves. En fait, il n’en est rien : au terme de ses

recherches. Senghor découvre, tout simplement, une technique préexistante. 1

Avant d’entreprendre ses recherches, il avait déjà rédigé des vers. Aussi, son itinéraire poétique

débute-t-il par une période de juvenilia. Celle-ci sera reniée par la suite, lorsque le poète

découvrira la poésie négro-américaine d’une part, les poésies orales ouolof et sérère d’autre part.

Ce chapitre comportera donc trois parties. Chaque partie rendra compte d’une étape déterminée de la quête, d’un itinéraire qui mènera du lycée Laïc de Dakar à la Sorbonne, de la Sorbonne aux camps d’internement nazis de la Seconde Guerre.

Nous avons adopté une telle démarche considérant, avec Paul Valéry, que « le créateur de

l’œuvre n’est pas la vie de l’auteur mais l’esprit de l’auteur. » 2C’est cet esprit que nous nous

proposons de reconstituer, de reconstruire. Or, « pour reconstituer le personnage d’un esprit », Valéry recommande que l’on tienne compte des différentes périodes auxquelles l’esprit a créé l’œuvre ». Pour ce faire, il met en garde contre l’erreur de « la critique qui considère le travail de toute une vie (en rendant) simultanées des pensées ou des formes qui, en réalité, furent produites

à des époques très différentes ». 3

Une telle remarque est parfaitement valable pour la création poétique de Léopold Sédar Senghor. Cette création s’est effectuée en deux étapes: celle des poèmes de jeunesse et celle de la maturité. De la seconde, il ne sera pas question dans ce chapitre. Il sera uniquement question de la première. Après quoi seront étudiées les leçons tirées de la lecture des Négro-Américains, de l’audition des poètes et poétesses du Sénégal.

I. L’INITIATION A LA PRATIQUE DES VERS

L’expression « période de juvenili » est du poète et critique littéraire Armand Guibert4

. Nous la lui empruntons pour désigner la période s’étendant de 1927 à 1935.

1 Cf. pour le choix du titre du chpitre, notre rapprochement avec Marcel Proust, dans la conclusion du chapitre suivant.

2

In L’Univers imaginaire de Mallarmé. P. 23.

3 Ibidem

En 1927, Senghor fréquentait la classe de Première au Lycée Laïc de Dakar ; en 1935, il était professeur au lycée de Tours. A Dakar, il commença à rédiger des poèmes ; à Tours, il les détruisit pour répartir à zéro. Entre les deux dates, il a subi une triple influence : celle de la poésie traditionnelle française avec les romantiques et les symbolistes ; celle du surréalisme et, enfin celle des Nègres, qu’ils soient de souche ou de la Diaspora.

Donc, le premier texte de Senghor dont la critique garde un souvenir date de 1927. Son auteur était, à l’époque, inscrit au Cours Secondaire Laïc de Dakar. Auparavant, la formation reçue au Collège-Séminaire Libermann de la même ville l’avait orienté vers les études littéraires. Au cours Secondaire Laïc, ce penchant pour la littérature s’affirme davantage. Il se retranche des autres élèves pour mieux s’adonner à la lecture, à la documentation. « On ne le voit plus », écrit Armand Guibert, « frayer avec les camarades de son âge. Au contraire, une faim d’études qui ne peut s’assouvir que dans l’isolement » fait de lui un grand lecteur : il lit et relit en prenant des notes ». Une telle activité intellectuelle le conduit à vouloir s’exprimer à son tour, et Armand Guibert de préciser : « la passion d’écrire le tient déjà ». Voilà qui justifie qu’il ait rédigé ses premiers vers au lycée et « sa famille conserve le souvenir de tel poème qu’il composa en 1927, à l’occasion de la naissance de son neveu Henri, et dont il ne reste plus rien ; les rats ayant

mangé le manuscrit abandonné dans un tiroir. » 1

Donc, âgé d’une vingtaine d’années, Senghor s’initie la poésie. En 1928, c’est le succès au baccalauréat et le départ pour la France. Or, dans ces années de l’entre-deux guerres, il règne à Paris une intense activité littéraire et artistique. Traumatisée par le choc que fut pour elle la Grande Guerre, la jeunesse s’interroge sur les valeurs de la civilisation occidentale et les remet en question, parfois, violemment. On assiste alors à une sorte de « New Deal » artistique et littéraire animée notamment par les peintres cubistes et les poètes surréalistes.

Il n’existe pas encore de contacts directs entre l’étudiant Senghor et « l’avant-garde » littéraire et artistique. Mais il subit son influence comme subissent son influence beaucoup d’autres intellectuels originaires des colonies et résidant à l’époque à Paris. La preuve : les étudiants martiniquais qui créent, en 1932, une revue pour stigmatiser les tares dont souffrent les Antilles

colonisées, choisissent comme titre de leur revue : Légitime Défense. Or, Légitime Défense est

le titre d’un texte qui date de 1926. Il est, plus précisément, le titre d’une « violente diatribe

d’André Breton contre L’Humanité jugée « puérile, déclamatoire, inutilement crétinisante » et

son directeur littéraire Henri Barbusse « qui n’est pas un homme d’action, qui n’est pas une

lumière de l’esprit, et qui n’est même positivement rien. » (1)

Et Michèle Dorsemaine qui cite ce passage de Breton d’ajouter : « Les étudiants martiniquais, signataires du second manifeste de