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CHAPITRE 4 : DEVOIRS, DROITS, RÔLES, OBLIGATIONS ET FONCTIONS DE LA

6. LA PLACE DE LA FEMME CHEZ LES TÉMOINS DE JÉHOVAH

« Que la femme apprenne en silence, en toute soumission. Je ne permets pas à la femme d’enseigner, ou de dominer sur l’homme, mais qu’elle soit dans le silence. Car Adam a été formé le premier, Ève ensuite. »75 (1 Timothée 2, 11-13).

Comme nous l’avons exposé lors du premier chapitre, dès le début du mouvement religieux la place des femmes au sein de l’organisation jéhoviste était déterminée. Ces dernières ne pouvaient aspirer à siéger sur des instances hiérarchiques, à avoir un quelconque pouvoir décisionnel ou à être des anciens de congrégations, lesquels animent les réunions à la Salle du Royaume. Nous verrons que la place des femmes au sein du mouvement n’a guère changé depuis la formation du mouvement. Nous tenterons, dans le prochain point, de comprendre quelle est la place exacte des femmes Témoins de Jéhovah. Encore de nos jours, le mouvement s’appuie sur certains versets bibliques, notamment celui-ci dessus, pour expliquer sa position sur la place des femmes faisant partie du groupe religieux76. Cette représentation sociale est de l’ordre du public, mais peut aussi

avoir des impacts sur la vie privée.

73 WBTS, TG (édition d’étude), vol. 134, no 20, octobre 2013, p. 32. 74 WBTS, « Que diriez-vous d’un cours […] », avril 2015, p. 5. 75 WBTS, Les Saintes Écritures […], p. 1473.

76 L’ordre de la création dans Genèse 1 et 2 est discutable. Walter Vogels souligne qu’en Genèse 1, 26 l’humanité est

créée par Dieu. L’auteur de Genèse 1 emploi le terme adam utilisé ici pour homme au sens d’humain et non pas de sexe masculin. Walter VOGELS. Nos origines […], 1996, p. 56-57. Selon Vogels : « [l]e texte parle de la création

6.1. La femme ne peut diriger une congrégation77

Présentons tout d’abord la hiérarchie chez les Témoins de Jéhovah. Tout en haut de l’organisation se trouve le Collège central, vient ensuite les comités de filiale, les surveillants itinérants, les collèges d’anciens78, les assistants ministériels, les frères et les sœurs. Les frères peuvent aspirer à

des rôles hiérarchiques ou à des fonctions au sein de la congrégation. Le Collège central est entièrement composé d’hommes. Il y a des assistants de comité, tous des hommes également79.

Dans les revues, on peut lire que les surveillants itinérants ne sont que des hommes80. Puis, il y a

les anciens et les assistants ministériels, rôles attribués aux hommes une fois de plus81.

de l’humanité, de la personne humaine. […] Il n’y a que la personne humaine, peu importe sa race, sa religion ou sa condition sociale. » Ibid., p. 56-57. Si nous continuons notre lecture de Genèse, il est écrit en 1, 27 que mâle et femelle ont été créés à l’image de Dieu, par Dieu. Il y a deux récits distincts de la création humaine dans la Genèse. Continuons encore notre lecture jusqu’à Genèse 2, 7. L’auteur utilise aussi le terme adam, mais y ajoute le préfixe

ha-adam. Selon Vogels, cela signifie « qu’il ne s’agit pas d’un nom propre. L’auteur ne parle pas de la création d’un

homme nommé Adam, mais bien de l’humanité, de l’être humain en général. » Ibid., p. 77. Il n’y a qu’une distinction de sexe qu’à partir de Genèse 2, 22-23. C’est là, pour la première fois, « qu’apparaissent dans le récit les termes homme (ish) et femme (ishah) ». Ibid., p. 86-87. L’être humain devient, au verset 2, 24, homme et femme, une seule chair. Vogels mentionne qu’il n’y a pas à avoir une quelconque lecture hiérarchique dans l’ordre de la création. En effet, il souligne : « [l]a discussion entre la lecture patriarcale ou féministe du texte pour déterminer qui est supérieur dans l’égalité n’est pas nécessaire. Le texte parle au début de l’être humain, puis, uniquement à la fin, de l’homme et de la femme. Le texte ne considère aucun des deux supérieur. On peut même dire que l’égalité ne le préoccupe pas car parler de supériorité et même d’égalité est dans la ligne des droits et des devoirs. Le texte parle d’une relation entre deux êtres, de leur complémentarité et donc de leur amour mutuel. » Ibid., p. 89. Aussi, les interdictions édictées par les écrits pauliniens aux chrétiennes seraient d’ordre sociologique et non religieux. En effet, Michel Gourgues mentionne que selon les interprètes ceux-ci « estiment de plus en plus que, dans ce passage, Paul n’exprime pas sa position personnelle […] mais qu’il fait plutôt écho […] à une position restrictive de certains Corinthiens, peut-être d’origine juive, désireux de réduire la femme au silence dans les assemblées liturgiques. […] Ainsi donc, en réservant aux hommes le rôle d’enseignement et en imposant aux femmes le silence dans la soumission, 1 Tm se trouve à importer, à l’intérieur des assemblées liturgiques chrétiennes, le “modèle patriarcal” prévalant dans la société de l’époque. [L’auteur poursuit] En cela, 1 Tm 2, 8-15, peut-être sous l’effet d’une assimilation insuffisamment critique de canons culturels répandus, paraît représenter le point extrême d’un durcissement progressif de l’attitude chrétienne à l’égard de la femme ». Michel GOURGUES. Les deux lettres […], p. 108-109.

77 Il y a trois références à cette sous-catégorie dans La Tour de Garde et neuf dans La Tour de Garde (édition d’étude).

78 Les conseils des anciens ont comme fonction de diriger les congrégations locales des Témoins de Jéhovah. « Il

s’agit d’hommes qui, pour la plupart, sont Témoins de Jéhovah depuis longtemps […] Le collège est lui-même dirigé par un président. » Philippe BARBEY. Les Témoins de Jéhovah […], 2003, p. 114.

79 WBTS, TG (édition d’étude), vol. 136, no 20, octobre 2015, p. 3.

80 On cite un verset biblique où il est indiqué que le surveillant est un homme, soit 1 Timothée 3, 2, 6. WBTS, TG (édition d’étude), vol. 135, no 18, septembre 2014, p. 4.

81 On cite 1 Timothée 3, 8 : « Il faut de même que les assistants ministériels soient [des hommes] dignes ». WBTS, TG (édition d’étude), vol. 135, no 22, novembre 2014, p. 28.

Dans la revue de La Tour de Garde de septembre 2012,82 il est dit que les femmes ne peuvent ni

enseigner ni diriger une congrégation. Les rédacteurs citent certains passages bibliques pour expliquer leur point de vue. Voici ce qu’ils mentionnent sur l’interdiction de diriger une congrégation pour les femmes. Ils prennent un passage de l’apôtre Paul qui s’adresse à Tite dans Tite 1, 5-683 : « C’est pour cette raison que je t’ai laissé en Crète, pour que tu […] établisses des

anciens dans ville après ville. »84 Il est aussi expliqué, selon les dirigeants, dans la Bible pourquoi

la charge de dirigeant spirituel est laissée uniquement aux hommes. :

Paul l’explique : « Je ne permets pas à la femme d’enseigner, ou de dominer sur l’homme, mais qu’elle soit dans le silence. Car Adam a été formé le premier, Ève ensuite. » (1 Timothée 2:12, 13). Ainsi, l’ordre de la création est une indication de ce que Dieu avait prévu concernant l’attribution des charges d’enseignement et de direction spirituelle des congrégations. [On ajoute] Chez les Témoins de Jéhovah, les femmes ministres n’enseignent pas la congrégation quand des hommes baptisés sont présents. Seuls des hommes établis à cette fonction assurent l’enseignement. 1 Timothée 3:2; Jacques 3:1.85

Rappelons que l’interprétation des Témoins de Jéhovah sur ces passages en est une parmi d’autres. Le contexte historique et socioculturel de rédaction de ces passages n’est pas pris en considération par les dirigeants jéhovistes. Nous pouvons voir d’ailleurs quelques images où c’est un homme qui dirige une réunion86.

6.2. La femme doit avoir une bonne conduite87

« Une femme capable, qui peut la trouver ? Sa valeur dépasse de beaucoup celle des coraux. Le cœur de son propriétaire a placé sa confiance en elle, et le gain ne manque pas. Oui, elle le rétribue par le bien, et non par le mal, tous les jours de sa vie »88 (Proverbes 31, 10-12).

82 Nous avons sorti du cadre méthodologique, une fois de plus, mais cette revue est riche en informations sur les

femmes chez les Témoins de Jéhovah.

83 WBTS. Les Saintes Écritures […], p. 1481.

84 WBTS, TG, « Dieu est-il sensible […] », vol. 133, no 17, sept. 2012, p. 23. 85 Ibid., p. 23.

86 WBTS, TG (édition d’étude), vol. 134, no 14, juillet 2013, p. 23 ; WBTS, TG (édition d’étude), vol. 134, no 22,

novembre 2013, p. 30 ; WBTS, TG (édition d’étude), vol. 135, no 12, juin 2014, p. 28 ; WBTS, TG (édition d’étude),

vol. 136, no 8, avril 2015, p. 8.

87 Il y a quatre références à cette sous-catégorie dans La Tour de Garde et cinq dans La Tour de Garde (édition d’étude).

Dans les revues analysées, nous percevons que les dirigeants jéhovistes s’attendent à ce que les femmes Témoins de Jéhovah aient une bonne conduite. Les rédacteurs des revues donnent des exemples édifiants pour démontrer ce qu’ils attendent comme comportement de la part des membres. Par exemple, si les conjoints des femmes ne sont pas Témoins de Jéhovah, celles-ci devront tout de même avoir du respect pour leurs époux : « Soyez soumises à vos propres maris, afin que, si quelques-uns n’obéissent pas à la parole, ils soient gagnés sans parole grâce à la conduite de leurs femmes (1 Pierre 3:1) »89. Une femme dont le conjoint n’est pas Témoin dit :

« [j]e suis déterminée à suivre le chemin sur lequel Jéhovah veut me voir marcher. En même temps, je m’efforce de gagner mon mari “sans parole”, par ma bonne conduite. »90 Plus loin, il est

écrit :

La ligne de conduite de Christa [la femme citée ci-dessus] illustre la valeur de la souplesse. Christa conserve de bonnes habitudes spirituelles, dont l’assistance aux réunions et une participation zélée au ministère. Elle se montre néanmoins compréhensive, consciente que son conjoint est en droit de lui réclamer de l’amour, du temps et de l’attention. Dans nos relations avec notre famille non-Témoin, compréhension et souplesse sont des qualités essentielles.91

Un exemple de bonnes conduites religieuses est de refuser les transfusions sanguines, ce qui, selon les Témoins de Jéhovah, est une loi dictée par Jéhovah. Cette bonne conduite est illustrée par une femme alitée à l’hôpital, son médecin près d’elle. Le texte qui suit l’image explique que le médecin souhaite son accord pour une transfusion. Les rédacteurs mentionnent que refuser ce type de traitement correspond à un geste de détermination. Les membres ne doivent pas s’y soustraire92.

Dans une autre revue, il est mentionné que le mauvais comportement d’un Témoin « pourrait trahir un manque de respect envers Dieu »93. L’image d’une femme suspendue à son téléphone

cellulaire dans la Salle du Royaume illustre ce point. Dans ce même article, il est mentionné que les membres doivent faire preuve de respect envers Dieu lorsqu’ils vont aux réunions. Ceux-ci doivent avoir de bonnes manières, une tenue vestimentaire et un aspect général convenables94.

Les rédacteurs citent des exemples de femmes bibliques qui ont eu de bons comportements. La

89 WBTS, TG (édition d’étude), vol. 134, no 6, mars 2013, p. 31. 90 WBTS, TG (édition d’étude), vol. 135, no 6, mars 2014, p. 6. 91 Ibid., p. 6.

92 WBTS, TG (édition d’étude), vol. 135, no 22, novembre 2014, p. 11. 93 WBTS, TG (édition d’étude), vol. 136, no 14, juillet 2015, p. 29. 94 Ibid., p. 28-29.

femme de Noé, par exemple, a eu un esprit de sacrifice et d’obéissance envers son mari95. Une

image présente une femme et sa famille à l’intérieur d’une maison. La famille étudie la Bible. La femme est un peu en retrait du groupe, assise derrière son mari96. D’autres images illustrent deux

femmes marchant en arrière-plan, tandis que deux hommes sont en avant97 ou encore un mari

assis, en avant-plan, sa femme debout dernière lui98. Le même couple est représenté sur une autre

image, mais cette fois-ci, la femme et sa fille sont à l’arrière tandis que le mari et son garçon se retrouvent à l’avant99. Nous constatons à la figure 20 deux hommes confortablement assis tandis

que deux femmes, certainement leur conjointe, prennent place sur le bras des fauteuils. Figure 20 : La place de la femme

Source : WBTS, « La guerre, qu’en pense Dieu ? », TG, vol. 136, no21, novembre 2015, p. 11.

Seuls les hommes occupent des postes de pouvoir au sein de l’organisation jéhoviste. Les femmes ne peuvent ni enseigner lors des rencontres à la Salle du Royaume ni diriger les réunions. La STG explique cela, entre autres, par l’ordre de la création de la femme100. Elles doivent avoir

une bonne conduite, offrir du temps et de l’amour à ses proches. Elles doivent cultiver des qualités comme la compréhension et la souplesse. La Société les incite à respecter leurs convictions religieuses, peu importe les circonstances. Afin de les aider à suivre un mode de vie en lien avec les valeurs jéhovistes, on souligne à quelques reprises l’exemplarité des comportements de certaines femmes bibliques.

95 WBTS, TG, « La pornographie. Inoffensive ou dangereuse ? », vol. 134, no 15, août 2013, p. 10. 96 WBTS, TG (édition d’étude), vol. 134, no 2, janvier 2013, p. 30.

97 WBTS, TG (édition d’étude), vol. 134, no 12, juin 2013, p. 31. 98 WBTS, TG (édition d’étude), vol. 136, no 20, octobre 2015, p. 12. 99 Ibid., p. 12.

100 Rappelons qu’il s’agit d’une interprétation faites par les Témoins de Jéhovah, mais que des exégètes se sont