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CHAPITRE 1 : LE STATUT DES FEMMES TÉMOINS DE JÉHOVAH AU COURS DE

4. LES FEMMES TÉMOINS DE JÉHOVAH – RECHERCHES DANS LES DOMAINES

4.2. Le droit et la médecine Enjeux sur le refus de la transfusion sanguine

Une seconde étude attire notre attention, notamment par son approche éthique. Il s’agit d’un très court article « Fallait-il transfuser contre son gré Madame G., témoin de Jéhovah ? »143 traitant du

dilemme auquel sont confrontés les médecins devant le refus de recevoir des transfusions sanguines par les Témoins de Jéhovah. Dans cet article, les auteurs relatent le cas d’une jeune femme Témoin de Jéhovah qui, ayant perdu beaucoup de sang à la suite d’un accouchement, refuse le traitement proposé par le médecin, soit une transfusion sanguine ; les médecins lui en administrent une tout de même. Cet article est particulièrement intéressant, car il pose le problème de l’éthique. D’un côté, le médecin a un code éthique à respecter, soit celui de traiter ses patients. Rappelons que la jeune femme avait une bonne santé et, qui plus est, venait de mettre au monde un enfant qui avait besoin d’elle144. Puis, d’un autre côté, le Dr. Chagnon se

demande de quel droit les médecins ont décidé de transfuser cette femme contre son gré145. Il

souligne, à ce propos, « [l]e respect de la position exprimée par le patient, en toute lucidité, de

140 Ibid., p. 893. 141 Ibid., p. 894. 142 Ibid., p. 895.

143 Jean-Luc CHAGNON, Véronique FOURNIER, « Fallait-il transfuser […] », p. 133-136. 144 Ibid., p. 135.

façon éclairée et réitérée doit être un élément clé de la pratique médicale. »146 Les auteurs

proposent que, d’un côté comme de l’autre, les deux positions soient admissibles. De tels propos sont utiles pour l’avancement des idées et des recherches dans le domaine juridique et médical. En effet, les deux positions proposées dans cet article se fondent sur la liberté. Ainsi, les auteurs147 concluent :

la grandeur de la médecine réside dans la rencontre de ces deux libertés, qui méritent autant l’une que l’autre d’être respectée. Certes, il faut à un moment que l’une s’incline. En l’occurrence, celle du médecin s’est imposée. Comme on l’a dit, il eut été tout autant respectable que cela fût celle de la patiente qui l’emportât. Et il serait souhaitable que cela soit au moins aussi souvent le cas. Notre vœu le plus cher serait que la justice ne tranche pas, qu’elle ne condamne ni l’une ni l’autre des issues.148

Comme nous venons de le voir, l’article ne porte pas tant sur le droit des femmes Témoins de Jéhovah de refuser des transfusions sanguines, mais plutôt sur l’importance d’un dialogue entre le domaine juridique et médical dans de telles circonstances. Plusieurs autres articles à la jonction du domaine juridique et médical portant sur les transfusions sanguines ont été rédigés149.

5. CONCLUSION

Nous constatons la rareté des recherches en sciences sociales et humaines portant sur le statut des femmes appartenant au mouvement des Témoins de Jéhovah. Une question demeure pour nous : comment cela se fait-il que la question des femmes dans ce groupe n’ai pas été l’objet de plus d’attention de la part des chercheur(e)s ? En fait, c’est une des premières constatations que j’ai eue en commençant ma formation à la maîtrise en études du religieux contemporain. Cette constatation m’a amenée à m’intéresser aux femmes dans ce mouvement. Dans un contexte de modernisation, de sécularisation et d’égalité femmes/hommes, je ne comprenais pas pourquoi les sociologues, les théologiens, les juristes et autres ne s’intéressaient pas davantage à ce sujet. Mon désir était d’étendre les connaissances sur ce groupe et sur l’évolution qu’il a eue au fil du temps. Il s’agissait d’une curiosité qui ne pouvait être assouvie en raison du manque d’informations sur les Témoins de Jéhovah. Plusieurs facteurs peuvent influencer ce manque dans ce domaine, la

146 Jean-Luc CHAGNON, Véronique FOURNIER. « Fallait-il transfuser […] », p. 135. 147 Notons que ce sont deux médecins de France qui rédigent cet article.

148 Ibid., p. 135.

149 Janine BARBOT. « Soigner en situation de risque […] », p. 985-1014 ; Joelyn KNOPF LEVY, « Jehovah’s

Witnesses, Pregnancy […] », p. 171-189 ; N. MASSIAH, A. ABDELMAGIED, D. SAMUELS, F. EVANS, S. OKOLO, W. YOONG. « An Audit of Gynaecological Procedures in Jehovah’s Witnesses in an Inner City Hospital », Journal of Obstetrics and Gynaecology, vol. 26, no 2, février 2006, p. 149-151.

difficulté de faire des études de terrain avec ce mouvement en est sans doute un. Cela dit, force est de constater que les études, portant sur les femmes faisant partie de ce groupe religieux, même si elles sont rares, sont riches de renseignements.

Le mémoire de maîtrise de Lucie Noël, contemporain à son époque, apporte des conclusions intéressantes. La chercheure souligne que, même dans un groupe religieux conservateur et traditionaliste, les mœurs, les comportements et les statuts ont changé avec les époques, voire même, tendent à ressembler, de près, au statut des femmes québécoises des années 1980. Cette recherche est une piste très intéressante à suivre pour les chercheurs, car cela nous en dit un peu plus sur les groupes religieux dits sectaires, les nouveaux mouvements religieux ou les groupes religieux qui ne sont pas des groupes institutionnels comme le sont l’Église catholique, protestante ou la religion musulmane. En effet, nous croyons souvent, peut-être à tort, que ces groupes sont figés dans le temps. Mais peut-être n’en est-il pas totalement ainsi.

Toutefois, des études, comme celle de Miriam Hughes, posent la question intéressante de savoir si ce n’est pas uniquement les leaders du groupe qui dictent les consignes, mais si le lieu démographique n’est pas aussi un des éléments à prendre en considération. En effet, les conclusions de Hughes ne concordent pas tout à fait avec celles de Noël. Notons toutefois qu’il ne s’agit pas du même type d’étude ni de la même méthodologie150 et plusieurs autres facteurs

sont à considérer, notamment celui du passé de Hughes : elle a déjà fait partie des Témoins de Jéhovah. Toutefois, le fait que l’étude de Hughes soit faite en Australie et celle de Noël au Québec peut aussi être un facteur influent sur la divergence des résultats. Les données recueillies par Hughes rappellent le cas de Maria Russell en passant par le peu de considération au niveau des droits qu’avaient les femmes au début du mouvement. Selon les études, les femmes sont très mal perçues par Joseph Rutherford. Mais retenons qu’à cette époque, comme nous l’avons souligné dans notre chapitre sur l’histoire des femmes dans le mouvement, les femmes en général, Témoins de Jéhovah ou non, n’avaient que peu de considération de la part de la société. Vers les années 1970, la STG semble porter un intérêt à définir le statut des jeunes Témoins de Jéhovah et à expliquer à ses futurs prédicateurs du Royaume de Dieu comment doit agir une/un

150 Noël interroge des femmes qui sont encore Témoins de Jéhovah tandis que Hughes a interrogé des femmes qui

Témoin de Jéhovah, tel que nous l’avons vu dans notre histoire des Témoins de Jéhovah. Les recherches de Hughes démontrent que la STG contrôle, d’une main de fer, la vie des femmes du groupe. De la vie sexuelle à l’éducation, tout semble faire l’objet de consignes, de conseils, voire d’obligations imposées de la part des dirigeants jéhovistes. Les femmes interrogées par Hughes sont amères de leur expérience en tant que Témoins de Jéhovah, du moins c’est ce qui ressort de l’analyse de la chercheure.

Du côté de Barbey, ce dernier a un discours plus nuancé sur le groupe et sur les femmes qui en font partie. L’auteur assume entièrement son rôle de sociologue. Il utilise les données primaires du groupe, c’est-à-dire une enquête de terrain, de l’observation participante ainsi que les publications des Témoins de Jéhovah. Son analyse ne semble pas biaisée par sa méthodologie151 ;

il recueille les données comme elles lui sont parvenues. L’auteur ne tente pas, à notre avis, de donner le beau rôle ou le mauvais rôle à qui que ce soit. C’est d’ailleurs une des forces de son étude globale sur les Témoins de Jéhovah. Il donne accès aux chercheurs et au public à des données et des faits dans une plus grande tentative de neutralité scientifique, ce qui est tout à son honneur. En effet, les Témoins de Jéhovah n’ont pas toujours eu bonne figure et subissent encore de la discrimination dans divers pays. Ainsi, le travail du chercheur, même s’il peut révéler des réalités autres que celles qui sont prônées par une société ou une culture donnée, doit tendre le plus vers la démonstration des faits tels qu’ils sont réellement, et ce, peu importe les préjugés que nous portons en nous bien malgré nous.

C’est d’ailleurs de cette manière que nous avons, nous aussi, tenté d’analyser le statut des femmes à l’intérieur du mouvement jéhoviste, tel qu’il nous est apparu dans les revues. Il y a peut-être un décalage entre ce qu’il y a dans les revues et la manière de vivre des femmes jéhovistes ; nous observerons en effet, à la suite de nos analyses, si c’est le cas ou non. Toutefois, afin de tracer un portrait le plus neutre possible du statut des femmes appartenant au groupe religieux, l’une des options152, est de faire ressortir leur statut par les représentations sociales des

femmes. Il existe en effet, d’autres manières de procéder, comme nous l’avons d’ailleurs remarqué dans ce chapitre. Nous aurions pu effectuer des enquêtes auprès des femmes et des

151 Nous mentionnons que son étude de terrain a été faite en France.

152 Nous tenons, à souligner ici, que nous n’avons pu faire une observation participante à la Salle du Royaume. Nous

hommes, les interviewer, aller visiter les personnes chez elles153, par le visionnement de

documentaires, etc.

Comme nous l’avons vu, plusieurs facteurs peuvent donner des conclusions différentes, soit le facteur de l’époque, du lieu géographique, la neutralité de l’auteur(e) (notamment si celle-ci ou celui-ci a déjà été membre du groupe154), la méthodologie utilisée, etc. Ainsi, une question se

pose à nous. En effet, en portant un regard sur les deux études faites auprès de femmes Témoins de Jéhovah, l’une par Lucie Noël, la seconde par Miriam Hughes le fait que les propos des femmes sont différents a-t-il un lien avec le fait que pour la première étude les femmes sont dans le mouvement et pour l’autre, les femmes sont sorties du groupe. Nous verrons d’ailleurs dans les prochains chapitres que les représentations sociales véhiculées par le Collège Central sont intégrées par les membres jéhovistes et font donc partie de leur vie quotidienne. Les propos des femmes jéhovistes dans l’étude de Noël ne ressemblent en rien à ceux recueillis par Hughes, dans lesquels nous percevons de la colère, de la tristesse et de la rancune. Il est donc très important de faire la distinction ; distinction que nous pouvons soulever grâce à ces deux recherches menées différemment.

Nous ne prétendons pas avoir la vérité absolue par notre propre manière de faire ressortir les éléments, mais nous tendons vers la neutralité scientifique par cette méthode. Les représentations existent et se retrouvent effectivement dans les revues analysées. Qu’elles soient utilisées délibérément par les dirigeants jéhovistes ou non, elles sont présentes et peuvent nous offrir, non pas la vérité absolue sur le statut des membres féminins, mais du moins, une idée de ce dernier155.

À la fin de notre analyse, dans notre conclusion générale de notre mémoire, nous reviendrons sur les conclusions des chapitres sur les RS afin de les comparer à nos propres conclusions sur le statut des femmes Témoins de Jéhovah. Mais avant de passer à l’analyse des revues, tentons de

153 Il serait intéressant, dans une autre étude, de demander la permission à des groupes de Témoins de Jéhovah se

réunissant dans des domiciles de pouvoir assister à ces rencontres, peut-être de petits groupes seraient plus enclins à accepter la présence de chercheur(e)s dans de tels contextes.

154 Nous sommes conscients que ce n’est pas parce qu’une ou qu’un chercheur(e) fait partie ou a fait partie du groupe

religieux qu’elle/il étudie que ce(tte) dernier(ère) présente nécessairement un biais ou un manque de neutralité. Toutefois, nous avons remarqué qu’il y a des décisions méthodologiques discutables de la part de Miriam Hughes.

155 Nous sommes conscients, une fois de plus, qu’il n’y a aucune méthodologie qui peut donner la vérité absolue,

notamment parce que notre méthode ne peut prendre en compte que les revues, même si elles sont publiées mondialement, dans diverses langues, qui sont produites aux États-Unis. En effet, notre étude de terrain se fera avec des femmes québécoises. La situation géographique viendra peut-être influencer notre comparaison des faits.

mieux saisir ce que sont les représentations sociales. Puis, nous montrerons la méthodologie utilisée pour faire ressortir celles-ci.