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Dans la convention de re sidence d’artiste (Bric’art 2009-2010, page 2, Article 3) nous pouvons lire que l’artiste s’engage a :

 Participer aux ateliers de peinture […]

 Recevoir le public et le sensibiliser a la pratique artistique  Tenir un carnet de bord, journal de la re sidence

 Produire une œuvre qui aura vocation a e tre expose e dans la re sidence et a l’exte rieur dans un lieu d’exposition.

 Pre voir une de clinaison de l’œuvre dans la re sidence de La Bricarde.

Les deux premiers points, participer aux ateliers et recevoir le public, sont re ve lateurs d’un ro le particulier attendu de l’artiste.

Depuis, le cahier de charge des artistes n’a pas beaucoup e volue , ni du co te de la fondation d’entreprise Logirem, ni du co te de Sextant &+, cependant on peut repe rer qu’il y a une forte attente envers les artistes : la fondation d’entreprise Logirem leur demande principalement d’e tre un acteur social dans le territoire de la cite ; Sextant &+ leur demande de s’inse rer dans la vie sociale et quotidienne etsur la sce ne artistique contemporaine marseillaise, nationale et internationale, deux exigences qui peuvent se re ve ler difficiles a concilier.

S’il est e vident que l’artiste doit reve tir diffe rents ro les, le statut qu’il se doit d’acque rir demeure incertain. A l’issue des entretiens recueillis aupre s des artistes en re sidence a La Bricarde et a Fonscolombes pour la pe riode 2014-2016, et de nos observations directes sur le terrain, nous identifions deux ro les pre ponde rants chez les artistes : celui d’animateurs- e ducateurs, et celui de me diateurs.

Les artistes – animateurs. Dans la convention signe e par les artistes avec Sextant &+, il est

e crit que les artistes s’engagent a faire un certain nombre d'ateliers et d’animations, en lien avec les centres sociaux, les centres ae re s et les institutions scolaires du territoire des cite s. Pour cela l’artiste est re mune re de 55 euros de l’heure. Bien que les artistes n’aient pas une mission de travail d’e ducateur, mais artistique (car en principe ils ne sont pas ne cessairement forme s pour cela) lors des ateliers pour les enfants organise s avec les me diateurs de Sextant &+, ils deviennent des animateurs de jeu.

Par exemple lors des ateliers organise s a la Friche Belle de Mai, a l’occasion des Petits mercredis de la Friche, la gestion des enfants est toujours confie e aux e ducatrices du centre ae re de Fonscolombes qui les accompagnent. L’artiste est a ce moment-la le re gisseur du jeu : c’est le cas de l’atelier avec l’artiste international en re sidence a Fonscolombes, Marielle Chabal, qui a conçu une version du jeu Cluedo adapte e pour des activite s, a la fois ludiques et cre atives, pour les enfants, en lien avec les ateliers des artistes en cours.

Fig. 5 Les artistes animateurs lors des ateliers d’enfants

Marielle Chabal aide les enfants dans le choix des couleurs pour leurs cartes personnages

Sophie Dejode (à gauche de la photo) explique aux enfants les règles de la course des brouettes.

Ainsi l’artiste a guide les enfants dans la construction des cartes du jeu : chaque enfant a choisi son personnage, et la carte a e te cre e e a l’aide de Photoshop et des conseils de l’artiste, pour la composition des couleurs par exemple. Ou encore l’animation des ateliers avec l’artiste nationale en re sidence a Fonscolombes, Sophie Dejode, qui a guide les enfants dans la construction de brouettes, en assemblant des cageots en bois. Ici la re fe rence, a la pratique artistique (par l’utilisation de mate riaux de re cupe ration) et aux œuvres de ja re alise es (comme les quatre sculptures re alise es par l’artiste plasticien Yazid Oulab) semble claire.

Les artistes – médiateurs. De s la gene se me me du projet la « Cite des Curiosite s », puis

devenue Les Ateliers de la Cite , est confie le ro le de me diateur a l’artiste.

« Le projet mis en place en 2008 a pour objet de favoriser la rencontre entre un artiste, un

quartier, des habitants et le personnel de proximité. L’artiste sollicite la créativité de chacun, étroitement associé à son travail. La création dans l’environnement quotidien des personnes permet un échange concret » (extrait du document Bilan « Artiste en re sidence » 2008-2009

de la fondation d’entreprise Logirem, p. 1).

La dimension participative est explicitement e voque e dans les appels a projets de Sextant &+ : la re alisation de l’œuvre « en lien avec les habitants » ou « mener une re flexion autour de ce territoire et des actions en direction des habitants » figure parmi les objectifs des appels a re sidence 2015-2016. Si dans une premie re phase du projet, la dimension de la participation est confie e a la pre sence me me des artistes dans la cite , un re ajustement re cent pre voit l’intervention des me diateurs de Sextant &+ pour favoriser la mise en contact avec les habitants de la cite .

Pourtant la dimension participative n’est pas pre sente dans les œuvres re alise s par les artistes : c’est le cas de l’œuvre « Le Parlement » de l’artiste Stefan Eichhorn, qui finalement a de cide de re aliser non pas une œuvre d’art « participative », mais un objet d’ame nagement qui puisse servir aux habitants : « Je voulais faire quelque chose d’utile » ce sont les mots qu’il utilise pour de crire sa de marche dans l’espace public.

En haut à gauche la pancarte à l’entrée du Jardin de La Bricarde « lieu ouvert à tous, profitez-en et respectez le travail des jardiniers ». En bas la pancarte des artistes. Pour éviter la destruction prématurée de l’œuvre, elle spécifie qu’il s’agit d’une construction en cours « pour les familles ».

En haut à droite la construction de l’œuvre « Le Parlement ». Sa forme circulaire fait référence à cet espace de débat ouvert. En bas à droite les bancs déjà présents dans le jardin de La Bricarde.

Ou encore, la re alisation d’une « œuvre participative » a e te e vince e par l’artiste national en re sidence a La Bricarde 2014-2015, Guillaume Louot. Son œuvre imposante ne demande pas la participation des habitants dans sa conception, l’artiste me me admet : « Je n’ai pas joué le

jeu, j’ai contourné la règle du participatif en proposant quelque chose de très séduisant ».

Nous devons analyser ces choix artistiques a la lumie re de facteurs objectivement restrictifs, et qui peuvent e tre e galement e largis a l’ensemble des re sidences : la dure e limite e, surtout dans le cas des artistes internationaux (un an en re sidence), rend complexe la re alisation d’une œuvre participative ; les contraintes budge taires pour la re alisation de l’œuvre (e tant le budget de production fixe a 6.000 euros maximum) restituent un budget petit pour la taille « monumentale » d’une œuvre publique, telle que la bande lumineuse sur les toits des barres a La Bricarde, initialement propose e par Guillaume Louot.

Puis la façon de travailler de Sextant &+, avec les artistes et dans la cite , re ve le une vision selon laquelle la dimension participative devrait venir toute seule, naturellement, a travers de la pre sence me me de l’artiste dans la cite . Mais l’expe rience de Stefan Eichhorn illustre bien comment en re alite « les habitants n’ont pas vraiment compris qui j’étais et ce que je faisais ». Ou encore, l’expe rience de l’artiste Sophie Dejode en re sidence a Fonscolombes, montre comment la relation se fait autour d’un nombre restreint d’habitants, pas clairement identifie s, mais avec lesquels il n’est pas possible de partager un discours sur des proble matiques artistiques : « La relation se fait sur une poignée de gens qui sont impliqués

dans des réseaux, des associations du quartier. On ne sait pas exactement ce qu’ils font, les gens ne s’identifient pas forcément. Mais on n’est pas dans des problématiques artistiques. On parle

beaucoup des problèmes de la cité, des poubelles par exemple » (extrait d’entretien avec Sophie

Dejode artiste en re sidence a Fonscolombes 2014-2016).

Impliquer « des gens qui ne cherchent pas à l’être » (ibidem) devient tre s complique , surtout quand les artistes ne sont pas forme s pour re aliser des actions de me diation dans des cite s. Nous le rappelons, la seule contrainte e crite dans la convention signe e par l’artiste avec Sextant &+ est de « cre er une œuvre destine e a rester sur le site » (extrait du document Bilan « Artiste en re sidence » 2008-2009 de la fondation d’entreprise Logirem, p. 1).

Le cahier des charges de l’artiste propose une œuvre d’art destine e a rester sur le territoire. Une œuvre d’art qui, dans les mots de l’artiste national en re sidence a La Bricarde 2014-2016, doit e tre de l’ordre de l’e phe me re, en s’inscrivant dans l’itine raire de l’ensemble des propositions artistiques de ja pre sentes sur le territoire :

« Le seul cahier de charges c’était de proposer une œuvre dans la cité de La Bricarde dans le

genre d’une pièce éphémère et qui reprend l’itinéraire de l’ensemble des propositions qui ont déjà été faites par les précédentes résidences » (extrait de l’entretien avec Guillaume Louot

artiste en re sidence 2014-2016 a La Bricarde).

Conclusion

Animateurs, me diateurs, re gisseur des jeux propose s lors des ateliers pour les enfants : ce sont les diffe rentes casquettes que l’artiste doit adopter afin de marquer sa pre sence dans la cite . De ce point de vue, une ligne de partage e merge sur les attentes au regard du ro le que les artistes devraient jouer. La demande de produire une œuvre d’art (objectif de Sextant &+) n’est pas toujours compatible avec la mise en place d’une animation sociale (objectif de la fondation d’entreprise Logirem). Aujourd’hui cette double ambition repre sente un point a re fle chir dans le projet. Si d’un cote le projet des Ateliers de la Cite est attrayant pour un artiste, car il pre sente une opportunite de de velopper sa propre pratique artistique dans un espace de travail de die , de l’autre une se rie d’interventions sociales sur le territoire - dans les e coles et dans les centres sociaux – obligatoires, car liste s dans le cahier des charges de la re sidence peuvent se transformer en ve ritable contrainte.

L’expe rience personnelle de certains des artistes montre une perception en tant que voisin « inde sirable » (a La Bricarde c’est le cas de l’artiste international Stefan Eichhorn qui a rencontre plusieurs proble mes avec son logement) ou voisin « comme les autres » dans le cas des re sidences a Fonscolombes. Ainsi le statut d’artiste ne se re ve le e tre ni un atout ni un handicap, dans la mesure ou « dans la cité les gens ont d’autres impératifs et le premier rapport

entre habitants et artiste c’est un rapport humain » (extrait de l’entretien avec l’artiste en

re sidence a La Bricarde 2014-2016). La question de « faire comprendre aux gens ce que je fais

ici », de ja e voque e par le premier artiste en re sidence a La Bricarde112, reste tre s actuelle :

« J’ai été reconnu qu’en novembre quand j’ai commencé à faire les ateliers avec les enfants (…).

Mais je pense qu’ils n’ont pas vraiment compris, quand ils ont su que j’étais un artiste ce n’était

112 Dans le document « Me moire de la re sidence de Yazid Oulab » re dige par l’association Arts et De veloppements, 2009, p.1.

pas important » (extrait d’entretien avec Stefan Eichhorn artiste en re sidence a La Bricarde

pour l’anne e 2014-2015).

Seuls les habitants « engage s », ceux qui font partie par exemple des associations, de veloppent une attente (qui peut alors e tre de çue) sur la pre sence de l’artiste dans la cite : pour eux le statut de l’artiste est alors plus celui d’un animateur social, il a pour vocation de « réoxygéner » la cite , en proposant des moments et des activite s nouvelles : « Pour les gens

engagés dans les associations au sein de la cité, notre statut n’est pas clair. Quand ils nous ont vus débarquer, ils ont pensé qu’il allait y avoir une action sociale importante, des changements. Et en fait, ce n’est pas le cas. De façon pratique, les gens croyaient qu’il y aurait des moments, des activités, mais ce n’était pas le cas » (extrait de l’entretien de Sophie Dejode artiste en

re sidence a Fonscolombes 2014-2016).

La reconnaissance et la place de l’artiste sont donc une des proble matiques essentielles a la re ussite du projet, leur manie re de s’inse rer et composer avec la vie de la cite pose les bases de la rencontre des habitants avec l’art.