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Le souci partage , par l'ensemble des personnes rencontre , est celui de la « perpe tuation ». S'agissant de la pe rennisation du projet lui-me me, de la transmission des œuvres aux ge ne rations suivantes, ou encore de la continuite et de la cohe rence du travail des artistes qui vont se succe der. Toutes ces aspirations sous-tendent que le projet se pense de ja sur un temps long et en termes de ge ne ration.

Une démarche d'initiation à l'art contemporain

L'efficacite de l'action Ateliers de la Cite , perçue comme une de marche d'initiation a l'art contemporain, ne peut donc se mesurer au nombre de personnes mobilise es, a un instant T, comme nous l'e voquions plus haut. Elisabeth Auclair rappelle d'ailleurs au sujet de l'e valuation que « même si le nombre de personnes véritablement impliquées dans les projets

reste souvent faible, l'impact réel est démultiplié dans la mesure où ce sont des familles entières et leurs amis qui sont indirectement concernés. Mais il existe peu d'indicateurs quantitatifs pertinents pour évaluer les actions, et les critères qualitatifs sont plus complexes à manier, d'autant que ces projets initient souvent un processus lent et progressif de transformation sociale. Ces projets comme les actions éducatives, relèvent d'un travail en profondeur, sur du long terme, dans l'ombre et la discrétion »96.

Une e valuation pourrait donc consister a observer, aupre s d'une ge ne ration te moin, la façon dont l'action a permis une e volution des pratiques, ou encore la façon dont celles-ci se sont diffuse es au sein du public, par l'interme diaire, toujours, des acteurs de proximite , des habitants eux-me mes, ou peut-e tre encore au gre de nouvelles collaborations cre e es avec les acteurs des cite s voisines intervenant sur des de marches similaires.

D'une façon plus ge ne rale, il peut e tre inte ressant d'appre hender les ateliers successifs comme constitutifs d'un processus. Une approche de ja recommande e aux artistes qui doivent s'inscrire dans une continuite des œuvres produites, mais qui peut e galement s'appliquer aux porteurs du projet. Ceux-ci pourront par exemple, porter une attention particulie re aux savoirs capitalise s, notamment par les enfants et les jeunes ayant be ne ficie des animations et interventions propose es par les artistes, afin de les valoriser dans les futurs projets.

L'enjeu d'une action en direction de la jeunesse

Sur la Bricarde, un de fi majeur de cette action est probablement d'accrocher un public jeune, parmi les plus difficiles a capter. Karim Messidi en te moigne : « Les 16-25 ans, ils n'ont pas la

96 AUCLAIR E. « Comment les arts et la culture peuvent-ils participer a la lutte contre les phe nome nes de se gre gation dans les quartiers en crise ? ». Art.Cit.

maturité pour avoir le recul nécessaire sur les bonnes choses, on sait qu'ils sont peut-être dans d'autres mondes, ils ont des besoins, des envies, et pas d'argent. Celui qui à 20 ans, n'a pas de fiche de paie, et se tient à carreaux, peut-être avec des parents qui le soutiennent derrière, c'est la perle rare... (…) Chez les 16-25 ans, celui qui arrive à mobiliser sans un travail ou une cagoule… Chapeau. » L'enjeu de ce type d'action est bien d'offrir a ce public d'autres

perspectives, une ouverture qui peut comme l'explique E lisabeth Auclair « modifier les

habitants vis-à-vis d'eux-mêmes et de leurs quartiers, peut permettre de lutter contre un certain fatalisme, et leur permettre ainsi d'envisager des perspectives et un avenir en dehors du quartier »97. Mais comment accrocher ce public particulier ?

L'Institut de la Concertation98 propose des pistes d'action favorisant la mobilisation des

jeunes, dont nous pouvons nous inspirer.

Il encourage d'abord, comme e voque plus haut, a un travail de de construction des pre juge s :

« Il faut se laisser surprendre par leurs intérêts et leurs idées ! (…) Ne pas chercher à les engager pour ce qui serait bien pour eux (…) ce qui reviendrait à leur demander de faire ce que l'on trouve bien pour eux ». Un point de vue qui, de place a l'activite artistique, coî ncide

particulie rement avec le principe de cre ation. En ce sens, l'action pourrait d'ailleurs, le temps d'une animation, viser a re ve ler et valoriser (et peut-e tre ainsi le gitimer) des pratiques artistiques existantes, en s'inspirant du mode de cre ation des « arts de la rue » qui allie art populaire et art contemporain.

Toujours dans une logique de coconstruction, il s'agit e galement de re fle chir, y compris avec le public, aux limites impose es par le cadre de l'action : « agir et réfléchir sur les contraintes

du dispositif pour une réelle accessibilité. C'est construire un calendrier/ planning perceptible dans le temps des réalités de chacun ».

Enfin, le recours a des outils innovants est encourage pour voir apparaî tre « de petites

victoires rapides », et ainsi accrocher les jeunes tout en faisant durer l'action. On retrouve ici,

l'ide e d'une gestion simultane e des temporalite s comme d'une gestion des effets a court et long terme permettant d'assurer la continuite de l'action.

Dans l'ensemble, il s'agit surtout de construire l'action autour d'un dialogue, assurant une

« symétrie intervenant/ jeune ». On cherchera donc a cre er une relation d'e gal a e gal. Il s'agit

en effet, au final, non pas de chercher a obtenir la confiance de la part de ce public, mais bien de « construire une démarche qui inspire la confiance pour garantir des possibles ». C'est bien la la nuance entre le fait de proposer, voire imposer une action pre de finie, et le fait de la co- construire chemin faisant, favorisant ainsi l'introduction des habitants dans la de marche.

Favoriser un travail partenarial

Si une action a destination des jeunes nous semble constituer une priorite , au vu des enjeux sociaux a toucher un tel public, et au vu de la vulne rabilite imme diate a laquelle il est expose ,

97 AUCLAIR E. « Comment les arts et la culture peuvent-ils participer a la lutte contre les phe nome nes de se gre gation dans les quartiers en crise ? ». Art.Cit.

98 Cf. INSTITUT DE LA CONCERTATION, Comment mobiliser ? Pistes d'actions et outil pour encourager la participation des partenaires locaux et des publics e loigne s des processus de concertation, Fontaine, 17 mars 2014.

l'action culturelle se suffit-elle a elle-me me ? Il nous semble qu'elle pourrait se renforcer en s'inscrivant dans une de marche plus large et multidimensionnelle. C’est-a -dire, par exemple, en s'articulant avec des de marches de pre vention. Une entre e qui permettrait, par ailleurs, de cibler un public de ja identifie . Or, si comme on l'a vu, d'une manie re ge ne rale, le maillage institutionnel (DRAC, De partement...) sur lequel repose l'action fonctionne, sur le terrain, un maillage d'acteurs locaux peine a se constituer, en raison notamment de la faible densite du re seau associatif micro-local. Peut-e tre alors s'agit-il de solliciter des partenariats a l'e chelle du quartier e largi ? Si le Projet de Re novation Urbain encourage effectivement a penser en termes de mutualisation des actions a une telle e chelle, son impulsion et sa mise en œuvre repose en premier lieu sur les personnes motrices de l'action (Logirem et son personnel, Sextant &+, la Fondation) qui devront identifier et solliciter les partenaires potentiels (centre social de la Bricarde, associations locales, agents de la politique de la ville, Marseille Re novation Urbaine, bailleurs sociaux, etc.).

De plus, un ensemble de freins est a prendre en compte dans une de marche de mutualisation des actions, tels que l'ancrage territorial des habitants, et peut-e tre aussi de certains acteurs locaux. Demeure e galement le fait que les actions engage es sur ce grand territoire rele vent a la fois de structures (centres sociaux, associations, bailleurs, etc.) et de financements multiples, comme le souligne Jean-Michel Brethes. Peut-e tre alors, l'engagement d'un travail de concertation entre ces diffe rents acteurs permettrait-il d'une part, d'amorcer un de cloisonnement des territoires et d'autre part, de re fle chir aux moyens disponibles pour permettre, si ce n'est une mutualisation, du moins une concordance des actions de ploye es sur le territoire.

LE SENS DE L'ACTION

Fondamentalement, une question paraî t de terminante quant a la durabilite d'une telle de marche : celle du sens de l'action. Une ide e est d'ailleurs commune aux personnes interroge es. Outre l'ambition d'une valorisation des quartiers et de la fierte que pourraient en tirer les habitants, c'est bien l'ide e du partage qui semble motiver l'intervention de ces acteurs. Car a travers les Ateliers de la Cite , il s'agit de partager un « coup de cœur » comme l'e voquait plus haut Jean-Michel Brethes, de faire partager un objet personnel comme ceux qui ornent les e tage res de « Socles hauts pour le re ve », mais e galement de partager un savoir, des techniques, et de partager une histoire raconte e par l’œuvre, ve cue et relaye e par les habitants.

Plus encore, une ide e motrice, celle du don, a souvent e te e voque e. Elle incite d'ailleurs a penser que toute intervention aupre s des habitants et toute tentative de les impliquer dans ce type de de marche ne cessitent d'aller au-dela du seul registre professionnel. Elle revient entre autres, dans les motivations exprime es par deux artistes, rencontre s a la Bricarde et a la Castellane, Yazid Oulab et Wendy Vachal. Re ciproquement, elle fait ge ne ralement sens pour les habitants dans les de marches participatives. L'implication personnelle de l'intervenant y apparaî t, en effet, comme un gage de since rite , et les incite a leur tour a accorder leur confiance, a donner de leur temps et a s'investir dans l'action.

Wendy VACHAL, « À mi-chemin # 2 », la Castellane, 2015