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Pif-Paf ou l'éphémère mise en scène satirique du pouvoir

I. De « Pif-Paf » à Pif-Paf  : genèse d'une publication

a) Millôr Fernandes et la « véritable histoire du paradis »

Dessinateur, écrivain, traducteur, dramaturge, Millôr Fernandes fut l'archétype de l'intellectuel et artiste brésilien extrêmement prolifique dont la production diversifiée attestait un goût prononcé pour la philosophie, l’humour absurde et le mot d'esprit. Celui qui d’après son ami Claudius Ceccon se disait « libre comme un taxi178 » circula entre les techniques, les supports, les médias et les formats. Né Milton Fernandes en 1923 dans le quartier populaire de Meier au nord de Rio de Janeiro, il travailla au sein de la revue O Cruzeiro dès l'âge de quinze ans, y occupant diverses fonctions subalternes grâce à son oncle maternel, directeur des presses de la revue. Il rédigea ensuite des fables et des chroniques régulières pour A Cigarra. Le registre du conte, les textes courts et comiques propices à l'élaboration de réflexions sur la condition humaine, souvent grâce aux métaphores animales, furent souvent employés par Millôr Fernandes qui signait dès ses débuts sous le pseudonyme Vão Gogo. De son propre aveu, il découvrit à l'âge de dix-huit ans que la graphie de son prénom sur son acte de naissance correspondait davantage à « Millôr » qu'à « Milton » et adopta cette nouvelle identité. Au cours des quelques entretiens accordés à la presse entre les années 1980 et 1990179, il raconta régulièrement cette anecdote de son arrivée à l'état civil pour demander un acte de naissance et la découverte de la calligraphie du fonctionnaire qui avait transformé les lettres de son prénom.

Tout en poursuivant ses publications dans A Cigarra, Millôr Fernandes retourna travailler au sein de la rédaction de O Cruzeiro en 1941. Il y inaugura en 1945 la rubrique « Pif-Paf », la double page centrale rédigée par lui et illustrée par le dessinateur Péricles Maranhão jusqu'en 1955, année à partir de laquelle il en prit totalement les commandes et illustra ses textes. L’auteur fit de la concision et de l’humour deux outils parmi les plus efficaces pour faire passer ses messages. Le trait simple, presque naïf, parfois à l'aspect infantile et toujours coloré, attestait une grande liberté dans le traitement de thématiques variées telles que la politique, l'économie, les mœurs, l'art, la religion, la métaphysique ou la nature humaine. Les années 1950 virent l’organisation de ses premières expositions, au Musée

178 INSTITUTO MOREIRA SALLES, Conversas na Galeria, Claudius Ceccon à propos de « Millôr: obra gráfica », 05'04'' [en ligne : https://www.youtube.com/watch?v=pWM54WJgybc] (consulté le 27/04/2019).

179 Voir par exemple : TV CULTURA, « Roda Viva », São Paulo, 03/04/1989, 32'56'' [en ligne :

de la caricature de Buenos Aires avec Saul Steinberg en 1956 et au Musée d'art moderne de Rio de Janeiro en 1957. Écrivain, traducteur et auteur de théâtre, il remporta notamment un très grand succès avec sa pièce satirique écrite en 1955 et éditée en 1962, « Um elefante no caos180 ». Autodidacte inventeur d'aphorismes, amateur des courts poèmes japonais haïku181, Millôr Fernandes publia des centaines de dessins dans divers périodiques et traduisit en portugais du Brésil plus de cinquante pièces de théâtre, de Sophocle à Molière, de Tennesse Williams à Shakespeare, de Brecht à Edward Albee.

L'auteur et dessinateur fut désavoué par O Cruzeiro après la parution le 5 octobre 1963 d'une satire du dogme religieux et de la théologie revisitant les quatre premiers chapitres de la Genèse : « Esta é, realmente, a verdadeira história do paraiso182 ». La nouvelle poétique et ouvertement provocante concentrait en dix pages de textes et d'images les doutes philosophiques de Millôr Fernandes à l'égard de la religion et son interprétation de la condition humaine. Certains éléments du récit avaient déjà été utilisés par l'auteur au sein de créations artistiques antérieures : « Représentée des centaines de fois dans de nombreux théâtres du pays et narrée et dessinée à la télévision, avec un immense succès, par l'auteur lui-même, 'La vraie histoire du paradis' est maintenant publiée pour la première fois dans 'O Cruzeiro'.183 » Sous la pression de groupes catholiques ultra conservateurs, la rédaction publia deux semaines plus tard un éditorial désavouant publiquement le travail de Millôr Fernandes et l'accusant d'avoir rendue publique l'histoire du paradis sans avoir obtenu l'autorisation de la direction. Celle dernière se confondait en excuses auprès de son lectorat et devant Dieu, regrettant avec paternalisme les offenses faites au christianisme par la section « Pif-Paf » :

« EXPLICATION

Il existe une conscience individuelle et une conscience collective. La société commet des erreurs en tant que telle. Une entreprise journalistique également. 'O Cruzeiro' a commis une erreur. Il a failli dans la surveillance de la liberté d'écrire

180 Millôr FERNANDES, Um elefante no Caos, Rio de Janeiro, Édition de l'auteur, 1962.

181 L’emploi et l’efficacité communicative de ce type de poésie en trois vers d’origine japonaise par Millôr Fernandes sont analysés dans l’article « O uso do haikai no jornalismo de Millôr Fernandes », fondé sur les concepts de la théorie de guérilla artistique : Marcio ACSELRAD, Raphael Barros ALVES, « O uso do haikai no jornalismo de Millôr Fernandes » in TecCom Studies, n°2, avril-juin 2011 [en ligne :

http://www.teccomstudies.com/numeros/revista-2/184-o-uso-do-haicai-no-jornalismo-de-millor-fernandes] (consulté le 28/04/2019).

182 Millôr FERNANDES, « Esta é, realmente, a verdadeira história do paraiso » in O Cruzeiro, n°52, 35ème année, 05/10/1963, p. 64-73.

183 Millôr FERNANDES, « Esta é, realmente, a verdadeira história do paraiso » in O Cruzeiro, n°52, 35ème année, 05/10/1963, p. 64.

qu'elle concède traditionnellement à ses collaborateurs. Les protestations sincères qui commencent à arriver à la rédaction contre la publication du contenu considéré insultant envers les convictions religieuses du peuple brésilien, qui sont les nôtres, furent précédées de notre propre sentiment de culpabilité. Pour avoir permis que nous soyons nous-mêmes offensés dans nos pages d'une manière si brutale. Ça n'est pas ici le lieu pour présenter des excuses de manière adéquate. Ça serait facile, mais ne changerait rien. Nous souhaitons simplement transmettre à nos lecteurs, aux millions de brésiliens qui sont orientés par la doctrine chrétienne, une information : ces faits ne se reproduiront plus dans 'O Cruzeiro'. Nous serons plus vigilants, principalement au sujet de la section qui provoqua les justes réclamations de nos lecteurs : 'O Pif-Paf'. Nous avons commis une faute. Nous avons eu confiance en l'honnêteté intellectuelle de celui qui, il y a plus d'une décennie, a pris l'engagement envers nous et envers les lecteurs de 'O Cruzeiro' de créer un humour intelligent et sain. Nous faisons ici pénitence.

Il nous reste à dire que cette explication serait inutile si elle n'était pas impérieuse. Nous nous sentons autant offensés dans notre sensibilité que nos lecteurs des quatre coins du pays. En l'espace de trois décennies, depuis qu'elle fut fondée, cette revue, faite avec amour pour nos lecteurs, a toujours cherché à témoigner, avec authenticité, de son christianisme, de plus, beaucoup plus que la simple croyance en Dieu. C'est devant Dieu que nous faisons pénitence.

La direction184. »

L’interprétation de la création de l'univers à l'origine d'un tel désaveu arborait la touche naïve, surréaliste et avant-gardiste caractéristique de son auteur. Les traits sobres et dépouillés de Millôr Fernandes se coordonnaient dans ses œuvres à des textes au fort caractère philosophique et métaphysique, constituant les bases d’une critique des mœurs, du pouvoir, des institutions politiques, de la morale, de la religion et de ses contemporains. Son style verbal185 tout à fait singulier faisait un ample usage de calembours, contrepèteries, métaphores, inversions et autres procédés humoristiques également identifiables sous leur forme graphique pour mieux tourner en dérision en opérant tous types de décalages et de désacralisations. Millôr Fernandes entama donc son récit religieux alternatif en réduisant d’emblée l’aspect

184 « Explicação » in O Cruzeiro, n°02, 36ème année, 19/10/1963, p. 3.

185 Voir notamment : Eduardo COLEONE, Millôr Fernandes – Análise do estilo de um escritor sem estilo através de suas fabulosas fábulas, Mémoire de master en Études littéraires, sous la direction de Maria de Lourdes Ortiz Gandini Baldan, Araraquara, Université de l’État de São Paulo, 2008.

grandiose et épique de la Création, la décrivant comme une œuvre collective et non le seul fait de Dieu, tel que décrite dans le premier chapitre de la Genèse :

« Un jour le Tout-Puissant se leva au sein de cette immensité désolée dans laquelle il vivait, il convoqua les anges, les archanges et les chérubins et dit : -'Mes amis, nous allons avoir une semaine remplie. Nous allons créer l'Univers et, en son sein, le paradis. Nous devons créer la Terre, le Soleil, la forêt, les animaux, les minéraux, la Lune, les étoiles, l'Homme et la Femme. Et nous devons faire tout ça très vite, parce que nous devons nous reposer dimanche186. »

Le comique naissait de l'anticipation du repos perçu par Dieu comme une anachronique obligation, une condition sine qua non à l'effort fourni durant la semaine. La deuxième page de la « Véritable histoire du Paradis » était entièrement occupée par un dessin de la figure divine entourée d’anges. Le fond sombre, mais toujours coloré, les épaisses lignes noires des personnages les démarquant de la composition, tous les éléments conjuguaient minimalisme et expressivité. Notons que l'ange situé à droite de la page portait des vêtements modernes, un t-shirt sans manches de couleur rose et un petit short, créant de nouveau un décalage entre la scène et son contexte supposé. La satire du premier chapitre de la Genèse se poursuivait en troisième page : la légende du premier dessin, un arbre magnifique chargé de fruits et entourés de petits oiseaux avant même la création des animaux, en indiquait la dangereuse nature : « Il fit, donc, les minéraux et les végétaux. Tous les végétaux étaient bons et beaux et leurs fruits pouvaient être mangés. De mauvais, il y avait seulement ledit Arbre de la connaissance du Bien et du Mal, au beau milieu du Paradis187. » Sur la partie droite de la page figurait la « future garde-robe d’Adam et Ève188», un simple croquis de vigne. Les anachronismes de ce genre étaient légion dans la rubrique « Pif-Paf » de même que les considérations absurdes ou tragi-comiques et les manifestations du point de vue personnel de Millôr Fernandes érigées en vérités absolues :

« Et puis Dieu fit les animaux : le Lion, le Tigre, le Cheval, la Girafe (on voit parfaitement que la Girafe fut une erreur de calcul), les Oiseaux, les Poissons...

186 Millôr FERNANDES, « Esta é, realmente, a verdadeira história do paraiso » in O Cruzeiro, n°52, 35ème année, 05/10/1963, p. 64.

187 Millôr FERNANDES, « Esta é, realmente, a verdadeira história do paraiso » in O Cruzeiro, n°52, 35ème année, 05/10/1963, p. 66.

Comme même les petits lecteurs les moins attentifs peuvent le constater, il fit deux exemplaires de chaque animal, preuve qu'il ne croyait pas en la Cigogne189. »

À la suite de la création du serpent, de l'eau et de la pluie, le créateur de la rubrique intervint directement dans le récit à la première personne du singulier, comme pour en souligner l’intertextualité : « Mais une chose que je vous garantis qu'Il n'a pas inventée. Il inventa le Soleil. Et les Arbres, et les animaux et les minéraux. Mais soudain, à sa grande surprise, il regarda et vit, émerveillé, que chaque chose avait une Ombre ! Honnêtement, ça, Il n'y avait pas pensé !190 » Le texte put être considéré comme blasphématoire en ce qu'il décrivait une figure divine dépassée par certains éléments apparus sans relever de sa propre volonté. Le dessin jouxtant cette légende représentait un Dieu visiblement irrité, les traits tendus, le regard jeté avec colère vers sa propre ombre. Millôr Fernandes poursuivit son entreprise de désacralisation en assimilant l'invention de nouveaux animaux à la découverte par Dieu des ombres chinoises avec ses mains.

Consacrée à la naissance du premier homme, la cinquième page questionnait la supposée perfection de la création humaine, l'auteur exprimant certains doutes existentiels et d'autres plus prosaïques toujours en jouant avec l'absurde, ici source du comique. Le dessin représentait Adam debout et nu, une croix autour du cou – encore un anachronisme. Derrière lui figurait un serpent enroulé autour d'un petit arbre et Dieu, observant de loin ses créations. Le récit énumérait les avantages pour Adam d'être né directement à l'âge adulte, mettant en perspective des situations contemporaines désagréables ainsi évitées au nouvel homme : « il n'a pas eu besoin de faire son service militaire, il n'est pas passé par cette transition terrible entre la première et la seconde dentition, et il n'a jamais eu dix-sept ans. En plus, il n'a jamais dû acheter de cadeaux pour la fête des mères191. » Critique à l'égard du moralisme régnant au sein de la société brésilienne et des interdictions pesant déjà sur la liberté d'expression, Millôr Fernandes précisa : « À ce moment, Adam ne portait pas encore de feuille de vigne, mais nous l'avons ajoutée sur le dessin pour éviter la censure192. » Quatre numéros se rapportaient aux « petits problèmes métaphysiques créés par le TOUT-PUISSANT193 » reliés aux légendes sur

189 Idem.

190 Millôr FERNANDES, « Esta é, realmente, a verdadeira história do paraiso » in O Cruzeiro, n°52, 35ème année, 05/10/1963, p. 67.

191 Millôr FERNANDES, « Esta é, realmente, a verdadeira história do paraiso » in O Cruzeiro, n°52, 35ème année, 05/10/1963, p. 68.

192 Idem. 193 Idem.

le côté de la page. Entre jeux de mots, calembours et maximes philosophiques, la composition remettait en question la logique et la crédibilité de la Genèse avec insolence : « 4. MAÎTRE, je Vous respecte, mais je ne respecte pas votre Œuvre : qu'est ce que c'est que ce Paradis qui a des serpents194 ? ».

Le scepticisme à l'égard de la perfection de la création divine se poursuivait à la page suivante : « En vérité, Adam n'était pas vraiment très beau. Dieu, en tant que sculpteur, laissait à désirer. Mais, naturellement, il comptait sur l’Évolution pour améliorer son Œuvre195. » L'auteur s'appuyait sur la multitude des niveaux de lecture d'expressions populaires pour dénoncer des pratiques contemporaines de l'époque de production de son travail, comme lorsqu'il expliqua le privilège conféré à Adam d'être le premier à nommer les éléments : « C'est lui qui appela un arbre un arbre, une feuille une feuille, et une vache, une vache. Il fit ce que l'on appelle 'donner un nom aux bœufs'. Il avait tant de talent pour ça que tous les noms qu'il donna restèrent196. » Le double sens de la phrase, source du comique, ne peut être ici ignoré : l'expression populaire « dar um nome aos bois » signifie littéralement « donner un nom aux bœufs », mais elle désigne également dans le langage courant le fait de pratiquer la délation. La troisième phrase peut être interprétée de deux manières : Adam était si talentueux et inventif que les noms qu'il choisit passèrent à la postérité (« pegaram ») ; ou il était tellement doué pour la délation que toutes les personnes dont il dénonça les noms furent attrapées (« todos os nomes que botou, pegaram »). Ce jeu avec les significations était extrêmement courant dans la rubrique « Pif-Paf » puis dans le périodique du même nom, la partie graphique apportant de nouveaux éléments indispensables à la perception d'informations sous-jacentes dans les textes. En-dessous d'un dessin de Dieu penché sur le corps d'Adam, prêt à lui extraire une côte à l’aide d’une paire de ciseaux pour créer Eve, le récit devint digne d'une série à suspense divisée en plusieurs épisodes : « Dieu réussira-t-il à créer une femme à partir de la côte d'Adam ? Le serpent mènera-t-il à bien son sinistre plan ? Ève arrivera-t-elle à mener Adam sur la voie du Mal ? Adam et Ève seront-ils expulsés du Paradis ? Ne manquez pas de lire la suite !197 » L'enchaînement de l'histoire prit la forme d'une bande dessinée narrant la naissance de la femme, le pêché d'Adam et Dieu chassant le couple du paradis, passablement irrité, l'index gauche pointé vers la sortie. La dernière page de la « Vraie histoire du Paradis »

194 Idem.

195 Millôr FERNANDES, « Esta é, realmente, a verdadeira história do paraiso » in O Cruzeiro, n°52, 35ème année, 05/10/1963, p. 69.

196 Idem. 197 Idem.

apportait une parodie de morale en guise de conclusion, prétexte à l’auto-portrait de Millôr Fernandes : assis derrière une machine à écrire, il tendait son index accusateur vers la figure divine à l'air penaud. Le texte remettait finalement en question l'origine divine du monde à la lumière des défauts et des erreurs commises par le Créateur :

« De toutes façons, à l'intérieur et en dehors du Paradis, le Monde ne fut pas réellement une création sensée, faite sur la base d'études et de calculs. Il a bien ses moment d'inspiration magnifique, ses couchers de soleil, ses aurores, mais le Seigneur fit tout précipitamment, laissant un terrible exemple d'improvisation que les moins bons architectes suivent encore aujourd'hui, surtout ceux de Brasília. Dans le cas précis du Tout-Puissant, cependant, il n'y a aucune excuse. Personne ne lui a imposé un délai, il n'avait pas de date de livraison.

CETTE hâte désinvolte prouve qu'il est incompétent

pourquoi faire le Monde en sept jours alors qu'il avait jusqu'à la fin des temps198? »

Le départ de Millôr Fernandes en 1963 après la publication de l'éditorial accusateur contribua à alimenter la crise vécue par O Cruzeiro depuis le début des années 1960 à la suite de l'accident vasculaire cérébral de Assis Chateaubriand, fondateur de la revue199. La perte de vitesse du périodique concurrencé par la télévision fut accentuée par le départ de plusieurs grands noms qui avaient contribué à sa renommée et par le suicide de Péricles Maranhão en décembre 1961. Les difficultés financières entraînèrent l'augmentation des annonces publicitaires et le propriétaire David Nasser influença l'orientation politique de la revue contre le président João Goulart. O Cruzeiro encensa le coup d’État militaire orchestré dans la nuit du 31 mars au 1er avril 1964. Le 10 avril 1964, l'édition spéciale avait pour couverture une photographie du gouverneur de l’État du Minas Gerais José de Magalhães Pinto, partisan actif et fervent soutien du renversement du président élu démocratiquement. Le numéro titrait « Édition historique de la Révolution200 », affichant son parti pris pour l'usage du vocabulaire

198 Millôr FERNANDES, « Esta é, realmente, a verdadeira história do paraiso » in O Cruzeiro, n°52, 35ème année, 05/10/1963, p. 73.

199 Muza Clara CHAVES VELASQUEZ, « O Cruzeiro » in Alzira Alves de ABREU et al (org.), Dicionário Histórico-Biográfico Brasileiro – Pós-1930, Rio de Janeiro, CPDOC, 2010 [en ligne :

http://www.fgv.br/CPDOC/BUSCA/dicionarios/verbete-tematico/cruzeiro-o] (consulté le 28/04/2019). 200 O Cruzeiro, n°spécial, 10/04/1964, p. 1.

mélioratif employé par les militaires à propos du coup d’État. Un mois plus tard, Millôr Fernandes publiait le premier numéro de son périodique Pif-Paf.

FIG 3 : O Cruzeiro, n° spécial, 10/04/1964, p. 1

b) Un premier numéro de Pif-Paf programmatique

Le bimensuel Pif-Paf vit le jour le 21 mai 1964 à Rio de Janeiro. Un mois et demi auparavant, le 9 avril 1964, les dirigeants militaires décrétèrent le premier Acte Institutionnel supprimant les garanties démocratiques datant de la Constitution de 1946 et permettant les premières suspensions de droits civiques ou de mandats électoraux. Le 11 avril, le général Castelo Branco devint président de la République, élu de manière indirecte à l'Assemblée Nationale et seul candidat. Ce climat d'installation du régime autoritaire vit la publication du premier numéro de Pif-Paf. Millôr Fernandes fut épaulé par le directeur commercial et photographe Yllen Kerr et par Eugênio Hirsch, directeur artistique. Né à Vienne en 1923,

émigré en Argentine en 1938, Hirsch débuta sa carrière à Buenos Aires en tant qu'artiste graphique et illustrateur. Il s'installa au Brésil au milieu des années 1950 et travailla en étroite collaboration avec la maison d'édition Civilização Brasileira, pour laquelle il dessina la couverture de nombreux ouvrages. Responsable du projet graphique de Pif-Paf, il contribua au