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Rire sous la dictature : contournement et affrontement des limitations imposées à la liberté d'expression

II. Opinião et Pasquim, deux grands indépendants

1. Parcours et engagements politiques des dessinateurs

Nous ne nourrissons pas l'ambition de proposer une liste exhaustive des dessinateurs ayant œuvré et publié au sein de la presse indépendante durant la période la plus répressive du

régime militaire, mais plutôt d’élaborer ici une sélection de figures emblématiques dont le choix fut motivé par plusieurs critères : la représentativité, l’espace militant occupé, l’expressivité et l’impact de leur travail. Ajoutons également l'accessibilité des sources, des exemplaires et des collections, pour reconstruire les trajectoires militantes des rédactions indépendantes. Les dessinateurs actifs sous les « années de plomb » étaient issus de différentes générations s'entremêlant et s'inspirant mutuellement : ceux qui, d'une part, entamèrent leur carrière entre les années 1940 et 1950, déjà pour la plupart affirmés et expérimentés au début des années 1970, et les jeunes dessinateurs ayant fait leurs armes à partir de la fin des années 1960 et qui révélèrent leur talent entre 1969 et 1975. Si des sensibilités intellectuelles et des cultures politiques se dessinèrent, il ne fut pas toujours évident de cerner les contours précis d’une éventuelle affiliation directe des artistes à telle ou telle organisation politique. À travers l'étude des trajectoires personnelles et professionnelles, l'émergence au début des années 1970 de deux pôles géographiques semble indéniable. Nous en analyserons les mécanismes de création et les rouages de fonctionnement, en gardant à l’esprit la porosité de ces zones d'exercice de la profession et les circulations des dessinateurs à l'échelle du pays permettant d'observer de nombreux points de rencontre.

Figure tutélaire pour un pan important de la génération suivante, Millôr Fernandes représenta un personnage de référence reconnu pour ses qualités de dessinateur, de poète, de philosophe et d'intellectuel. Presque cinquantenaire, il prit la direction de Pasquim à la suite de Tarso de Castro, l'un des fondateurs, à la fin de l'année 1970. S'il soutint ouvertement dans certaines conjonctures des hommes politiques de gauche, dont Leonel Brizola, il rejetait et dénonçait dans ses œuvres l'incompétence et la corruption de part et d'autre de l'échiquier politique, s'opposant avec une ironique véhémence à l'establishment. Il n’hésita pas à manifester son mépris pour le silence, la lâcheté et la paresse intellectuelle de la presse majoritaire qui s’accommoda largement de l'autoritarisme. L'humour verbal et graphique de Millôr Fernandes, simultanément hautement philosophique et amant de l'absurde, tenait de ce rapport à la politique au sens large, à son attachement profond à la démocratie ainsi qu'aux libertés individuelles et au peu d'appétence manifesté pour les issues révolutionnaires. Critique et cynique dans ses dessins soulignant le grotesque et rehaussant les non-sens du scénario politique, sa posture se rapprochait de la vision du radicalisme défendue par l’un des intellectuels majeurs de la pensée de gauche au Brésil, Antonio Candido de Mello e Souza. Socialiste depuis 1947 et l'un des fondateurs du Parti des travailleurs en 1980, Candido analysa diverses manifestations de la pensée radicale dans l'histoire du Brésil au sein de l'article

« Radicalismos356 » en 1990. Il y envisageait le radicalisme brésilien comme un ensemble d'idées et d'attitudes issues des secteurs les moins défavorisés de la société et portant en elles les germes d'une hypothétique contestation :

« Provenant de la classe moyenne et de secteurs éclairés des classes dominantes, il ne s'agit pas d'un mode de pensée révolutionnaire et, bien qu'il ait un potentiel de transformation, il s'identifie seulement en partie aux intérêts des classes ouvrières, qui sont le segment potentiellement révolutionnaire de la société357. »

Ne remettant que partiellement en question les intérêts de son propre groupe, le radical faisait donc preuve de pragmatisme et envisageait les solutions à l'échelle de la Nation toute entière, occultant les spécificités inhérentes aux différentes classes sociales. Source possible de conscientisation, potentiel élément provocateur de transformations révolutionnaires, la posture radicale demeurait donc bien davantage alimentée par un espoir de modification plutôt que d'abolition des structures de l'oppression. Le sociologue ajouta une dimension à cette définition : le rejet du conservatisme dominant dans la société, auquel le radicalisme proposait certaines alternatives. Dès lors, ces caractéristiques du radicalisme politique semblent constituer un angle de lecture intéressant pour décrypter la production graphique et humoristique de Millôr Fernandes qui s'insurgeait ironiquement contre les inégalités sociales tout en profitant largement de sa place acquise de privilégié. Fervent démocrate, il mena le combat dans ses ouvrages contre l'arbitraire, la censure et le pouvoir militaire, tout en méprisant ouvertement les luttes issues de certaines minorités comme le mouvement féministe. Dans la chronique « Cálculo político358 » publiée à la toute fin de l'année 1971, l’intellectuel fit l'apologie d'un non alignement vis-à-vis des partis politiques et revendiqua un total libre arbitre : « Celui qui, cependant, comme l'auteur, n'appartient à rien ni n'est rien du tout et vit en pensant tout le temps et décide en fonction de chaque cas (la seule attitude possible pour un intellectuel, le reste n'ayant rien à voir avec cette activité [...] est toujours vu avec méfiance par tous, partout359. » Millôr Fernandes nuança tout de même cette posture en révélant sa « définitive position politique » en affirmant en fin d'article après de savants calculs : « LE

RÉGIME POLITIQUE IDÉAL EST EXACTEMENT 32,3% A GAUCHE DU CENTRE360. »

356 Antonio CANDIDO, « Radicalismos » in Estudos Avançados, vol. 4, n°8, janv-avril 1990, p. 4-18. 357 Antonio CANDIDO, op. cit., p. 4.

358 Millôr FERNANDES, « Cálculo político » in Pasquim, n°130, 28/12/71-03/01/72, p. 2. 359 Idem.

Cette position semblait être partagée par l'un de ses collègues à la rédaction de Pasquim, le dessinateur Ziraldo. Né en 1932 à Caratinga dans l’État du Minas Gerais, Ziraldo Alves Pinto étudia le droit à l'Université fédérale du Minas Gerais avant de partir travailler à Rio de Janeiro, au sein de la revue O Cruzeiro et du Jornal do Brasil. Très grand dessinateur de bande dessinée, il fut l'un des fondateurs et éditeur du périodique Pasquim tout en poursuivant sa collaboration avec le Jornal do Brasil sous le régime militaire, alimentant à ses yeux une « opposition consentie361 ». Son trait fort, géométrique et d’inspiration moderniste fut rapidement accompagné d'une typographie spécifique inventée par lui, contribuant à forger l’identité visuelle unique362 et la teneur si caractéristique de ses travaux. Designer de ses compositions graphiques, Ziraldo s’amusait des apports du verbal, du non-verbal et du métalangage, jouant avec les recours à l’implicite, à l’inconscient et à l’imaginaire comme l’un de ses modèles, Saül Steinberg, rencontré à Paris lors d’un voyage d’étude363. Les traits économiques, ici anguleux et sombres, là courbés et généreux, élaboraient des dessins à la teneur à la fois poétique, parodique et critique dont la politisation attendit le début du régime militaire pour exploser. Ziraldo réemployait dans ses charges les codes de la bande dessinée nationale et étrangère pour en faire autant de jeux de mots graphiques et de calembours visuels, comme dans le dessin reproduit ci-après fondé sur la polysémie du terme « bicho » signifiant « animal » et également employé en argot pour interpeller quelqu’un :

361 TV CULTURA, « Roda Viva », São Paulo, 06/08/2018, 0'19''15 [en ligne :

https://tvcultura.com.br/videos/66048_roda-viva-ziraldo-06-08-2018.html] (consulté le 20/09/2018).

362 Voir : José Antônio Leal LEMOS, Maria Enísia Soares de SOUZA, « O contexto e implícitos na produção de cartuns de Ziraldo e Millôr Fernandes » in Revista Labirinto, vol. 21, 2014, p. 194-207 ; Marcos Rafael da SILVA, « As desventuras de Os Zeróis: cartuns e charges de Ziraldo, entre intenção e condição (1967-1972) », Mémoire de master en Histoire, sous la direction de Marcos Antonio da Silva, São Paulo, Université de São Paulo, 2011.

FIG 25 : Pasquim, n°101, 10-16/06/1971, p. 10

Arrêté à plusieurs reprises, très critique envers le gouvernement autoritaire à partir de la seconde moitié des années 1960, il prit en 1982 position en faveur de Miro Teixeira, candidat du Parti du mouvement démocratique brésilien (PMDB) pour le poste de gouverneur de l’État de Rio de Janeiro. Avant d'être le puissant parti politique à l'origine de la rupture du mandat de la présidente démocratiquement élue Dilma Rousseff en 2016, le PMDB fondé en 1980 se présenta comme l'héritier du parti de l'opposition tolérée par le régime militaire éteint en 1979, le MDB. Son orientation centriste et libérale convainquit Ziraldo lors des élections générales du 15 novembre 1982. Cela dit, le dessinateur fut récemment à l'origine du logo du Parti socialisme et liberté (PSOL) fondé en 2004 à la suite d'une scission de l'aile la plus à gauche du Parti des travailleurs (PT). Plutôt situé au centre gauche de l'échiquier politique, Ziraldo n'eut de cesse dans la seconde moitié des années 1970 de critiquer l'ARENA, contribuant à la disqualification graphique du parti lié au gouvernement et opposé au MDB364.

Sa prise de position en faveur du MDB en 1982 opposa Ziraldo à Sérgio de Magalhães Gomes Jaguaribe, dit Jaguar, qui apporta son soutien au candidat du Parti démocratique travailliste (PDT) Leonel Brizola accompagné de son vice-gouverneur Darcy Ribeiro. Le parti qui porta aux élections présidentielles de 2018 le candidat Ciro Gomes fut fondé en 1979 par Leonel Brizola lui-même, dans une optique progressiste et démocratique de défense des droits

364 Lucia GRINBERG, Partido Político ou bode expiatório : um estudo sobre a Aliança Renovadora Nacional (Arena), 1965-1979, Rio de Janeiro, Mauad X, 2009.

des ouvriers se démarquant de la ligne du PT fondé en 1980. En apportant son soutien aux candidats du PDT pour gouverner l’État de Rio, Jaguar, né en 1932 à Rio de Janeiro, révéla certaines de ses affinités politiques. Celui qui dessina pour les périodiques Manchete et Senhor, puis Revista da Civilização Brasileira et Pif-Paf, avant de contribuer à fonder le périodique Pasquim et d'en être l'un des éditeurs, était également fonctionnaire de la Banque du Brésil jusqu'en 1971. Il y rencontra l'intellectuel et humoriste Sérgio Porto. Père du petit rat Sig créé en référence ironique à Sigmund Freud et qui devint rapidement la mascotte de Pasquim, Jaguar développa un style libre détaché des codes graphiques en vigueur et inventa des personnages dont l'anarchisme, la décadence et les décalages renseignaient sur sa conception du monde. Les traits simples extrêmement éloquents, les mimiques et expressions faciales des personnages alimentaient un type d'humour ancré dans la blague, le quiproquo et l'absurde, mais également le contexte politique national et les travers de l’univers carioca. Pour dénoncer la faiblesse des infrastructures ainsi que le peu d’investissement public en matière d’assainissement et de prévention des inondations à Rio de Janeiro, Jaguar affirma par exemple en avril 1971 : « Le carioca est avant tout un amphibie ».

FIG 26 : Pasquim, n°92, 08-14/04/1971, p. 25

Naviguant entre les techniques et les genres, il fut également l'auteur de nombreux montages photographiques dont les détournements s'attaquaient aux autorités répressives.

Issu de la même génération que Ziraldo, Jaguar et Millôr Fernandes extrêmement inspirée par certains artistes européens tels que André François, Jean-Jacques Sempé et Saul Steinberg365, Claudius Sylvius Petrus Ceccon, dit Claudius, est journaliste, dessinateur et architecte. Né en 1937 dans l’État du Rio Grande do Sul, il travailla au Cruzeiro à partir de 1954, puis commença à publier ses caricatures dans le Jornal do Brasil en 1957. Membre de la rédaction de l'éphémère Pif-Paf, il intégra l'équipe de Pasquim dès 1969 tout en étudiant l'architecture et le dessin industriel à Rio de Janeiro. Emprisonné une première fois en 1964 à cause d'un dessin de presse critiquant la répression du DOPS366, il fut de nouveau arrêté avec la quasi totalité de la rédaction de Pasquim en 1970. Exilé à Genève en 1971, il rencontra l'éducateur brésilien Paulo Freire et fonda avec lui l'Institut d'Action Culturelle, réalisant des projets d'alphabétisation pour adultes au sein de pays africains lusophones récemment indépendants comme la Guinée-Bissau. Claudius poursuivit ce travail à son retour au Brésil en 1978, en participant à des projets d'alphabétisation dans les quartiers de la périphérie de São Paulo aux côtés de l'archevêque dom Paulo Evaristo Arns, influencé par le catholicisme social. Démocrate très engagé politiquement, le dessinateur lutta à travers ses productions graphiques aux traits délicats et synthétiques contre le régime militaire tout en rejetant une vision coloniale de l'histoire du Brésil et des pays africains, notamment dans les ouvrages didactiques.

Collègue de Claudius au sein de divers périodiques, Reginaldo José Azevedo Fortuna, dit Fortuna, faisait partie de la même génération de dessinateurs de presse et d'humour ayant débuté leur carrière entre la fin des années 1940 et la décennie suivante. Né en 1931 à São Luis dans l’État du Maranhão, il arriva adolescent à Rio de Janeiro et publia ses premiers dessins au sein de la revue infantile Sesinho. Il travailla pour O Cruzeiro, A Cigarra, puis Pif-Paf, périodique pour lequel il réalisa de nombreuses caricatures et charges de militaires. L'ouvrage Hay Gobierno ?367 publié par Claudius, Jaguar et Fortuna et préfacé par Paulo Francis, réunit en 1964 différents travaux des trois auteurs critiquant et tournant en dérision le

365 Le professeur de relations internationales, journaliste et dessinateur Gilberto Maringoni évoquait dans un article paru à la fin de l'année 1994 certaines influences fondamentales dans le travail du dessinateur de presse et caricaturiste Fortuna, influences communes à toute une génération d'artistes brésiliens marqués par l'abolition des frontières entre humour graphique et arts plastiques. André François, Sempé, Bosc et Saul Steinberg apparaissent comme des figures emblématiques d'une génération d'artistes européens de l'après-guerre qui révolutionna le trait et le style de dessinateurs brésiliens tels que Claudius, Fortuna, Ziraldo, Jaguar… Voir : Gilberto MARINGONI, « Tchau, Fortuna » in Revista Princípios, n°35, nov.-janv. 1994-1995, p. 23-26.

366 Voir chapitre 2.

nouveau gouvernement. Entre 1964 et 1969, il publia ses dessins politiques dans le périodique d'opposition au régime militaire Correio da Manhã tout en travaillant pour la Folha de São Paulo, construisant sa carrière de dessinateur, de caricaturiste et chroniqueur visuel sur la base de cette alternance entre des titres de la presse majoritaire et des journaux indépendants. L'humour spontané et sarcastique, la prépondérance de la blague et du comique, le trait à l'allure désinvolte et l'immense expressivité des visuels demeurèrent des éléments caractéristiques de l'identité graphique du dessinateur très engagé contre le régime militaire.

FIG 27 : Pif-Paf, n°4, 06/07/1964, p. 24

Fortuna commença à dessiner dans Pasquim dès la fin de l'année 1969, avant de déménager à São Paulo au début des années 1970. Il fut l'éditeur de O Bicho368, éphémère revue de bande dessinée brésilienne parue en mars 1975 et valorisant le travail d'une nouvelle génération de dessinateurs surgis du milieu universitaire pauliste, œuvrant déjà dans le périodique Balão.

368 Roberto Elísio dos SANTOS, Waldomiro VERGUEIRO, « Revistas alternativas de quadrinhos no Brasil na década de 1970: uma análise de O Bicho » in Revista Latinoamericana de ciencias de la comunicación, n°12, janv.-juin 2010, p. 22-31.

Parmi les innombrables dessinateurs de talent ayant fait leurs armes dans le courant des années 1970 à São Paulo et contribué au renouvellement de l'humour graphique indépendant, citons notamment Laerte, Angeli et Glauco. Collègues et amis, les trois partenaires de travail créèrent notamment ensemble la série « Los tres amigos », bande dessinée publiée régulièrement dans la revue Chiclete com Banana. Imprégnés des cultures jeunes et des mouvements culturels alternatifs au-delà de la critique frontale du régime militaire, ils firent l'objet tous les trois, respectivement en 2014, 2012 et 2016, d'une grande exposition organisée par le centre culturel Itau Cultural à São Paulo dans le cadre du projet « Ocupação ». Le site internet de l'institution présente de nombreux documents d'archives, dessins et entretiens filmés concernant chacun des dessinateurs de cette « sainte trinité de la bande dessinée brésilienne369 », renfermant autant d'informations précieuses pour nos recherches370.

Laerte Coutinho, dessinatrice transgenre371 à la suite d'un processus de transformation entamé au début des années 2010, entreprit des études de journalisme à l'Université de São Paulo en 1969, alors âgée de dix-huit ans et publia l'année suivante ses premiers dessins. Elle fonda avec le dessinateur Luiz Geraldo Ferrari Martins, dit Luiz Gê, à l'époque étudiant en architecture, ainsi que d'autres artistes issus du même environnement universitaire, la revue pionnière Balão dont le premier numéro parut en novembre 1972. Malgré son tirage extrêmement limité, la publication eut un impact qualitatif considérable et permit à de nombreux jeunes auteurs et dessinateurs issus de la scène pauliste de se faire connaître : Paulo et Chico Caruso, Angeli, Ignatz, Xalberto... Lauréate du premier Salon de l'humour de Piracicaba372 en 1974 grâce à un dessin dénonçant avec humour et à coups de références littéraires la torture et la répression physique, Laerte s'engagea très rapidement dans

369 L'origine de l'utilisation de cette expression, récurrente dans la presse et dans les blogs spécialisés en bande dessinée au sujet du trio de dessinateurs, est difficile à identifier. Voici quelques exemples de son emploi :

https://www1.folha.uol.com.br/fsp/especial/fj1303201011.htm ; https://www.lpm-blog.com.br/? tag=abrobrinhas-da-brasilonia ; http://culturafm.cmais.com.br/de-volta-pra-casa/ocupacao-itau-cultural-homenageia-cartunista-glauco-em-sua-30-edicao ; http://www.ochaplin.com/2015/07/de-angeli-a-ziraldo-o-cartum-no-brasil.html … (consultés le 29 /09 /2018).

370 Voir les liens : http://www.itaucultural.org.br/ocupacao/laerte/ ;

http://www.itaucultural.org.br/ocupacao/angeli/ ; http://www.itaucultural.org.br/ocupacao/glauco/ (consultés le 29/09/2018).

371 Malgré la prépondérance du discours normatif cisgenre et fondé sur l’hétérosexualité dans la sphère médiatique brésilienne, Laerte assuma publiquement sa transition entamée au début des années 2010 et notamment marquée par différentes phases de sa propre compréhension du processus. Elle s’identifia successivement comme travesti puis femme transgenre, terme que nous employons par conséquent. Voir notamment l’article : Paulo ANDRADE, « Laerte: heroína trans ou homem vestido de mulher ? » in Jornal da USP, 29/06/2017 [en ligne : https://jornal.usp.br/ciencias/ciencias-humanas/laerte-heroina-trans-ou-homem-vestido-de-mulher/] (consulté le 01/05/2019).

372 Nous reviendrons sur l'importance du Salon de l'humour de Piracicaba dans le cinquième chapitre de cette thèse, qui lui est entièrement consacré.

l'opposition au régime via son militantisme communiste au PCB puis son affiliation au MDB. Elle milita activement pour la défense des droits des ouvriers de la périphérie de São Paulo et créa en 1978 avec le journaliste Sérgio Gomes l'organisation OBORÉ dont l'objectif premier était d'aider les syndicats à mettre sur pieds et faire vivre leurs périodiques, afin de contribuer à la valorisation des luttes démocratiques. Publiant ses travaux dans la presse syndicale afin d'inciter les ouvriers à militer, Laerte dessina également pour de très nombreux périodiques indépendants et à grand tirage durant le régime militaire.

Son nom est fréquemment associé à celui du dessinateur pauliste Arnaldo Angeli Filho, dit Angeli, qui entama sa carrière au début des années 1970 en travaillant dans la Folha de São Paulo. Père de nombreux personnages baignant dans l'anarchisme et la solitude, fin amateur d'humour noir, absolument opposé au conservatisme et très influencé par la culture underground nord-américaine, Angeli s'engagea auprès de nombreux périodiques indépendants et dessina notamment dans Movimento. Sceptique vis-à-vis de tous les gouvernements et des partis politiques, le dessinateur dénonça vivement l'autoritarisme. Il remporta un prix au deuxième salon de l'humour de Piracicaba en 1975 pour un dessin dénonçant avec humour l'hypocrisie et le consentement de la société civile face aux dirigeants militaires, politiques, économiques et religieux brésiliens. Il fonda en octobre 1985 la revue Chiclete com Banana éditée par la maison Circo Editorial et qui ouvrit les portes du marché éditorial à la bande dessinée nationale au moment de la redémocratisation du pays373. La publication accueillit bon nombre de dessinateurs de la nouvelle génération, extrêmement critiques vis-à-vis des partis politiques, du dogme religieux et d'une vision moralisatrice de la sexualité. Le trait d'Angeli,