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Rire sous la dictature : contournement et affrontement des limitations imposées à la liberté d'expression

II. Opinião et Pasquim, deux grands indépendants

3. Opinião, un « nouvel hebdomadaire national 391 » ?

Opinião possédait au même titre que Pasquim l'aura d'un grand périodique de résistance à la dictature militaire brésilienne, mais il se démarqua de l'hebdomadaire né en 1969 à de nombreux égards. La publication naquit du projet conjoint alliant l'industriel et entrepreneur Fernando Gasparian et le journaliste Raimundo Pereira, ancien éditeur de la revue Realidade. Le premier numéro392 fut publié en novembre 1972 à Rio de Janeiro, à la suite d'un numéro expérimental de quatre pages lancé le 23 octobre 1972393. Gasparian, fils d'un industriel arménien, né en 1930 à São Paulo, entama ses études à l'école d'ingénieur de l'Université presbytérienne Mackenzie en 1948394. Diplômé en 1952, il adhéra au Parti Socialiste Brésilien en 1953 après plusieurs années de militantisme étudiant puis s'engagea

390 Pasquim, n°122, 2-8/11/1971, p. 10. 391 Opinião, n°0, 23/10/1972, p. 1. 392 Opinião, n°1, 6-13/11/1972. 393 Opinião, n°0, 23/10/1972.

dans le syndicalisme à la fin des années 1950 et dirigea l'un des principaux syndicats patronaux du Brésil. Après un passage à la direction financière de la Compagnie pauliste de chemins de fer en 1960 puis son rachat de la firme América Fabril en difficulté financière, il devint l'un des principaux entrepreneurs de l'industrie textile brésilienne. Nationaliste, démocrate et syndicaliste, co-fondateur du MDB de São Paulo, Gasparian fut accusé de financer des manifestations opposées au gouvernement en vertu de l'AI-5 et démis de toutes ses fonctions patronales et dirigeantes en octobre 1969. Il quitta le pays en 1970 pour s'installer à New York et enseigner, avant d'être professeur invité à l'Université d’Oxford. De retour au Brésil en 1972, il proposa à Raimundo Pereira d'être l'éditeur d'un périodique indépendant ayant pour vocation de regrouper l'opposition démocratique, de défendre les libertés individuelles et collectives, de contribuer au développement économique, social et politique du pays.

La famille de Raimundo Pereira, né en 1940 dans la petite ville pernamboucaine de Exu, s'installa dans l’État de São Paulo alors qu'il était enfant. Raimundo commença à travailler encore adolescent en tant que chroniqueur sportif. Il entra en 1960 à l'Institut technologique de l'Armée de l'air de São José dos Campos, mais en fut renvoyé puis fut emprisonné à la suite du coup d’État militaire, du fait de ses activités au sein du périodique O Suplemento et dans une troupe de théâtre étudiante. Sans être affilié à un parti politique précis, Pereira fut activement militant au sein du mouvement étudiant à partir de son entrée à l'Université de São Paulo en 1965. Il contribua à la création et édita de mars à mai 1967 l'éphémère Amanhã, périodique publié par le syndicat étudiant clandestin de l'ancienne Faculté de philosophie, sciences et lettres. Entre son ambition de création de passerelles entre les mouvements étudiant et ouvrier, son contenu très critique envers le régime, ses sections culturelles et ses grands reportages, Amanhã constitua une publication de référence parmi les intellectuels et étudiants paulistes engagés dans l'opposition. Pereira travailla également à la fin des années 1960 au sein de la Folha da Tarde, de Veja et de Realidade, avant de fonder Opinião avec Gasparian en 1972. Dès la naissance de l'hebdomadaire surgirent certains désaccords entre l'éditeur et le propriétaire, dans la mesure où Raimundo Pereira souhaitait

394 Au sujet du parcours professionnel, syndical et politique de Gasparian, voir : Sérgio LAMARÃO, « GASPARIAN, Fernando » in Alzira Alves de ABREU et al (org.), Dicionário Histórico-Biográfico Brasileiro – Pós-1930, Rio de Janeiro, CPDOC, 2010 [en ligne : http://www.fgv.br/cpdoc/acervo/dicionarios/verbete-biografico/fernando-gasparian] (consulté le 01/11/2018). Voir également à propos du périodique Opinião : Antonio HOHLFELD, Elisa CASAGRANDE, Júlia MANZANO, « A América latina nos jornais brasileiros alternativos Opinião e Movimento (1972-1976) » in Comunicação & Informação, vol. 15, n°1, janv.-juil. 2012, p. 6-20.

jouir de la plus grande indépendance et craignait les pressions liées à une perte de la propriété intellectuelle. Gasparian, entrepreneur et patron, refusa de céder la majorité des parts aux journalistes et conserva la propriété du titre, garantissant toutefois dans un premier temps à l'équipe la plus grande autonomie.

FIG 31 : Opinião, n°1, 6-13/11/1972, p. 2

L'ours du premier numéro395, paru le 6 novembre 1972 et reproduit ci-avant, précisait que le périodique dirigé par Fernando Gasparian et édité par Raimundo Pereira était une publication de la maison Inúbia, entreprise d’édition spécialisée dans les ouvrages d'histoire intellectuelle qui se rendit célèbre quatre années plus tard en publiant les débats organisés par le groupe Casa Grande396. La rédaction de Opinião était composée d'une équipe permanente d'éditeurs, de rédacteurs, de dessinateurs et de correspondants, tels que Bernardo Kucinski depuis Londres, Paulo Francis de New York ou Luciano Martins à Paris, mais également de collaborateurs occasionnels. Parmi ces intellectuels de renom figuraient notamment le journaliste, romancier et dramaturge Antônio Callaso, le sociologue, essayiste et professeur Antônio Candido de Mello e Souza, Fernando Henrique Cardoso – à l'époque sociologue plutôt ancré à gauche – l'intellectuel et dessinateur Millôr Fernandes et l'économiste Celso Furtado. Loin d'être l’organe de presse d'un parti politique, Opinião fonctionnait sur la base d'une grande pluralité idéologique et se voulait le catalyseur d'une pensée critique issue de l’opposition au régime militaire. Raimundo Pereira se souvint en 2011, lors d'un entretien réalisé par l'Institut Vladimir Herzog dans le cadre du projet « Resistir é preciso », de l'impact du groupe d’intellectuels réunis au sein de l'hebdomadaire :

395 Opinião, n°1, 6-13/11/1972, p. 2.

« J'ai pris le journal et je suis sorti avec comme ça pour... le premier mec qui est passé je lui ai dit « écoute, dis-moi, qu'est-ce que tu penses de ce journal ? ». Il a regardé le journal, il l'a vu et a dit « ce journal doit être bon parce qu'il y a Paulo Francis ». [rires] Parce que c'était comme ça, c'était un journal avec des gens célèbres, Gasparian n'était pas si connu, mais au sein de la gauche, au sein des intellectuels brésiliens, Celso Furtado, Fernando Henrique un peu moins, mais c'était déjà... une liste énorme de gens célèbres. Et Paulo Francis était très connu. Nous sommes arrivés à 38 400 exemplaires alors que Veja en vendait 42 000 en kiosques. Nous étions le deuxième hebdomadaire du pays397. »

Opinião était imprimé au format tabloïd dont les dimensions, celles de la moitié d'un journal traditionnel, lui conféraient praticité et confort de lecture. Les exemplaires comportaient normalement vingt-quatre pages, à l'exception de certains numéros écourtés par une censure trop importante. A titre d'exemple, le vingt-quatrième numéro datant du 16 avril 1973 n'était constitué que de quinze pages, excessivement tronqué à la suite de la Une précédente affichant le portrait de Dom Paulo Evaristo Arns, archevêque de São Paulo398. Comme le signala Raimundo Pereira en 2011, le tirage atteignit presque 40 000 exemplaires à l'occasion de la publication du troisième numéro le 20 novembre 1972. Cela étant, ce chiffre exceptionnel était loin d'être une constante, le nombre d'exemplaires imprimés oscillant fortement autour de trente mille exemplaires et chutant parfois à dix mille lors des périodes de recrudescence de la censure. Le périodique était en vente en kiosques et disponible à l'abonnement au Brésil, mais également vendu dans certaines capitales telles que Londres, Paris et Santiago du Chili.

Le numéro zéro de Opinião, version expérimentale de lancement en quatre pages publiée le 23 octobre 1972399, présentait dans un tout premier éditorial les objectifs et l'identité de l'hebdomadaire naissant. Le texte insistait d'une part sur l'indépendance du périodique vis-à-vis des organisations politiques formelles, malgré le socialisme de Gasparian et les affinités idéologiques de Pereira avec l'AP puis le PcdoB, mais également sur les combats menés par la rédaction : critique et interprétation honnêtes des faits, thématiques intellectuelles et

397 Raimundo PEREIRA in INSTITUTO VLADIMIR HERZOG, “Resistir é Preciso...” Os protagonistas desta história, São Paulo, Imprensa Oficial do Estado de São Paulo, 2011, CD1, 0'01''03 (document audiovisuel).

398 Nous reviendrons en détails sur les conditions de publication du vingt-troisième numéro, à la suite de la messe célébrée le 30 mars 1973 à la cathédrale de la Sé pour l'étudiant Alexandre Vannucchi Leme, torturé et tué dans les locaux du DOI-CODI de São Paulo.

culturelles, traitement de l’actualité nationale et internationale, défense des citoyens et des libertés fondamentales. Enfin, l'éditorial présenta également le modèle financier suivi par la rédaction, les coûts et salaires envisagés pour les rédacteurs et éditeurs, ainsi que l'ambition d'autonomie à moyen terme grâce aux ventes hebdomadaires et à une présence modérée de la publicité. Les vingt-quatre pages des exemplaires d’Opinião étaient effectivement divisées en trois grandes sections consacrées respectivement aux nouvelles nationales en matière de politique, d'économie, de santé publique ou d'éducation, à l'actualité et la géopolitique internationales puis finalement à la culture dans la rubrique « Tendências e Cultura400 ». Les pages internationales comprenaient l'édition brésilienne du quotidien français Le Monde avec lequel Opinião établit un partenariat, ainsi que les traductions d'articles issus de célèbres périodiques nord-américains et britanniques tels que The Washington Post, The New York Review of Books, The Guardian ou New Stastesman, dont les lignes éditoriales couvraient un large prisme politique allant du social-libéralisme à une sensibilité bien davantage ancrée à gauche. Opinião couvrit certains des événements majeurs du début des années 1970 à l'échelle planétaire tels que les offensives nord-américaines lors de la Guerre du Viêtnam, le scandale du Watergate, les soubresauts politiques ayant animé le continent sud-américain, la Guerre du Kippour opposant l’Égypte et Israël, la chute de Salazar et la transition démocratique portugaise... La section culturelle dédiée à l'actualité artistique de Rio de Janeiro et São Paulo, aux tendances et comportements, comprenait une page de loisirs et une colonne consacrée à la pratique du jeu d'échecs.

Ce premier numéro de Opinião révéla également le projet graphique de la publication, expliquant le choix assumé de privilégier le dessin de presse et la caricature à la photographie401. La maquette travaillée et élégante accordait effectivement une place prépondérante aux dessins, signés dans une grande majorité des cas. Chico Caruso s’exprima en 1984 dans l'introduction de son ouvrage Não tenho palavras402 au sujet de la singularité du travail réalisé par l'équipe artistique de Opinião, le comparant notamment au projet graphique de Pasquim :

400 Eduard MARQUARDT, « Cultura em Opinião: as páginas de Tendências e Cultura (1972-1977) », Mémoire de master en Littérature, sous la direction de Maria Lucia de Barros Camargo, Florianópolis, Université fédérale de Santa Catarina, 2003 ; Eduard MARQUARDT, « Crítica e mercado. Tendências e cultura na década de 70 » in Boletim de Pesquisa do NELIC, 2001, p. 42-58.

401 « Por que não fotografia ? » in Opinião, n°0, 23/10/1972, p. 2. 402 Chico CARUSO, Não tenho palavras, São Paulo, Circo Editorial, 1984.

« Et, en parlant de Pasquim […], ça ne coûte rien de rappeler que je me suis formé professionnellement entre la naissance de Pasquim et l'absorption de ses innovations par la grande presse : dans les journaux Opinião et Movimento, en contact avec les artistes Luís Trimano, Elifas Andreatto et Cássio Loredano, et sous le commandement du grand timonier et leader spirituel des peuples Raimundo Pereira, nous avons commencé à développer un travail qui s'opposait déjà à la spontanéité de ce brillant hebdomadaire – l'immédiateté, le ton informel des entretiens à une époque à laquelle la première idée était généralement la plus brillante – et en même temps : avec Millôr, Jaguar, Ziraldo, Henfil, vous vous attendiez à quoi ? Mais aussi du fait de la couleur des années que nous vivions – noires – nous n'avions déjà plus la moquerie si évidente, la drôlerie des dessinateurs de Pasquim, mais une nouvelle force dramatique, principalement dans le graphisme obsessionnel de Trimano. Et nos dessins n'avaient pas de légendes ou de bulles, ils ne parlaient pas – ils gémissaient tout au plus403. »

À l'occasion du cinquante-quatrième numéro404 exceptionnellement composé de trente-six pages, l'hebdomadaire fêta sa première année de parution et consacra trois pages spéciales à son équipe d'éditeur d'art et de dessinateurs, tout en publiant une rétrospective de caricatures :

« Dans la présentation de OPINIÃO faite dans le numéro zéro, les futurs lecteurs étaient informés du fait qu'ils ne trouveraient que peu de photos dans les pages du journal. En évitant d'entrer en compétition avec l'immédiate diffusion d'images que la télévision permet, en tentant également d'éviter une certaine standardisation des photos, distribuées aux revues illustrées et aux journaux quotidiens par les agences de nouvelles, OPINIÃO opta pour la possibilité de commenter visuellement des personnages et des situations avec les interprétations personnelles de ses illustrateurs. Elifas Andreato, alors directeur artistique de l'entreprise de communication Abril Cultural, organisa une équipe de base d'illustrateurs incluant Elifas lui-même, Luís Trimano et Cássio Loredano. OPINIÃO publia également d'autres dessinateurs, comme Carlos Clémen, Petchó, Alcindo Cruz Maciel, David Levine, Sabat, Allan Cobber, Gerald Scarfe et les dessinateurs de presse Oliphant et

403 Chico CARUSO, op. cit., p. 7-10. 404 Opinião, n°54, 19/11/1973.

Mollica. Les travaux de Elifas, Trimano et Cássio racontent une partie de l'histoire de cette année de OPINIÃO405. »

FIG 32 : Opinião, n°54, 19/11/1973, p. 32

Elifas Andreato, dessiné ci-dessus par son collègue Cássio Loredano, fut le directeur artistique de l'hebdomadaire depuis le premier numéro406 et jusqu'à la fin du mois de février 1975, époque du départ de Raimundo Pereira et d'une partie de l'équipe. Né en 1946 dans la petite ville de Rolândia dans l’État du Paraná et originaire d'une famille ouvrière modeste rapidement installée à São Paulo, Andreato commença à travailler très jeune au sein de l'usine d'allumettes Fiat Lux située en périphérie ouest de la ville. Il participa en 1964 à un cours d'alphabétisation pour adultes et illustrait alors certains journaux ouvriers, avant d'être sollicité par le patron afin de décorer la salle des fêtes de l'entreprise407, puis choisir la programmation musicale et cinématographique de ce haut lieu de la sociabilité ouvrière. Il fut ainsi repéré par la critique d’art du périodique Diário da Noite Marli Medalha et entra en 1967 à la maison d'édition Abril. Le jeune Elifas Andreato multiplia les expériences au sein de diverses revues, travaillant notamment pour Realidade avant d'être promu directeur artistique des publications

405 Opinião, n°54, 19/11/1973, p. 32.

406 Le nom d’Elifas Andreato n'apparaît dans l'ours qu'à partir du quarante-quatrième numéro, publié le 10 septembre 1973, mais les témoignages attestent de sa présence dès les débuts de Opinião.

féminines de la section culturelle de la maison Abril. Artiste graphique autodidacte et polymorphe usant d'une grande diversité de techniques et de pratiques, Andreato contribua à de nombreux titres indépendants et clandestins sous le régime militaire tout en s'illustrant dans la réalisation de pochettes de disques vinyles, de couvertures d'ouvrages et d'affiches théâtrales. Il dessina notamment l'affiche de la pièce « Mortos sem sepultura », adaptation brésilienne de l’œuvre de Jean-Paul Sartre408 et mise en scène par Fernando Peixoto. Mêlant des références à la seconde Guerre mondiale et la dénonciation de la torture au Brésil, le dessin fut censuré et les affiches confisquées. Ses travaux très expressifs à l'esthétique léchée attestaient une grande liberté de création, d'un engagement politique et d'une conscience sociale certains. Raimundo Pereira l'invita à être directeur artistique du futur Opinião dont il fut également l'un des illustrateurs, responsable de la création de très nombreuses couvertures et de certaines illustrations. Il racontait en 2011, également dans le cadre du projet « Resistir é préciso », les allers-retours hebdomadaires tous les vendredis entre São Paulo et Rio de Janeiro pour préparer l'exemplaire du lundi suivant :

« Raimundo vint me chercher et me dit « Elifas, on va faire un journal d'opposition au régime, on va faire quelque chose au format de Pasquim, mais un journal politique d'opposition au régime. J'ai dit « J'en suis. C'est parti ». Et pendant presque un an je suis parti d'ici, de la maison d'édition Abril, les vendredis soirs, en empruntant n'importe quel transport, tout ce qui était possible, parfois l'aéroport fermait, parfois j'y allais en voiture... mais je ne dormais pas les vendredis. Et j'emmenais avec moi une bande de fous volontaires pour faire la partie artistique, parfois les textes du journal, bref...409 »

Visionnaire et inspiré, Andreato construisit pas à pas l'identité visuelle d’Opinião dont la composition des premières de couverture et la place majeure accordée aux graphismes, de la caricature à l'illustration, forgèrent la spécificité. Il avait perçu l'importance fondamentale des

408 La pièce Morts sans sépulture écrite par Sartre en 1941 fut représentée pour la première fois le 8 novembre 1946 au Théâtre Antoine à Paris. Elle fut publiée aux éditions Marguerat à Lausanne en 1946, puis à Paris en 1947. L’œuvre raconte l'histoire d'un groupe de résistants capturés par la milice et interroge les relations humaines, les doutes et les sentiments de ces jeunes gens face aux interrogatoires et tortures. Fernando Peixoto mit en scène la pièce en 1977 au Brésil en proposant une nouvelle interprétation du texte à la lumière de l'autoritarisme du régime militaire. Au sujet des dialogues entre les deux œuvres, voir : Maria Abadia CARDOSO, Mortos sem sepultura – Diálogos cênicos entre Sartre et Fernando Peixoto, São Paulo, Hucitec, 2011.

409 Elifas ANDREATO in INSTITUTO VLADIMIR HERZOG, “Resistir é Preciso...” Os protagonistas desta história, São Paulo, Imprensa Oficial do Estado de São Paulo, 2011, CD1, 0'03''38 (document audiovisuel).

éléments graphiques au sein d'une mise en page relativement pauvre en noir et blanc, à l'exception de la couverture qui pouvait comporter une seule couleur. Après la scission de la rédaction et le départ de Raimundo Pereira, il décida de suivre l'éditeur dans la nouvelle aventure de création de Movimento.

La maquette élaborée par Andreato et composée d'après lui sans pression de la part de la direction du périodique410 mettait particulièrement l'accent sur les productions de Cássio Loredano, jeune dessinateur présent dans l'équipe artistique dès le premier numéro et qui s'en alla également au moment du départ de Pereira, après le cent-vingt et unième numéro. Andreato publia son portrait en novembre 1973 :

FIG 33 : Opinião, n°54, 19/11/1973, p. 32

Auteurs d'innombrables dessins faisant souvent la couverture de l'hebdomadaire, Loredano travaillait à l'encre de chine noire ou au crayon sur papier blanc, en insérant parfois des remplissages gris. Il publia peu de charges dans Opinião – déclinant un rôle de chroniqueur

410 Elifas ANDREATO in INSTITUTO VLADIMIR HERZOG, “Resistir é Preciso...” Os protagonistas desta história, São Paulo, Imprensa Oficial do Estado de São Paulo, 2011, CD1, 0'04''48 (document audiovisuel).

politique souvent assumé par ses collègues – mais se révéla un caricaturiste hors pair. Loredano fut à l'origine de la création d'une galerie de portraits extrêmement riche constituée de dessins centrés sur le caractère des personnes, devenus personnages composites mi-burlesques, mi-réalistes. Laissant sciemment transparaître ses sympathies et ses points de vue, le dessinateur porta à son paroxysme le pouvoir synthétique de la caricature. Il reconnut volontiers en 2015 s'imprégner en permanence de photographies des personnes représentées afin de s'approcher au plus près de la physionomie et de l'attitude corporelle411. Puis, par la déconstruction des lignes et des traits étudiés, l'altération des proportions, l'exagération accentuant le ridicule tout en conservant certains éléments physiques ou accessoires caractéristiques, Loredano réalisait le tour de force de rendre instantanée l'identification des personnes dont les apparences, les personnalités et les comportements étaient tournées en dérision. Parfois, une simple ligne suffisait à l'artiste pour représenter un corps entier et contrastait avec la minutie et le détail accordés au visage. Il caricatura pour Opinião les dirigeants internationaux, de Nixon à Yasser Arafat, les ministres civils, dignitaires militaires et présidents généraux du régime brésilien, ainsi que de très nombreux artistes ou champions sportifs.

FIG 34 : Opinião, n°100, 4/10/74, p. 9

411 Voir le très court reportage consacré au dessinateur, « Loredano: um traço bem-humorado », réalisé en 2015 par la librairie brésilienne Saraiva [en ligne : https://www.youtube.com/watch?v=szqRCSS2gEA] (consulté le