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Pif-Paf ou l'éphémère mise en scène satirique du pouvoir

III. Désacralisation du pouvoir dans les pages de Pif-Paf

a) Le Jeu de la démocratie : une mise en scène politique

Dès son deuxième numéro paru au début du mois de juin 1964274, Pif-Paf défia le péril autoritaire et l'ensemble du système politique brésilien. La couverture et la quatrième de couverture du numéro représentaient, à la manière du jeu de l'oie275, le plateau du « Jeu de la Démocratie276 » conçu par l'ensemble de la rédaction et dessiné par Ziraldo. Quelques consignes étaient destinées à orienter le lecteur-joueur à gauche du plateau de jeu :

« Dans ce numéro de Pif-Paf, le Jeu de la Démocratie est présenté pour la première fois complètement institutionnalisé.

Ce Jeu de la Démocratie est un jeu éminemment national. Il n'y a de Jeu de la Démocratie égal à celui-ci dans aucun autre pays.

N'importe quel citoyen peut entrer dans le Jeu de la Démocratie. Il suffit pour cela de fabriquer le dé que nous offrons ci-dessus, après l'avoir soigneusement collé sur du carton fin. Si la personne intéressée par le Jeu de la Démocratie veut davantage de partenaires, il suffit d'acheter plus d'exemplaires et de faire autant de dés qu'il y a

274 La date précise de publication du deuxième numéro n'est pas indiquée, mais elle est aisément imaginable en tenant compte de la périodicité bimensuelle de Pif-Paf.

275 Au Brésil, l'adaptation du jeu de l'oie prend le nom de « Jogo do Tatu Brasilis ». Les joueurs doivent faire arriver leur pion, un tatou, au centre du plateau à la forme caractéristique de spirale en escargot, en évitant les obstacles et les embûches.

de partenaires. (En général, les personnes qui entrent dans le Jeu de la Démocratie préfèrent jouer seules)277. »

L'ironie du texte accentuait le caractère exceptionnel de la situation politique brésilienne, a priori incomparable. Les explications de la rédaction mêlaient des considérations didactiques liées au bon déroulement du jeu et une critique du carriérisme égoïste des personnalités politiques. Cette double page misa en outre sur la complicité avec des lecteurs censés être capables de percer les mystères des doubles sens disséminés sur le plateau de jeu aux apparences de distraction populaire. Un avertissement prémonitoire, mis en avant par une typographie différenciée en italique, complétait les instructions et mettait en garde contre la précarité des libertés encore existantes en juin 1964 : « Jouez aujourd'hui ! Jouez maintenant ! Le jeu de la démocratie peut être interdit à tout moment !278 » La première case du jeu associa délibérément sous forme de réclame publicitaire l'achat du journal à la militance en faveur de la démocratie. La page suivante présentait l'idée directrice et les règles basiques du divertissement. De la création de la démocratie grecque, comparée à une distraction, à la forme brésilienne et contemporaine du régime politique, il n'y avait qu'un pas franchi en quelques lignes :

« Le jeu, comme le savent tous les lecteurs (exceptés les fascistes, les communistes, les socialistes, les équilibristes et les pickpockets), consiste sous sa forme brésilienne en l'arrivée d'une personne au palais de l'Aurore. Pour cela, cependant, on ne suit pas la logique qui voudrait que l'on tente d'y arriver par le chemin le plus court et le mieux pavé. L'important, que ce soit clair, n'est pas tant d'y arriver, mais plutôt d'empêcher que quelqu'un y arrive279. »

Les références à la situation contemporaine du pays abondaient, notamment dans la deuxième règle énumérant les pré-requis nécessaires à la participation : « Chaque joueur doit venir accompagné d'au moins cent mille votes. Ou cent mille cruzeiros. Ou un journal. Ou une division blindée280 ». Dans la pratique et d'après un premier niveau de lecture, l'acquisition d'un journal suffisait effectivement aux joueurs anonymes non fortunés pour participer : Pif-Paf. Un second niveau d'interprétation dévoilait une féroce critique du haut personnel politique

277 Pif-Paf, n°2, 06/1964, p. 24. 278 Idem.

279 Pif-Paf, n°2, 06/1964, p. 2. 280 Idem.

brésilien arrivé en poste soit grâce à ses relations et à la pratique du clientélisme, soit grâce à sa fortune personnelle et la pratique de la corruption, soit grâce à ses accointances avec la grande presse majoritaire ou bien, plus simplement, grâce à l'usage de la force et son appartenance à la sphère militaire. La rédaction, cynique, prévenait les participants de l'importance de la loyauté dans la pratique du Jeu de la Démocratie : « Si l'un des joueurs désobéit aux règles, et gagne illégalement, le Jeu devient le Jeu de la Dictature281. » Elle insistait également sur la polarisation accrue de la vie politique nationale entre gauche et droite et dénonçait, en creux, la tendance à l'uniformisation et à la suppression des partis politiques : « les joueurs peuvent jouer en équipes appelées Équipe de droite et Équipe de Gauche. Plus de deux équipes, c'est le chaos282. » Une allégorie ludique et loufoque de la démocratie à la brésilienne prenait finalement corps, corrompue, instable, injuste et élitiste, mais qui semblait aux rédacteurs et dessinateurs de Pif-Paf tout de même préférable à son absence totale : « Même au Brésil, pendant de nombreuses années, à différentes époques, le Jeu était seulement toléré de manière clandestine. C'est pour cela que nous le répétons : jouez au Jeu de la Démocratie aujourd'hui même. Demain il sera peut-être trop tard283. »

FIG 20 : « O jogo da democracia » in Pif-Paf, n°2, 06/1964, p. 1 et p. 24

281 Idem. 282 Idem. 283 Idem.

Le plateau de jeu très coloré s'étendait sur la couverture et la quatrième de couverture. Il comportait soixante-cinq cases, soit deux cases supplémentaires par rapport au jeu de l'oie. Disposées en spirale et presque toutes illustrées, ces cases représentaient littéralement la sphère politique brésilienne, tournant en dérision les événements précédant le coup d’État de 1964, l'instauration d'un climat de suspicion permanente et la répression physique. La logique du jeu était assez simple : certaines cases néfastes pénalisaient le joueur, d'autres au contraire favorisaient la personne s’y trouvant. Le dessin tissait un ensemble de références à des événements, des personnalités politiques ou des lieux emblématiques du soutien ou de l'opposition au régime militaire.

Une première partie des cases remplissait une fonction éliminatoire justifiée par la rencontre du joueur avec des acteurs politiques indésirables pour les dirigeants du nouveau régime. Ainsi, il était indiqué à la huitième case « Rejoins Badger et...sors du jeu284 » en référence à Badger Teixeira da Silveira, gouverneur de l’État de Rio de Janeiro en 1962, fervent soutien de João Goulart, des réformes de base et des campagnes d'alphabétisation. L’homme politique vit ses droits civils suspendus en avril 1964. Dix cases plus loin, le joueur risquait l’élimination à cause d'une entrevue avec l'ancien gouverneur de l’État de Rio Grande do Sul, député fédéral de l'État de Guanabara et opposant au régime militaire même depuis son exil en Uruguay dès le mois de mai 1964, Leonel Brizola. La délation faisait à cette occasion son entrée dans la partie puisque la terrible faute du joueur semblait être le fait de ne pas avoir informé la police politique de cette entrevue : « Tu rencontres Brizola sans prévenir le DOPS. Sors du jeu285 ». Trois cases plus loin, en revanche, la rencontre était identique, mais l'issue différente : « Rencontre de nouveau Brizola et préviens le DOPS. Tu continues le jeu286 ». Enfin, à la cinquante-cinquième case du jeu, c’était en compagnie de l'ancien président Jânio Quadros qui succéda à Juscelino Kubitschek en 1960 et dont le vice-président était João Goulart, que le participant perdait la partie. Adhemar Pereira de Barros, opposant historique de Jânio Quadros lorsqu'il était l'une des personnalités majeures de la vie politique locale de São Paulo, était également dessiné sur les cases cinq et cinquante-trois agenouillé en posture de prière ainsi qu’à la dix-septième vignette un chapelet à la main. Il était reconnaissable à son nez très proéminent et à sa coiffure caractéristique. Personnage ambigu, homme politique de premier plan accusé à plusieurs reprises de corruption, notamment connu pour le slogan

284 Pif-Paf, n°2, 06/1964, p. 1. 285 Idem.

électoral « Rouba, mas faz287 », il apporta son soutien à l'arrivée à la présidence de Goulart en 1961, mais participa par la suite à l'organisation du coup d’État de 1964. Il soutint le régime durant ses deux premières années avant de voir à son tour ses droits politiques suspendus en 1966. Le personnage se situait du côté des cases néfastes pour le joueur, puisqu'il était successivement la cause d'un retour au début du jeu, de deux tours passés sans jouer et finalement d'une avancée en case cinquante-huit, fatale.

Outre ces personnalités politiques, certains lieux et événements emblématiques de l'opposition au coup d’État et au régime militaire étaient également les prétextes de l'éviction ou de la pénalisation des joueurs. La treizième case fut associée à une date emblématique impliquant le repli du participant : « 13 mars. Attention avec ce numéro. Recule de cinq cases288 ». Le 13 mars 1964, le président João Goulart organisa un immense rassemblement devant la gare centrale de la ville de Rio de Janeiro. Ce fut au cours de cet événement historique, le Comice des réformes289, qu'il annonça la nationalisation de toutes les raffineries de pétrole et de nombreuses mesures liées à la réforme agraire. Il s'agissait pour Goulart d'affirmer l'orientation nationale et réformiste de son gouvernement tout en défendant les libertés syndicales. Les milieux conservateurs réagirent rapidement et massivement dans tout le pays en organisant notamment la série des « Marches de la famille, avec Dieu et pour la liberté » pour prévenir l'imminence du danger communiste. Notons que le joueur condamné à reculer de cinq cases tombait en case huit avec Badger Teixeira da Silva et perdait donc la partie. Un peu plus loin dans la spirale du « Jeu de la Démocratie », quatre cases consécutives figurant chacune un rhinocéros se démarquèrent en créant un comique de répétition à mesure qu'elles pénalisaient et favorisaient à tour de rôle le joueur. Ces vignettes se référaient à Cacareco, une femelle rhinocéros prêtée au jardin zoologique de São Paulo par celui de Rio de Janeiro. En 1959, sa candidature aux élections municipales paulistes fut portée par un mouvement de lutte contre la corruption de la sphère politique locale et obtint environ quinze pourcents des suffrages, soit cent mille votes. L'élection de l'animal fut refusée, mais la

287 Littéralement, « Il vole, mais il fait ». 288 Pif-Paf, n°2, 06/1964, p. 1.

289 Au sujet du contexte historique et de l'importance de l'événement, voir notamment :

Heloísa MENANDRO, « Comício das Reformas » in Alzira Alves de ABREU et al (coord.), Dicionário Histórico-Biográfico Brasileiro – Pós-1930, Rio de Janeiro, CPDOC, 2010 [en ligne : http://www.fgv.br/cpdoc/acervo/ dicionarios/verbete-tematico/comicio-das-reformas] (consulté le 29/04/2019) ; Marcos NAPOLITANO, « O Carnaval das Direitas : o golpe civil-militar » in Marcos NAPOLITANO, 1964 : História do Regime Militar Brasileiro, São Paulo, Contexto, 2014, p. 43-67.

femelle devint l'un des symboles du vote de frustration et de contestation290, ou vote dit « Cacareco ». Située en fin de parcours, la case numéro soixante-et-un évoquait l'ambassade du Mexique au Brésil, une institution qui affirma au lendemain du coup d’État l’inconstitutionnalité du nouveau gouvernement et concéda un nombre important d'asiles politiques à des citoyens brésiliens dès 1964291. L'arrivée sur la case était synonyme de défaite : « Rencontre à la 'Embajada'. Sors de la partie, mais tu peux rester regarder292 ». Les traditionnels emblèmes du communisme furent également les cibles d'un triptyque grâce à un jeu de renvoi d'une vignette à l'autre : à la case cinquante-quatre, le joueur était invité à récupérer le marteau dessiné et à se rendre au numéro soixante, où il lui était proposé de se munir d'une faucille et d'aller vers la case soixante-trois. Inéluctablement, il se voyait expulsé de la partie : « Communiste ! Sors du jeu293 ».

Certaines cases furent en revanche associées par Ziraldo à des personnalités politiques, des mouvements et parfois des comportements conservateurs favorables au régime militaire instauré deux mois avant la publication du numéro. Ces vignettes permettaient dans la plupart des cas aux participants de rester dans la course et parfois les favorisaient nettement. On l'a vu précédemment, la délation était valorisée par le plateau félicitant le joueur d'avoir prévenu les services de surveillance et de répression d'une rencontre avec Leonel Brizola. La trentième vignette accordait une protection pour l'ensemble du jeu grâce à la fréquentation du Parti social démocratique : « Tu rencontres le PSD. Maintenant, tu ne sors plus de la partie d'aucune manière294 ». Parti populiste fondé en 1945 et dissous en octobre 1965 par le régime militaire en vertu de l'Acte Institutionnel n°2, le PSD regroupait cependant en juin 1964 d'importantes franges de la haute société brésilienne et une partie des entrepreneurs. Cette organisation, certes surveillée, fut tolérée jusqu’à l'interdiction de tous les partis politiques exceptés l'Alliance rénovatrice nationale, ou ARENA, soutien actif du gouvernement, et le Mouvement démocratique brésilien, le MDB, remplissant le rôle d'une opposition de façade consentie et contrôlée. Le vice-président de la République fédérative du Brésil José Maria Alkmin,

290 Voir Adolpho QUEIROZ, Mariana G.F. MERGULHÃO, « Voto de protesto ou estratégia de marketing? », travail présenté lors du cinquième congrès de Compolítica, association brésilienne de chercheurs en communication politique, Curitiba, 05/2013 [en ligne : http://www.compolitica.org/home/wp-content/uploads/2013/05/GT09-Propaganda-e-marketing-politico-AdolphoQueiroz.pdf] (consulté le 02/03/2018).

291 Voir : Daniela Morales MUÑOZ, « Exilio en tránsito. El paso por México del primer grupo de asilados brasileños de la dictadura militar » dans Con-temporanea, n°4, juil.-déc. 2015 [en ligne : http://con-temporanea.inah.gob.mx/node/113] (consulté le 02/03/2018).

292 Pif-Paf, n°2, 06/1964, p. 1. 293 Pif-Paf, n°2, 06/1964, p. 24. 294 Idem.

représenté en quarante-septième case, fut membre de l'ARENA à partir de 1965. Sa présence évitait au joueur d'inutiles tracas : « Tu rencontres Alkmin. Tu quittes le jeu seulement si tu meurs295 ». Humberto de Alencar Castelo Branco et son vice-président Alkmin virent respectivement Artur da Costa e Silva et Pedro Aleixo leur succéder en mars 1967. Le jeu faisait également mention de la Marche de la famille avec Dieu et pour la liberté, cet ensemble de manifestations de grande ampleur organisées en mars 1964 par des groupes sociaux et politiques ultra conservateurs ainsi qu'une frange importante du clergé, en réponse au « péril » communiste et au Comice organisé par Goulart. La première Marche de la famille organisée le 19 mars dans la ville de São Paulo devint Marche de la victoire le 2 avril 1964 à Rio de Janeiro. Notons que la case renvoyait à la cinquante-troisième vignette et à l'ambigu Adhemar de Barros. Autre vertu valorisée par le nouveau gouvernement, l'extrême religiosité était tournée en dérision par le plateau de jeu, faisant à plusieurs reprises l'objet de critiques et pénalisant les participants. En case trente-trois, âge supposé du Christ à sa mort, il était simplement mentionné « Sors du jeu... parce que Jésus t'appelle296 ». A la cinquante-huitième case, c'était la main de Dieu lui-même qui expulsait le joueur, accusé du péché originel.

Ainsi, la corruption impunie, le moralisme ambiant, l'extrême religiosité, la répression et la délation côtoyaient au sein d’une mise en scène satirique un ensemble de références à l'histoire récente du pays. Assimilés à une imagerie populaire qui les subvertissait, comparés à une distraction connue de tous, le régime et ses protagonistes étaient désacralisés par la dérision : le Jeu de la démocratie transforma la sphère politique en arène, avec ses gagnants, ses perdants, ses tricheries et ses rebondissements. Ziraldo proposait ainsi un tableau manichéen et grotesque des évolutions de la vie politique très contemporaine de la publication du périodique, sorte de cartographie humoristique des sympathies, des soutiens et des oppositions aux autorités militaires.

b) Le Président et le militaire

Le deuxième numéro de Pif-Paf fut également le support de la première représentation graphique de la fonction présidentielle dans les pages du périodique. Fausse ode à la technologie présentée comme un palliatif aux défauts inhérents à la nature humaine, le « Robot

295 Pif-Paf, n°2, 06/1964, p. 1. 296 Pif-Paf, n°2, 06/1964, p. 24.

du président parfait297 » s'avérait nécessaire face à l'implacable constat formulé par la rédaction :

« Après avoir étudié les habitudes et les besoins du pays, le comportement politique de nombreux partis, la manière de voter du peuple, le désir vital de nombreuses couches de la société, les envies de paix et de quiétude de la majorité des hommes qui sont au pouvoir, l'ambition de gloire des intellectuels, le vif flux et reflux des groupes économiques, l'infatigable pression de certaines réformes, l’impossible report d'autres, les possibilités de pression de nations étrangères plus fortes et plus riches, la capacité de négociation d'une certaine presse, la détermination à imprimer la presse de personnalités connues, le poids économique de la fonction, l'usure physique, intellectuelle, morale et psychologique de la personne détentrice de la Présidence de la République, PIF-PAF est arrivé à la conclusion, avec le pardon de ceux qui occupent actuellement la Suprême Magistrature de la nation, qu'il n'y a pas, il n'y a jamais eu et il n'y aura jamais, de PRÉSIDENT PARFAIT. Ainsi, répondant au désir de la quasi totalité des brésiliens, PIF-PAF présente ici ce Robot, capable de nous gouverner tous tranquillement et de manière infinie, sans effort ni difficulté. Si, patriotes de tous les secteurs, le Brésil a besoin urgemment d'être gouverné par un cerveau électronique, par une télécommande, par une conception technique. Mort aux hommes ! Vive le Robot de PIF-PAF298 ! »

L'offense adressée au président Castelo Branco, faussement atténuée par la déférente demande d'excuses, la prétendue nécessité et l'argument du bien commun, était en fait considérable. Derrière des considérations générales sur les affres de la fonction présidentielle, le texte affirmait l'imperfection du président en poste et sous-entendait son incapacité à gouverner le pays.

297 « Robô do Presidente Perfeito » in Pif-Paf, n°2, 06/1964, p. 18-19. 298 Pif-Paf, n°2, 06/1964, p. 18.

FIG 21 : « Robô do Presidente Perfeito » in Pif-Paf, n°2, 06/1964, p. 19

Le président parfait, figure robotique hétérogène à l'apparence désordonnée, était muni de la tête aux pieds d'une multitude d'accessoires indispensables à la gestion des difficultés liées à l’exercice du pouvoir. Ainsi, la boîte crânienne du robot comportait un « espace réservé aux nouvelles idéologies », un compartiment muni d'un hamac pour les moments de paresse, un « département de croyance aveugle » et un « levier pour changer d'opinion » fixé sur sa partie externe. Tout dans le dessin semblait pensé pour faciliter la versatilité et l'opportunisme, des caractéristiques attribuées au personnel politique de premier plan. La machine présidentielle était ironiquement affublée d'une « sourde oreille », d'une « antenne reliée à l'opinion publique », d'une « veine comique », d'une « larme de crocodile » et d'un miroir extensif pour l’ego. Le dessin mettait en lumière l'absence de spontanéité et les calculs politiques présents derrière chaque expression, chaque sourire, chaque réaction du président. Le robot possédait en outre une poitrine féminine gigantesque, l'expression familière « ter peito » signifiant faire preuve de beaucoup de courage, ainsi que deux estomacs afin d’« avaler des couleuvres ». L'automate disposait également de nombreux membres, chacun remplissant une fonction spécifique : le bras supplémentaire « avec main spéciale pour les petites tapes

dans le dos », « la main avec un doigt pour choisir les assistants (ne pas confondre avec celui qui dénonce) », un « pied en arrière » pour rester sur ses gardes, des « cals spéciaux » pour éviter de se faire marcher dessus et une « botte de sept lieues pour économiser les billets d'avion entre Brasília et Rio ». Les « articulations politiques » des membres inférieurs reliaient