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troubles de l’évocation lexicale

3 Elaboration du protocole

3.2 Phase de travail sur la gestualité

Cette partie du protocole vise à travailler et à développer les possibilités gestuelles du patient parfois altérées par des troubles du schéma corporel (apraxies) et/ou des troubles moteurs (hémiplégie ou hémiparésie). L’objectif de cette phase était donc de favoriser une meilleure aisance gestuelle par un travail corporel venant compléter le travail fait en kinésithérapie et en ergothérapie pour certains patients par une approche et un objectif plus ciblé (gestes plus ou moins symboliques le plus précis possible pour renforcer l’accès lexico-sémantique). Nous avons choisi de travailler la gestualité afin d’améliorer la qualité du geste car, partant du postulat que ces gestes pourraient étayer l’évocation, plus un geste sera adapté et précis, meilleur devrait être l’accès sémantique (soit le geste renforce l’accès au sens, soit il reflète un meilleur accès) et donc le rappel de la forme phonologique du mot à évoquer. Par précision nous entendons que le geste réalisé occupe suffisamment d’espace, ne soit ni trop petit ni exagéré et renvoie sans conteste ni ambigüité à l’action mimée. De plus, en entraînant la production gestuelle nous souhaitions développer l’utilisation du geste (parfois un peu inhibée) pour obtenir une utilisation gestuelle plus spontanée et éventuellement plus automatique.

Par ailleurs, dans cette phase, les gestes produits sont des gestes de communication non-verbale, quasi-linguistiques mais sans verbalisation du référent c’est-à-dire

pantomimiques84. En effet, nous avons préféré ne pas travailler d’emblée sur le langage afin

de se concentrer durant les six premières séances sur le travail gestuel.

Enfin, nous avons privilégié les gestes produits spontanément par le patient à ceux qu’on pouvait lui proposer, excepté s’il était en difficulté. Nous reviendrons sur les raisons de ce choix dans la phase 2 du protocole.

3.2.1 Pointage et action hétéro- et autocentrés

Différentes notions sont travaillées dans cette phase sur la gestualité. Tout d’abord, lors de la Séance 1 (Cf. Annexe 14), on s’assure que le patient parvient à pointer des parties de son corps (pointage auto-/égocentré) et à désigner sur autrui ou de façon plus générale sur autre chose que lui-même (pointage hétérocentré). Nous lui proposons un exercice simple

84 Pour rappel la pantomime se définit comme la « technique d'expression dramatique suivant laquelle les situations, les sentiments, les idées sont rendus par des attitudes, des gestes, des jeux de physionomie, sans recours à la parole. » (C.N.R.T.L.).

88 pour travailler le pointage hétéro-/autocentré en disposant à cet effet plusieurs éléments sur la table et en lui demandant de désigner l’objet / la partie du corps en question (Cf. Annexe 10).

3.2.2 Gestualité avec et sans objet

Parmi les autres notions travaillées, nous avons proposé au patient des tâches inspirées de la V.A.T. (Cf. Visual Action Therapy) afin d’exercer la gestualité avec et sans manipulation d’objet. A noter que la V.A.T. utilisant des objets dans la rééducation, en reprenant ses principes nous avons ainsi travaillé sur les noms communs et pas directement sur les verbes comme le voudrait la logique de ce protocole de rééducation de l’évocation lexicale de verbes. En effet, dans cette phase d’entraînement de la gestualité, le matériel verbal étant secondaire nous n’avons trouvé pas d’objection à nous intéresser temporairement aux noms communs (d’autant plus que l’action produite à travers le geste suggère implicitement un verbe que nous ne dénommions pas encore).

Nous commencions par travailler autour de huit objets dont un vêtement (une écharpe),

un fruit (une banane), deux outils (un marteau et des ciseaux) et quatre objets divers (un livre,

une montre, un savon – non liquide- et une raquette de tennis) et leurs représentations imagées/photo qu’on présentait au patient en les dénommant (contrairement à la V.A.T. qui ne travaille pas le langage oral).

Puis il était demandé au patient d’apparier l’objet à la photographie correspondante afin de vérifier s’il reconnaissait l’objet en question. A noter que les photographies ne représentaient pas exactement l’objet présenté. Par exemple, pour l’item livre, le livre manipulé

était Paroles de Jacques PREVERT alors que le lire L’âme du monde de Frédéric LENOIR

apparaissait sur la photo.

Ensuite, une fois le lien photo/objet établi, nous passions à la phase gestuelle proprement dite où le patient devait donner l’utilisation fonctionnelle de chaque objet en la réalisant avec l’objet suite à quoi l’orthophoniste reprenait ses pantomimes et en y apportant une correction si nécessaire ; l’objectif étant que thérapeute et patient aient la même pantomime.

En suivant, afin d’entraîner le patient à reproduire un seul et même geste, le patient devait produire la pantomime correspondante sur désignation de l’objet par le thérapeute. Inversement, le patient désignait tandis que le thérapeute devait réaliser le geste sans manipuler l’objet (observation de pantomimes hétérocentrées).

Enfin, nous demandions une dernière fois au patient de réaliser les pantomimes sur présentation des photos.

Pour la deuxième séance de la phase 1 (Cf. Annexe 11), afin de poursuivre notre travail de la gestualité avec et sans objet, nous avons repris les huit mêmes objets et avons demandé

89 au patient de reproduire les pantomimes précédentes sur présentation des photos correspondantes. Puis en laissant les cartes à la vue du patient, nous lui posions des questions auxquelles il fournissait une réponse gestuelle. La pantomime remplaçant ainsi le nom est utilisée au même titre que les gestes d’un langage signé. Le patient répondait par gestes pantomimiques mais sans désigner la carte en question (c’est-à-dire sans produire de gestes

déictiques spécifiques). Par exemple, à la question « Que puis-je mettre s’il fait froid

dehors ? », le patient répondait par la pantomime de l’écharpe.

3.2.3 Gestualité sans objet et travail de la précision du geste

Dans un second temps, nous avons rajouté huit nouveaux objets (une brosse à vêtements,

une écharpe de maire(sse), une orange, une éponge, un album photos, un tambour, un bracelet et une agrafeuse) aux huit précédents afin de constituer un corpus de seize objets qui nous servirait de base pour la prochaine activité. Concernant les gestes précédemment travaillés, il était intéressant d’observer s’il y avait une reprise de ces gestes par le patient ou si le patient en produisait d’autres.

Pour cette activité inspirée de la méthode PACE, le thérapeute et le patient avaient chacun un même lot de photos illustrant le corpus de seize objets et en alternance ils échangeaient des informations essentiellement gestuelles. A noter qu’un cache séparait les deux interlocuteurs les obligeant à ce que leurs gestes soient suffisamment visibles par l’autre. De plus, toute carte jouée, qu’elle donne lieu à une réussite ou à un échec de la part du patient, est retournée. Les consignes de la PACE dans le test du TLC spécifient que les gestes doivent être utilisés seulement avec la série 2 de cartes afin d’observer si le patient en produit spontanément ou par imitation. Contrairement à la PACE, notre objectif est de développer les potentialités gestuelles du patient quitte à susciter chez lui un comportement mimétique. En effet si des gestes avaient préalablement été travaillés, certains en revanche étaient nouveaux pour le patient qui devait, comme à la séance précédente, trouver seul un geste d’utilisation de l’objet qui lui convenait le mieux. Quand le patient étant en échec pour réaliser le geste, nous lui demandions de quelle partie du corps il avait besoin pour réaliser l’action, dans quelle position orienter cette partie du corps et comment rendre ce geste précis.

De par cette activité nous avons travaillé sur la capacité du patient à générer des gestes adéquats et précis. Cet ultime critère de précision était particulièrement décisif du fait de la proximité gestuelle de certaines pantomimes. Effectivement nous avons veillé à chercher des objets proches du point de vue de la réalisation gestuelle pour asseoir cette précision

gestuelle. Par exemple on n’épluche pas une banane comme on pèle une orange, on ne tape

90 A partir de la troisième séance (Cf. Annexe 9), nous proposions de travailler sur les verbes

à partir d’un matériel déjà créé (Basic Verbs de chezColor Cards) et en reprenant le principe

de l’activité PACE (l’un après l’autre, il fallait se faire deviner une carte en réalisant un geste, l’objectif restant de parvenir à se faire comprendre par un geste précis et sans ambigüité afin de développer la communication non-verbale du patient et d’amener la phase sur la verbalisation). De plus, nous avons veillé à exclure de nos jeux de cartes respectifs celles illustrant des verbes qui figurent dans le D.V.L.38. Ainsi, les quarante cartes restantes ont été divisées en plusieurs catégories non homogènes en fonction des verbes qu’elles symbolisaient. Partant du principe que les gestes d’utilisation d’objets pouvaient être plus simples à imiter et à produire par le patient que des gestes plus fins et subtils comme les mimiques faciales, nous avons proposé ces catégories par difficulté croissante dont voici le

classement : les verbes utilisant un objet (écrire, faire du vélo, jouer au tennis, etc.), les verbes

d’action n’ayant recours en théorie à aucun objet (danser, courir, marcher, etc.) et les verbes

dont les gestes portaient davantage sur les mimiques faciales (pleurer, sourire, éternuer,

dormir, etc.). Les quatre dernières séances (Séances 3 à 6, Cf. Annexe 9) ont été consacrées à la même tâche et le nombre de cartes oscillait entre quatorze à vingt-huit verbes travaillés pour la dernière séance. Le nombre de verbes augmentait au fil des séances et ceux dont les gestes étaient correctement produits étaient remplacés par de nouveaux verbes. Pour les dernières séances, les corpus de verbes étaient changés d’une séance à l’autre et comprenaient les verbes dont les gestes étaient difficilement ou mal exécutés par le patient les fois précédentes. Ainsi, nous avons personnalisé les corpus de verbes travaillés lors des dernières séances en fonction des difficultés de production gestuelle du patient.

De plus, pour aller plus loin avec les patients performants, nous avons parfois proposé de travailler à décliner les différentes manières de réaliser une action en fonction du contexte du

verbe. Par exemple, la carte symbolisant le verbe laver représentait à l’origine une petite fille

lavant son visage et nous pouvions demander au patient en partant du verbe original (laver)

de faire le geste correspondant à se laver les mains ou se laver les cheveux. En développant

cette polysémie gestuelle, nous soulignions le fait qu’il existe pour un même verbe (laver)

différents gestes liés au contexte du concept et qu’on ne peut réduire un verbe à une forme unique.

Nous avons aussi suivi une progression dans le travail des verbes conformément au classement présenté plus haut.

Enfin, une fois que le patient nous avait fait deviner sa carte, nous revenions si besoin sur sa production gestuelle. Ce retour permettait de trouver ensemble comment faire deviner cette carte, ce qu’il en ressortait, etc. Cet exercice cherchait à mettre en évidence les éléments

91 saillants d’un objet ou d’une action afin qu’ils servent de base aux futurs gestes. Le but étant que, lors de la phase suivante, la seule réalisation du geste par le patient génère le rappel du mot. A terme cette recherche de l’élément pertinent, supposée aider le patient à trouver le bon geste (puis le mot qui peine à venir) doit être automatique. Néanmoins, si, du fait de la nature du référent (verbe ou nom) difficilement symbolisable par le geste, le patient ne parvenait pas à produire seul de nouveaux gestes, le thérapeute pouvait l’aider en lui suggérant quelques gestes.