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Dénomination du corpus de verbes des quatre patients au cours de la Phase 2

2.2 Discussion des apports et limites de notre étude et de notre protocole .1 Apports de notre étude et de notre protocole

2.2.2 Limites de notre étude

Au vu de nos résultats et des retours des patients, de leur aidant et de leur orthophoniste, si certains bénéfices et points positifs se dégagent, ils sont cependant à nuancer. En effet, comme évoqué dans la partie dédiée aux résultats, notre expérimentation comporte certaines limites qu’il est intéressant de souligner.

2.2.2.1 Limites liées à l’organisation de notre étude

Nous avons inclus les orthophonistes dans notre étude en les sollicitant en début et fin de prise en charge afin de compléter les questionnaires qui nous ont permis de mieux connaître le patient et d’avoir un retour sur notre intervention. Cependant, la réception de ces questionnaires s’est parfois faite plusieurs mois après la fin du protocole ce qui constitue une limite dont il faut tenir compte dans la validité des réponses.

En outre, notre protocole a pu gêner la prise en charge de l’orthophoniste du patient lorsque celle-ci a dû réduire son intervention au bénéfice de la nôtre. Cette limite n’a été évoquée par aucune orthophoniste mais par un patient qui aurait préféré bénéficier d’un temps de rééducation supplémentaire en plus de sa thérapie quotidienne. Il serait intéressant de voir si une telle réaction de la part des patients apparaîtrait quand même si le protocole que nous avons proposé est inclus dans la prise en charge classique et mené par l’orthophoniste habituel.

130 2.2.2.2 Limites liées à la population de notre étude

Les limites que nous avons attribuées à notre population peuvent autant figurer dans les limites de notre étude que celles de notre protocole. En effet, s’agissant de troubles associés à l’anomie ou de spécificités inhérentes au patient, tout professionnel qui utilisera notre protocole est à même d’y rencontrer des obstacles similaires (excepté pour certains troubles qui pourraient constituer des critères d’exclusion, comme nous le verrons par la suite). En somme, toutes ces limites imputables à notre population sont effectivement à considérer car elles peuvent gêner l’entraînement à l’auto-indiçage gestuel ou remettre en question l’indication d’un tel protocole en fonction des caractéristiques propres au patient.

Au commencement, afin de constituer notre population, nous recherchions deux patients aphasiques en phase post-aiguë et deux en phase chronique afin d’observer si notre protocole convenait mieux à un stade de la maladie qu’à un autre. Mais peu de patients hospitalisés au service de M.P.R. pouvaient répondre à nos critères d’inclusion. Nous avons donc sollicité des orthophonistes exerçant en libéral afin de compléter notre population. Cependant la prise en charge en libéral se faisant généralement à distance de l’A.V.C., la patientèle proposée par les professionnelles ayant donné suite à notre requête était à un stade chronique de la maladie. Dès lors, nous n’avons pu répondre à nos objectifs de départ ce qui a limité notre étude mais n’impacte pas directement notre protocole.

La littérature souligne l’intérêt, dans tout suivi, de tenir compte du contexte, de la tâche demandée et surtout des stratégies développées par le patient lui-même (BOULENGER, 2014). Il fut cependant difficile de le mettre en application en présence de stratégies

d’évitement de certains patients (« on verra plus tard ») qui abandonnaient leur recherche

lexicale parfois avant même de l’étayer gestuellement. Cet abandon fut particulièrement difficile à gérer lorsqu’il était lié à l’état déprimé du patient. Dans ce cas, afin de ne pas limiter notre rééducation, il est important d’inciter le patient à poursuivre son travail d’évocation en s’auto-indiçant par le geste avant de renoncer. Cette limite constitue un aléa qui peut ou non se retrouver ponctuellement au cours d’une étude et, finalement, de toute prise en charge.

131 En outre, certains troubles associés au manque du mot ont limité la réussite de notre étude. Comme cité dans les limites liées aux gestes, les capacités praxiques des patients ont parfois constitué un frein à la rééducation et en particulier l’apraxie bucco-faciale. En effet, notre action fut limitée notamment dans le cas de Mme NANI qui ne bénéficiait pas d’autre suivi concomitant au nôtre alors que la dimension arthrique aurait pu être travaillée en parallèle de notre intervention. D’ailleurs nous avons observé que, malgré son anarthrie, elle était sensible à une autre forme d’étayage. Par exempe, elle était en grande difficulté pour le verbe collectionner mais si on sémantisait colle par le geste d’un tube de colle, elle retrouvait parfois le mot. Le cas de M. FIAL témoigne de l’importance d’associer un autre type de travail de l’anomie comme la reconstruction phonétique en sus de celui que nous proposons. D’autres éléments ont limité également notre action comme une faible mémoire de travail gênant le patient dans la gestion de la double tâche en situation PACE (choisir une carte, la retenir et mener un travail de recherche lexicale), des persévérations qui parasitaient la tâche d’évocation et ce parfois même à distance. Enfin nous relevions des fluctuations dans les productions des patients, ce qui était dénommé un jour n’était pas évoqué un autre. Face à cette limite, nous n’avons pu augmenter le nombre de verbes personnels travaillés pour M. MISE alors qu’il en produisait certains correctement. Dans le cas de nos patients, il semblerait que ces fluctuations soient attribuables à leur état émotionnel ou de fatigue.

Toutes ces limites soulignent par ailleurs l’intérêt de considérer ces troubles associés et de la prendre en charge, et la nécessité de travailler de façon pluridisciplinaire avec les professionnels qui interviennent pour ces troubles.

2.2.2.3 Limites des tests choisis

Il faut également préciser quelques limites inhérentes aux tests que nous avons fait passer aux patients. Tout d’abord, comme nous l’avons évoqué plus haut avec le cas du verbe fumer, certains dessins du D.V.L.38 sont, selon nous, imprécis ou un peu surannés (fumer la pipe) et nous pensons qu’ils peuvent gêner le patient dans l’identification de l’action (par

exemple, il fut complexe de savoir si l’homme monte ou descend l’échelle, si l’homme attache

ou détache le cheval, etc.). Les auteurs soulignent également le fait qu’un dessin rend difficilement compte d’une action. Toutefois seul le support vidéo semble univoque, il arrivait en effet que la photo représentant une action donne lieu à des interprétations différentes à l’instar des dessins du D.V.L.38.

132 De plus, certains tests ne proposaient pas d’étalonnage pour l’âge de deux patients de notre population. Le D.V.L.38 et la D.O.80 ne cotant que jusqu’à 75 ans pour éviter les problèmes liés au vieillissement. Or le doyen de notre population est âgé de 78 ans et il n’existe pas d’étalonnage pour la tranche d’âge de 65 à 70 ans dans celui de CARDEBAT, nous obligeant à coter un patient âgé de 68 ans dans la tranche 70-85 ans.

2.2.2.4 Limites personnelles

Nous souhaitons revenir sur des limites attribuées à notre inexpérience en matière de rééducation gestuelle. En effet, l’orthophoniste n’étant pas habilité à poser un diagnostic d’apraxie et la formation initiale allant dans ce sens, nous n’avions que peu de connaissances dans le domaine des praxies. Et si la revue de littérature a été très enrichissante sur ce point, elle ne nous a cependant pas permis d’acquérir suffisamment de maîtrise pour évaluer et rééduquer correctement les capacités praxiques des patients.