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troubles de l’évocation lexicale

1 Approches de la rééducation en orthophonie

1.2 Approches thérapeutiques de l’anomie

La différenciation des sous-types de troubles de l’évocation implique un traitement différencié en fonction des déficits cognitifs mis en évidence lors de l’évaluation. On décrit dès lors trois formes thérapeutiques de prise en charge de l’anomie : les thérapies sémantiques, les thérapies phonologiques et les thérapies mixtes (TRAN, 2007 ; LAMBERT, 2013).

53 GONZALEZ I, BRUN V. Communications alternatives et suppléances fonctionnelles. Aphasies et aphasiques. Issy-les-Moulineaux : Elsevier Masson, 2007 : 251-261.

54 BEESON et RAMAGE, 2000 ; FARIAS, DAVIS et HARRINGTON, 2006 ; LYON, 1995 citées par

ROUTHIER S. Nouvelles approches pour la prise en charge de l’anomie dans l’aphasie post-accident vasculaire cérébral et dans l’aphasie primaire progressive. Thèse, Doctorat en médecine

51 1.2.1 Thérapies sémantiques

On envisage ces thérapies quand le trouble porte sur un déficit sémantique et non sur l‘accès lexical. La visée de ces thérapies étant l’amélioration du traitement sémantique, selon TRAN (2007) il n’est cependant pas obligatoire d’agir directement sur la production lexicale défaillante. D’après LAMBERT (2013), ces thérapies ont pour objectif d’activer et de restaurer les propriétés sémantiques, conceptuelles catégorielles ou d’attributs spécifiques. Basées sur les possibilités de réapprentissage et de plasticité cérébrale, les thérapies sémantiques ont fait l’objet de nombreux travaux. Les diverses techniques issues de ces travaux cherchent à faire évoquer au patient les propriétés sémantiques d’un concept ou à lui faire dissocier deux concepts sémantiquement proches. En effet, les activités proposées à ces fins peuvent

travailler cette production par divers abords : désignation parmi des distracteurs sémantiques,

classement et catégorisation en variant les critères de forme / couleur / fonction, appariement d’après un lien fonctionnel avec ou sans distracteurs sémantiques, association mot – image / mot – définition / mot oral – mot écrit, exclusion d’intrus, etc. (LAMBERT, 2013 ; TRAN, 2007).

Par ailleurs, les études mesurant l’efficacité des thérapies sémantiques soulignent l’intérêt d’un feed-back et de mesurer en permanence l’effet de la thérapie (NICKELS et BEST, 1996). On y précise par ailleurs des facteurs de réussite à prendre en compte dont : la motivation du patient, l’intensité de la rééducation (nombre de séances par semaine) et la durée de la thérapie.

Enfin, si ces thérapies s’attachent à restaurer les propriétés sémantiques propres à un concept et se limiteraient en théorie aux seuls items travaillés, il en est autrement en pratique. En effet, certains patients ont étendu les bénéfices de la thérapie à quelques items non-travaillés mais appartenant aux mêmes catégories sémantiques que ceux non-travaillés. Ce

constat peut être corrélé au fait que lors d’un travail sémantique sur un item (chat), du fait de

l’agencement en réseaux du système sémantique, en évoquant un concept, d’autres concepts

voisins (félin, chien, souris, etc.) sont activés. Ces activations d’items non-cibles sont ainsi

renforcées indirectement. De même les tâches d’évocation de propriétés sémantiques, en

cherchant les similitudes entre items proches (l’orange et la mandarine sont des agrumes) ou

en différenciant des items (une mandarine est plus petite qu’une orange), participent au

réapparentissage ou au renforcement d’items sémantiquement proches.

En outre, d’autres techniques portant sur d’autres tâches de stimulation du traitement sémantique ont été élaborées et les mesures d’efficacité de ces techniques laissent à penser que les thérapies sémantiques permettraient la généralisation à d’autres concepts que ceux travaillés (LAMBERT, 2013).

52 1.2.2 Thérapies phonologiques

Ces thérapies sont proposées en cas de déficit phonologique. Elles se basent en partie sur les principes d’amorçage et de répétition selon lesquels un mot récemment évoqué pourra être plus facilement récupéré et ce, quelle que soit son occurrence linguistique. Pour ce faire, il est nécessaire d’abaisser les seuils d’activation trop élevés de certains mots en faisant produire au patient le mot cible de manière répétée (LAMBERT, 2013). Cette stratégie de stimulation de la production orale peut se faire par des tâches de dénomination, de lecture à haute voix ou de répétition en utilisant si besoin des techniques de facilitation (Cf. Stratégies de facilitation). NICKELS (2002) constate une certaine diversité d’application de ces exercices pouvant être proposés seuls ou associés. En effet, les thérapies de MICELI et coll. (1996) et

de HILLIS et CARAMAZZA (1994)55 différaient selon le type de tâches proposées au patient

et le nombre de mots traités par séance mais les conclusions des études se rejoignaient sur le fait que quelle que soit la tâche proposée, le gain se limitait aux seuls items travaillés, aucune généralisation n’était constatée (LAMBERT, 2007).

De plus, si le patient a conservé ses capacités en langage écrit, il est possible d’utiliser la forme orthographique du mot écrit qui sera lu à haute voix pour soutenir l’évocation orale du

mot. BASSO (2003)56 montre qu’apporter une aide orthographique en situations d’échec de

dénomination peut être facilitante et ce, d’autant plus si la langue s’écrit comme elle se prononce (ce qui est le cas de l’italien et non du français). Les tâches métaphonologiques sont également un moyen d’agir sur le déficit phonologique par des tâches de jugement de rimes, jugement sur la longueur du mot, sur sa composition phonémique ou syllabique. De surcroît, afin d’améliorer la récupération et/ou la production de certains mots, le thérapeute peut proposer de décomposer ces mots en mots signifiants que le patient parvient à produire ; généralement il s’agira de coder un mot relativement long en mots unisyllabiques (à l’image croissant seront associés les morphèmes croix et sang) (TRAN, 2007).

Par ailleurs, comme le soulignent HILLIS et CARAMAZZA (1994), lors d’une une tâche de dénomination sur image, le processus impliqué combine les traitements phonologique et sémantique. En effet, la thérapie dite phonologique peut se révéler efficace sur le traitement de désordres sémantiques (HILLIS et CARAMAZZA, 1994 ; NICKELS et BEST, 1996).

Enfin, NICKELS (2002b) démontre à travers le cas d’un patient aphasique que parfois la seule tâche de dénomination d’images et exécutée de façon répétitive suffit à améliorer les

55 Cités par LAMBERT (2013), Op. cit.

56 Citée par LAMBERT (2013), BASSO A. Aphasia and its therapy. New York : Oxford University Press,

53 capacités d’évocation et de dénomination du sujet sans qu’il y ait besoin d’étayage ou de feed-back du thérapeute.

1.2.3 Thérapies mixtes

En pratique, des auteurs comme LAMBERT (1999)57 ou NICKELS (2002) utilisent des

thérapies mixtes en première intention ou en débutant par un ordre bien précis selon le projet thérapeutique. Parfois, pour certains patients, le déficit ne se limite à une étape du traitement lexico-sémantique ou il est parfois difficile de déterminer précisément où se situe le problème et il faudra dans ce cas travailler sur l’ensemble du traitement. Effectivement, les thérapies sémantiques par certaines tâches (prononciation ou écoute du mot cible) travaillent également au niveau de la forme du mot et inversement, les thérapies phonologiques peuvent avoir une bonne incidence sur le traitement du sens du mot. Par ailleurs, LE DORZE et PITTZ (1995) ont démontré auprès du cas d’une patiente aphasique anomique que, parmi quatre conditions de rééducations (Condition 1 : rétablir à la fois le déficit sémantique et phonologique ; Condition 2 : restaurer de façon ciblée l’accès à la forme du mot ; Condition 3 : restaurer le traitement sémantique uniquement ; Condition 4 : tâches non apparentées avec un traitement général non spécifique.), la meilleure, c’est-à-dire celle qui dénotait un gain très net était celle alliant un travail sur les traitements sémantique et phonologique (Condition 1). Concernant les autres conditions, au terme de la numéro 4, aucune amélioration de performances n’était constatée, quant aux Conditions 2 et 3, elles ont généré un bénéfice mais sans qu’il soit significatif.

Les études mesurant l’efficacité de la prise en charge rééducative de déficits mixtes révèlent des effets présents sur le long terme (jusqu’à plusieurs mois) et contrastant ainsi avec les études plus anciennes qui n’accordaient un bénéfice sur la durée qu’aux thérapies sémantiques. Cette efficacité résulterait des critères d’application de nouvelles thérapies qui sont dites intensives (plusieurs séances hebdomadaires) et qui s’axent sur le travail du même groupe d’items.

Au sujet de la généralisation dans ces thérapies, NICKELS (2002) montre que les thérapies phonologiques ne présentaient pas de gain aux items non-travaillés. Ainsi, dans ces types de rééducations phonologiques, la généralisation aux tâches impliquant la production orale peut se faire grâce à un choix pertinent des items à travailler. En effet, plus le corpus de mots serait écologique, mieux il pourra être investi par le sujet aphasique dans son quotidien (LAMBERT, 2013).

57 Citée par TRAN (2007), LAMBERT J. Thérapie du manque du mot. La rééducation en

54 Pour terminer, LAMBERT (2013) rappelle que si les patients ayant fait l’objet de ces études ont rarement des atteintes pures du fait de l’intrication des composants cognitifs impliqués dans les traitements sémantique et phonologique et que, de fait, l’interprétation des résultats reste ardue, le pronostic de telles thérapies l’est d’autant plus. La préconisation de NICKELS et BEST (1996) concernant l’évaluation constante des bénéfices des thérapies

sémantiques est aussi à considérer quel que soit le type de thérapie choisi car « seule une

micro analyse de chaque individu permet de guider le thérapeute dans le choix des techniques. » (LAMBERT, 2013).