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PHASE A : LA NAISSANCE ET LA CONSTITUTION D'UN MODE DE REGULATION

1. La naissance

Un mode de régulation répond à des besoins, estimés tels, dans une société vivant son histoire, besoins qui appellent une action adéquate. Bien que l'optique selon laquelle c'est l'utilité sociale qui régente la production d'un objet technique soit courante (*), on ne l'a guère explorée dans le cadre d'une problématique systématique. Ainsi, un certain nombre de questions relatives aux différents types de besoins ; à l'acteur chargé de fournir des réponses ; à la transformation des besoins en système d'actions précises ; aux différentes classes de contraintes qui pèsent sur les solutions adoptées... demeurent sans traitement systématique (2). A

travers une interrogation-commentaire des termes qui figurent dans notre assertion, nous essayons d'apporter quelques éléments de réponse.

En premier lieu, on trouve celui de "besoin". Malgré sa lisibilité immédiate qui semble dispenser de tout commentaire, nous voudrions lui consacrer une lecture serrée, lecture qui servira d'entrée dans notre champ problématique. Tout d'abord, il ne faut pas succomber à la tentation d'envisager le besoin comme un fait (genre)

Voir l'article classique de Bunge M., "Technology as applied science",

Technology and Culture, vol. 7, n° 3, 1966, pp. 329-347.

Sur un tel questionnement, mais qui ne va pas au-delà d'une transposition des positions développées par Kuhn dans son livre La structure des révolutions

scientifiques, Paris, Flammarion, 1983 (édition originale 1962), dans le

domaine de la connaissance technologique, voir Laudan R. (Ed.), The Nature of

Technological Knowledge. Are models of scientific change relevant ?,

naturel. Au regard d'un organisme dont les besoins émanent (en partie) de sa biologie, la société institue ses propres besoins (l). Le besoin social se fonde sur

une opération d'investissement symbolique qui transforme un "événement" en problème reconnu comme tel, et appelant une solution. "Evénement" est à entendre ici au sens suivant : ce qui arrive simplement, le "il y a" des morts à la suite d'une épidémie de choléra, ou "il y a" de la cogestion. Or, cet "il y a" erratique, pris selon son hasard, ne vit que dans la précarité et la fugacité de ce qui advient. Stabilité et durée lui font défaut. C'est le mouvement de prise de conscience de cet "il y a" en tant que problème à affronter qui restitue à l'événement ces dimensions manquées. La transformation du subi en sujet de discours collectif, la reconnaissance d'un problème là où auparavant on subissait un fait, sont des gestes nécessaires par quoi la société façonne et institue ses besoins. La formulation du problème fait, donc, figure de commencement. Mais, cet acte de reconnaissance ne suffit pas en lui- même pour fonder un mode de régulation. Il faut pour cela que le subi, devenu entre temps problème, soit accueilli au sein d'un cadre institutionnel, soit pris en charge par un acteur (des acteurs). On touche, ici, un point sensible de notre argumentation, en assimilant l'acte fondateur (origine) d'un mode de régulation à la désignation d'un acteur (des acteurs) apte à recueillir les impulsions émanant de l'espace social et à mettre en œuvre des solutions appropriées. Nous considérons que l'apparition sur la scène d'un acteur est indispensable en raison des caractéristiques de notre propre objet d'analyse, le système socio-technique. En effet, le fait qu'on dispose des raisons suffisantes pour en augurer que la "régulation biologique" — i.e. une autorégulation où besoins et moyens pour les satisfaire se définissent mutuellement — ne peut convenir à la société (2), nous

sommes obligés d'identifier les centres régulateurs (= acteurs) qui assureront la traduction des besoins reconnus en solutions adéquates.

Voir Castoriadis C, L'institution imaginaire de la société, Paris, Editions du Seuil, 1975.

"Faire voir à quoi un fait est utile n'est pas expliquer, comment il est né ni pourquoi il est ce qu'il est. Car les usages auxquels il sert supposent les propriétés spécifiques qui le caractérisent, mais ne les créent pas. Le besoin que nous avons des choses ne peut ni les faire exister, ni leur conférer leur nature", Durkheim E., Les règles de la méthode sociologique, Paris, PUF, 1987

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Du besoin on est arrivé à l'acteur. On l'a probablement déjà remarqué, nous avons employé de manière indifférente les termes acteur, institution, centre régulateur, manière de laisser entrevoir que ce n'est pas l'individu concret avec ses intérêts et ses projets qui constitue notre référence : c'est l'institution qui tient lieu d'acteur. Cette dernière assimilation nous amène sur une pente glissante. Voici l'institution muée en substance, en sujet ayant des desseins délibérés, capable d'élaborer consciemment des projets et d'inventer des solutions. Pour écarter tout soupçon de dérive substantialiste (*), précisons d'emblée que notre conception de l'institution ne se calque pas sur celle du sujet individuel. Institution désigne ici une communauté d'individus sortis le plus souvent du même moule socio- professionnel, disposant d'un savoir-faire commun, partageant nombre de représentations et de références et investis d'un degré de pouvoir quant aux processus de régulation. Les institutions constituent autant d'espaces innervés de règles et d'échanges communicationnels entre des sujets porteurs de rôles circonscrits. Du besoin socialement reconnu, on est arrivé à l'acteur-institution. Pour ce qui concerne les trois systèmes socio-techniques étudiés dans ce travail, c'est la communauté des ingénieurs qui tient lieu d'acteur. Insistons, donc, sur les caractéristiques de cette communauté. Il ne faut pas confondre communauté d'Ingénieurs et corps professionnel porteur des stratégies corporatistes et en quête de pouvoir et de légitimité sociale. Les ingénieurs forment bien sûr un corps : carrière, récompenses, prestige sont autant d'objets de calcul dans leurs activités quotidiennes. Mais, leur corps se distingue d'un groupement d'intérêts. Point de centralisation et de diffusion du savoir accumulé, instance d'enregistrement et de jugement des pratiques de ses membres, l'institution constitue également (et

surtout) un espace public (2) de communication et de confrontation des

Nous souscrivons, ici, aux critiques que l'individualisme méthodologique adresse à l'égard d'un holisme qui attribue sans aucune précaution et sans aucune analyse aux institutions et aux acteurs collectifs (classes, Etat, organisation...) des propriétés qui s'appliquent au sujet individuel. Sur le débat holisme/individualisme méthodologique, voir entre autres : Birnbaum P., Leca J. (Eds), Sur l'individualisme, Paris, Presses de la FNSP, 1986 ; Elster J.,

Karl Marx : une interprétation analytique, Paris, PUF, 1989 (édition originale

1985) ; Giddens A., La constitution de la société, Paris, PUF, 1987 (édition originale 1984).

Notre conception de la communauté-espace public s'inspire évidemment des travaux de Habermas (voir Théorie de l'agir communicationnel..., op.cit. et K. O. Apel, L'éthique à l'âge de la Science, Lille, PUL, 1987, (édition originale 1973).

connaissances et des techniques portées par ses membres. L'institution s'exprimant à travers ses revues et ses débats, l'institution en tant que communauté de communication tient lieu de sujet capable d'interventions innovatrices et producteur de savoir (x). C'est vers cette communauté que nous devons nous tourner afin

d'étudier la constitution d'un mode de régulation.

Pour une conception opposée de la communauté (en l'occurrence le champ scientifique) en tant que système de rapports de force, voir Bourdieu P., "Le champ scientifique", Actes de la Recherche en Sciences Sociales, n° 2-3, 1976. Bourdieu place le débat sous l'égide de la joute (lutte pour le monopole de la compétence scientifique) plutôt que de la communication visant l'instauration d'un consensus argumenté. Or, ce faisant, il se trouve dans une position désagréable. En prétendant que son analyse soit vraie, il est obligé du même coup d'identifier des mécanismes d'obtention de la vérité autres que le débat argumenté. Voici une solution de rechange : "Le fait que le champ scientifique

comporte toujours une part d'arbitraire social dans la mesure où il sert les intérêts de ceux qui, dans le champ et/ou hors du champ, sont en mesure d'en percevoir les profits, n'exclut pas que, sous certaines conditions, la logique propre du champ et en particulier la lutte entre les dominants et les nouveaux entrants et la censure croisée qui en résulte n'exercent un détournement systématique des fins (c'est Bourdieu qui souligne) qui fait tourner continûment la poursuite des intérêts scientifiques privés (entendus toujours au double sens) au profit du progrès de la science" p. 90. Il est vrai que

Bourdieu s'avère beaucoup plus analytique que Hegel, avec "sa ruse de la Raison", et A. Smith, avec "sa main invisible", ne l'étaient, puisqu'une page plus loin il met au grand jour un autre mécanisme : la peur d'être ridiculisé par l'adversaire. "Et de fait, à mesure que s'accroissent les ressources

accumulées et le capital nécessaire pour se les approprier, le marché sur lequel peut être placé le produit scientifique ne cesse de se restreindre à des concurrents de plus en plus fortement armés pour le critiquer rationnellement et discréditer son auteur". Ibid., p. 99.

En traitant la communauté des Ingénieurs comme un espace public de communication et du débat argumentatif, nous ne nions évidemment pas la présence simultanée des stratégies corporatistes, des croyances et des modes de pensées qui peuvent rester pour longtemps soustraits à la discussion. La communauté des ingénieurs n'est pas toujours (loin s'en faut) le lieu d'un dialogue angélique entre des individus de bonne compagnie. En insistant sur le caractère public de la communauté des ingénieurs, nous avons voulu mettre en avant le potentiel d'ouverture, dont la discussion publique est porteuse. Potentiel qui varie en fonction des caractéristiques concrètes des communautés historiques. Ainsi, dans le cas du Taylorisme et de l'assainissement, les communautés d'ingénieurs impliquées font preuve d'une grande publicité, comme les débats et l'affrontement de l'époque l'attestent. Ce n'est pas le cas du métropolitain parisien. Peu sont les traces publiques de la discussion sur l'automatisation des années 70. Profitons de ce contraste pour signaler un changement important concernant un des supports essentiels de la publicité (au sens habermasien du terme : propriété de l'espace public de débat et d'argumentation), les revues techniques, changement qui est intervenu pour la première fois à la fin de la première grande guerre, avant d'être consommé

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2. La constitution

2.1. Le concept de référentiel

Au long du paragraphe précédent, nous avons focalisé notre attention sur la naissance du mode de régulation. Dans ce qui suit nous attaquerons les processus de sa constitution. Le problème donc qui nous préoccupe est celui de la traduction d'un projet général visant à répondre à un besoin, en système de pratiques précises. C'est dans le champ des interrogations qui se tissent autour du statut de cette traduction que le concept de référentiel prend place, en désignant les médiations complexes qui s'interposent entre un projet encore désincarné et ses cristallisations matérielles. Le référentiel désigne un réseau serré composé de concepts, instruments, formes de connaissances, systèmes de représentation, méthodes d'évaluation..., qui est offert durant une époque donnée à un acteur. Désignant l'ouverture dans laquelle les membres d'une communauté (en l'occurrence la communauté des ingénieurs), se meuvent, le référentiel fonctionne en tant que "ressources communes", disponibles aux membres tout au long de leurs échanges et de leurs débats. Mais avant de passer au développement du concept, explicitons les raisons pour lesquelles nous avons entrepris le travail de son élaboration. Deux sont les écueils que nous avons voulu éviter ; chacun d'entre eux se présente comme variante du réductionnisme. Réductionnisme technologique d'abord : toute l'histoire des pratiques est identifiée à celle des techniques existantes. Selon cette optique, la contrainte technique anéantit en quelque sorte le champ du possible pour les pratiques, ces dernières ne pouvant suivre que les rythmes et le chemin dictés par l'évolution technologique. L'autre écueil porte le nom du réductionnisme social. Dans cette perspective, les pratiques deviennent soit la matérialisation-manifestation d'un certain rapport de forces, soit la production d'une intention qui vise à travers ces pratiques à réaliser ses objectifs stratégiques. Avec le référentiel nous avons voulu, d'une part restituer une autonomie aux pratiques, contextuellement

durant la période qui a succédé à la deuxième guerre mondiale : le "déclin" des grandes revues techniques généralistes, lieu de publications des articles entremêlant sujets techniques, considérations économiques, voire politiques, et des débats organisés à partir de ces articles.

dépendantes bien sûr mais non réduites aux conditions de leur apparition C1),

d'autre part créer un instrument herméneutique qui rend intelligibles les pratiques historiques observées.

Nous présenterons le concept en deux temps. Dans un premier temps, nous étudierons avec plus de détail son fonctionnement général dans la constitution des pratiques. Dans un deuxième temps, nous tenterons d'identifier les éléments qui le composent. La définition provisoire du référentiel donnée ci-dessus nous indique déjà que ces éléments sont de diverses sortes et que par conséquent, ils ne doivent pas être étudiés comme s'ils étaient d'un seul tenant. Nous dresserons donc une liste qui, sans prétendre à l'exhaustivité, regroupera les classes d'éléments les plus saillantes.

2.1.1. Référentiel et communauté d'ingénieurs (fonctionnement général)

"Toute investigation nécessite un déjà ouvert à l'intérieur duquel son mouvement devient possible" (2). Le référentiel se présente tout d'abord comme cette ouverture,

dans laquelle les objets susceptibles d'être manipulés à des fins pratiques et les manières de le faire, s'offrent à l'ingénieur. Ouverture d'une largeur historiquement variable, le référentiel est revêtu d'abord d'un pouvoir sélectif : il produit, perpétue et circonscrit ce que les individus peuvent penser et faire. Il est, pour parler comme Gadamer, cet a priori qui expose les pratiques de régulation aux effets de l'histoire (3).

L'irréductibilité d'une pratique aux conditions (sociales, économiques, culturelles) de son apparition, la capacité d'une communauté de rompre avec le continuum du temps et d'instaurer quelque chose de nouveau, sa force instituant pour parler comme Castoriadis, est un thème récurrent de l'œuvre heideggerienne. "La poésie [au sens grec du terme : création, ouverture,

innovation] est ainsi «le fondement qui supporte l'histoire»", cité par Vattimo

G., Introduction à Heidegger, Paris, Cerf, 1985 (édition originale 1971). Pour un développement de cette position de Heidegger, voir Castoriadis C,

L'institution imaginaire..., op.cit. Voir aussi la définition de l'homme par

Cassirer comme "animal symbolique", créateur de nouveaux systèmes symboliques, Essai sur l'homme, Paris, Minuit, 1975 (éd. or. 1944).

Heidegger M. "L'époque des «conceptions du monde»", Chemins qui ne mènent

nulle part, op.cit., p. 102.

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La géométrie d'une ouverture ne se réduit pas à sa largeur plus ou moins étroite. Ni le référentiel à son aspect contraignant et à son rôle d'opérateur de restriction des marges d'action pour un acteur isolé. Il entre en jeu également en tant que ressource commune pour les membres d'une communauté (ici celle des ingénieurs) tout au long de leurs échanges et de leurs débats. Provision disponible des savoir-faire, mobilisé par les participants d'un débat, le référentiel donne à l'ouverture sa dimension créatrice.

2.1.2. Les composantes du référentiel (l)

Après avoir présenté les fonctions générales du référentiel, nous passons maintenant à sa composition, en exposant le rôle et la place respectifs de chaque élément dans le mouvement de constitution des pratiques ainsi que leur agencement dans l'économie de l'ensemble. Comme nous l'avons déjà indiqué, le référentiel est résolument hétérogène, chaîne formée d'éléments relevant de plusieurs natures. Nous distinguons trois classes d'éléments qui se différencient entre elles par leur degré d'explicitation et de codification. Commençons par les "systèmes de représentation".

Les "systèmes de représentation". Se présentant sous forme de préceptes, de stratégies générales de résolution de problèmes, les systèmes de représentation ne sont pas propres au domaine des pratiques considérées. En traversant plusieurs types de savoirs et de pratiques caractéristiques d'une époque historique, les systèmes de représentation constituent le socle commun et le principe organisateur de leurs cohérences. En amont d'une pratique pas encore inventée, ils assistent à son accouchement ; munis d'un pouvoir heuristique, ils suggèrent une théorie ( ou pratique) initiale dans un domaine donné. En aval d'une pratique qui a connu une

Dans les développements théoriques qui suivent, nous anticipons parfois sur des analyses qui seront longuement exposées au long de la Partie II de la thèse consacrée à l'assainissement. Ajoutons que ce qui suit doit beaucoup aux positions avancées par des auteurs tels que Kuhn avec ses paradigmes, Holton G. avec ses thémata (L'invention scientifique, Paris, PUF, 1982) ou Laudan L.(La

dynamique de la science, Bruxelles, Pierre Mardaga Editeur, 1987). Dans la

mesure où ni l'organisation ni le contenu du concept de référentiel ne correspondent aux concepts proposés par ces auteurs, nous avons préféré façonner notre propre vocabulaire.

première formulation, ces systèmes contrôlent son évolution, en imposant des modes d'évaluation et de mise à l'épreuve. Au croisement de la théorie et du monde, ils installent un sujet questionnant selon une certaine grille d'interrogations et écoutant selon un certain programme d'informations.

Examinons avec plus de précision les points évoqués ci-dessus. Le premier concerne la productivité des systèmes de représentation, leur participation à la naissance de théories et de pratiques nouvelles. Cela devient possible parce que les systèmes de représentation spécifient certaines méthodes d'investigation qui sont disponibles pour les sujets-ingénieurs. Ces principes méthodologiques ont un spectre large. Ils concernent d'abord les sources de connaissances : les systèmes de représentation en privilégient certaines, renvoient d'autres au statut de moindre signification, en dessinant une hiérarchie de degrés d'importance. Ainsi, dès la fin du 17ème siècle, l'observation directe (l) s'érige en source première. Mais la notion

de l'observation est solidaire de celle du sujet qui contemple. Les systèmes ménagent la place du sujet dans le champ de connaissances, en lui attribuant des rôles circonscrits dans le processus de saisie de la réalité. Le sujet Baconien "bien loin d'être un miroir clair et de surface égale où les rayons de choses se réfléchiraient selon un angle d'incidence faible (...) est plutôt une sorte de miroir enchanté tant qu 'on ne les a pas exorcisés et détruits les démons de la superstition et d'illusion" (2), constitue une illustration de ce qui vient d'être dit. Plutôt gêneur, le

sujet doit neutraliser son regard pour ne pas fausser les données livrées par l'expérience. Pour ce faire, "il fallait commencer par voir beaucoup" (3), il faut

aussi voir "presque sans dessein (...)" (4). La prolifération des observations

accueillies par le sujet passif, se trouve ainsi à la base d'une méthodologie fortement inductiviste : les théories valables sont celles qui pourraient être induites

par généralisation de données recueillies dans un souci d'exhaustivité. On voit que les "systèmes de représentation" contiennent également des indications importantes

1 Voir l'historique de la pluie et des approches empiriques du problème de la

transformation de la pluie en débit d'évacuation (Partie II de la thèse).

2 Bacon F., cité par Rorty R., L'homme spéculaire, Paris, Editions du Seuil, 1990,

pp. 55-56.

* Buffon, L'histoire naturelle (textes choisis, 1736-1788), Paris, Gallimard, 1984, p. 39. Nous trouverons une illustration de ces positons dans nos analyses consacrées à l'assainissement.

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sur la manière dont une théorie ou une pratique constituées peuvent être modifiées pour devenir plus productives : dans notre cas, c'est la prolifération des observations qui tient lieu de correctif.

Inutile de souligner le caractère historique de ces systèmes. Ainsi la montée en puissance de V'idéal analytique" i1), selon lequel le déchiffrement de la réalité est

assuré par un mouvement de décomposition et de différenciation, accorde au sujet une posture beaucoup plus active dans la production des connaissances et des pratiques. L'observation perd une partie de son prestige, le sujet équipé de toute une armature logique est capable d'aller au-delà de la généralisation des données ; des vocables tels que raisonnable, rationnel, font surface et fonctionnent comme instances de contrôle, indépendamment des données de l'expérience (2).