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Capillarit´ e et mouillage des films liquides

1.2 Les ph´ enom` enes de mouillage

Le mouillage est la science qui s’int´eresse `a la physique de l’´etalement d’un liquide sur une surface solide. Il convient de consid´erer deux cas : le liquide s’´etale compl`etement (mouillage total), ou le liquide se rassemble sous forme de gouttes ou de flaques (mouillage partiel), laissant une partie de la surface s`eche. Les liquides usuels tels que l’eau pr´esentent en g´en´eral des propri´et´es de mouillage partiel. La pluie laisse par exemple des petites gouttes sur des plantes ou une flaque se forme quand on renverse un verre d’eau sur une table. Dans cette section, nous rappelons les principes g´en´eraux du mouillage utiles pour la suite du manuscrit, on y pr´esente les notions d’angle de contact statique et dynamique, et d’hyst´er´esis. Dans un soucis de clart´e, et sans nuire `a la g´en´eralit´e, on travaillera dans cette section avec le cas d’une ”goutte” 2D d´epos´ee sur un substrat.

1.2.1 Origine du mouillage

Lorsqu’un liquide se d´epose sur une surface le tout environn´e par un gaz, comme repr´esent´e sur la figure 1.3c, nous sommes en pr´esence de trois phases (liquide, solide et gazeuse). Il existe alors 3 interfaces dont les mol´ecules au voisinage interagissent. Comme nous l’avons vu `a la section 1.1.1, les mol´ecules au voisinage de l’interfaceliquide/gazsont dans un ´etat d´efavorable, sa surface est donc suscpetible de varier afin de minimiser son

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energie. On se place dans le cas d’une goutte si petite que la gravit´e est n´egligeable et nous allons montrer par un simple raisonnement ´energ´etique pourquoi cette goutte d´epos´ee sur le substrat solide va vouloir se r´etracter ou s’´etaler.

(a) Substrat sec (b) Substrat mouill´e (c) Configuration ´etudi´ee Figure 1.3 – Repr´esentation d’un substrat sec, d’un substrat mouill´e, et de la configura-tion ´etudi´ee. On d´esigne respectivement parL,A etA0 la surface (par unit´e de longueur) de la phase solide, celle de l’interfacesolide/liquideet celle de l’interface liquide/gaz.

On se place d’abord dans le cas d’un substrat sec illustr´e sur la figure 1.3a. La seule interface en pr´esence est celle entre la phase solide et gazeuse. L’´energie lin´eique associ´ee

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a ce syst`eme vaut :

Esec =γsg L (1.7)

avec L la surface (par unit´e de longueur) du substrat solide. Dans le cas d’un substrat mouill´e, on voit sur la figure 1.3b que les interfaces solide/liquide et liquide/gaz co-existent. En supposant que ces deux interfaces n’interagissent pas, et en n´egligeant l’´energie lin´eique gravitationnelle, l’´energie lin´eique de ce syst`eme vaut :

Emouille= (γsl+γlg) L (1.8)

1.2. LES PH ´ENOM `ENES DE MOUILLAGE 33 En d´efinissant A la surface lin´eique de l’interface solide/liquide et A0 > A celle de l’in-terface liquide/gaz, l’´energie lin´eique associ´ee `a la configuration repr´esent´ee sur la figure 1.3c vaut :

Ef ilm=γlg A0+γsl A+γsg (L−A)

=−S×A+γlg A A0

A −1

(1.9)

avec S appel´e le param`etre d’´etalement, qui repr´esente la diff´erence d’´energie entre le substrat sec et le substrat totalement mouill´e.

S =γsg−(γsl+γlg) (1.10)

Il est alors possible d’´evaluer si un liquide va avoir tendance `a s’´etaler ou non sur un substrat en ´evaluant le signe du param`etreS.

— siS >0, la surfaceAdoit augmenter et le rapport de surface A0/Adoit tendre vers 1 pour minimiserEf ilm. Le film va donc s’´etaler `a l’infini, le mouillage est dit total,

— si S < 0, la surface A doit diminuer pour r´eduire Ef ilm, le film se r´etracte. Par contre, le rapportA0/Aaugmente par conservation du volume, ce qui fait augmenter l’´energie quand le film d´emouille. Le film ne se r´etracte donc pas ind´efiniment et va adopter la forme d’´equilibre qui minimise Ef ilm, le mouillage est dit partiel.

Ce simple bilan d’´energie permet d’appr´ehender le m´ecanisme du mouillage, mais ne per-met pas de trouver la forme d’´equilibre du liquide en mouillage partiel. Il faut pour cela tenir compte des ´energies associ´ees aux interactions des interfaces au niveau du point triple (resp. ligne triple en 3D) repr´esent´e sur la figure 1.3c, qui est le point (resp. la ligne) o`u les 3 interfaces sont confondues.

1.2.2 Angle de contact statique

Nous avons pr´ec´edemment suppos´e que les 3 interfaces ne pouvaient pas interagir, ce qui est uniquement vrai si la distance qui les s´epare est grande devant le rayon d’action mol´eculaire<(typiquement de l’ordre dunm). Cette hypoth`ese n’est pas valable au voisi-nage du point triple car les 3 interfaces se confondent et peuvent de ce fait interagir. A ce jour, il est encore difficile de d´ecrire pr´ecis´ement ces interactions (van der Waals, ´ electro-statique, polaire, double couche) `a de telles ´echelles. On peut toutefois appr´ehender leurs effets sur une ligne triple `a l’´equilibre grˆace `a une repr´esentation simplifi´ee introduite par Potash et Wayner [44] illustr´ee `a la figure 1.4. Dans cette repr´esentation, la ligne tripe se d´ecompose en trois r´egions. La r´egion s`eche correspond au substrat sec (h = 0). La micro-r´egion mouill´ee (h∼ <) est le si`ege des interactions mol´eculaires, o`u la pente locale (∂h/∂x) de l’interfaceliquide/gazvarie rapidement dans cette zone. Dans la macro-r´egion, l’´epaisseur du film est grande devant le rayon d’action mol´eculaire (h <) et les interfaces n’interagissent plus. La pente locale tend vers une valeur constante, l’interface forme ainsi un angle avec le substrat, not´e θs, que l’on appel dans la litt´erature ”angle de contact statique”.

Figure 1.4 – Repr´esentation de Potash et Wayner [44] de la ligne triple `a diff´erentes

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echelles d’un liquide partiellement mouillant.

Ainsi, les forces mol´eculaires ont des effets sur la g´eom´etrie de la goutte `a l’´echelle macroscopique. Ils sont quantifiables `a travers l’angle de contact statiqueθsqui est visible

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a l’oeil nu (figure 1.5), et donc mesurable exp´erimentalement. Cet angle peut ˆetre compris entre 0 et 180.

Figure1.5 – Vue de cˆot´e d’une goutte `a l’´equilibre sur un substrat horizontal formant un angle de contact statique θs = 46 avec le substrat [22].

A l’aide de cette nouvelle donn´ee, on peut effectuer un bilan de forces au voisinage du point triple. Les forces de pression hydrostatique ´etant n´egligeables dans cette zone, l’´equilibre est uniquement r´egie par une comp´etition entre les diff´erentes tensions de sur-face, repr´esent´e sur la figure 1.6.

Figure1.6 – Equilibre des forces de tension de surface au point triple illustrant la relation de Young-Dupr´e.

On obtient une relation d’´equilibre liant les tensions de surface et l’angle de contact

1.2. LES PH ´ENOM `ENES DE MOUILLAGE 35 statique, appel´ee relation de Young-Dupr´e, qui s’´ecrit :

γlg cos(θs) =γsgγsl (1.11) Le param`etre d’´etalementS est difficile `a calculer tel qu’il est ´ecrit sous la forme (1.10), en particuler γsg est difficile `a ´evaluer. Mais en utilisant la relation (1.11), on peut le r´e-exprimer uniquement en fonction de γlg et de θs :

S =γlg[cos(θs)−1] (1.12)

Ainsi, plus l’angle de contact statique θs est important, plus le param`etre d’´etalement S est petit. D’apr`es (1.9) le liquide va donc davantage se r´etracter. Si l’angle θs ≤90, on parle de surface ”hydrophile”, et siθs>90, on parle de surface ”hydrophobe”.

(a) Surface hydrophile (θs90) (b) Surface hydrophobe (θs>90) Figure 1.7 – Repr´esentation d’une goutte `a l’´equilibre sur une surface hydrophile et hydrophobe.

1.2.3 Profil statique d’une goutte en mouillage partiel

Il est possible de d´efinir une longueur en dessous de laquelle la gravit´e est n´egligeable devant les forces capillaires. On l’appelle longueur capillairelc et elle s’´ecrit :

lc= γlg

ρ g (1.13)

avec ρ la masse volumique du liquide et g l’acc´el´eration de la pesanteur. A des ´echelles inf´erieures `a lc, la pression hydrostatique est n´egligeable devant la pression de Laplace et on parle de r´egime capilaire. A des ´echelles sup´erieures `a lc, on parle de r´egime gravitaire.

La forme th´eorique d’´equilibre d’une goutte de rayon r d´epos´e sur un substrat hori-zontal est tr`es bien connue et peut ˆetre trouv´ee dans la litt´erature [15]. On distingue deux cas particuliers sch´ematis´es sur la figure 1.8 :

— si r lc, une goutte 2D (reps. 3D) adopte un profil parabolique (reps. sph´erique) qui forme un angle de contact θs avec le substrat.

— si r lc, la goutte est applatie par son propre poids. Elle adopte `a l’´equilibre une forme de flaque d’´epaisseur e= 2 lc sins/2) loin du point triple [15] et forme un angle de contactθs avec le substrat.

Figure 1.8 – Forme `a l’´equilibre d’une goutte 2D sur un plan horizontal en fonction de son rayonr par rapport `a la longueur capillaire lc.

1.2.4 Angle de contact dynamique

La condition aux limites `a la ligne triple d’une goutte statique, d´efinie par une interface liquide/gaz formant un angle de contact θs avec le substrat, n’est par contre pas valable dans le cas d’une ligne en mouvement. Ablett [23] a constat´e que l’angle change lorsque le liquide et en mouvement et introduit la notion d’angle de contact dynamique θd. Dussan [24] en a conclu plus tard que plus une ligne triple avance vite (par exemple par inclinaison croissante du substrat), plus l’angle de contact dynamiqueθdest grand . R´eciproquement, plus la ligne de contact recule rapidement, plus l’angle diminue. Ce constat est observable dans les exp´eriences de Le Grand sur la figure 1.9, o`u l’on visualise une goutte se d´eplacer

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a vitesse croissante sur un substrat inclin´e.

Figure1.9 – Vues de cˆot´e d’une goutte d’huile s’´ecoulant `a vitesse croissante sur un plan inclin´e. Exp´erience r´ealis´ee par Le Grand [22].

Cette loi dynamique a fait l’objet de nombreuses ´etudes cherchant `a d´eterminer une

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equation d’´evolution du type θd = f(VLT) de l’angle de contact θd en fonction de la vitesse de la ligne triple VLT, tel celle trac´ee sur la figure 1.10. On peut notamment citer les mod`eles les plus c´el`ebres de Cox-Vo¨ınov [16] et de De Gennes [67] qui seront pr´esent´es dans la section 2.2.4 du manuscrit.

Figure 1.10 – ´Evolution de l’angle de contact dynamique θd en fonction de la vitesse de la ligne tripleVLT d’apr`es le mod`ele de Cox-Vo¨ınov [16].

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