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MOD ` ELES AVEC LIGNE TRIPLE 69 Analyse de stabilit´ e lin´ eaire

Mod` eles r´ eduits pour la dynamique d’un film

2.2. MOD ` ELES AVEC LIGNE TRIPLE 69 Analyse de stabilit´ e lin´ eaire

Nous consid´erons un film liquide inject´e avec un d´ebit volumique par unit´e de longueur qo constant et uniforme dans la direction y sur un plan inclin´e d’un angleβ par rotation autour de l’axe y. Apr`es un court r´egime transitoire, les r´esultats exp´erimentaux [31]

montrent que le film adopte une forme d’onde progressive, caract´eris´ee par la pr´esence d’un bourrelet pr`es de la ligne triple, et d’un d’´ecoulement de Nusselt d’´epaisseur hN u et de vitesse moyenneuN u loin de la ligne et donn´es par :

hN u=

3 ν qo

g sin(β) 1/3

(2.68a)

uN u=

hN usselt2

g sin(β) (2.68b)

Le fluide s’´ecoule uniform´ement sans d´evelopper aucune structure dans la direction transversaley, comme sch´ematis´e sur la figure 2.24.

Figure2.24 – Repr´esentation d’un film s’´ecoulant `a d´ebit constant uniform´ement dans la direction transversale y.

Cette solution d’onde progressive d´ecrit de mani`ere r´ealiste la dynamique du fluide, mais seulement dans les premiers instants. Aux temps long, la ligne triple perturb´ee par des h´et´erog´en´eit´es du substrat ou des forces ext´erieures peut devenir instable et des ruisselets commencent `a se d´evelopper. Ce sc´enario montre que la dynamique `a court terme de l’´epaisseur du film liquide peut ˆetre d´ecrite par la fonctionho(ξ) =h(x, y, t) o`uξ=x−U t, ce qui correspond `a un profil de base d’onde progressive se d´epla¸cant `a la vitesse constante U. Bertozzi [87], Davis et al. [88] et Kondic [89] ont ´etudi´e la stabilit´e du film vis-`a-vis des perturbations dans la direction transversale. Ils imposent une petite perturbation sur le profil de base en posant h(ξ, y, t) =ho(ξ) +ε h1(ξ, y, t), avech1(ξ, y, t) =ϕ(ξ)eiky+ωt la perturbation, ε << 1 son amplitude, k = 2π/λ son nombre d’onde, et ω le facteur d’amplification temporel. Lin´eariser l’´equation de lubrification (2.35) en ε h1 conduit au type d’´equation suivante :

L ϕ=−ω ϕ (2.69)

avec Lho(ξ), q,∂ξ,∂ξ22,∂ξ33,∂ξ44

un op´erateur lin´eaire du quatri`eme ordre. L’´equation (2.69) est un probl`eme aux valeurs propres qui peut ˆetre r´esolu num´eriquement. Elle d´epend du nombre d’onde k de la perturbation et du profil de base ho(ξ). Toutefois, il est possible d’obtenir une expression analytique du facteur d’amplification temporel. En

faisant l’approximation des petites perturbations ∇h <<~ 1, k <<1et des petites lon-gueurs de glissement (bhN usselt), Bertozzi [87] obtient dans le cas d’un film totalement mouillant :

ω(k)

(Z +∞

−∞

ho(ξ) hN u

"ho(ξ) hN u

2

−1

#

)

k2+Ok4 (2.70) La forme du bourrelet pr`es de la ligne triple constitue donc un indicateur direct de stabi-lit´e. Si ce bourrelet est suffisamment haut et large par rapport `a l’´epaisseurhN u loin de la ligne triple,ω(k) est positif et le front de liquide est instable en r´eponse `a une perturbation dans la direction transversale.

L’expression analytique (2.70) donne des informations sur le taux de croissance mais ne permet pas de d´eterminer la distance entre les ruisselets. Pour r´epondre `a cette question, il faut d´eterminer ω(k) pour des nombres d’ondekplus grands. Un terme suppl´ementaire proportionnel `ak4est manquant, il produit une contribution n´egative `aω(k) car il implique la tension de surface toujours stabilisante. Typiquement, ω sera positif pour les petits k et n´egatif pour les grands k. Un trac´e est repr´esent´e sur la figure 2.25.

Figure 2.25 – Diagramme de stabilit´e ω =f(k). La solution en trait continu est obtenu par r´esolution num´erique de (2.69) et celle en pointill´e est obtenu analytiquement par calcul de (2.70). Les d´etails sur la configuration ´etudi´ee sont donn´es dans [107].

Dans l’intervalle des k instables, un nombre d’onde (ou une longueur d’onde) est ca-ract´eris´e(e) par le facteur d’amplification le plus ´elev´e. En supposant que la formation des ruisselets est pilot´ee par l’amplification de cette longueur d’onde, cette analyse de stabilit´e permet `a priori de retrouver l’espacement entre les ruisselets `a condition de connaˆıtre le profil longitudinal ho(ξ).

Pr´ediction de la formation de ruisselets

Plusieurs auteurs se sont int´er´ess´es `a l’influence des conditions exp´erimentales sur la formation de ruisselets. Ces ´etudes, principalement motiv´ees par des applications indus-trielles, visent `a contrˆoler le d´eclenchement de ces instabilit´es. L’outil le plus rapide que l’on peut utiliser pour mener ce genre d’´etude est l’analyse de stabilit´e lin´eaire d´ecrˆıte au paragraphe pr´ec´edent. A partir des conditions d’injection (d´ebit volumique lin´eique qo, inclinaison du plan β), des propri´et´es du liquide et des propri´et´es du substrat (angle de contact θs, longueur de glissement b), on peut calculer num´eriquement le profil de base ho(ξ) inject´e sur le substrat et ´etudier sa stabilit´e. Ces analyses de stabilit´e se retrouvent

2.2. MOD `ELES AVEC LIGNE TRIPLE 71 dans les travaux de Marshall [97], Troian [86], Bertozzi [87] et Slade [117]. Ce dernier a en particulier compar´e les espacement entre les ruisselets pr´edˆıts par l’analyse de sta-bilit´e lin´eaire (en pointill´e) avec les r´esultats exp´erimentaux (losanges) de Johnson [31]

repr´esent´es sur la figure 2.26. On constate qu’`a d´ebit d’injection fix´e, l’espacement ob-tenu par analyse de stabilit´e lin´eaire est proche de l’espacement exp´erimental uniquement dans le cas de grandes inclinaisonsβ du plan proches de 90. En r´eduisant l’inclinaisonβ, l’analyse de stabilit´e pr´edˆıt la bonne tendance d’augmentation de l’espacement, mais les valeurs sont qualitatives.

La deuxi`eme m´ethode de pr´ediction de l’espacement des ruisselets consiste `a r´ealiser des simulations num´eriques instationnaires. Kondic and Diez [93, 94, 95, 96], Eres et al.

[92], Marshall [97] et Slade [117] ont ainsi simul´e les configurations de Johnson en utilisant l’´equation de lubrification (2.50). On constate sur la figure 2.26 que les espacements obte-nus par simulation num´erique sont en tr`es bon accord avec les r´esultats exp´erimentaux.

Figure 2.26 – Evolution de l’espacement entre les ruisselets en fonction de l’inclinaison β du plan `a d´ebit volumique fix´e dans le cas du fluide B partiellement mouillant [31]. Les losanges sont les espacements exp´erimentaux, la solution en trait pointill´e est obtenu par analyse de stabilit´e lin´eaire, et celle en trait continu est une loi extrapol´ee des r´esultats de simulations num´eriques. Les d´etails sur la configuration ´etudi´ee sont donn´es dans [117].

On peut conclure des r´esultats de la litt´erature que l’utilisation d’une ´equation de lu-brification permet de simuler avec une bonne pr´ecision la transition d’un film tombant en ruisselets. L’analyse de stabilit´e lin´eaire obtenue `a partir de cette ´equation peut ´egalement constituer un bon outil afin de pr´edire la stabilit´e du film, mais n’est toutefois pas suffisa-ment pr´ecise pour retrouver le bon espacement.

Influence des param`etres physiques et num´eriques sur la g´eom´etrie des ruis-selets

Les ´etudes qui s’int´eressent `a l’influence de l’inclinaison du substrat pr´edisent qu’une forte inclinaison est favorable au d´eveloppement d’instabilit´es transversales (figure 2.30b).

Ce comportement est une cons´equence directe de l’aplattissement du bourrelet par gra-vit´e avec l’horizontalit´e du substrat, induisant une diminution du facteur d’amplification (2.70), comme repr´esent´e sur la figure 2.30a. Une inclinaison croissante induit ´egalement une apparition plus rapide et un espacement plus r´eduit des ruisselets. Ce comportement

th´eorique s’observe bien dans les simulations num´eriques de Slade [117] et les exp´eriences de Huppert et de Johnson.

(a) Solution en onde progressive ho(ξ) obtenue par simulation num´erique.

(b) Diagramme de stabilit´eω=f(k) ob-tenu par analyse de stabilit´e lin´eaire.

Figure 2.27 – Influence de l’inclinaisonβ du plan sur le profil en onde progressiveho(ξ) et sa stabilit´e. Les d´etails du calcul sont donn´es dans [97].

Figure 2.28 – Influence de l’inclinaison β du plan sur le d´eveloppement des ruisselets.

Les r´esultats sont pris au mˆeme instant t, traduisant un d´eveloppement plus rapide des ruisselets quand le substrat est inclin´e. Simulation num´erique obtenue par Slade [117].

Marshall [97] et Slade [117] se sont int´er´ess´es aux propri´et´es de mouillage et pr´edisent num´eriquement qu’une perturbation transversale a plus de chance de s’amplifier pour un liquide hydrophobe que pour un liquide hydrophile. Leurs analyses de stabilit´e sur la figure 2.29 montrent qu’une augmentation de l’angle de contact statique θs entraˆıne

2.2. MOD `ELES AVEC LIGNE TRIPLE 73 une croissance de la taille du bourrelet qui est par cons´equent plus instable. De plus, leurs simulations num´eriques (figure 2.30) s’accordent bien avec les clich´es de Huppert (figure 2.8) car elles d´ecrivent bien des ruisselets en dent de scie dans le cas d’un liquide totalement mouillant et des ruisselets fins et droits dans le cas partiellement mouillant. Ils remarquent ´egalement que l’espacement entre les ruisselets est plus petit pour des liquides hydrophobes.

Figure2.29 – Influence de l’angle de contact statique θs sur le profil en onde progressive ho(ξ) et sa stabilit´e. Les d´etails du calcul sont donn´es dans [117].

(a)θs= 0.

(b)θs= 38.

Figure 2.30 – Influence de l’angle de contact θs sur l’´evolution temporelle des ruisselets.

Simulation num´erique obtenue par Slade [117].

Les deux derniers param`etres qui sont purement num´eriques et qui ont fait l’objet d’´etudes approfondies dans le cas de films totalement mouillants sont la longueur de glis-sement b et le film pr´ecurseur hm introduits `a la section 2.2.6. Par analyse de stabilit´e,

Troian [86] et Bertozzi [87] ont d’une part montr´e que le choix d’une m´ethode par glis-sement ou par film pr´ecurseur m`ene `a des r´esultats quasiment identiques si b et hm sont

´

egaux. D’autre part, mˆeme si ce param`etre num´erique est difficile `a ´evaluer pr´ecis´ement, il influe au final plus sur la vitesse de d´eveloppement des ruisselets que sur leur espace-ment tant qu’il reste petit devant l’´epaisseur de l’´ecoulement de Nusselt. En effet, on voit sur la figure 2.31 que le passage de b =hN u/102 `a b =hN u/106 induit une variation du facteur d’amplification temporel maximal de 35% mais n’induit qu’une variation de 11%

sur la longueur d’onde th´eorique. Les r´esultats de cette analyse ont ´et´e confirm´e par des simulations num´eriques de Zao et al. [98].

(a) Solution en onde progressive ho(ξ) obtenu par simulation num´erique.

(b) Diagramme de stabilit´eω =f(k) obtenu par esolution num´erique de l’´equation (2.69).

Figure 2.31 – Influence de la longueur de glissement b (adimensionn´ee par hN u) sur le profil en onde progressive ho(ξ) et sa stabilit´e. Les valeurs des points ont ´et´e extrapol´ees depuis les courbes de [86].

2.3 Conclusion

Nous avons pr´esent´e un ´etat de l’art sur les travaux les plus importants dans le domaine de la compr´ehension et de la mod´elisation des ´ecoulements de films liquides incluant des ph´enom`enes capillaires et de mouillabilit´e dans la litt´erature.

Il existe plusieurs mod`eles r´eduits 2D `a une (mod`ele de Benney [6]), `a deux (mod`ele de Shkadov [9]), et `a trois ´equations (mod`ele de Lavalle [11]) pour simuler des ´ecoulements 2D de films minces avec capillarit´e. Cependant, seul l’´equation de lubrification de Benney a ´et´e g´en´eralis´ee en 3D et modifi´ee pour y inclure la mod´elisation de la ligne triple. Le terme capillaire de cette ´equation fait intervenir une d´eriv´ee spatiale du quatri`eme ordre qui est difficile `a discr´etiser sur un maillage non-structur´e dans le cadre d’une formu-lation Volumes Finis (not´ee VF). Cette contrainte sur le maillage limite les simulations num´eriques possibles `a des configurations tr`es acad´emiques (´ecoulement d’un film sur une plaque plane). Le d´eveloppement d’un nouveau mod`ele compatible avec l’utilisation de maillages non-structur´es pour des applications plus complexes constitue un r´eel enjeu et sera abord´e dans le cadre de ce travail.

De plus, les termes capillaires sont en g´en´eral mod´elis´es avec une hypoth`ese ”onde longue”

(courbure de l’interface approch´ee par l’expression K ' −∆h), limitant leur pr´ecision `a

2.3. CONCLUSION 75 des liquides tr`es mouillants dont l’angle de contact statique et tr`es petit (θs 1). On rap-pel que l’eau rencontr´ee en application givrage est un liquide g´en´eralement peu mouillant (θs ∼ 1). Une nouvelle ´ecriture des termes capillaires permettant une extension de leur domaine de validit´e repr´esente un autre axe d’´etude privil´egi´e pour cette th`ese.

Enfin, tr`es peu de simulations num´eriques de films cisaill´es par un gaz ont `a ce jour ´et´e effectu´ee avec des mod`eles r´eduits. Ce type de configuration est int´eressant `a ´etudier et `a simuler dans le contexte a´eronautique.

De nombreuses pistes d’am´elioration de l’´equation de lubrification, tr`es majoritaire-ment utilis´ee dans la litt´erature, sont ouvertes. Les deux prochaines parties se concentrent sur le travail de th`ese d´edi´e au d´eveloppement d’un mod`ele r´eduit 2D et 3D pour la si-mulation num´erique d’un film liquide soumis `a la gravit´e et/ou au cisaillement d’un gaz.

Ce mod`ele destin´e `a des applications industrielles (pour la mod´elisation des syst`emes de d´egivrage notamment) doit ˆetre adapt´e `a une formulation VF g´en´erale et applicable `a n’importe quel type de liquide sans limitation en terme d’angle de contact au voisinage de la ligne triple.