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PEUT-ON S'ÉVALUER SANS SE JUGER ?

Dans le document JOURNAL DE CLASSE (Page 55-65)

J.-A.T. Vous venez de prendre votre retraite. Vous devez avoir enviedejeterunregardenarrièrepourévaluerl'ensembledevotreacti¬

vitépassée. Avez-vousréaUséleprojetdevosvingtans?

J. C. Pas du tout. Les choix de viese fontselonles motivations du moment. Ils prennent une autre signification après coup, lorsque leurs conséquences apparaissent. Pour moi,la cohérence ne peut être quereconstruite. Jevois dans monpasséunesérie de virages difficUesà

justifier, oùlachanceajoué un grand rôle.

J.-A.T. Quellesétapesvoyez-vous?

J. C. Jeme suisd'abord intéresséàlaconstructiondestests età

leur utilisation pour l'orientation scolaireetprofessionnelle. J'aiensuite cherché à appliquer la psychologie au monde du travaU. J'ai conduit enfin des recherches pédagogiques, de 1971à 1990. C'est cettedernière périodequiaétéla plus productive.

J.-A.T. QueUe estla formation qui vous a permis de traiter des domaines si différents ? QueUes sources d'inspiration, surtout ? Avez-vousconnudesmodèles ?

RechercheetFormation N°9 Avril1991

ENTRETIEN

Danscetterubrique,

il

s'agitderecueillirlepointde vue de personnalités qui,parleurs travaux, leursitinéraires, leurs démarchesetanalyses, ont à témoignerdela façon dont elles viventl'articulationentrelaRechercheetlaFormation.

ENTRETIEN AVEC JEAN CARDINET

PEUT-ON S'ÉVALUER

SANS SE

JUGER

?

J.-A.T. Vous venez de prendre votre retraite. Vous devez avoir enviedejeterunregardenarrièrepourévaluerl'ensembledevotreacti¬

vitépassée. Avez-vousréaUséleprojetdevosvingtans?

J. C. Pas du tout. Les choix de viese fontselonles motivations du moment. Ils prennent une autre signification après coup, lorsque leurs conséquences apparaissent. Pour moi,la cohérence ne peut être quereconstruite. Jevois dans monpasséunesérie de virages difficUesà

justifier, oùlachanceajoué un grand rôle.

J.-A.T. Quellesétapesvoyez-vous?

J. C. Jeme suisd'abord intéresséàlaconstructiondestests età

leur utilisation pour l'orientation scolaireetprofessionnelle. J'aiensuite cherché à appliquer la psychologie au monde du travaU. J'ai conduit enfin des recherches pédagogiques, de 1971à 1990. C'est cettedernière périodequiaétéla plus productive.

J.-A.T. QueUe estla formation qui vous a permis de traiter des domaines si différents ? QueUes sources d'inspiration, surtout ? Avez-vousconnudesmodèles ?

J. C. J'aicommencé, commebeaucoupde Français, par étudier laphilosophie,cequimèneàtoutetàrien. Lapsychologiem'aparuplus proche duréel,maislesprofesseurs quej'admiraisleplusàlaSorbonne, PiéronetFessard,étaientdeshommes delaboratoire. Jesouhaitaisêtre plus proche de la vie et pouvoir appliquer mes connaissances. De ce

point de vue, l'approche américaineme plaisait. J'ai refait toutes mes études de psychologie àl'Université de Chicago. Mon « patron » a été Thurstone, lui-mêmeétudiant d'Edison, et un chercheurextraordinaire.

Maisj'y ai suivi les cours de Campbell et de Fiske, et aussi de Cari Rogers. Benjamin Bloomenseignait dans lebâtiment voisin. Lastimula¬

tion intellectuelle était extraordinaire. Plus tard, lors d'un, second séjour aux États-Unis, j'étais collaborateur de Cronbach, un homme égalementuniversel. Je peux dire queje m'estimerais satisfait si j'avais pu transmettresesidéesdanslespays delanguefrançaise.

J.-A.T. Pourquoi avez-vouschoisidetravaiUcràl'iRDP* ? L'Uni¬

versité de Neuchâtel vous avait offert une chaire de professeur de recherche. Pourquoilaquitter enabordantun domaine où vousn'aviez aucuntitre ?

J.C. Celarépondaitàmonbesoind'action sociale. Lamissionde l'iRDP est de contribuer à améliorer le fonctionnement de l'école : c'est passionnant ! Je savais queje manquais de compétence, mais Samuel RoUermedisaitquejepourrais l'aider :jecomptaissurlui pourmefor¬

mer.

J.-A.T. Avez-vouspumeneràl'iRDP desrecherches aussi scienti¬

fiquesqu'àl'Université?

J. C. Le terme «scientifique» a des sensdivers, parce qu'U existe plusieurs sciences. Pour moi, l'histoire aussiestune science. Je considère également la pédagogie comme une science appliquée. L'iRDP a donc mené des recherches sérieuses tout en s'éloignant de plus en plus du modèle des sciences dela nature, que certains prennent encore tort) commeréférence.

J.-A.T. Pouvez-vousendonnerdesexemples?

J. C. L'évolutiondenostravauxaétécaractéristique. Notrepre¬

mièrerecherche,àJacquesWeissetàmoi, aporté surl'enseignement de

la lecture : U s'agissait de comparer les méthodes d'apprentissage en usageen SuisseRomande. Ladémarchescientifiqueaététoutà

fait

clas-* IRDP:InstitutRomandde DocumentationPédagogique.

J. C. J'aicommencé, commebeaucoupde Français, par étudier laphilosophie,cequimèneàtoutetàrien. Lapsychologiem'aparuplus proche duréel,maislesprofesseurs quej'admiraisleplusàlaSorbonne, PiéronetFessard,étaientdeshommes delaboratoire. Jesouhaitaisêtre plus proche de la vie et pouvoir appliquer mes connaissances. De ce

point de vue, l'approche américaineme plaisait. J'ai refait toutes mes études de psychologie àl'Université de Chicago. Mon « patron » a été Thurstone, lui-mêmeétudiant d'Edison, et un chercheurextraordinaire.

Maisj'y ai suivi les cours de Campbell et de Fiske, et aussi de Cari Rogers. Benjamin Bloomenseignait dans lebâtiment voisin. Lastimula¬

tion intellectuelle était extraordinaire. Plus tard, lors d'un, second séjour aux États-Unis, j'étais collaborateur de Cronbach, un homme égalementuniversel. Je peux dire queje m'estimerais satisfait si j'avais pu transmettresesidéesdanslespays delanguefrançaise.

J.-A.T. Pourquoi avez-vouschoisidetravaiUcràl'iRDP* ? L'Uni¬

versité de Neuchâtel vous avait offert une chaire de professeur de recherche. Pourquoilaquitter enabordantun domaine où vousn'aviez aucuntitre ?

J.C. Celarépondaitàmonbesoind'action sociale. Lamissionde l'iRDP est de contribuer à améliorer le fonctionnement de l'école : c'est passionnant ! Je savais queje manquais de compétence, mais Samuel RoUermedisaitquejepourrais l'aider :jecomptaissurlui pourmefor¬

mer.

J.-A.T. Avez-vouspumeneràl'iRDP desrecherches aussi scienti¬

fiquesqu'àl'Université?

J. C. Le terme «scientifique» a des sensdivers, parce qu'U existe plusieurs sciences. Pour moi, l'histoire aussiestune science. Je considère également la pédagogie comme une science appliquée. L'iRDP a donc mené des recherches sérieuses tout en s'éloignant de plus en plus du modèle des sciences dela nature, que certains prennent encore tort) commeréférence.

J.-A.T. Pouvez-vousendonnerdesexemples?

J. C. L'évolutiondenostravauxaétécaractéristique. Notrepre¬

mièrerecherche,àJacquesWeissetàmoi, aporté surl'enseignement de

la lecture : U s'agissait de comparer les méthodes d'apprentissage en usageen SuisseRomande. Ladémarchescientifiqueaététoutà

fait

clas-* IRDP:InstitutRomandde DocumentationPédagogique.

Entretien 59 sique, avecpré- et post-test,épreuvede signification statistique multidi-mensionneUe, etc. EUe s'estconcluepar ungros rapport (1) quipréten¬

daitprésenterdesrésultatsdeportéeuniverseUe.

Notredeuxième grande recherchevisaitàévaluerlesnouveauxpro¬

grammes demathématiquesintroduitsdepuis1973etlesmoyens d'ensei¬

gnementquileurcorrespondaient. Lebut,cettefois,était simplementde

préparer

les mesures d'adaptation qui se révéleraient nécessaires.

Il

n'était plus question de conclusion généralisable à tous les pays du monde. Il fallait, au contraire, tenir compte des particularités de la situation romande et expUciter tous les facteurs à prendre en compte dansles décisions, y compris leseffets aléatoires dus àla conjoncture socio-politique du moment(2).

La troisième recherche accompagnaitl'introduction du nouvelensei¬

gnement du français. D s'agissait d'une sorte de recherche-action, qui avait uniquementpour but de faire réussir cette innovation. Les ques¬

tionsétaientposéesparune commission paritaire qui cherchaitàexplo¬

rer lasituation pourétayer ses recommandations. Le rôledela recher¬

che était de l'aider à voir plus clair en lui présentant des faits, mais

l'interprétation

revenait à cette commission. Le savoir n'était plus un but, maisun moyen,auservicedel'action(3).

Laquatrièmeétudene faitque commencer. EUeporte surl'enseigne¬

ment de l'aUemand. La recherche etla gestion devraient y être étroite¬

mentintégrées. Lesrésultatsdelarecherchedevraient intervenir dansle choix des objectifs et des méthodes etles spéciaUstes devraient animer une réflexion collective sur les directions d'évolution souhaitables en

matière de didactique. Là encore, on appeUera « scientifique» toute information dont la validité est contrôlée, même s'il ne s'agit en rien d'uneloigénérale oud'uneobservationrépétable.

J.-A.T. Est-celà ce que vous appeUez «l'élargissement de l'éva¬

luation ?

J. C. C'esten effetla logique d'unerecherche orientée vers des décisions quej'avaisessayéd'analysersouscetitre(4)en 1975,àlasuite (1) L'enseignementdelalectureetsesrésultats(avec J. Weiss).Berne : Herbert Lang,1976.CollectionPublicationsUniversitaires Européennes,206 p.

(2) La coordination del'informationdans le systèmeéducatif, Neuchâtel :IRDP,1977, 12p. In :Acteldu4*CongrèsInternationaldel'AlPELF,Genève, 16-20mai1977.Genève: SHP,1978,pp.149-159.

(3) L'observationinteractive,auconfluentdelaformation etdela recherche(avecJ.

Weiss).Neuchâtel: IRDP, 1978, 23p. In iActesdu Colloque del'AIPELFà Louvain-la-Neuve.LesSciencesdel'Educationpourl'ÈreNouvelle,n"1-2(1979),pp.177-202.

(4) L'élargissement del'évaluation. Neuchâtel :IRDP, 1975,31p. ;Educationet Recherche,vol.1,1(1979),pp. 15-34 ;reprisdansHommageà JeanCardinet,Cousset (FR):Delval,1990,pp.109-137.

Entretien 59

sique, avecpré- et post-test,épreuvede signification statistique multidi-mensionneUe, etc. EUe s'estconcluepar ungros rapport (1) quipréten¬

daitprésenterdesrésultatsdeportéeuniverseUe.

Notredeuxième grande recherchevisaitàévaluerlesnouveauxpro¬

grammes demathématiquesintroduitsdepuis1973etlesmoyens d'ensei¬

gnementquileurcorrespondaient. Lebut,cettefois,était simplementde

préparer

les mesures d'adaptation qui se révéleraient nécessaires.

Il

n'était plus question de conclusion généralisable à tous les pays du monde. Il fallait, au contraire, tenir compte des particularités de la situation romande et expUciter tous les facteurs à prendre en compte dansles décisions, y compris leseffets aléatoires dus àla conjoncture socio-politique du moment(2).

La troisième recherche accompagnaitl'introduction du nouvelensei¬

gnement du français. D s'agissait d'une sorte de recherche-action, qui avait uniquementpour but de faire réussir cette innovation. Les ques¬

tionsétaientposéesparune commission paritaire qui cherchaitàexplo¬

rer lasituation pourétayer ses recommandations. Le rôledela recher¬

che était de l'aider à voir plus clair en lui présentant des faits, mais

l'interprétation

revenait à cette commission. Le savoir n'était plus un but, maisun moyen,auservicedel'action(3).

Laquatrièmeétudene faitque commencer. EUeporte surl'enseigne¬

ment de l'aUemand. La recherche etla gestion devraient y être étroite¬

mentintégrées. Lesrésultatsdelarecherchedevraient intervenir dansle choix des objectifs et des méthodes etles spéciaUstes devraient animer une réflexion collective sur les directions d'évolution souhaitables en

matière de didactique. Là encore, on appeUera « scientifique» toute information dont la validité est contrôlée, même s'il ne s'agit en rien d'uneloigénérale oud'uneobservationrépétable.

J.-A.T. Est-celà ce que vous appeUez «l'élargissement de l'éva¬

luation ?

J. C. C'esten effetla logique d'unerecherche orientée vers des décisions quej'avaisessayéd'analysersouscetitre(4)en 1975,àlasuite (1) L'enseignementdelalectureetsesrésultats(avec J. Weiss).Berne : Herbert Lang,1976.CollectionPublicationsUniversitaires Européennes,206 p.

(2) La coordination del'informationdans le systèmeéducatif, Neuchâtel :IRDP,1977, 12p. In :Acteldu4*CongrèsInternationaldel'AlPELF,Genève, 16-20mai1977.Genève: SHP,1978,pp.149-159.

(3) L'observationinteractive,auconfluentdelaformation etdela recherche(avecJ.

Weiss).Neuchâtel: IRDP, 1978, 23p. In iActesdu Colloque del'AIPELFà Louvain-la-Neuve.LesSciencesdel'Educationpourl'ÈreNouvelle,n"1-2(1979),pp.177-202.

(4) L'élargissement del'évaluation. Neuchâtel :IRDP, 1975,31p. ;Educationet Recherche,vol.1,1(1979),pp. 15-34 ;reprisdansHommageà JeanCardinet,Cousset (FR):Delval,1990,pp.109-137.

d'unséminaire européen organiséàLiègeavec RobertStake. Reprenant l'oppositionexpUcitéepar Scrivenentre évaluationsommativeetforma¬

tive,jemontrais quec'était lasecondequiimportait. Quel est le respon¬

sablescolaire qui songerait à revenir à lasituation antérieure lorsqu'il rencontre des difficultés pour faire accepterune réforme ? Il ne peut queproposerune nouveUeréforme. Lepassagedutemps créeune situa¬

tion dynamique, oùlesbUans sontdépassés àl'instant mêmeoù ils sont pubUés et où la seule conduitepossible estl'adaptation continue. Ceci s'oppose à l'idée que le chercheurpuisse porter lui-même unjugement conclusif,en affirmantlaréussite ou l'échecd'un programmed'enseigne¬

ment. Unscientifiquenepeut qu'éclairerdavantagelasituation,en lais¬

sant aux responsables le soin de porterles jugements de valeuret de déciderlasuiteàdonneren conséquence.

J.-A.T. Ds'agit, ensomme, d'uneobservationetd'unretourd'in¬

formation en continu à l'intention des gestionnaires. L'idée en est-elle transposableàl'évaluationdes élèves?

J. C. Effectivement, bienquej'aie mislongtemps à.m'en aperce¬

voir, affirmant toujours queles deuxproblèmes n'avaient rien de com¬

mun. Jevoismaintenant qu'en classe aussil'apprentissage se situe dans une histoire. Vouloir interrompre ce flux pour effectuer des bilans conduità des résultats sans signification. L'erreur estsouventla cause d'uneprisedeconscienceetl'épreuve esteUe-mêmeoccasion d'apprentis¬

sage. Queva-t-onjuger? L'élèveestenpleineévolutionetl'examenvient trop tôt.

Si l'on considère l'épreuve au contraire comme un moyen d'aider l'élèveàvoirplus clairementcequi

lui

est demandéetqueUeestl'origine

de ses difficultés, l'analogie avec la situation du responsable scolaire devient frappante : dans les deux cas, il s'agit de mieux prendre conscience de laréaUtéextérieure pour pouvoirsedéterminer de façon autonomeet agirefficacement.

Mais onvoitqu'on estloin del'évaluation «mise denotes ». Ce dont onparle alors,c'estd'uneautoévaluation servantdebaseàune autocor¬

rection. C'estbienàquoijepensaislorsquejedisais(1) quelapierre de touche de l'évaluation formative consistait à vérifier que l'on disait quelquechose àl'élève,et non surl'élève. II faut traiterl'élève,comme le responsable scolaire, en personne autonome. Lui attribuer une note, uneappréciation, un qualificatif quelconque, c'estau contraire letraiter enobjet.

(1) Pour apprécierle travail des élèves. Neuchâtel :IRDP,1984, 82p. ; nouvelle édition:Bruxelles:DeBoeck,1986,133p.

d'unséminaire européen organiséàLiègeavec RobertStake. Reprenant l'oppositionexpUcitéepar Scrivenentre évaluationsommativeetforma¬

tive,jemontrais quec'était lasecondequiimportait. Quel est le respon¬

sablescolaire qui songerait à revenir à lasituation antérieure lorsqu'il rencontre des difficultés pour faire accepterune réforme ? Il ne peut queproposerune nouveUeréforme. Lepassagedutemps créeune situa¬

tion dynamique, oùlesbUans sontdépassés àl'instant mêmeoù ils sont pubUés et où la seule conduitepossible estl'adaptation continue. Ceci s'oppose à l'idée que le chercheurpuisse porter lui-même unjugement conclusif,en affirmantlaréussite ou l'échecd'un programmed'enseigne¬

ment. Unscientifiquenepeut qu'éclairerdavantagelasituation,en lais¬

sant aux responsables le soin de porterles jugements de valeuret de déciderlasuiteàdonneren conséquence.

J.-A.T. Ds'agit, ensomme, d'uneobservationetd'unretourd'in¬

formation en continu à l'intention des gestionnaires. L'idée en est-elle transposableàl'évaluationdes élèves?

J. C. Effectivement, bienquej'aie mislongtemps à.m'en aperce¬

voir, affirmant toujours queles deuxproblèmes n'avaient rien de com¬

mun. Jevoismaintenant qu'en classe aussil'apprentissage se situe dans une histoire. Vouloir interrompre ce flux pour effectuer des bilans conduità des résultats sans signification. L'erreur estsouventla cause d'uneprisedeconscienceetl'épreuve esteUe-mêmeoccasion d'apprentis¬

sage. Queva-t-onjuger? L'élèveestenpleineévolutionetl'examenvient trop tôt.

Si l'on considère l'épreuve au contraire comme un moyen d'aider l'élèveàvoirplus clairementcequi

lui

est demandéetqueUeestl'origine

de ses difficultés, l'analogie avec la situation du responsable scolaire devient frappante : dans les deux cas, il s'agit de mieux prendre conscience de laréaUtéextérieure pour pouvoirsedéterminer de façon autonomeet agirefficacement.

Mais onvoitqu'on estloin del'évaluation «mise denotes ». Ce dont onparle alors,c'estd'uneautoévaluation servantdebaseàune autocor¬

rection. C'estbienàquoijepensaislorsquejedisais(1) quelapierre de touche de l'évaluation formative consistait à vérifier que l'on disait quelquechose àl'élève,et non surl'élève. II faut traiterl'élève,comme le responsable scolaire, en personne autonome. Lui attribuer une note, uneappréciation, un qualificatif quelconque, c'estau contraire letraiter enobjet.

(1) Pour apprécierle travail des élèves. Neuchâtel :IRDP,1984, 82p. ; nouvelle édition:Bruxelles:DeBoeck,1986,133p.

Entretien 61 Rm'a faUudesannéespour faireleUensur leplanthéorique entre la théorie de la personnalité que Rogers me présentait à Chicago et les conclusions dela Recherche Sipri (1). Cette dernière mettait en doute l'ambition de la technologieéducative de suivrepas àpasl'avancement de tous les élèves d'une classe et d'introduire à chaque instant des démarches correctives. En conséquence, Ufaut tenter «d'évaluer sans

juger» (2), comme un thérapeute non-directifévite toutjugement de

valeurpersonnel,pouraidersoncUentàseprendreenchargelui-même.

J.-A.T. Vousprenez ainsi une position radicale contre l'évalua¬

tion d'autrui. Pourtant, vous avezécrit : «Assurerlamesure» (3)pour dire comment construire des épreuves pédagogiques. N'êtes-vous pas sensibleàla contradiction ?

J. C. Jedisqu'enprincipeI'autoévaluationpourrait suffireàgui¬

der l'apprentissage, comme c'estle cas en pédagogie des adultes. Je dis aussi que l'évaluation des élèves, en classe, estbeaucoup plus un pro¬

blème dedialoguequedemesure(4).

Cela nesignifiepas quedesépreuves nepuissentpas être préparées, pour aiderceuxquiétudientàdiagnostiquereux-mêmescequ'Usnemaî¬

trisent pas encore. Cela ne signifie pas nonplus que des contrôles sociaux soientnécessairementàéviter. Nouspréférons tous quelespilo¬

tesoules chirurgiensquinousprennentenchargeaientfait lapreuvede

leur compétence...Toutsystème desécuritéconstitueunechargeetcom¬

porte un coût donton aimerait se passer, mais on préfère pourtantla sécuritéqu'Uapporte.

Pourvu qu'onn'introduisepaslecontrôleavantla fin del'apprentis¬

sage(comme on lefaitconstammentàl'école,hélas),j'admets donc l'im¬

portanced'une étapefinaledecertification. Etc'estpourquoijem'insurge sil'examenn'apportepasl'informationsérieusedont lasociété abesoin.

«Assurerlamesure »présentelestechniquesqui permettentdesavoirsi les résultats sont répétables et si l'on peut leur faire confiance. La

(1) Evaluer les conditionsd'apprentissagedesélèvesplutôtqueleurs résultats.

Neuchâtel :IRDP, 1983,10p. ReprisdansEvaluation scolaireetpratique.Bruxelles :De Boeck,1986,pp. 187-198.

(2) Évaluersansjuger. Neuchâtel :IRDP,1988,20p. RevueFrançaisede Pédagogie, n° 88,juillet 1989,pp. 41-52.

(3) Assurer la mesure(avecY. Tourneur). Berne:PeterLang,1985, 382p.

(4) L'évaluation enclasse : mesure oudialogue ? Neuchâtel :IRDP, 1986, 12 p.

EuropeanJournalofPsychologyofEducation, vol.II, n"2(1987), pp. 133-144.Repris dansHommage à JeanCardinet,Cousset(FR):Delval,1990,pp.215-288.

Entretien 61

Rm'a faUudesannéespour faireleUensur leplanthéorique entre la théorie de la personnalité que Rogers me présentait à Chicago et les conclusions dela Recherche Sipri (1). Cette dernière mettait en doute l'ambition de la technologieéducative de suivrepas àpasl'avancement de tous les élèves d'une classe et d'introduire à chaque instant des démarches correctives. En conséquence, Ufaut tenter «d'évaluer sans

juger» (2), comme un thérapeute non-directifévite toutjugement de

valeurpersonnel,pouraidersoncUentàseprendreenchargelui-même.

J.-A.T. Vousprenez ainsi une position radicale contre l'évalua¬

tion d'autrui. Pourtant, vous avezécrit : «Assurerlamesure» (3)pour dire comment construire des épreuves pédagogiques. N'êtes-vous pas sensibleàla contradiction ?

J. C. Jedisqu'enprincipeI'autoévaluationpourrait suffireàgui¬

der l'apprentissage, comme c'estle cas en pédagogie des adultes. Je dis aussi que l'évaluation des élèves, en classe, estbeaucoup plus un pro¬

blème dedialoguequedemesure(4).

Cela nesignifiepas quedesépreuves nepuissentpas être préparées, pour aiderceuxquiétudientàdiagnostiquereux-mêmescequ'Usnemaî¬

trisent pas encore. Cela ne signifie pas nonplus que des contrôles sociaux soientnécessairementàéviter. Nouspréférons tous quelespilo¬

tesoules chirurgiensquinousprennentenchargeaientfait lapreuvede

leur compétence...Toutsystème desécuritéconstitueunechargeetcom¬

porte un coût donton aimerait se passer, mais on préfère pourtantla sécuritéqu'Uapporte.

Pourvu qu'onn'introduisepaslecontrôleavantla fin del'apprentis¬

sage(comme on lefaitconstammentàl'école,hélas),j'admets donc l'im¬

portanced'une étapefinaledecertification. Etc'estpourquoijem'insurge sil'examenn'apportepasl'informationsérieusedont lasociété abesoin.

«Assurerlamesure »présentelestechniquesqui permettentdesavoirsi les résultats sont répétables et si l'on peut leur faire confiance. La

(1) Evaluer les conditionsd'apprentissagedesélèvesplutôtqueleurs résultats.

Neuchâtel :IRDP, 1983,10p. ReprisdansEvaluation scolaireetpratique.Bruxelles :De Boeck,1986,pp. 187-198.

(2) Évaluersansjuger. Neuchâtel :IRDP,1988,20p. RevueFrançaisede Pédagogie, n° 88,juillet 1989,pp. 41-52.

(3) Assurer la mesure(avecY. Tourneur). Berne:PeterLang,1985, 382p.

(4) L'évaluation enclasse : mesure oudialogue ? Neuchâtel :IRDP, 1986, 12 p.

EuropeanJournalofPsychologyofEducation, vol.II, n"2(1987), pp. 133-144.Repris dansHommage à JeanCardinet,Cousset(FR):Delval,1990,pp.215-288.

Dans le document JOURNAL DE CLASSE (Page 55-65)