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DES CLERCS AU RABAIS

Dans le document JOURNAL DE CLASSE (Page 31-43)

Janine HIU

Sommaire. L'imageidéalisée del'InstituteurdelaRépublique,pierreangulaire del'édificesocial,pétri derigueurmoraleetdecompétenceprofessionnelle ne s'impose pas d'emblée loin s'en faut.L'Étatdoitfaire face,dèsledébut àdesdifficultésderecrutement aiguès. Laloinou¬

vellerend obligatoire la scolarisationde tous les enfants,quelquesoit leursexe:ondevra doncs'habitueràvoirdesfemmes exercer lemétierd'institutriceselonlescritèresnou¬

veauxdel'écolelaïque. Orl'idéologiede l'époque associeforcémentsavoiretvirilité.. .Qui plusestl'étiquettedépréciatb/e de"primaires"restera longtemps accolée auxinstituteurs qu'on nereconnaîtpas commeintellectuels;toutessortes de barrièresseront longtemps maintenuespour leur interdirel'accèsàl'enseignement supérieur. La dernièrevientdetom¬

beravecla disparitiondes Écolesnormalesetlacréation des ufm.

Summary. Theidealisedimageatthe "instituteur"ofthethird Republic, a cornerstoneofthesocial fabric,toughenedwith moral rigour andprofessional competence did not quickly assert itself.Thestatehasfrom theonsettoconfrontseveredifficultiesofrecruitment.Thenew lawmakesschoolingforallchildren compulsary,girlsaswellas boys,andthespectacleof womenexercising theteacher'sfunction according to thenew criteriaofthesecularschool becomes common.But theideologyofthetimelinks knowledge with marliness...

Moreover, thetemeaninglabelof"primary"willfor long beattachedto"Instituteurs",not recognised asintellectuals:allkindsofbarrierswillbepreservedto deny them access to highereducation.Thelasthasjustfallenwiththedisappearanceofthe "ÉcolesNormales"

andthecreationoftheiufm.

AUCOMMENCEMENTETAIT LA CRISE

Au moment onremplaceles Écolesnormales d'instituteurspar des

Institutsuniversitaires deformation desmaîtres(IUFM),

il

n'estpeut-être pasvainderappelerque c'estl'aboutissementducombat séculaire, mené dès l'époque héroïque,

par

les instituteurs, pour

sortir

du « ghetto primaire » ilssetrouvaientconfinés.

Le prestige dont on se plaît rétrospectivement à auréoler la figureidéaUséede «l'hommedeconfiancedelaRépubUque » (1)qu'ilest justementchargéd'« instituer »

fut

loin(s'Ulefutjamais), d'êtreacquis d'emblée. Ces nouveauxvenus sur la scènesociale sontnombreux à se

plaindre trèstôt,nonseulementdessalairesinsuffisants,mais aussidela minceur dubagage inteUectuel déUvrédans les Écoles Normales. Ils se

classent

parmi

ces « prolétaires intellectuels » recensés

par

Henry Bérengeren1898,dansunarticleincendiaire(2).

Étudesetrecherches

RechercheetFormationN"9 Avril1991

33

LES PREMIERS INSTITUTEURS LAÏCS

:

DES CLERCS AU RABAIS

Janine HIU

Sommaire. L'imageidéalisée del'InstituteurdelaRépublique,pierreangulaire del'édificesocial,pétri derigueurmoraleetdecompétenceprofessionnelle ne s'impose pas d'emblée loin s'en faut.L'Étatdoitfaire face,dèsledébut àdesdifficultésderecrutement aiguès. Laloinou¬

vellerend obligatoire la scolarisationde tous les enfants,quelquesoit leursexe:ondevra doncs'habitueràvoirdesfemmes exercer lemétierd'institutriceselonlescritèresnou¬

veauxdel'écolelaïque. Orl'idéologiede l'époque associeforcémentsavoiretvirilité.. .Qui plusestl'étiquettedépréciatb/e de"primaires"restera longtemps accolée auxinstituteurs qu'on nereconnaîtpas commeintellectuels;toutessortes de barrièresseront longtemps maintenuespour leur interdirel'accèsàl'enseignement supérieur. La dernièrevientdetom¬

beravecla disparitiondes Écolesnormalesetlacréation des ufm.

Summary. Theidealisedimageatthe "instituteur"ofthethird Republic, a cornerstoneofthesocial fabric,toughenedwith moral rigour andprofessional competence did not quickly assert itself.Thestatehasfrom theonsettoconfrontseveredifficultiesofrecruitment.Thenew lawmakesschoolingforallchildren compulsary,girlsaswellas boys,andthespectacleof womenexercising theteacher'sfunction according to thenew criteriaofthesecularschool becomes common.But theideologyofthetimelinks knowledge with marliness...

Moreover, thetemeaninglabelof"primary"willfor long beattachedto"Instituteurs",not recognised asintellectuals:allkindsofbarrierswillbepreservedto deny them access to highereducation.Thelasthasjustfallenwiththedisappearanceofthe "ÉcolesNormales"

andthecreationoftheiufm.

AUCOMMENCEMENTETAIT LA CRISE

Au moment onremplaceles Écolesnormales d'instituteurspar des

Institutsuniversitaires deformation desmaîtres(IUFM),

il

n'estpeut-être pasvainderappelerque c'estl'aboutissementducombat séculaire, mené dès l'époque héroïque,

par

les instituteurs, pour

sortir

du « ghetto primaire » ilssetrouvaientconfinés.

Le prestige dont on se plaît rétrospectivement à auréoler la figureidéaUséede «l'hommedeconfiancedelaRépubUque » (1)qu'ilest justementchargéd'« instituer »

fut

loin(s'Ulefutjamais), d'êtreacquis d'emblée. Ces nouveauxvenus sur la scènesociale sontnombreux à se

plaindre trèstôt,nonseulementdessalairesinsuffisants,mais aussidela minceur dubagage inteUectuel déUvrédans les Écoles Normales. Ils se

classent

parmi

ces « prolétaires intellectuels » recensés

par

Henry Bérengeren1898,dansunarticleincendiaire(2).

UN INSTITUTEUR NOUVELLE MANIÈRE?

« On cite encore à Soulanges, la réponse quefit l'instituteur à un petit garçon venutrop tard etquis'excusaitainsi:

Dame, M'sieuj'ai donné àboireànotre chevau! Ondit *cheval» animau!»

Balzac (Les Paysans) L'instituteur delaIIIeRépubUquen'aplus guèrederapport aveccet instituteur caricatural, « l'ancien magister qui louait pour une saison

ses talents d'écrivain etde chantre, commefont encore de leurs bras certaines catégories d'ouvriers, àl'époque des travaux agricoles (3), et qui portaientauchapeau deux ou troisplumes de couleur: ... selon le

nombre desplumes, on sait ce qu'ils peuvent enseigner : les deux premières proposent la lecture, l'écriture, la troisième, plus rare « le

chiffre »...(4).

Maiscestempssont-ilssiloin?

Au début, l'école de la République dut se contenter de maîtres improvisés. En 1894, Félix Pécaut se félicite : « L'enseignement des écoles normales, sije le compare à ce qu'il était en 1880, lors de ma première inspection, marque un progrès considérable. »(5)

C'estavouerimplicitementlebasniveau dudébut.

Les témoignages concordent, Alfred Binet (le célèbre auteur de l'écheUe métrique de l'intelligence), qui fréquenta beaucoup les écoles normalespouryfaireses expériences,eutàobserver, danslesdernières années du siècle toute une promotion de normaUens de province « qui n'étaitpas uniquement composéede sujets brillants » (on appréciera l'euphémisme !). Binet y repère même « des natures très lourdes qui auraientétéàleurplacederrièrela charrue beaucoupmieuxque dans une chairedeprofesseur. » II ajoute : « onavait beaucoup depeine à recruterdesinstituteurs. Onprenaitcequ'ontrouvait... » (6)

UNEACCULTURATION RECENTE ETMILITANTE

Cesjeunesgenssont souventissus deparents sachantàpeinelire et écrire ; ils sontles premiers de leur lignée à accéder à une

culture

Uvresque. Ils viennent de subir un véritable processus d'acculturation, renonçantàleurculture d'origine,rurale, orale, transmiseparfois dans une autrelangue que lefrançais. Leshussardsnoirsdela Républiquese

fontles agents zélés d'une véritable colonisationlinguistique. Ils Uvrent une guerre sansmerci aux « patois » qu'Us'agit dediscréditer aux yeux UN INSTITUTEUR NOUVELLE MANIÈRE?

« On cite encore à Soulanges, la réponse quefit l'instituteur à un petit garçon venutrop tard etquis'excusaitainsi:

Dame, M'sieuj'ai donné àboireànotre chevau! Ondit *cheval» animau!»

Balzac (Les Paysans) L'instituteur delaIIIeRépubUquen'aplus guèrederapport aveccet instituteur caricatural, « l'ancien magister qui louait pour une saison

ses talents d'écrivain etde chantre, commefont encore de leurs bras certaines catégories d'ouvriers, àl'époque des travaux agricoles (3), et qui portaientauchapeau deux ou troisplumes de couleur: ... selon le

nombre desplumes, on sait ce qu'ils peuvent enseigner : les deux premières proposent la lecture, l'écriture, la troisième, plus rare « le

chiffre »...(4).

Maiscestempssont-ilssiloin?

Au début, l'école de la République dut se contenter de maîtres improvisés. En 1894, Félix Pécaut se félicite : « L'enseignement des écoles normales, sije le compare à ce qu'il était en 1880, lors de ma première inspection, marque un progrès considérable. »(5)

C'estavouerimplicitementlebasniveau dudébut.

Les témoignages concordent, Alfred Binet (le célèbre auteur de l'écheUe métrique de l'intelligence), qui fréquenta beaucoup les écoles normalespouryfaireses expériences,eutàobserver, danslesdernières années du siècle toute une promotion de normaUens de province « qui n'étaitpas uniquement composéede sujets brillants » (on appréciera l'euphémisme !). Binet y repère même « des natures très lourdes qui auraientétéàleurplacederrièrela charrue beaucoupmieuxque dans une chairedeprofesseur. » II ajoute : « onavait beaucoup depeine à recruterdesinstituteurs. Onprenaitcequ'ontrouvait... » (6)

UNEACCULTURATION RECENTE ETMILITANTE

Cesjeunesgenssont souventissus deparents sachantàpeinelire et écrire ; ils sontles premiers de leur lignée à accéder à une

culture

Uvresque. Ils viennent de subir un véritable processus d'acculturation, renonçantàleurculture d'origine,rurale, orale, transmiseparfois dans une autrelangue que lefrançais. Leshussardsnoirsdela Républiquese

fontles agents zélés d'une véritable colonisationlinguistique. Ils Uvrent une guerre sansmerci aux « patois » qu'Us'agit dediscréditer aux yeux

Étudesetrecherches 35 de ceux-là mêmes qui les pratiquent. A. Lavergne, meten scène un instituteur qu'U fait parler ainsi (7) : « Il n'y a qu'une seule et belle langue, lafrançaise. Toutleresten'estqu'uncharabiadebohémiens, de canaques, un idiome grossierqueparlent lescharretiers, lesvoyous,les pasgrand-chose »(8). Cetinstituteur,lui-mêmelanguedocien, affectede

neparler qu'enfrançais.

Récemment acculturés donc, la plupart des instituteurs n'entre¬

tiennentpas avec lelivre des rapports famUiers, « naturels ». H faut doncéviter, qu'au

sortir

del'écolenormaleetreprisparleshabitudes de

leur milieu, ils ne perdent un vernis trop superficiel pour résister longtemps. Contrece dangerF. Pécautpropose une parade : « Je vou¬

drais quelesélèves-maîtresemportassentaveceux, unelistede vingtou trentevolumes, dressée avec soinpar le directeur, de concert avec les professeurs, qui leur servît deguide pour laformation de leur biblio¬

thèqueprivée. Uninstituteur quialabonnepensée desemunir, dansles premières années, d'uncertain nombre d'ouvrages choisis avec discer¬

nement, et qui s'abonne en outre, à unefiche pédagogique, est un hommeàpeu prèssauvépour l'avenir. »(9)

Vingt ou trente volumes

pour

toute une vie ne sont pas un bien importantviatique!

Un personnagederoman nous sembletoutàfaitreprésentatifde ces

instituteurs-paysans des premières générations. C'est M. Rambourg, le directeur de l'école, décrit par Jules Leroux, dans son roman auto¬

biographique(10)et quiaccueillesonnouveladjoint parcesmots:

« Pourvous distraire, vous avez le tabac, la promenade, la char¬

pente etlabasse-cour.

Il yaaussila lecture...

La lecture ?... Oui, si onveut, maisilnefaut pasenabuser.Moi, je nelisjamais quelejournal et, chaque mois, lebulletin administratif.

Lire ? Pourquoi ? Pour s'instruire ? N'ensavons-nouspas assezpour décrotter lesmioches ?Poursedistraire ?Çanevaut rien. »

Chargé de distribuer les livres de la Bibliothèque municipale, le dimanche, à midi, il s'acquitte de sa tâche en dépit du bon sens eten

toute bonne foi, ignorant superbement les récriminations que ses

distributionsauhasardnemanquentpasdesusciter:

«C'estletroisièmevolume !

Ça nefait rien. Tu t'amuseras à copier les mots difficiles. Ça t'apprendra l'orthographe ! (...)

Monsieur!c'estl'histoire d'unâneetdedeuxjeunesfilles ! Bon !sic'estl'histoired'unâne, tunepourrais trop la lire. »

En matièremusicale,lesgoûtsdeM. Rambourg etdesonépousesont exécrables. Ilspossèdentun phonographeetinvitent lenarrateur à une

Étudesetrecherches 35

de ceux-là mêmes qui les pratiquent. A. Lavergne, meten scène un instituteur qu'U fait parler ainsi (7) : « Il n'y a qu'une seule et belle langue, lafrançaise. Toutleresten'estqu'uncharabiadebohémiens, de canaques, un idiome grossierqueparlent lescharretiers, lesvoyous,les pasgrand-chose »(8). Cetinstituteur,lui-mêmelanguedocien, affectede

neparler qu'enfrançais.

Récemment acculturés donc, la plupart des instituteurs n'entre¬

tiennentpas avec lelivre des rapports famUiers, « naturels ». H faut doncéviter, qu'au

sortir

del'écolenormaleetreprisparleshabitudes de

leur milieu, ils ne perdent un vernis trop superficiel pour résister longtemps. Contrece dangerF. Pécautpropose une parade : « Je vou¬

drais quelesélèves-maîtresemportassentaveceux, unelistede vingtou trentevolumes, dressée avec soinpar le directeur, de concert avec les professeurs, qui leur servît deguide pour laformation de leur biblio¬

thèqueprivée. Uninstituteur quialabonnepensée desemunir, dansles premières années, d'uncertain nombre d'ouvrages choisis avec discer¬

nement, et qui s'abonne en outre, à unefiche pédagogique, est un hommeàpeu prèssauvépour l'avenir. »(9)

Vingt ou trente volumes

pour

toute une vie ne sont pas un bien importantviatique!

Un personnagederoman nous sembletoutàfaitreprésentatifde ces

instituteurs-paysans des premières générations. C'est M. Rambourg, le directeur de l'école, décrit par Jules Leroux, dans son roman auto¬

biographique(10)et quiaccueillesonnouveladjoint parcesmots:

« Pourvous distraire, vous avez le tabac, la promenade, la char¬

pente etlabasse-cour.

Il yaaussila lecture...

La lecture ?... Oui, si onveut, maisilnefaut pasenabuser.Moi, je nelisjamais quelejournal et, chaque mois, lebulletin administratif.

Lire ? Pourquoi ? Pour s'instruire ? N'ensavons-nouspas assezpour décrotter lesmioches ?Poursedistraire ?Çanevaut rien. »

Chargé de distribuer les livres de la Bibliothèque municipale, le dimanche, à midi, il s'acquitte de sa tâche en dépit du bon sens eten

toute bonne foi, ignorant superbement les récriminations que ses

distributionsauhasardnemanquentpasdesusciter:

«C'estletroisièmevolume !

Ça nefait rien. Tu t'amuseras à copier les mots difficiles. Ça t'apprendra l'orthographe ! (...)

Monsieur!c'estl'histoire d'unâneetdedeuxjeunesfilles ! Bon !sic'estl'histoired'unâne, tunepourrais trop la lire. »

En matièremusicale,lesgoûtsdeM. Rambourg etdesonépousesont exécrables. Ilspossèdentun phonographeetinvitent lenarrateur à une

«soiréemusicale» etlui fontentendresuccessivementtroismorceaux :

« Pas redoubléde lagarderépubUcaine », «Les cloches de CorneviUe, Vapetit mousse... » Enfin : un « Monologue comique de militaire, de PoUn ».

UNE CULTURE *HATIVE »

Les troisannées d'école normaleontétévécuesdans la tension, avec toujours à l'horizon la perspective d'un examen à passer. Pour se

présenter au concours d'entrée, il a faUu passer avec succès lebrevet élémentaire ;puis pourpasserdepremièreen deuxième année,il afallu satisfaireencore à un examen ; la troisième annéepourrait être consa¬

crée à l'acquisition d'une culture moins « hâtive », mais un échec au Brevet supérieur, obligatoirementprésentéàlafin deladeuxième année entraînele renvoi del'école. Lescandidats malheureux sontnéanmoins nommésinstituteurs-stagiairespar l'Inspecteurd'académie, lerésultatle plusclairdurenvoi étant*d'introduire dansles cadresdessujetsayant uneculture diminuée »(11).

Dans les écoles normales de filles, on n'enseigne pasmoins de vingt-trois matières : lapsychologieetlasociologie(appliquéesàl'éducation), lapédagogie,la morale, laphUosophie scientifique, lalanguefrançaise, laUttérature, l'histoire, la géographie, les langues vivantes, les mathé¬

matiques, les sciences physiques et naturelles, l'hygiène, l'économie domestique, les manipulations, le dessin artistique etle modelage, le dessingéométrique,lechantetla musique,lestravauxménagers,l'horti¬

culture.

CommentairedeMarguerite Bodin : « On risquede nedonner qu'une culture superficielle, onn'apprend pas àpenser. > Et elle ajoute cruel¬

lement« Lesécoles normalesont,engénéral, une riche bibliothèque qui n'est làquepour laparade, carles élevés-maîtres n'ont pasle tempsde

lire. »

Tous les enseignants ne passent pas par une école normale. « Pour combler les vides lit-on dans « Pages libres » on est dans la nécessité d'accepter despostulants quelconques, pourvus seulement du brevetélémentaire, àvraidire, nesachantrien. »(12)

Maurice Talmeyr dans la « Revue des Deux mondes » datée du 1er

juin 1897, exprime lamême suspicion quant àla valeur dece diplôme,

«soiréemusicale» etlui fontentendresuccessivementtroismorceaux :

« Pas redoubléde lagarderépubUcaine », «Les cloches de CorneviUe, Vapetit mousse... » Enfin : un « Monologue comique de militaire, de PoUn ».

UNE CULTURE *HATIVE »

Les troisannées d'école normaleontétévécuesdans la tension, avec toujours à l'horizon la perspective d'un examen à passer. Pour se

présenter au concours d'entrée, il a faUu passer avec succès lebrevet élémentaire ;puis pourpasserdepremièreen deuxième année,il afallu satisfaireencore à un examen ; la troisième annéepourrait être consa¬

crée à l'acquisition d'une culture moins « hâtive », mais un échec au Brevet supérieur, obligatoirementprésentéàlafin deladeuxième année entraînele renvoi del'école. Lescandidats malheureux sontnéanmoins nommésinstituteurs-stagiairespar l'Inspecteurd'académie, lerésultatle plusclairdurenvoi étant*d'introduire dansles cadresdessujetsayant uneculture diminuée »(11).

Dans les écoles normales de filles, on n'enseigne pasmoins de vingt-trois matières : lapsychologieetlasociologie(appliquéesàl'éducation), lapédagogie,la morale, laphUosophie scientifique, lalanguefrançaise, laUttérature, l'histoire, la géographie, les langues vivantes, les mathé¬

matiques, les sciences physiques et naturelles, l'hygiène, l'économie domestique, les manipulations, le dessin artistique etle modelage, le dessingéométrique,lechantetla musique,lestravauxménagers,l'horti¬

culture.

CommentairedeMarguerite Bodin : « On risquede nedonner qu'une culture superficielle, onn'apprend pas àpenser. > Et elle ajoute cruel¬

lement« Lesécoles normalesont,engénéral, une riche bibliothèque qui n'est làquepour laparade, carles élevés-maîtres n'ont pasle tempsde

lire. »

Tous les enseignants ne passent pas par une école normale. « Pour combler les vides lit-on dans « Pages libres » on est dans la nécessité d'accepter despostulants quelconques, pourvus seulement du brevetélémentaire, àvraidire, nesachantrien. »(12)

Maurice Talmeyr dans la « Revue des Deux mondes » datée du 1er

juin 1897, exprime lamême suspicion quant àla valeur dece diplôme,

Etudesetrecherches 37 décerné par « des négociants, des électeurs influents, en qualité de délégués et s'y entendanten sciences,en histoire, engrammaire, àpeu prèscommelesjurésenjustice... »

Or, grâce aux «états de situation » que publie chaque année le Ministère, onapprendquelesinstitutricesenpostesontloindeposséder toutes lebrevetsimple. Dans le résuméde 1896, au tableau 14, relatif aux « Titres de capacité du personnel enseignant », on compte 2 734 femmes etjeunes filles «non brevetées », tantparmiles directrices que lesadjointes,stagiaires ettitulairesdesécolespubUques.

Les dérogations (à une

loi pourtant

vieille déjà d'une vingtaine d'années)nesefontqueparlebas. Rose,l'héroïnede «LaMaterneUe» de Léon Frapié (13) ne peut postulerà un poste

d'institutrice

parce qu'eUen'apaslediplômevoulu:elleestUcenciéeès-Iettres !

Le «Volume» du 10 décembre 1904fait étatd'un projet de réforme pour « releverleniveaudeculturegénérale »ressenti commeinsuffisant parlacorporationelle-même(14).

LA GRANDESOLITUDEDE L'INSTITUTEUR RURAL

Lancée en 1901, la revue « Pages libres » déclare vouloir aider l'instituteur * effroyablement isolé dans lescampagnes, loin de tous les

grands courants intellectuels », trop mal payépour s'offrir le luxe de souscriredesabonnementsetd'acheterdesUvres ! « Lorsquejeveuxme

procurer unlivre (...) jemangeunpeumoinsdepain etplusdepommes deterre ;jeboisde l'eau »écrit uninstituteur deSeine-et-Oise dansune lettre adressée à la revue. Et ils sont nombreux à exprimerles mêmes doléances.

On a bien créé, ici et là, des bibliothèques pédagogiques dépar¬

tementales. Mais le chef-Ueu estloin. Prendre le train occasionne des dépenses. Se rendre,unefoisl'an, àlaConférence pédagogique estdéjà tout une affaire. On vit repUé sur soi : « Moi, je nefréquente pas les

collègues, je ne reçois personne, je ne vais chez personne,je vis tranquille »

dit

un personnage de JulesLeroux (15)etle narrateur

lui-même, jeune instituteur pourtant plein d'allant au sortir de l'école normale, finit par « se laisser,aller au train-train de son existence calme,sansévénementsetsansgrandefatigue, s'enlisantpeu à peu... »

«

L'École

nouvelle » (16) fustige cette

attitude.

Sous

la

plume de Boucheron, eUen'a pas demots assezdurs pourceux quivivent ainsi :

Etudesetrecherches 37

décerné par « des négociants, des électeurs influents, en qualité de délégués et s'y entendanten sciences,en histoire, engrammaire, àpeu prèscommelesjurésenjustice... »

Or, grâce aux «états de situation » que publie chaque année le Ministère, onapprendquelesinstitutricesenpostesontloindeposséder toutes lebrevetsimple. Dans le résuméde 1896, au tableau 14, relatif aux « Titres de capacité du personnel enseignant », on compte 2 734 femmes etjeunes filles «non brevetées », tantparmiles directrices que lesadjointes,stagiaires ettitulairesdesécolespubUques.

Les dérogations (à une

loi pourtant

vieille déjà d'une vingtaine d'années)nesefontqueparlebas. Rose,l'héroïnede «LaMaterneUe» de Léon Frapié (13) ne peut postulerà un poste

d'institutrice

parce qu'eUen'apaslediplômevoulu:elleestUcenciéeès-Iettres !

Le «Volume» du 10 décembre 1904fait étatd'un projet de réforme pour « releverleniveaudeculturegénérale »ressenti commeinsuffisant parlacorporationelle-même(14).

LA GRANDESOLITUDEDE L'INSTITUTEUR RURAL

Lancée en 1901, la revue « Pages libres » déclare vouloir aider l'instituteur * effroyablement isolé dans lescampagnes, loin de tous les

grands courants intellectuels », trop mal payépour s'offrir le luxe de souscriredesabonnementsetd'acheterdesUvres ! « Lorsquejeveuxme

procurer unlivre (...) jemangeunpeumoinsdepain etplusdepommes deterre ;jeboisde l'eau »écrit uninstituteur deSeine-et-Oise dansune lettre adressée à la revue. Et ils sont nombreux à exprimerles mêmes doléances.

On a bien créé, ici et là, des bibliothèques pédagogiques dépar¬

tementales. Mais le chef-Ueu estloin. Prendre le train occasionne des dépenses. Se rendre,unefoisl'an, àlaConférence pédagogique estdéjà tout une affaire. On vit repUé sur soi : « Moi, je nefréquente pas les

collègues, je ne reçois personne, je ne vais chez personne,je vis tranquille »

dit

un personnage de JulesLeroux (15)etle narrateur

lui-même, jeune instituteur pourtant plein d'allant au sortir de l'école normale, finit par « se laisser,aller au train-train de son existence calme,sansévénementsetsansgrandefatigue, s'enlisantpeu à peu... »

«

L'École

nouvelle » (16) fustige cette

attitude.

Sous

la

plume de Boucheron, eUen'a pas demots assezdurs pourceux quivivent ainsi :

Dans le document JOURNAL DE CLASSE (Page 31-43)