• Aucun résultat trouvé

Chapitre 2 : CADRE CONCEPTUEL ET METHODOLOGIQUE

2.1 Cadre conceptuel

2.1.2 Pertinence scientifique et sociale de la recherche

Cette section analyse la pertinence scientifique de la présente thèse dans un premier temps. Dans un second temps, elle en examine la pertinence sociale dans les pays étudiés.

2.1.2.1 Pertinence scientifique

Les travaux de recherche portant sur les télécommunications demeurent rares, et en particulier en ce qui concerne les pays africains. Kane (2010) et Sutherland (2011a) font le même constat tant au plan général qu’en ce qui concerne spécifiquement le continent africain. Conséquemment, la question de la gouvernance des télécommunications demeure un parent pauvre dans la littérature sur les services publics, notamment urbains. Et ceci, en particulier dans le domaine de la sociologie ou de l’anthropologie. Malgré la forte contribution des géographes, économistes, juristes et autres spécialistes des sciences de l’information et de la communication dans le domaine des TIC et des télécommunications, les sciences sociales restent donc fort peu présentes dans l’intérêt pour ce domaine d’activités. Or, les enjeux souvent stratégiques en termes de politique, d’économie, de finance ou même de technologie,

interpellent non seulement l’État, les forces du marché mais aussi divers groupes d’intérêt et les citoyens. De plus, des travaux empiriques intégrant à la fois le point de vue des politiques et celui des acteurs font défaut, y compris sur des terrains africains. Et ceci quand bien même les usages des TIC, les enjeux liés aux services et équipements de réseaux urbains (Imbach 2011), les risques (Schiffino, Deblander et Dagnies 2009 ; Deblander, Schiffino et Eeckhoudt 2012) ou même les effets d’une gestion néo-patrimoniale des télécommunications (Sutherland, 2011a, 2011b et 2011c) sont examinés. De plus, Castells (1998) a suffisamment montré que même si la gestion d’un réseau peut se faire à distance et donc apparaît a-spatial, les éléments clés d’ancrage du réseau sont pour leur part fortement spatiaux, notamment en ce qui concerne les centres de décision. Dans les pays des Suds, les opérateurs se concentrent davantage dans les espaces urbains que dans ceux ruraux, en raison des facilités d’implantation physique, de la concentration des populations et d’une meilleure rentabilité attendue pour leurs investissements. De plus, les villes demeurent dans ces pays les centres de décision de l’État, des groupes de la société civile, les lieux de présence des médias, etc. En somme, ces derniers sont de potentiels lieux d’institutionnalisation de la confrontation entre acteurs multiples engagés autour des enjeux associés aux télécommunications.

La pertinence scientifique de cette recherche réside en ceci qu’elle veut, d’une part, contribuer à une meilleure connaissance sociologique et politique du secteur des télécommunications en Afrique et, d’autre part, à formuler une critique lucide de la gouvernance des télécommunications dans une dimension territoriale tout en tentant d’en comprendre les modalités pratiques. Elle veut également analyser les écarts entre normes officielles et institutionnelles formulées au niveau extraterritorial et normes pratiques en œuvre dans les contextes nationaux et locaux. Par ailleurs, en optant pour une stratégie de recherche pluridisciplinaire et empirique, cette recherche propose une manière nouvelle d’aborder la question des télécommunications. Elle suggère non seulement un dépassement des lectures mono disciplinaires mais aussi ‒ et surtout ‒ en intégrant le point de vue des acteurs dans la compréhension de modalités institutionnelles d’actions généralement associées au politique ou à l’économique alors qu’elles recèlent également des composantes culturelles et symboliques. Une telle entreprise fournit des matériaux pour une compréhension sociale et politique d’enjeux liés à la régulation des télécommunications et à leurs modalités concrètes de déploiement. En définitive, cette sociologie politique des télécommunications propose, dans un cadre pluridisciplinaire, un renouvellement de ces problématiques en intégrant une lecture sociologique et politique de pratiques sociales territoriales concrètes dans un secteur technologique au sein duquel une variété d’acteurs interagit concernant des enjeux pluriels.

2.1.2.2 Pertinence sociale

Le secteur des TIC est central dans le positionnement technologique et social actuel de l’Afrique. Ceci, en raison, d’une part, du succès continuel de la téléphonie mobile et, d’autre part, de la diversité des usages des TIC et de la multiplication d’actions citoyennes dans le domaine. Pour cause, de nombreuses problématiques de la gouvernance des télécommunications renvoient autant à des questions géostratégiques et commerciales (octroi des licences, gestion des interconnexions entre opérateurs, surveillance du trafic international ou domestique, les fonds alloués à la fourniture du service universel, etc.), qu’à des problématiques davantage communautaires, au sens de populations (production de contenus numériques mobiles, etc.) ou encore territoriales (le déploiement d’infrastructures de réseaux, les phénomènes de type NIMBY, etc.). L’accroissement d’activités locales de production de contenus numériques mobiles (développement d’applications mobiles par exemple) adaptées aux besoins de communautés locales, tout comme la recrudescence des mobilisations de riverains et de groupes d’intérêt contre l’implantation d’infrastructures de télécommunications au nom du principe de précaution et de la prévention du risque sont quelques éléments des interactions entre les différents acteurs des télécommunications (État, marché, groupes d’intérêt et citoyens) en Afrique de l’Ouest.

La pertinence sociale de cette recherche réside de fait dans son ambition de mettre en lumière les contraintes et opportunités des politiques publiques dans le domaine des télécommunications, à partir d'entrées empiriques. De plus, elle vise à comprendre les rationalités des acteurs, leur positionnement et leurs attentes vis à vis des pouvoirs publics, mais aussi l’inverse. En clair, la recherche produit des connaissances socialement utiles, de nature à permettre aux différents acteurs d’engager éventuellement un débat public autour d’une part des mobilisations contre le déploiement d’infrastructures de réseaux, et d’autre part de la production de contenus numériques mobiles.