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4. 1 La perte des terres agricoles au profit de l'urbanisation:

La perte des terres au profit de l'urbanisation s'inscrit dans un cadre plus global, celui de la dégradation de ressources naturelles. Et c'est bien de cela qu'il s'agit quand le foncier agricole est régulièrement détruit par la construction. On estime aujourd'hui à 162.000 hectares les terres agricoles algériennes détournées de leur vocation initiale.

Depuis 1962, des milliers d'hectares sont "sacrifiés"56 au profit du développement urbain, entraînant une nette régression de la SAU par habitant qui passe de 0,80 ha/hab. en 1962 à 0,13 ha/hab. en 2005. La pression qui s'exerce en permanence sur les sols amplifie celle déjà enregistrée

52 GRANIER, Gérard. "La propriété foncière des habitants de Constantine". Université de Constantine. C.R.I.D.E.A. , 1973, p. 2.

53 400.000 hectares seront rendus à leurs propriétaires.

54 CHARVET, Jean-Paul . "Nourrir six milliards d'hommes". Conférence, Le Havre, 6 mars 2002 [En ligne].http://www. ac-rouen.fr/hist-geo/doc/cfr/6mm/6mm.htm (page consultée le 26/01/2004).

55 Discours du Ministre de l'Agriculture du 07 février 2005. Le quotidien EL Watan n°4309 du 08 février 2005. 56CNES. "Communication sur le foncier agricole" [Enligne].http://www.cnes.dz/(page consultée le 15/10/2004).

autour des zones urbaines. Dans les années 80', 80.000 hectares de terres ont été perdues dont 10.000 en irrigué au bénéfice des villes et de l'industrie. Il faudrait ajouter les retraits systématiques de terres au profit de l'urbanisation puisqu' à la fin de 1995, 200.000 hectares sont ainsi concernés (RGA 2001).

L'extension urbaine d'Alger s'est faite essentiellement au dépens des terres agricoles à haute potentialité de la Mitidja (10% de la superficie) et du Sahel où le bâti occupe actuellement 21 % et 80 % pour les seules retombées Sud du Sahel. La périphérie est marquée par un mitage extrême57 avec "alternance des paysages ruraux et paysages urbains" et le développement de noyaux de constructions à l'intérieur des parcellaires agricoles. A plus petite échelle, Oran connaît un phénomène semblable toutefois avec des excroissances plus compactes et bien délimitées.

Le mitage des campagnes par l'urbanisation a fragmenté, entre autres exemples, les vergers au Nord de Constantine, ceux du Hamma Bouziane ( réduits à 520 ha) ainsi que la propriété le long des axes mécaniques, en perte aujourd'hui devant l'avancée des constructions.

La constitution de noyaux d'habitat autour d'anciennes fermes coloniales ou celles appartenant aux familles citadines a enclenché une déstructuration du domaine agricole. L'urbanisation illicite au sud de Constantine (Sissaoui) témoigne de ce processus que l'on observe également autour d'autres villes comme Skikda ou Annaba.

L’étude de la commune de Béni Bachir58, dans la wilaya de Skikda, montre que le mitage de l'espace agricole est le résultat de plusieurs actions néfastes relatives au morcellement des terres et au développement de la construction individuelle et d'activités non agricoles (rurbanisation informelle) déploiement de constructions individuelles et des activités non agricoles. Les communes rurales, de par ces faits, n'ont parfois plus la qualité d'être rurales et ne deviennent pas pour autant urbaines.

La croissance de Constantine, sur une vingtaine d'années, a consommé près de 8000 hectares de terres agricoles (estimation faite pour toute la wilaya) dont 5.628 ha par les quatre (4) villes satellites. Et, depuis 1990, 4.304 hectares ont été pris sur le secteur agricole pour des travaux routiers (soit 10%), une Zone d'Activité Communale (soit 23%) et pour les besoins du P.D.A.U. (soit 67%) [cf. Fig. 4 p. 90].

57 BENDJELID, Abed. "Les territoires métropolitains d'Alger et d'Oran: décision centrale, application et effets de l'image de la capitale sur le pouvoir local in "Alger, lumières sur la ville"- Colloque international EPAU, Alger Mai 2002, pp. 436 à 445.

58MAAROUF, L. BOUABAZ, A. " Phénomène de mitage et de rurbanisation informels dans la commune de Béni Béchir, wilaya de Skikda en Algérie ". Étude faite en 2003. Département Architecture et Urbanisme. Université Mentouri de Constantine.

A l'échelle nationale, selon la cellule de communication du Ministère de l’Agriculture, on estime que "plus de 112 000 autres hectares de terrains agricoles seront[, toutefois,] urbanisés à moyen

et à long termes"59 d'autant que les plans directeurs de l’aménagement et de l’urbanisme (PDAU), déjà approuvés, sont parfois détournés de leur objectif principal et leurs Plans d’occupation du sol (POS) dénaturés de façon à intégrer des espaces agricoles dans "le compte des réserves foncières urbanisables".

Par ailleurs, les vastes étendues côtières sont menacées par le béton pour des extensions résidentielles (à l'ouest d'Alger, cas du Club des pins) ou pour la construction de grands complexes touristiques (Sahel d'Alger). Il faudrait, à ce propos, rappeler que depuis 2001 la politique du tourisme est en contradiction avec celle de l'agriculture et de l'aménagement du territoire; les deux dernières s'orientant davantage vers les principes de protection de ressources naturelles et de biodiversité, et vers les actions de développement durable.

L'Etat n'est plus seul à puiser dans le patrimoine agricole pour ses réalisations. Ces cinq dernières années, ce sont dilapidations et transactions illégales du foncier agricole par les particuliers, avec sous-locations, vente de droit de jouissance, objectifs d'exploitation autres qu'agricoles.

Toutes ces opérations illégales sur les terres de l’État ont finalement entraîné l'urbanisation de pas moins de 126.000 hectares appartenant au domaine privé de l'Etat (enquête sur le foncier agricole, mars 2005). Elles demeurent préjudiciables pour l'arrière pays de grandes villes telles Alger, Oran et récemment Annaba mais également pour les petites agglomérations de la couronne urbaine déséquilibrées par l'expansion incontrôlée des métropoles.

C’est en permanence que le foncier agricole fait l'objet de plaintes et d'affaires pendantes au niveau des chambres civiles et administratives pour des motifs de double exploitation, concession illégale et constructions illicites sur des terres agricoles. Les mesures prises, en général, vont du gel des droits réels à la sanction pénale de même que la démolition des constructions illicites érigées sur des terres agricoles.

59 BENCHABANE. A. "Plus de 270 000 ha livrés au béton". Le quotidien "El Watan", 19 janvier 2005 [Enligne].www. algeria-watch.de/fr/article/eco/terres/urbanisation_sauvage.htm (page consultée le 30/03/2005).

Aujourd'hui, les pouvoirs sous tutelle comptent exercer le droit de préemption dévolu à l'Etat pour reprendre possession des terres et procéder à leur redistribution, comme ils l'ont déjà fait par le passé (une centaine d’hectares du domaine Bouchaoui ont déjà été récupérés en octobre 2002 sur arrêté de la wilaya d’Alger).

D'autres solutions sont apportées par les institutions du monde rural qui, en poursuivant une politique de récupération des terres cultivables, amènent d'autres services à en faire autant. Et c'est dans cet esprit que la direction de l'Etablissement de gestion aéroportuaire (EGSA) de Constantine60 " met aujourd'hui en exploitation par adjudication 555 ha de terrain à usage agricole situés au niveau des aéroports de Annaba (380 ha), de Jijel (75ha) et de Constantine (100ha) avec l'obligation de se conformer à certaines conditions tenant compte de la particularité des sites aéroportuaires.

Le patrimoine foncier, en attendant l'avant-projet de loi relatif au foncier agricole et le parachèvement de la loi d'orientation agricole (pour le premier semestre de 2005), est soumis à des enquêtes administratives sur toute transaction effectuée en violation "de la loi n°87-19 de 87 modifiée et complétée déterminant le mode d’exploitation des terres agricoles du domaine national"61.

Les différents services concernés sont pressés d'intervenir pour préserver les terres agricoles et l'environnement tout entier (politique de plusieurs ministères); le contentieux du foncier étant par ailleurs devenu quasi permanent entre les représentants de l'habitat (la DUC) et ceux de l'agriculture.

Pour le cas de la ville de Constantine, les dispositions arrêtées par la Commission nationale chargée de la préservation des terres agricoles face à l'urbanisation et leur mise en œuvre ont, depuis 1997, réduit de façon appréciable l'ampleur des extensions projetées par le P.D.A.U. Elles sont à l'origine d'un ensemble de mesures (et services) ainsi que de la mise en place de comités intercommunaux de contrôle et de surveillance62 qui multiplient les rapports sur les infractions et leur signalement à l'APC et à l'autorité de tutelle (le Wali).

Il semble que l'urbanisation et son empiètement sur les terres agricoles sont aujourd'hui inséparables d'une vision nouvelle de la périphérie liée à la protection de l'environnement. Les différentes infractions à la règle et les conflits qui surviennent ne sont que les signes apparents de changements qui s'opèrent entre les espaces (rural et urbain) et la prise en charge de ces derniers qui, à terme, devrait préparer à une revitalisation de l'ensemble des territoires.