• Aucun résultat trouvé

II. 2.3. 2 Le facteur économique de la cohésion sociale: le projet urbain

III.1 Développement urbain: des dimensions institutionnelle et économique

III.1.1 Métropoles et Etats imparfaits

ou l'absence d'une autonomie de régulation

C'est à travers la mise en place de programmes d’ajustement et de politiques d'intégration globalisées que les pays non développés adhèrent au processus de globalisation.

Cette adhésion, cependant, n’est pas sans créer une inadéquation ou incohérence entre le maintien d’une gestion centralisée des territoires et les actions désormais menées pour une intégration au système économique global.

Elle pose la question du dépassement des conflits et du mode de régulation afin d'enclencher le changement politique et institutionnel.

Elle pose également la question de la désétatisation et du retrait de l'Etat des affaires publiques, processus qui n’est pas essentiellement de nature juridique et institutionnelle.

La désétatisation, proche du langage mondialiste, signifierait davantage "dépolitisation de l’économique" ou non intervention de l'Etat dans la régulation de l'économie.

Les Etats, progressivement exclus des prérogatives économiques, leur souveraineté diminue au profit d’organisations mondiales (telles que le Fonds Monétaire International, la Banque mondiale et l’Organisation Mondiale du Commerce), de firmes et parfois de pouvoirs locaux.

Cependant, malgré ces tentatives d’homogénéisation du modèle économique et du mode de "gouvernabilité" des territoires, les Etats restent différenciés par l’héritage politique et le fonctionnement conventionnel de leurs institutions.

Pour les Etats du Maghreb dont on sait toute l’autorité politique (au dépens du projet collectif et social) mais également la protection à l’endroit de l’initiative privée, la désétatisation pourrait signifier "non gestion" des affaires publiques, des territoires et des villes.

Jusque là, "l'idée de constitution" (Michel Camau, 1983) à laquelle les différents pays sont attachés, ainsi que leur référence à des pouvoirs institutionnalisés ou l'affirmation de principes démocratiques n’ont pas construit l’Etat de droit ni même fait progresser la société civile. Quant au principe de l’alternance, en dehors du secteur économique, il n'est pas actif.

Aujourd’hui, les Etats du Maghreb plaident pour l’ouverture et le libéralisme économique et politique, il n’en demeure pas moins que le discours est en rupture avec la réalité.

L'Etat, aujourd'hui, sans perdre de son pouvoir sur le territoire national se reconstitue en une forme d'"Etat imparfait"1 qui serait plus significatif pour qualifier (comme dans le cas des économies de l’Est en transition) des Etats dont la constitution politique et institutionnelle reflète le pouvoir de groupes de pression et explique davantage la présence de "marchés imparfaits" faisant, en quelque sorte, l'impasse sur le projet libéral et sa réglementation (recours au monopole et la concurrence monopoliste).

Le phénomène d'imperfection s'accentue dans les pays du Maghreb avec ce qu'on appelle le "néo-patrimonialisme" et qui révèle un rapport d’appropriation privative des ressources nationales, et la présence d'acteurs non étatiques qui contribuent à la dé-régulation politique2.

Il arrive finalement que l'Etat "n'est pas le champ dans lequel s'équilibrent les trois pouvoirs

(législatif, judiciaire, exécutif)"3 et que le rôle de l'armée devient prépondérant dans la gestion du pays (exemples de l'Algérie et de certains pays d'Afrique ou d'Amérique latine etc.).

La dérégulation se traduit également par des informalités au niveau des espaces urbains et les dispositifs de leur gestion4, et pose, en permanence, les questions relatives à la viabilité de l'action publique, la cohérence urbaine et la cohésion sociale au sein même des villes.

Généralement, l'appel à la cohérence est révélateur d'un système culturel et social en crise (Alain Touraine). Et, plus le système de décision est centralisé (comme dans le cas des pays du Maghreb), plus les crises et les conflits induits peuvent mettre en cause le système de pouvoir en place.

L'Etat, pris dans une spirale d'instabilité économique et politique (cas particulier de l'Algérie), a peu de chance d'être un Etat régulateur. La fonction de régulation est dévolue en réalité aux Etats de pays développés, qui, aujourd'hui, répondent au système néo-libéral par la reconstruction de la régulation et "l’invention de nouvelles architectures concurrentielles des marchés"5.

L'imperfection ou le caractère inachevé des Etats s'accentue par le fait qu'au processus de désétatisation, on continue à valoriser l'Etat territorial dans les pays non développés ou émergents.

1 LABARONNE, Daniel. "Privatisation et Etats imparfaits dans les économies en transition". Colloque Université d'Automne du GRECOS sur les " Nouvelles technologies, strtégies des firmes et développement territorial", Marrakech du 30 octobre au 1er novembre 2001.

2 MOST. "Gouvernance démocratique et réduction des inégalités dans les pays arabes". Colloque sur " les ONG et la gouvernance dans les pays arabes ", le Caire 29 au 31 Mars 2000 [Enligne]. http://www.unesco.org/most/ globalisation/govarab.htm (page consultée le 26/03/2003).

3 ADDI, Lahouari . "L'armée, la nation et l'État en Algérie" in Confluences Méditerranée, Printemps 1999-N°29, pp.39-46. ISNN 1148-2664 [Enligne].http://archives.univ-lyon2.fr/59/2/armee_etat_ nation.pdf (page consultée le 25/09/2006).

4 Cf. chapitre sur l'étalement urbain de Constantine –I 4 p.127.

5GLACHANT, Jean-Michel. "Les nouvelles analyses économiques de la régulation des marchés". Université de Paris XI- ADIS-GRJM-Contribution au colloque Droit de la régulation de l’UMR de droit comparé de l’Université Panthéon- Sorbonne, 29 et 30 avril 2004 [Enligne].http://netx.u-paris10.fr/aes/eiglachant.pdf (page consultée le 07/09/2006).

Or, si la territorialité de l'Etat n'est pas en cause. elle est toutefois au prix de nouvelles stratégies et de nouveaux rapports au territoire. Car, le système, dans son ensemble, devient incohérent d'autant que les facteurs ou les niveaux (comme les régions économiques supranationales ou localement les politiques publiques) qui contribuent à sa régulation ne sont pas mis en évidence ou n'existent pas. Le processus de dérégulation bouleverse les mécanismes institutionnels ou de territoire déjà en place. Il est à l'origine des difficultés de recompositions des Etats d'autant qu'il s'agit d'une dynamique incessante de la dérégulation (dérégulation/régulation/dé-régulation/ re-régulation) dans laquelle les pays non développés ont d'énormes difficultés à s'y inscrire

L'intégration au système économique mondial apparaît en définitive comme un déclencheur de crise.

Aujourd'hui, on s'étonne de la croissance déréglée des villes; pourtant l'évolution de ces dernières, non conforme certes à celles des villes modernes, est partie intégrante d'un système dans lequel la dérégulation immobilise l'ensemble des structures et empêche ainsi toute alternative à leur renouvellement.

Le sous-développement urbain est motivé par un contexte de crise qui va procéder au dysfonctionnement de l'urbanisation et du système urbain dans son ensemble . Ce qu'on appellera des "non villes " apparaissent comme des formes urbaines dé-régulées, déréglementées et enfermées dans une dynamique en continu (en boucle), celle du sous-développement urbain. Le système institutionnel et politique, loin de se reconfigurer, va développer des aspects composites entre ce qui est conventionnel et ce qui est motivé par les normes mondiales. Cependant, les processus de démocratisation économique et politique sont lents ou ne s'enclenchent pas, d'où les difficultés de restructuration à tous les niveaux.

Les opérations d’ajustement s’enchaînent sans que les effets en soient contrôlés : distorsions, dysfonctionnements, baisse brutale du niveau de vie, marginalisation des populations etc. Il n'est plus question que de relance de la croissance que des conséquences sociales de la politique d’ajustement. Les modalités d’intervention de l’Etat, quant à elles, changent. Le pouvoir de celui-ci s’affaiblit au fur et à mesure qu’il cède aux nécessités du Marché1.

L’Etat peut -il préserver sa territorialité et s’investir davantage dans les relations inter-étatiques plus précisément internationales, du fait de l’avancée de la mondialisation?

Il n’a plus, par ailleurs, la qualité exclusive d’acteur sur la scène internationale, face aux gouvernements d'entreprises et aux multinationales.

En principe, l’Etat, malgré une perte de crédibilité économique et politique"2, continue de représenter l’institution au plus haut niveau capable d’impulser les réformes nécessaires d’intérêt général. Mais son rôle d'arbitre entre différents acteurs de la vie sociale est atténué par la fonction d'intermédiaire qui lui est désormais attribuée par la Banque Mondiale et le FMI afin d'accompagner les réformes et l'ensemble des programmes économiques que ces institutions ont mis au point.

D'une certaine manière, l'autonomie de régulation, attendue des Etats et des villes, n'opère pas. Elle reste captive d'une politique mondiale, extérieure aux Etats.

1.ARAMA, Yasmina. " Mondialisation,………Globalisation……….quelle régionalisation pour le Maghreb ?". AWG 2001 Conférence in Malta- "Geographies of the Euro-Arab Encounter : Past, Present, and Future" du 4 au 7 octobre 2001.

2 DURAND, Marie-Françoise. LEVY, Jacques. RETAILLĖ, Denis. "Le monde espaces et systèmes". Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques. Dalloz, Paris 1993, p. 95.

III.1. 2 Métropoles et absence de pouvoir local