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Le patrimoine perpétue des valeurs du passé de même qu’il associe possession et jouissance collective. Et la patrimonialité serait cette disposition à reproduire le caractère patrimonial par la transmission du sens de la nature et la nécessité de sa protection, de même que la manière renouvelée de se représenter le paysage.

La patrimonialité pourrait d’ailleurs se justifier par la capacité du patrimoine à produire sa propre dynamique pour sa seule survie ( exemple de patrimoines fonciers familiaux ou de la propriété rurale de citadins). Partant de là, certaines structures agraires survivent sur la base de ces principes, s’opposant ainsi à une capitalisation totale de l'agriculture.

En Afrique, par exemple, le dispositif de sécurisation foncière et le processus d’accumulation ont abouti à une "patrimonialisation"52 de la terre et des ressources.

Cependant, il ne peut y avoir de patrimonialité sans l’intervention d'individus, défenseurs de la cause patrimoine et participant de fait à la définition d'une identité culturelle et conscience patrimoniale. Habiter par exemple le patrimoine "Casbah d'Alger" devient une "question sociale"53 qui implique les habitants dans la mise en oeuvre de la sauvegarde de leur ville ou de l'un des quartiers.

Qu'il s'agisse de patrimoine rural ou urbain le paysage devient le trait d'union. L'approche que l'on peut en faire, loin de l’étude morphologique de l’environnement, autorise à penser le paysage, à le construire intellectuellement et à l'analyser dans les composantes visuelles. Il est à la fois ce "paysage visible" et ce "cadre nouveau qui s'invente chaque jour"54.

48 LE COZ, Jean. " Espaces méditerranéens et dynamiques agraires- État territorial et communautés rurales".CIHEAM 1990. Options Méditerranéennes : Série B. N° 2 Espaces méditerranéens et dynamiques agraires, p. 379 [Enligne].http://ressources.ciheam.org/om/pdf/b02/CI900731.pdf (page consultée le 17/06/2004).

49FERRIER , Jean-Paul. " Pour une lecture post-urbaine de la Méditerranée du XXIe siècle" in Méditerranée, Paris CNED - SEDES, 2001 (paru: pp. 197-229).

50 LOISEAU, Jacques-Marie. TERRASSON, François. TROCHEL, Yves. " Le paysage urbain"cité dans " Paysage et aménagement urbain". Note de synthèse. Atelier Pierre Girardin Aménagement et Nature. Ministère de l’Équipement, des Transports et du Logement [Enligne].http://www.urbanisme.équipement.gouv.fr/cdu /accueil /elabproj/(page consultée le 01/01/2004).

51BERQUE, Augustin. CONAN, Michel. DONADIEU, Pierre. LASSUS, Bernard. ROGER, Alain. "Cinq propositions pour une théorie du paysage". Éditions Champ Vallon. Seyssel 1994., p. 6

52 LE ROY, Etienne. KARSENTY, Alain. BERTRAND, Alain. "La sécurisation foncière en Afrique- Pour une gestion viable des ressources". Editions Karthala, Paris 1996 p. 12.

53 DRIS, Nassima." Habiter le patrimoine : monde en marge et identité urbaine-La Casbah d’Alger ou le refuge des exclus" PDF. Université Européenne d’été "Habiter le patrimoine", Saumur, 13-16 Octobre 2003.

54 Ministère de l’Équipement, des Transports et du Logement." Paysage et aménagement urbain". Note de synthèse réalisée par l'Atelier Pierre Girardin et l'Association Aménagement et Nature pour le Centre de Documentation de l'Urbanisme [Enligne].http://www.urbanisme.équipement.gouv.fr/cdu /accueil /elabproj/ (page consultée le 01/01/2004).

Cependant, pris dans un sens pratique, le mot paysage "exprime le travail de l'homme sur la nature" (traditionnellement le paysage agraire) et l'aménagement qualitatif moderne qui se veut à la fois scientifique et artistique.

Dans les pays développés, les initiatives en faveur de la réhabilitation des paysages ont inspiré de nouvelles vocations, plus écologiques et esthétiques, au niveau de la production et de l'aménagement des espaces. Si l’agriculteur se transforme en jardinier du paysage, le paysagiste va plus loin dans ses investigations et désormais "s'inspire des valeurs esthétiques et symboliques du

jardin qui fonde sa culture d'aménageur"55.

Effectivement, comme l'indique Michel Conan, " La reconnaissance de la valeur du paysage dicte

une morale de l'aménagement"56 qui pourrait certes enfermer l'espace dans des paysages-patrimoines ou plutôt contraindre l'aménagement à s'inscrire dans une vision paysagère et à composer avec la nature.

Une critique, sous-jacente à la morale de l'aménagement, est implicitement faite aux politiques d'urbanisme à l'origine de modèles urbains en série banalisés et qui, dans leur ensemble, ont toujours négligé les critères qualitatifs relatifs à une réflexion paysagère globale.

Il arrive que certains évènements, liés à la gestion du territoire, tels la décentralisation en France, contribuent à renforcer la dimension paysagère dans l'aménagement et à montrer que celle-ci est une opportunité de dialogue qui peut s'avérer aujourd’hui utile pour régler divers problèmes économiques et sociaux.

Cependant, la nécessité de protéger le paysage dans les pays développés se pose en même temps que celle de son intégration dans le développement, une contradiction qui s'accentue avec les objectifs de rentabilisation de l'espace générés par la mondialisation économique, un dilemme qu'il faudrait cependant résoudre d'autant que le paysage est un élément dissuasif (une barrière) à l'étalement anarchique des villes. Par ailleurs, malgré une tradition de protection des monuments et sites dans les pays occidentaux, la législation de même que les politiques en place sont en deçà de ce que l'on pourrait en attendre pour la défense des paysages. Ces derniers en effet évoluent ("paysage prospectif")de même que la pensée qui les accompagne, et la seule vision patrimoniale devient par conséquent réductrice d'une dimension aussi complexe que celle du paysage.

L'enjeu du paysage, ne s'arrêtant pas à des considérations écologiques, pose différents problèmes qui relèvent du politique (autorité et représentation et même citoyenneté), ceux d'une approche exclusive ville/nature ainsi que ceux liés à une absence de professionnels (urbanistes, paysagistes, architectes….) dans les décisions d'aménagement et l'élaboration de toute réglementation relative au paysage en particulier.

Dans les pays non développés, la protection de site ou patrimoine naturel est insuffisante d'autant que les études d'impact qui demeurent l'"outil de base" pour la mise en œuvre de la protection de l'environnement ne sont pas systématiques.

La législation algérienne, quant à elle, se renforce d’une loi sur le patrimoine (1998)57. Cette dernière " a pour objet de définir le patrimoine culturel de la nation" (article 1er ), d’en prescrire les règles générales à des fins de protection, de sauvegarde et de mise en valeur.

Le classement des biens culturels immobiliers relève désormais de mesures de protection définitives. Ainsi les sites archéologiques, au même titre que les réserves archéologiques et les

55 DONADIEU, Pierre. "Entre urbanité et ruralité, la médiatique paysagère" cité dans "Paysage et aménagement urbain". Note de synthèse. Atelier Pierre Girardin Aménagement et Nature.

56Ministère de l’Équipement, des Transports et du Logement. " Paysage et aménagement urbain" op. cit.

parcs culturels sont soumis au classement par arrêté du ministre chargé de la culture après avis de la commission nationale des biens culturels.

Le patrimoine algérien, dès les années 70', fait l'objet d'un classement international58. Il s'agit avant tout de patrimoine historique appartenant à l'écosystème fragile ( Kalaa des Beni Hammed, vallée du M'Zab et Tassili) et de vestiges romains.

Pus tard, dans les années 90’, les ensembles immobiliers urbains tels que la Casbah d'Alger (classée en 1995) ou les villes du Sud ( au cœur du projet mondial Unesco/ PNUD : les routes des Ksour) sont érigés en "secteurs sauvegardés" et dotés par conséquent d'un plan permanent de sauvegarde et de mise en valeur tenant lieu de plan d'occupation des sols (article 43).

Constantine dont le classement du site a déjà fait l’objet d’une requête auprès de l’Unesco en 1998 pourrait, du fait de la loi, être inscrite sur la liste de l'inventaire supplémentaire, par arrêté du ministre chargé de la culture après avis de la commission nationale des biens culturels.

L’Arrêté du 2 mars 1992 a permis toutefois l’ouverture d’une instance en vue du classement des monuments et sites historiques (article 1er ) et c’est la vieille-ville de Constantine inscrite sur la liste (du classement) qui finalement bénéficie de la protection de la dite loi.

Jusque là, les pouvoirs publics ont cherché à intégrer le patrimoine dans un processus global de préservation. Il est bien question du "patrimoine culturel de la nation"; de même que les commissions (nationale et de wilaya), habilités au classement, sont des organes institutionnellement centralisés.

Chercherait-on par ailleurs à éviter les questions relatives à la prise en charge du patrimoine (opérations de sauvegarde et financement) sachant que l’Algérie n’a pas cette tradition de fouilles, de restauration et d’archivage?

En pratique, ce sont les dispositions générales du Plan d'Aménagement et d'Urbanisme (P.D.A.U.) qui définissent "les conditions permettant……, de protéger les périmètres sensibles, les sites, les

paysages;…"59. Ce qui est insuffisant malgré le fait que le P.D.A.U. a force de loi.

Une nouvelle lecture du patrimoine serait à faire. Elle irait dans le sens du paysage (naturel et culturel) et dans le respect des équilibres écologiques. La notion de paysage est à construire, quant au compromis durable auquel il faudrait aboutir dans les années à venir, il nécessite l’arsenal juridique et une grande rigueur quant à l'application des règles et des lois.

Si la question du paysage est à peine envisagée dans les pays non développés, pourquoi ne chercherait-on pas à préserver ce qui existe déjà: la campagne différenciée de la ville et maintenue en l'état pour les besoins de perpétuer les paysages agraires traditionnels et l'espace vital?

Ailleurs, dans les pays développés, la dichotomie spatiale (rural/urbain) est appréciée pour ce qu'elle est: un signe des plus éloquents de l'existence du monde rural (authentique). Et, ce sont désormais les lieux dégradés et délaissés par l'industrie traditionnelle qui deviennent "des espaces marginaux" et qui posent aujourd'hui aux villes le problème de leur patrimonialisation ou de leur aménagement futur(s).

58 BENABBAS-KAGHOUCHE, Samia. "La réhabilitation des médinas maghrébines: foncier, procédures et financement: cas de Constantine ".Vol I-II et Annexe. Thèse de Doctorat d'État en Urbanisme- 15 septembre 2002. Université Mentouri de Constantine. Département Architecture et Urbanisme. Faculté des Sciences de la Terre de la Géographie et de l'Aménagement du Territoire, p.31.

59 Loi n°90-29 du 1er Décembre 1990 relative à l'aménagement et l'urbanisme. "Recueils de textes législatifs et réglementaires relatifs au foncier et à l'urbanisme". Alger Décembre 1996, chap. III- section 1-art. 11.

II. 2 Patrimoine culturel industriel et nouvelle industrie

Dans les pays industrialisés, le recul de l'industrie classique amorce un processus de désindustrialisation/industrialisation. Ce dernier signifie à la fois mutations des techniques et technologies, et nouvelle géographie industrielle.

La restructuration touche le système productif et les territoires de l'industrie et de la ville, à l'échelle locale et régionale. L'espace industriel est désaffecté et sa reconversion n'est pas sans difficultés (décontamination, recyclage, coût élevé de ce dernier etc.).

Cependant, la requalification des friches industrielles en "patrimoine culturel" s'inscrit dans une démarche post-industrielle qui valorise l'histoire d'une industrie devenue classique et, parallèlement, ouvre une ère nouvelle de projets et d'aménagement urbains post- modernes.