• Aucun résultat trouvé

3.3 Fonctionnement du droit international humanitaire et impacts sur les situations

3.3.3 Catégories de personnes détenues

3.3.3.2 Personnes civiles

Les personnes civiles peuvent aussi être détenues par les parties aux conflits, mais pour des raisons différentes de celles liées aux prisonnier·ère·s de guerre. Selon la quatrième Convention de Genève, qui régit la protection des civils en temps de guerre, une personne civile peut être internée ou placée en résidence forcée seulement « si la sécurité de la Puissance au pouvoir de laquelle ces personnes se trouvent le rend absolument nécessaire »339 ou en territoire occupé pour « d’impérieuses raisons de

sécurité »340. L’article 42 de la quatrième Convention de Genève qui aborde cette

question a été interprété par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie

338 Ibid arts 97(4) et 108(2).

339 Conférence diplomatique de Genève, Convention (IV) de Genève relative à la protection des

personnes civiles en temps de guerre, supra note 232 art 42.

lors de l’affaire Delalić, alors que le tribunal a confirmé que l’internement des civils est autorisé « seulement si [la Puissance protectrice] a des raisons sérieuses et légitimes de penser que les personnes en cause sont susceptibles de nuire gravement à sa sécurité par des moyens tels que le sabotage ou l'espionnage »341.

C’est ainsi que, contrairement aux prisonnier·ère·s de guerre, les personnes civiles sont détenues « non pas en fonction des catégories fondées sur le statut, mais en fonction du fait qu'une personne représente ou non une menace pour la sécurité »342.

De ce fait, la durée de l’internement ne peut pas être indéfinie :

l'un des principes les plus importants régissant l'internement/la détention administrative est que cette forme de privation de liberté doit cesser dès que l'individu cesse de représenter une menace réelle pour la sûreté de l'État, ce qui signifie que la privation de liberté pour de tels motifs ne peut être illimitée [Notre traduction]343.

Les personnes civiles doivent donc être libérées « dès que les causes qui ont motivé [leur] internement n’existeront plus »344, que ce soit à la fin du conflit armé ou

lorsqu’il est encore en cours.

341 Le Procureur c Zejnil Delalić et consorts, jugement, 1998 Tribunal pénal international pour l’ex-

Yougoslavie au para 576.

342 Ryan Goodman, « The Detention of Civilians in Armed Conflict » (2009) 103:1 Am J Int Law 48 à

la p 53.

343 Jelena Pejic, « Procedural Principles and Safeguards for Internment/Administrative Detention in

Armed Conflict and Other Situations of Violence » (2005) 87:858 Int Rev Red Cross 375 à la p 382.

344 Conférence diplomatique de Genève, Convention (IV) de Genève relative à la protection des

Malgré le fait que dans le cas des personnes civiles le statut n’ait pas d’incidence sur les motifs de détention, une classification s’effectue tout de même entre différents types de personnes civiles, selon leur degré de participation au conflit armé. C’est ainsi que toutes les personnes qui combattent sans faire partie d’une force armée étatique – comme c’est le cas dans les conflits armés non internationaux – ne se qualifient pas comme prisonnier·ère·s de guerre, mais doivent quand même être catégorisées autrement que comme simple civil·e·s.

La catégorie « personne participant directement aux hostilités » englobe ces personnes civiles prenant part au conflit sans toutefois faire partie de forces armées étatiques ou de groupes armés. La distinction entre les termes «civil·e» et «civil·e participant directement aux hostilités» est importante en DIH puisque le premier est une personne protégée tandis que le deuxième peut être une cible légitime. Plusieurs critères encadrent cette qualification, qui a entraîné énormément de débats au cours des dernières années. Le CICR, dans son Guide sur la participation directe aux hostilités345, détermine officiellement les critères nécessaires à cette qualification, qui

comptent le seuil de nuisance346, la causation directe347 et le seuil de belligérance348.

Les personnes civiles qui répondent à ces critères peuvent être prises comme cibles et perdent de ce fait leur statut de personne protégée. Nous pouvons aussi inclure parmi les civil·e·s ayant perdu leur statut les espion·ne·s qui, sans uniforme démontrant une appartenance à une partie au conflit, peuvent être détenu·e·s comme civil·e·s. En

345 Niels Melzer, Guide interprétatif sur la notion de participation directe aux hostilités en droit

international humanitaire, Genève, 2010.

346 Ibid à la p 49.

347 Ibid à la p 53.

résumé, des critères très précis marquent la séparation entre celleux pouvant être pris comme cible lors de conflits armés versus celleux qui doivent être protégé·e·s.

La différence entre personne civile et combattant·e est primordiale en DIH et constitue l’un de ses fondements les plus profonds. Le principe de distinction, qui fait partie du cœur même du DIH, est entièrement construit autour de la protection des personnes et biens civils. La démarcation entre les combattant·e·s et les civil·e·s paraissait auparavant très claire, mais elle est maintenant troublée par la participation de plus en plus fréquente de personnes civiles lors de combats non traditionnels, créant une civilianisation des conflits et chamboulant les règles traditionnelles liées à la détention349.

Lors de la détention de personnes civiles, plusieurs niveaux de séparation et de classification existent, comme dans le cas des prisonnier·ère·s de guerre. D’abord, les personnes civiles doivent être logées séparément des prisonnier·ère·s de guerre et des personnes privées de liberté350 et les personnes protégées inculpées doivent être

séparées des autres personnes détenues351. Si des femmes doivent être logées avec des

hommes n’appartenant pas à leur unité familiale, elles doivent pouvoir dormir dans des lieux séparés352 et être placées sous surveillance de femmes353. Lors de conflits

349 Sassoli, Bouvier et Quintin, supra note 220 Chap 5 à la p 12.

350 Conférence diplomatique de Genève, Convention (IV) de Genève relative à la protection des

personnes civiles en temps de guerre, supra note 232 art 84.

351 Ibid art 76.

352 Ibid art 87(4).

353 Conférence diplomatique sur la réaffirmation et le développement du droit international humanitaire

armés non internationaux, le même principe de séparation entre les femmes et les hommes s’applique354. Les enfants doivent aussi être détenus dans des locaux séparés,

sauf dans les cas de familles logées ensemble355. L’unité familiale est très importante

dans la conception de la protection des personnes civiles qu’entretient le DIH, qui soutient que les membres d’une même famille doivent être, dans la mesure du possible, toujours internés ensemble 356. Par contre, malgré ce regroupement

obligatoire, la définition de famille n’est jamais explicitée dans les textes conventionnels de DIH.

À travers toutes ces définitions et explications du fonctionnement du DIH, nous pouvons clairement voir que ce corpus juridique est construit sur une multitude de catégories agissant de concert pour réglementer les corps interagissant durant les conflits armés. Pourtant, malgré toutes ces distinctions et règlementations précises, aucune n’aborde les personnes issues de la DSPG. La structure même du DIH est entièrement construite sur des binarités et une multitude de normes catégorisantes, concepts totalement opposés aux idées queer. Nous verrons dans la prochaine section quelles dispositions nous pourrions appliquer lorsque nous tentons d’accorder une

relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux (Protocole I), supra note 223 art

75(5).

354 Conférence diplomatique sur la réaffirmation et le développement du droit international humanitaire

applicable dans les conflits armés, Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949

relatif à la protection des victimes des conflits armés non internationaux (Protocole II), supra note 232

art 5(2) a]. .

355 Conférence diplomatique sur la réaffirmation et le développement du droit international humanitaire

applicable dans les conflits armés, Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949

relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux (Protocole I), supra note 223 art

77(4).

356 Conférence diplomatique de Genève, Convention (IV) de Genève relative à la protection des

certaine protection aux personnes de la DSPG lorsqu’iels se trouvent à l’intérieur d’un conflit armé.

3.3.4 Règlementation existante quant à la DSPG dans les contextes de conflits