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Droit international des droits humains et enjeux de la DSPG

En premier lieu, il est nécessaire de souligner qu’en droit international des droits humains (DIDH), les enjeux concernant les personnes de la DSPG ne sont que récemment mis à l’ordre du jour. En effet,

avant les années 1990, les mécanismes des Nations Unies en matière de droits de la personne n'avaient pas fait beaucoup pour lutter contre la criminalisation des actes homosexuels consensuels entre adultes, et ils ne reconnaissaient en aucune façon les violations des droits humains des personnes en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre [Notre traduction]286.

C’est à travers plusieurs jugements, résolutions et déclarations de pays qu’aujourd’hui, plus de droits sont accordés – ou du moins étendus – aux personnes de la DSPG. Le premier jugement international en faveur d’une personne issue de la DSPG est rendu en 1994, lorsque le Comité des Droits de l’Homme a jugé que les lois criminalisant l’homosexualité en Tasmanie violaient le droit à la vie privée selon l’article 17 du PIDCP287. Ce droit a d’ailleurs été interprété pour inclure les personnes

de la DSPG par le Comité des droits de l’homme, qui a réaffirmé en 2011 que la criminalisation de l’homosexualité par un État constituait une violation de la vie privée288.

La première résolution d’un organe des Nations unies qui traite spécifiquement des enjeux de la DSPG est la résolution sur les droits de l’homme, l’orientation sexuelle et l’identité de genre du Conseil des droits de l’Homme de 2011289. D’autres

résolutions propres aux organisations régionales traitent aussi des droits spécifiques

286 Bejzyk, supra note 16 à la p 382.

287 Toonen v Australia, 1994 Human Rights Committee paras 8.2-8.6.

288 UN Human Rights Committee (HRC), Concluding Observations of the Human Rights Committee :

Ethiopia, CCPR/C/ETH/CO/1, 2011 para 12.

289 Conseil des droits de l’homme, Droits de l’homme, orientation sexuelle et identité de genre,

de la DSPG, que ce soit en Europe290, dans les Amériques291 ou en Afrique292, le

niveau de protection variant selon les régions.

Des organes traitant d’enjeux particuliers ont inclus les droits des personnes de la DSPG dans leur champ de protection. D’ailleurs, c’est d’étendre l’interprétation de droits déjà existants jusqu’aux personnes de la DSPG qui est la manière la plus courante de protéger ces derniers. C’est ainsi que le Comité contre la torture a spécifié que l’interdiction de torture ou de mauvais traitement devait s’étendre à tous les groupes, et particulièrement les groupes à risque, comprenant les personnes de tous genres et orientations sexuelles293 . Le comité pour l’élimination de la

discrimination à l’égard des femmes a aussi pris position en faveur de la dépénalisation du comportement homosexuel et contre la discrimination à l’égard des femmes par rapport à l’orientation sexuelle et le genre294.

290 Parliamentary Assembly of the Council of Europe, Discrimination on the basis of sexual

orientation and gender identity, Res 1728, Doc No 1728, 29 avril 2010.

291 Organisation des États Américains, Human Rights, Sexual Orientation, and Gender Identity and

Expression, AG/RES 2863 (XLIV-O/14), 5 juin 2014.

292 Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, Resolution on Protection Against

Violence and Other Human Rights Violations Against Persons on the Basis of Their Real or Imputed Sexual Orientation or Gender Identity, Res 55/275, 28 mai 2014.

293 UN Committee Against Torture, General Comment No. 2: Implementation of Article 2 by States

Parties, CAT/C/GC/2, 2008 para 21.

294 Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, Examen des rapports

présentés par les États parties en application de l’article 18 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes: Observations finales,

Finalement, quelques textes font état des discriminations auxquels font face les personnes issues de la DSPG. Les Nations unies ont publié deux rapports, soit celui sur la Discrimination et violence à l’encontre de personnes en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre295 qui liste des discriminations que

subissent les personnes de la DSPG et celui intitulé Nés libres et égaux296, qui détaille

les obligations des États au niveau de la protection qui doit être accordée aux personnes de la DSPG.

Le plus important des textes à ce jour demeure les Principes de Yogyakarta. Cet ensemble de principes, élaborés en 2006 par des expert·e·s en droits humains, sert de guide interprétatif et de ligne directrice lors de la lecture d’autres textes de droits humains297. Bien que n’étant pas contraignant, l’objectif du processus était de

développer une série de principes juridiques internationaux sur l’application du droit international aux violations des droits humains fondées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre, afin d’apporter une plus grande clarté et une plus grande cohérence aux obligations qui incombent aux États en matière de droits humains298.

295 Conseil des droits de l’homme, Discrimination et violence à l’encontre de personnes en raison de

leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre, A/HRC/29/23, Assemblée Générale des Nations

Unies, 2015.

296 Haut Commissariat des Nations Unies aux droit de l’homme, Nés libres et égaux: Orientation

sexuelle et identité de genre en droit international des droits de l’homme, HR/PUB/12/06, New York

et Genève, 2013.

297 Nevenka Duric, Suncana Roksandic Vidlicka et Gleb Bogush, « Legal Protection of Sexual

Minorities in International Criminal Law » (2018) 6 Russ Law J 28 à la p 33.

298 Yogyakarta Principles: Principles on the Application of International Human Rights Law in

En complément à l’ensemble de ces textes, le Conseil des droits de l’homme a créé en 2016 le poste d’expert indépendant sur la protection contre la violence et la discrimination en raison de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre299 qui

s’occupe entre autres de vérifier la mise en œuvre des règles existantes en droits humains par rapport aux enjeux de la DSPG300.

Bien qu’il y ait eu un certain développement des droits au courant des dernières décennies, il reste qu’en général, les textes sur le sujet n’ont pas de force contraignante et les protections pour les personnes issues de la DSPG doivent pour la plupart être déduites de dispositions générales. Il est ainsi maintenant accepté que les droits déjà inclus dans les textes de droits humains s’appliquent aussi aux personnes de la DSPG. C’est la position qu’a soutenue la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples, la Commission interaméricaine des droits de l'homme ainsi que les Nations unies lors d’un dialogue conjoint portant sur les violences et les violations des droits humains en 2016. Ils y ont affirmé qu’aucun n’allait rajouter des droits spécifiques pour les personnes de la DSPG, mais qu’ils interprétaient les principes existants comme s’étendant à tous les groupes qui sont victimes de discrimination301. C’est aussi une stratégie que soutient le Comité des droits de

l’homme, qui utilise amplement les droits à la vie privée, à l’égalité, à la non- discrimination et l’interdiction de torture ou de mauvais traitements pour traiter des

299 Conseil des droits de l’homme, Résolution adoptée par le Conseil des droits de l’homme le 30 juin

2016, A/HRC/RES/32/2, 2016.

300 Office of the High Commissioner for Human Rights, « Independent Expert on Sexual Orientation

and Gender Identity », en ligne : <ohchr.org/en/issues/sexualorientationgender/pages/index.aspx>.

301 African Commission on Human and Peoples’ Rights, Ending violence and other human rights

questions de la DSPG302. C’est ainsi qu’au niveau international, plusieurs droits

peuvent protéger les personnes de la DSPG contre les abus et les discriminations.