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Permettre l’engagement des professionnel.le.s dans un lien affectif fort 102

6.   Accompagner des couples dans la transition à la parentalité : des dynamiques

6.2.   Créer une alliance avec les parents et assurer la protection des enfants 100

6.2.2.   Permettre l’engagement des professionnel.le.s dans un lien affectif fort 102

ruptures totales et anciennes avec leur mère.

 

La typologie proposée montre également que l’origine de la demande d’accueil est essentielle : si quasiment tous les parents rencontrés ont évoqué une entrée dans le dispositif motivée principalement par l’accès à un logement et que beaucoup étaient réticents à l’égard des travailleurs/euses sociaux/ales, tous n’ont pas été à la même place dans cette demande. Certaines femmes rencontrées ne se présentent pas comme actrices de cette demande, mais plutôt comme objet des interventions sociales sollicitées par des partenaires institutionnels inquiets pour l’enfant.

Cette alliance est déjà rendue difficile par l’inscription même du dispositif dans la protection de l’enfance, et par la socialisation primaire des adultes accueillis, qui craignent le placement de leurs enfants. Cela est rendu encore plus compliqué, voire réellement insurmontable, lorsque des difficultés éducatives ont déjà été identifiées par des partenaires (pour un.e enfant aîné.e ou pour l’enfant accueilli.e) et que les parents ne sont pas demandeurs. Dans ces situations de prévention secondaire, l’action des centres parentaux semble finalement peu efficace. Ce constat rejoint les observations de la plupart des équipes rencontrées, il est confirmé par les éléments empiriques en notre possession : lorsque les centres parentaux sont poussés à accueillir, sous la pression des partenaires (et notamment des services de l’Aide sociale à l’enfance), des situations où des inquiétudes concernant l’enfant sont déjà mentionnées, l’alliance est difficile à créer, le soutien aux parents devient impossible à mettre en place, et l’intervention ne parvient pas à modifier les éléments inquiétants. Ces situations se terminent fréquemment par des interventions sociales à la sortie, voire des placements, ce qui ne fait que renforcer les craintes des familles accueillies par la suite.

A l’inverse, dans les situations que l’on pourrait qualifier de « prévention primaire ciblée », les professionnel.le.s s’appuient sur la transition à la parentalité pour en faire une source de motivation, de bifurcation positive dans la trajectoire des parents. Ils et elles assurent un accompagnement global de la transition à l’âge adulte, dans un contexte d’entrée dans la parentalité.

6.2.2. Permettre l’engagement des professionnel.le.s dans un lien affectif fort  

L’analyse des dynamiques d’accompagnement en centre parental met également en évidence que les accompagnements qui sont vécus comme soutenants, et qui permettent aux parents et aux enfants de poursuivre leur parcours de manière positive à leurs yeux, sont très en lien avec un engagement fort des professionnel.le.s dans des liens, y compris affectifs, avec ces jeunes parents. Si ce processus fonctionne encore davantage pour les femmes, il est repérable également pour certains des jeunes hommes accueillis. Au-delà du sexe des parents, c’est surtout leur isolement, ou l’aspect peu soutenant de leur propre réseau familial qui semble déterminant dans l’investissement qu’ils feront des professionnel.le.s. Pour une part des jeunes parents accueillis, les professionnel.le.s rempliront le rôle de soutien qu’ils auraient pu attendre de leurs propres parents au moment de la transition à la parentalité.

Cette difficulté à s’appuyer sur la famille d’origine au moment où l’on devient soi-même parent est une analyse qui peut être partagée avec les parents accueillis. Elle peut même constituer un levier d’alliance. En effet, cette cause de la vulnérabilité n’est pas menaçante identitairement, même si elle peut être douloureuse : les parents hébergés ont besoin de

soutien pour protéger leurs enfants, non pas parce qu’ils seraient déjà identifiés comme des parents mauvais ou peu capables (en raison de leur parcours, d’un handicap, d’une information préoccupante antérieure…) mais parce que leur famille est peu soutenante, absente ou éloignée. L’alliance proposée aux parents est alors une alliance stratégique, dans laquelle les parents et les professionnel.le.s partagent un but commun, la protection de l’enfant, et non plus une alliance thérapeutique visant à surmonter une maladie ou un symptôme.

La posture des professionnel.le.s dans les centres parentaux rejoint largement les constats effectués par Breugnot concernant les principales caractéristiques des dispositifs innovants « entre milieu ouvert et placement » créés avant la loi du 7 mars 2007 :

« - Des interventions intensives à raison de plusieurs demi-journées par semaine, combinant écoute bienveillante, conseils éducatifs, soutien au regard de leurs besoins matériels, éducatifs, sociaux mais aussi affectifs… ;

- une grande disponibilité des équipes permet aux parents de solliciter les professionnels entre ces temps de rencontre préétablis, d’où la possibilité de contenir les émotions et les risques de passage à l’acte ;

- une lecture multifactorielle des situations prenant en compte la précarité et l’isolement ; - une démarche de pas-à-pas formulée à partir d’objectifs concrets, palpables, atteignables, il s’agit d’avancer vers le changement par petites touches qui permettent des réussites et donc une valorisation des compétences et habiletés parentales prenant appui sur des pratiques du faire-avec et d’être avec, démarche réflexive qui autorise l’expérimentation de nouvelles pratiques éducatives et le droit à l’erreur ;

- une prise en compte plutôt qu’une prise en charge : le professionnel se place ainsi dans une recherche de consensus, d’entente mutuelle. Parents et professionnels analysent ensemble la situation, formulent des propositions, les soumettent ainsi à la critique mutuelle. Une posture professionnelle qui se caractérise par une attitude de lâcher prise vis-à-vis des familles ; (…) - une approche multiréférencée tant dans les méthodes pédagogiques qu’au niveau des théories de référence ; (…)

- des entretiens formels mais aussi l’importance de l’informel, temps pouvant paraître anodins mais permettant lors de situations d’interactions communicationnelles d’engager une pensée réflexive (Schön, 1987) sur ses pratiques éducatives ;

- une temporalité de l’intervention qui autorise un temps pour souffler, s’exprimer, montrer, tester ou avancer. » (Breugnot, 2010).

La mise en œuvre d’une telle posture dans sa pratique professionnelle, si elle permet la création d’un lien fort et un soutien important pour ces jeunes parents et leurs enfants, nécessite un engagement important des professionnel.le.s dans la relation. Cet engagement et les émotions qu’il suscite ont besoin d’être soutenus et mis au travail dans des cadres adéquats, par exemple grâce à une co-référence ou à des supervisions.

Du côté des parents, dans ces situations, c’est la sortie qui consistera un moment délicat, qui pose la question de l’autonomisation des parents vis-à-vis des professionnel.le.s et du devenir des liens. Cela met en évidence également la nécessité de prendre en compte le réseau de soutien des deux membres du couple, du moment de l’admission à la sortie. Toutefois, les deux membres du couple peuvent ne pas disposer du même niveau de soutien dans leur réseau social et familial, ce qui peut jouer sur la dynamique conjugale, et par là même sur la dynamique parentale.

6.2.3. Reconnaître la spécificité de l’intervention en direction des couples conjugaux et