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Une disponibilité des professionnel.le.s dans les moments importants et une

5.   Regards croisés sur l’accompagnement 61

5.4.   Un engagement fort des acteurs 83

5.4.2.   Une disponibilité des professionnel.le.s dans les moments importants et une

 

Pour les parents, cette disponibilité et cette réactivité dans les moments où ils ont eu besoin de soutien est ce qui a permis de lever leurs réticences et leur méfiance à l’égard des                                                                                                                

7 Etablissement et service d’aide par le travail, assurant une mission l’insertion sociale et professionnelle des adultes handicapé.e.s.

8 Protection Maternelle et Infantile 9 Information préoccupante

travailleurs/euses sociaux/ales. Ils soulignent un engagement fort de leurs référent.e.s dans la relation, avec le sentiment que les professionnel.le.s s’impliquent au-delà du cadre strictement professionnel, sur leur temps personnel ou selon des modalités inhabituelles :

« Monsieur: ils sont venus en pleine nuit me chercher en garde à vue. Ils m’ont dit « va prendre ta douche » et ensuite, ils m’ont déposé chez quelqu’un quoi ! Rien que ça, ils n’étaient pas obligés de le faire. On n’avait personne, je ne pouvais compter que sur les éducateurs. Donc je les avais appelés en me disant soit ça passe, soit ça casse. Ils sont quand même venus, donc c’est déjà bien. »

« Madame : Je repasse de temps en temps pour garder le contact, parce que l’on a vécu des choses ensemble que l’on ne peut pas oublier comme ça, même si ça a été une période difficile de ma vie. Je crois que c’est ça qui a créé le lien chez moi, qu’ils étaient là au moment où j’avais besoin d’eux. C’est ça qui a créé le lien. Ils m’ont aidée, je leur suis reconnaissante pour ça et puis en tant qu’être humain, je les ai beaucoup appréciés. Ça va plus loin que l’éducateur, que la psy, voilà c’est ça. Je me suis attachée à eux. »

La qualité de la relation perçue comme authentique apparait ainsi comme un ressort important de la réussite de l’accompagnement.

« Elle était très gentille en fait, très sensible, très vraie. Je voyais qu’elle ne faisait pas semblant. Elle était vraie. Elle était derrière ce qu’elle disait. Elle était très sentimentale, très gentille. (…) Il faut qu’il y ait un petit truc pour que je parle normalement et il faut qu’il y ait un autre petit truc pour que je puisse m’ouvrir un peu. Avec elle, je crois que j’ai trouvé ce petit truc. Elle était vraie, j’aimais bien. »

Cette authenticité passe aussi par le fait de « dire les choses » quand cela ne va pas. Ainsi, les moments de crises, les sujets sensibles, les moments de tensions ou de désaccords entre les parents et les professionnel.le.s peuvent dans certains cas renforcer le lien :

« Là, Madame X que vous voyez là avec nous, c’est extraordinaire, on a cette relation là avec elle, parce qu’on a vécu des trucs pas faciles du tout. On n’a pas souvent été gentils avec elle et aujourd’hui quand on la voit arriver comme ça, c’est « tout va bien, on se fait la bise et tout », ça fait drôle, mais ce n’est pas un hasard parce qu’on lui a dit énormément de choses à cette dame, on l’a repris X fois. Un accompagnement très compliqué. »

Pour des parents qui ont été peu valorisés et peu soutenus dans le passé, l’écoute, l’attention aux besoins, la disponibilité, ainsi que la prise en considération de leur choix sont aux fondements d’une relation soutenante qui donne confiance en soi et génère le sentiment d’avoir de la valeur : « elle a fort cru en nous », résume une jeune femme. Un couple a longuement évoqué les deux cliniques de concertation qui ont eu lieu au début et à la fin de l’accompagnement, comme une expérience également très gratifiante.

« Monsieur : on a fait une clinique de concertation, c’est nous qui invitons les gens que l’on veut. On avait invité 10 personnes et à la dernière clinique de concertation, on était à peu près 25 personnes. (…) Au bout de trois ans, ça veut dire qu’en trois ans, il y a eu beaucoup de gens derrière nous qui nous ont soutenus, les gens de (institution), ceux du centre parental plus les gens de l’extérieur que l’on a invités, la famille. (…) Il y avait du monde. Je pense que les gens étaient un peu étonnés du monde qu’il y avait.

Madame : Il y avait (enfant)

Monsieur : oui à la dernière clinique de concertation, elle était là et tout ce monde qui t’accueille, tu es là « whaou ». Tu as l’impression d’être plus important qu’un président. Franchement, c’était un beau moment.

Madame : c’était bien parce que tout le monde parlait, qu’on faisait des progrès. Monsieur : que du bien.

Il se dégage parfois une certaine fierté d’avoir « bougé pour s’en sortir » en s’appuyant sur l’aide proposée, même si au départ la confiance en soi n’était pas présente. Les compétences reconnues par les parents aux professionnel.le.s sont d’avoir perçu les ressources et les capacités des parents :

« Monsieur : C'est que moi je n'ai jamais vraiment eu envie de travailler avec eux, mais je ne sais pas comment, mais ils doivent le voir. Ils ont fait des études aussi donc ce sont des éducateurs, ils savent de quoi ils parlent, mais ils ont vu en moi, je ne sais pas comment dire, mais ils ont vu en moi la capacité à faire les choses, même si je n'en avais pas envie, mais que j'étais capable par exemple d'aller en formation. Alors que moi, je ne me sentais pas capable d'aller en formation. »

Le lien s’appuie sur des expériences concrètes au cours desquels les parents se sont sentis soutenus concrètement, et reconnus dans leurs capacités. Comment qualifier la relation qui se noue alors ?

5.4.3. « C’était un peu comme des parents »

Les qualificatifs employés par les professionnel.le.s pour parler des relations avec les parents font référence au vocabulaire de la relation d’aide (relation de confiance, création du lien…), mais également au vocabulaire de l’attachement et des relations familiales :

« La relation était dés le départ et je pense que là, ça a permis de créer du lien vraiment sécure avec le travail qu’on a mis en place et puis de la confiance dans ce qu’on pouvait apporter. » (référente)

« En fait très vite, on s’est attachés à eux, enfin, j’allais le dire comme ça… C’est-à- dire qu’on ne s’est plus posé la question de pas les garder. » (référente)

« En plus, je suis beaucoup aidée par mon âge qui me fait mettre dans un statut de grand- mère et du coup, je bénéficie de ça, parce que comme la grand-mère dans la vie, je suis beaucoup plus loin d’eux au niveau générationnel et donc à la limite, ce que je vais dire est beaucoup plus mis à distance que ce que les éducs qui sont eux, très parentifiés. » (psychologue)

Du côté des parents rencontrés, c’est le vocabulaire des relations familiales, entre parents et enfants, qui est le plus souvent employé, y compris en reprenant des termes issus du « jargon » professionnel :

« Interviewer : Quelle relation vous avez eue avec les professionnel.le.s du CP ? Madame : Ouh, très fusionnelle !

Monsieur : Ben au début, au début c'était compliqué. Madame : On les rejetait fort. »

Comme dans cette situation, la relation peut prendre une tonalité affective forte : plusieurs personnes déclarent que les professionnel.le.s sont comme des amis, comme des membres de la famille. L’absence ou la faiblesse de soutien provenant d’un réseau social très restreint renforcent le rôle d’étayage des travailleurs/euses sociaux/ales, qui peuvent alors être considérés comme des parents, en particulier pour les personnes les plus jeunes :

« Monsieur : On a senti que l’on a une personne qui est responsable de nous. Ça c’est déjà beaucoup. L’autre étape, c’était le premier appartement privé. Comme l’a dit ma femme, les étapes pour les papiers, pour l’appartement social. Tout ça. On n’a pas senti que l’on était tout seul. Avec le centre parental, on a senti comme si mes parents étaient responsables quand j’étais petit. J’avais mes parents qui étaient responsables de moi. Avec le centre parental, je l’ai senti comme ça. Par exemple, ce sont eux mes parents. »

« Monsieur : On va dire que c’était un peu comme des parents et qu'ils essayaient de nous donner de l'autorité et nous ben, pour des enfants l'autorité, on essaie toujours d'aller contre. Donc après, au fil du temps…

Madame : … on leur a fait confiance on va dire. Monsieur : On était complices.

Madame : Parce que moi je leur ai dit que je ne voulais pas me faire enlever (enfant) de toute façon, et ils l'ont bien vu. »

Si les travailleurs/euses sociaux/ales sont parfois vus comme des adultes contraignants qui renvoient à la relation adolescents/parents, ils sont également le support de repères identitaires, de modèles de parentalité. Le passage à l’âge adulte et l’accès à la parentalité requièrent en effet une transmission de savoir-faire parentaux, de connaissances sur les enfants, mais aussi des échanges sur des sujets plus larges : sexualité, positionnement par rapport à leurs propres parents, conquête d’une indépendance affective et matérielle.

« Madame : En fait des parents, c'était nos parents. (…) Y'avait énormément de tabous. Monsieur : Tabous, sexe et tout. Moi je n'ai jamais parlé de ça avec mes parents, jamais, jamais, jamais. Et c'est pour ça que moi, moi dans ma tête quand on a eu des relations, moi je n'ai jamais imaginé qu'on pouvait avoir un enfant, même à 18 ans, j'avais 18 ans.

Madame : Moi j'en avais 16, je venais d'en avoir 16.

Monsieur: Je n'ai jamais imaginé qu'on pouvait avoir un enfant aussi vite, à 18 ans. Madame : On n'a pas de prévention en fait.

Monsieur: On n'a pas été assez "éduqués" sur ça. (…) Oui voilà des choses d'adultes, des choses que nos parents, c'était à eux de nous le dire cinq ans avant même. Mais pas à 20 ans quoi, normalement tu les sais à 15 ans ces choses-là. »

Une femme entrée à l’âge de vingt-six ans, qui fait donc partie des parents les plus âgés, identifie moins les professionnel.le.s comme des parents, mais emploie également le vocabulaire de la famille : elle parle de son éducatrice comme d’une « grande sœur ». Cet investissement fort des professionnel.le.s par une grande partie des parents accompagnés trouve un écho dans le vécu de ces liens par les professionnel.le.s.

5.4.4. Des liens forts qui suscitent des émotions et interrogent le cadre de