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4.   Les parcours des familles au prisme des dossiers 41

4.2.   Le séjour au centre parental 48

4.2.4.   L’intervention sur la dynamique conjugale 55

violences du couple. »

« La psychologue et l’éducatrice la rencontrent seule : elles constatent chez cette enfant des jeux violents, où tour à tour les personnages manipulés sont victimes de chutes, d'accidents. Interpellée, l'enfant sourit, et ne répond rien mais elle augmente la violence de son jeu. »

Dans ces situations, l’observation de l’enfant ne peut pas être déconnectée de l’observation et de l’intervention sur la dynamique conjugale. Mais c’est également vrai pour l’ensemble des situations.

4.2.4. L’intervention sur la dynamique conjugale  

En effet, les rapports sociaux mettent en évidence l’observation, par les professionnel.le.s, de l’organisation de la vie familiale, et de leur intervention concernant la dynamique conjugale. Dans 16 situations, les relations conjugales sont présentées comme positives, le soutien mutuel au sein du couple étant souligné, et l’intervention des professionnel.le.s à ce sujet peu décrite. Néanmoins, des situations de tensions, voire de conflits ou de violences sont également mentionnées.

Le rôle de chacun des conjoints au sein du couple et de la vie domestique

La plupart des couples accueillis vivent sous le même toit pour la première fois, et les difficultés d’ajustement décrites dans les rapports sont, pour une part, très proches des observations réalisées dans l’ensemble de la population des jeunes parents. Un point de tension fréquemment souligné concerne le rôle de chacun des conjoints au sein du couple et de la vie domestique. En effet, l’arrivée d’un enfant et l’accompagnement dans des démarches d’insertion viennent nécessairement interroger la division sexuelle du travail (rémunéré ou non) au sein de la famille (Modak et al., 2013). La surcharge de travail domestique occasionné par l’arrivée du bébé vient réinterroger les rôles de chacun (Le Goff & Lévy, 2016). Dans les dossiers, on voit apparaître des descriptions concernant la répartition des tâches au sein du couple, elle est mentionnée comme une source de tension ou d’insatisfaction dans dix dossiers. Dans ces situations, on peut percevoir le traitement de cette question par l’institution.

Ainsi, ces tensions peuvent être décrites en lien avec le souhait d’insertion professionnelle de la femme, comme dans la situation suivante :

« Les tensions dans le couple s'accentuent fortement depuis que Madame a repris une formation en alternance, mais qui continue pour autant à gérer en parallèle toutes les démarches administratives, les tâches quotidiennes (ménage, course, préparation des repas…) et surtout la prise en charge de l’enfant. Elle est débordée, le verbalise et s’épuise à être seule face à toutes ces tâches et responsabilités. (…) Lors de nos entretiens, Monsieur a exprimé qu’il était trop fatigué pour s’occuper de son fils, après son travail. Il laisse entendre qu’au même titre que les tâches ménagères quotidiennes, la prise en charge de l’enfant relève du rôle de la femme et de la mère. »

Parfois, les descriptions des professionnel.le.s rendent plutôt compte d’un souhait de la femme de conserver ce rôle de responsable des tâches domestiques :

« Respecter la place de chacun, ou au moins la trouver, reste un leitmotiv. Les rôles ne sont pas distribués, et les membres de la famille s'y perdent. Madame voudrait pouvoir tout gérer, elle n'y arrive pas et s’épuise. Monsieur est absent en journée du domicile, il dit qu'il voudrait

faire des choses à la maison, ou auprès des enfants, mais elle ne veut pas, ne lui fait pas confiance. (…) Les rôles ne sont toujours pas définis, chacun se demandant ce qu'il peut et ce qu'il doit faire. »

C’est parfois le rédacteur ou la rédactrice qui indique qu’il semble que la femme souhaiterait du soutien de son conjoint, sans qu’elle ne l’ait explicitement formulé :

« Les rôles de parents sont peu répartis auprès de l'enfant. Madame reste à la maison et s'occupe de l'enfant, ce à quoi elle ne s'oppose pas. Elle dit que c'est difficile de s'occuper seule de la gestion du quotidien. Il semble à l'équipe qu'elle souhaiterait davantage de soutien de Monsieur. »

Les formules employées montrent dans certains cas une volonté de faire bouger les rapports de sexe au sein de la famille :

« Bien que les tensions du couple conjugal soient verbalisées auprès de l'équipe, le jeune couple ne parvient pas au changement et reste sur un mode de communication conflictuelle, Monsieur restant ancré dans des stéréotypies relatives à la place de l'homme et de la femme au sein d'une famille. »

Malgré tout, la difficulté à modifier la division sexuelle du travail dans ces situations, avec des résistances fortes des hommes mais parfois également des femmes, entrainent finalement des interventions différenciées des professionnel.le.s en direction des membres du couple, de manière consciente :

« Nous ne sommes pas parvenus à mobiliser Monsieur pour la prise en charge quotidienne des enfants. Dans le fonctionnement du couple, c'est à Madame qu'incombe cette prise en charge. C'est donc Madame que nous avons interpelée sur des points qui nous semblaient à améliorer dans la prise en compte des besoins de chacune des filles. »

On retrouve des constantes dans la structuration des interventions en fonction du sexe du parent. Ainsi, dans trois structures, lorsqu’un père se retrouve seul avec ses enfants (en raison du départ, de l’hospitalisation ou du décès de la mère), des interventions quotidiennes des éducatrices, ou de techniciennces d’interventions sociales et familiales extérieures au service sont mises en place pour soutenir le père dans la prise en charge quotidienne des enfants, alors que ce n’est pas le cas lorsque c’est le père qui s’absente.

Les situations de violences au sein des couples

Les situations de violences physiques au sein des couples sont un enjeu majeur auxquels doivent faire face les professionnel.le.s des centres parentaux, puisqu’elles mettent fréquemment à mal la protection de l’enfant. L’exploitation des dossiers montre que dans 14 situations sur 40, des épisodes de violences physiques au sein des couples ont été portés à la connaissance des professionnel.le.s. Dans 10 situations, ces épisodes de violence sont décrits comme récurrents. Toutefois, si lors des rencontres avec les équipes éducatives lors des visites institutionnelles, la distinction entre violence conjugale, impliquant une situation d’emprise, et conflit conjugal a été régulièrement faite par les intervenant.e.s, en faisant référence à la notion de réciprocité telle qu’on peut la trouver dans la littérature française (Sadlier, 2016), cette distinction est particulièrement difficile à opérationnaliser à la lecture des dossiers, notamment car le critère de réciprocité, de symétrie, ne semble pas toujours le plus pertinent pour distinguer les situations. La typologie de Johnson (2013), qui distingue terrorisme intime, violence résistante (impliquant toutes deux la notion de contrôle) et violence situationnelle, est plus heuristique par rapport aux situations décrites : elle permet de distinguer les situations relevant clairement d’un enjeu de contrôle de l’autre conjoint des

situations de violence situationnelle, sans nécessairement gommer l’asymétrie des violences qui peut exister dans ce dernier cas.

Deux situations peuvent être clairement catégorisées dans la catégorie des violences conjugales impliquant une emprise, la femme étant soumise à un contrôle fort et des épisodes récurrents de violence de la part de son compagnon. Ces situations sont identifiées dans les mois qui suivent la naissance de l’enfant, et un travail est fait pour soutenir la femme dans une perspective de séparation. Les autres descriptions relèvent davantage des violences situationnelles, bien que les stratégies discursives des rapports nous obligent à une grande prudence dans l’interprétation de ces données. La bidirectionnalité des violences est notée dans neuf de ces douze situations.

Dans trois cas, identifiés dans trois structures différentes, en début de parcours, les violences au sein du couple sont perçues comme réciproques, mais au fil des rapports l’asymétrie de la violence apparaît davantage, comme dans l’exemple ci-dessous :

« Le couple rencontre d’importantes difficultés relationnelles. Le manque d’argent semble selon leurs dires, être fréquemment déclencheur de violences verbales et ou physiques. Cette violence émane tantôt de l’un, tantôt de l’autre. Monsieur et Madame évoquent de façon récurrente leur séparation. Toutefois, ils ne parviennent pas à mettre à exécution leur décision. La crise passée, chacun d’eux parle des difficultés rencontrées en banalisant les faits, et surtout en minimisant l’impact de leurs violences conjugales sur le développement de leur fille. »

Le mois suivant, l’équipe transmet une information préoccupante, suite à des violences de l’homme sur sa compagne, qui a dû être emmenée aux urgences. Dans une information complémentaire transmise au parquet un mois après, la violence n’est plus présentée de manière aussi réciproque :

« Le couple vit du RSA. En milieu de mois, lorsqu’ils n’ont plus d’argent, les violences débutent et perdurent jusqu’à l’arrivée des prestations le mois suivant. Ce cycle semble sans fin. Ainsi, en la présence de l’enfant, nous sommes intervenus au domicile quatre fois depuis le mois de février pour des coups portés par Monsieur à l’encontre de Madame. Nous avons dû l’accompagner une fois aux urgences. »

Dans l’ensemble des structures, une orientation thérapeutique est proposée, en interne ou en externe, mais aboutit rarement. Les professionnels sont appelés régulièrement à intervenir en situation d’urgence, pour faire baisser la tension et parfois proposer des solutions temporaires permettant un hébergement à l’hôtel ou dans la famille de l’un ou l’autre membre du couple. Ces situations évoluent souvent vers une séparation (dans huit cas sur quatorze), parfois combinée avec la mise en place d’une mesure (souvent de milieu ouvert). Trois des six familles où les parents ne se sont pas séparés feront l’objet d’une mesure de protection de l’enfance. Trois couples sur les quatorze ayant connus des épisodes de violences physiques sortent en couple, sans que leurs enfants ne fassent l’objet d’une mesure de protection dans la mesure où les violences ont cessé.

4.3. Les situations des familles à la sortie

 

Globalement, le déroulement des dernières semaines et du moment de la sortie est faiblement documenté dans les dossiers sociaux. Les professionnel.le.s rédigent des bilans de sortie systématiques dans une structure. Dans les autres, seule la date de sortie est notée, ainsi que la destination de la famille. Les situations familiales et résidentielles au moment de la sortie ne