• Aucun résultat trouvé

permettent d’apporter une perspective supplémentaire à la relation entre

schizophrénie et symétrie de la communication interhémisphérique.

L’interaction entre latéralité manuelle et communication interhémisphérique a également apporté des réponses sur la fonctionnalité du transfert interhémisphérique. Depuis les travaux pionniers de Witelson [1985], la question de la relation entre la taille du CC et la latéralité manuelle à été très largement étudiée sans pour autant aboutir à un consensus. En effet, certaines études ont montré que le CC est plus large chez les gauchers que chez les droitiers [Witelson, 1985, 1989; Denenberg et al., 1991; Habib et al., 1991; Witelson and Goldsmith, 1991; Driesen and Raz, 1995; Moffat et al., 1998; Tuncer et al., 2005; Josse et al., 2008], tandis que d’autres n’ont montré aucune différence en fonction de la latéralité manuelle [Kertesz et al., 1987; O’Kusky et al., 1988;Hines et al., 1992;Steinmetz et al., 1992;Clarke and Zaidel,1994; Steinmetz et al., 1995; Jäncke et al., 1997; Preuss et al., 2002; Luders et al., 2003; Anstey et al., 2007]. Une étude de Westerhausen et al. [2004] a même montré l’effet inverse, avec un CC plus large chez les droitiers que chez les gauchers. Cependant, cette étude a également révélé, une FA plus haute chez les gauchers que chez les droitiers, indiquant soit un plus grand nombre, soit une densité plus importante d’axones. Ce dernier constat suggère que la connectivité du CC pourrait être plus importante chez les gauchers que chez les droitiers. Le double postulat d’une taille et d’une connectivité plus accrue du CC chez les gauchers trouve des hypothèses explicatives au regard du rôle fonctionnel que celui-ci pourrait impliquer. Il est, en effet, majoritairement admis que les gauchers montrent généralement une moindre latéralisation hémisphérique pour le contrôle des habiletés visuo-spatiales que les droitiers [Hécaen et al., 1981; Hellige et al., 1994; Eviatar et al., 1997]. De plus, les expérimentations menées en DTI chez des sujets sains montrent une augmentation de la diffusion moléculaire à travers le CC chez les gauchers fortement latéralisés en comparaison aux droitiers et même en comparaison aux gauchers faiblement latéralisés [Westerhausen et al., 2006]. Il semblerait donc que l’augmentation de la

connectivité transcalleuse constatée chez les gauchers pourrait être liée à un besoin accru de communication interhémisphérique dû, à une diminution de la spécialisation hémisphérique (voir Doron and Gazzaniga [2008]).

A la lumière d’expérimentations animales, menées principalement sur le rat et sur le chat, il a été mis en évidence que le développement et la myélinisation du splénium sont sous le contrôle des influences environnementales (voir Bocci et al. [2014] pour revue). Notamment, le fait d’élever des chatons nouveaux nés dans le noir conduit à un nombre anormalement faible de projections calleuses entre les aires visuelles du cortex cérébral [Innocenti, 1986, 1994]. Ce constat induit le fait que cette structure représente un site particulièrement exposé à une plasticité induite par l’environnement. Par ailleurs, Elberger [1984] a montré que la section précoce des connexions calleuses chez le chaton résulte en une altération du développement de la résolution spatiale (acuité visuelle), qui est un des indicateurs des plus communs et précis de la maturation corticale. En ce sens, il semblerait que la relation entre l’expérience visuelle et la connectivité du CC soit bidirectionnelle : l’information médiée par les fibres calleuses « visuelles » peut modifier le développement des aires corticales visuelles et le développement des aires corticales peut modifier le développement des fibres calleuses. Cette relation bidirectionnelle est très intéressante dans le cadre de nos travaux. En effet, une récente étude a suggéré que le phénomène de dominance oculaire pourrait être basé sur un mécanisme latéralisé se caractérisant par une relation spécifique entre l’œil dominant et son hémisphère ipsilatéral (Shima et al.[2010] ; voir Chapitre III.4). De ce fait, sachant que l’expérience visuelle a un impact sur la connectivité interhémisphérique, cette latéralisation du sys-tème visuel pourrait également impacter la structure et les fonctions du CC (Article III).

Enfin, il semblerait que les mécanismes neuronaux de l’attention visuo-spatiale puissent jouer un rôle sur la communication interhémisphérique [Saron and Davidson, 1989]. L’interprétation de l’asymétrie du transfert interhémisphérique proposée parMarzi [2010] est en accord avec cette idée puisqu’elle présume d’un transfert interhémisphérique

Cadre théorique : Les transformations visuo-motrices

plus rapide de l’hémisphère spécialisé vers l’hémisphère non spécialisé pour l’attention visuelle. Sur la base de ce constat, Marzi [2010] propose que le CC puisse être inclus dans les structures corticales importantes pour le contrôle de l’attention. De plus, il a été suggéré que la négligence visuo-spatiale unilatérale puisse être expliquée par un déséquilibre de l’inhibition exercée par les fibres transcalleuses entre les réseaux pariéto-frontaux bilatéraux qui sous-tendent l’attention spatiale [Hilgetag et al., 1999, 2001; Oliveri et al., 1999, 2000, 2001; Payne et al., 2003; He et al., 2007; Koch et al., 2011] (voir Bocci et al. [2014] pour une discussion étendue).

L’ensemble des résultats discutés dans ce chapitre nous rapproche de la conclusion adoptée par Nowicka and Tacikowski [2011]. Dans cette revue, ces auteurs définissent la latéralisation corticale comme étant un processus dynamique qui, à différentes étapes du traitement de l’information, peut résulter en différentes activations de chaque hémisphère au sein duquel la communication interhémisphérique joue un rôle primordial. Enfin, ces auteurs argumentent que la communication interhémisphérique ne devrait pas être consi-dérée comme un mécanisme se déroulant en une seule étape mais comme une interaction entre les deux hémisphères ayant des influences à la fois excitatrices et inhibitrices médiées par différentes régions du CC à différents stades de traitement de l’information.