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tion à considérer

IV) , quelques auteurs se sont intéressés aux éventuelles différences anatomiques et

III.6. Dominance oculaire et processus attentionnels

Etant donné la large influence de la DO sur les transformations visuo-motrices que nous mettons en évidence par l’intermédiaire de ces travaux de thèse, et le fait que les réseaux pariéto-frontaux sous-tendant les transformations visuo-motrices et ceux sous-tendant l’attention visuo-spatiale partagent des structures neuronales communes (Chapitre II.3.4) telles que le PPC (et notamment LIP ; Schintu et al. [2014]), FEF ou encore SEF [Corbetta et al., 1998; Nobre et al., 2000; Beauchamp et al., 2001; Marshall et al., 2015], nous en sommes arrivés à nous poser la question d’une éventuelle influence de la DO sur les processus attentionnels.

Dès les années 1980, Azémar et ses collaborateurs avaient déjà proposé que la DO puisse avoir une influence sur les mécanismes de l’attention visuelle en remarquant que les TRs manuels étaient plus dépendants de la DO que de la préférence manuelle dans des tâches mettant en jeu des processus attentionnels (e.g. Azémar [2003]). Cette idée a trouvé un nouvel élan en regard des expérimentations psychophysiques de Roth et al.

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[2002] puis deShneor and Hochstein[2006,2008] suggérant que la DO pourrait être reliée à la spécialisation hémisphérique de l’attention visuelle. Notamment, Shneor et Hochstein ont démontré que, lors de tâches de recherche visuelle de type « feature search » [Shneor and Hochstein, 2006] comme de type « conjunction search »11

[Shneor and Hochstein, 2008], qui sont connues pour mettre en jeu l’attention visuelle, l’OD montre une priorité dans la perception visuelle et exécute mieux les tâches visuelles que l’œil non-dominant. Le cerveau allouerait alors des ressources attentionnelles plus importantes aux informations visuelles en provenance de l’OD.

L’influence de la DO sur les processus attentionnels a déjà été suggérée. Par exemple, dans une tâche de bissection spatiale, où les participants devaient aligner l’axe de leur corps (i.e. permettant ainsi de s’affranchir de l’effecteur utilisé) avec le milieu subjectif d’une porte placée à 50 centimètres ou 2 mètres d’eux, l’occlusion de l’OD induisait une déviation significative du point de bissection vers l’hémichamp visuel controlatéral à l’OD [Kitayama et al., 2015]. A l’inverse, lorsque l’œil non-dominant était occulté, aucune déviation significative n’était observée. Bien que les substrats neuronaux responsables de cette déviation dans l’hémichamp visuel controlatéral à l’OD ne soient pas clairement établis, cette expérimentation suggère que l’information visuelle en provenance de l’OD joue un rôle crucial dans la cognition spatiale.

De plus, si l’on considère que les mouvements oculaires constituent une activité fondamentale de l’exploration spatiale, le lien étroit, mis en évidence préalablement, entre les mécanismes sous-tendant la génération des saccades oculaires et ceux sous-tendant l’attention visuo-spatiale (Chapitre II.3.4) présente un intérêt de premier plan. Nous pensons plus particulièrement au fait que si la DO joue un rôle dans le contrôle des mouvements saccadiques, alors son influence sur les processus attentionnels sera également à tester (données supplémentaires III).

11. La principale différence entre ces deux types de tâche de recherche visuelle réside dans la difficulté de celle-ci. En effet, dans la « feature search », la cible ne partage pas de caractéristiques communes (taille, couleur, orientation) avec les distracteurs, son apparition est donc évidente (i.e. effet « pop-out ») et entraine des TRs faibles. A contrario, dans la « conjunction search », la cible et les distracteurs partagent des caractéristiques communes et sa détection en est donc rendue moins aisée, ce qui a pour conséquence d’augmenter les TRs.

Bien qu’elle ne soit pas directement reliée à l’influence de la DO sur les processus attentionnels, une récente étude visant à étudier le lien entre la latéralisation hémisphé-rique attentionnelle des connexions pariéto-frontales et les performances visuo-spatiales a tout de même mis en exergue des considérations importantes pour nos travaux [Thie-baut de Schotten et al., 2011]. De façon très synthétique, les connexions pariéto-frontales du cerveau humain sont organisées en 3 faisceaux longitudinaux couvrant les régions dor-solatérales (Schmahmann and Pandya [2006] ; voir Figure A.29a) : les faisceaux longitu-dinaux supérieurs (SFL) dorsal (SFL I), médian (SFL II) et ventral (SFL III). Thiebaut de Schotten et ses collaborateurs ont mesuré les volumes de ces 3 faisceaux et les ont corrélés avec les performances à deux tests révélateurs des performances visuo-spatiales attentionnelles que sont la bissection de ligne horizontale [Bowers and Heilman,1980] et le paradigme de Posner [Posner,1980]. L’analyse du volume des faisceaux a révélé que SFL I est distribué de façon symétrique entre les deux hémisphères, que SFL II montre une tendance à être latéralisé dans l’hémisphère droit (i.e. montre un volume plus important dans l’hémisphère droit que dans l’hémisphère gauche) et que SFL III est fortement laté-ralisé dans l’hémisphère droit. De façon intéressante, ils trouvèrent une corrélation entre le volume de SFL II et la déviation au test de bissection de lignes : plus le volume de SFL II est supérieur dans l’hémisphère droit que dans l’hémisphère gauche, plus la déviation naturelle vers le CVG dans le test de bissection de lignes est importante. Encore plus convaincant, les 5 sujets12

montrant une déviation vers la droite dans le test de bissection de lignes montraient également une inversion de l’asymétrie de SFL II avec un faisceau plus large dans l’hémisphère gauche que dans l’hémisphère droit (voir Figure A.29b). Le volume de SFL II était également corrélé aux TRs dans la tâche de Posner : un volume plus important de SFL II dans l’hémisphère droit était associé à des temps de détection plus rapides dans le CVG. Ces corrélations entre le volume de SFL II dans l’hémisphère droit, la déviation au test de bissection de lignes et les temps de détection au paradigme de Posner sont donc la preuve que l’asymétrie anatomique du réseau attentionnel

visuo-12. Dans leur article,Thiebaut de Schotten et al.[2011] évoquent 3 sujets montrant une déviation vers la droite au test de la bissection de lignes. Cependant, leur table supplémentaire 1, représentée sur la

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spatial est un prédicteur des performances comportementales aux tâches attentionnelles visuo-spatiales.

Figure A.29 : Corrélation entre latéralisation hémisphérique des connexions pariéto-frontales et performances visuo-spatiales. (a) Représentation 3D, par l’intermédiaire de la DTI

par déconvolution sphérique, des trois branches du faisceau longitudinal supérieur (SFL) chez 3 sujets. Le faisceau dorsal (SFL I) est représenté en bleu clair, le faisceau médian (SFL II) en bleu foncé et le faisceau ventral (SFL III) en violet. Tiré de Thiebaut de Schotten et al. [2011] ; Figure

supplémen-taire 3. (b) Tableau représentant les mesures effectuées chez les 20 sujets comprenant l’âge, le genre, le

degré de latéralisation (« handedness ») des participants, leurs performances aux tâches visuo-spatiales (bissection de lignes et temps de réaction au paradigme de Posner) ainsi que les volumes de leurs SFL I, II, et III. Les temps de détection du paradigme de Posner sont représentés en index de latéralisation qui s’obtient par la formule suivante : (TR moyen droit – TR moyen gauche) / (TR moyen droit + TR moyen gauche). Les volumes des SFL sont représentés en index de latéralisation qui s’obtient par la for-mule suivante : (volume droit – volume gauche) / (volume droit + volume gauche). Les index positifs et négatifs représentent donc une latéralisation à droite et à gauche, respectivement. Les rectangles rouges indiquent les participants ayant montré une déviation vers la droite au test de bissection de lignes ainsi que leurs performances au paradigme de Posner (rectangles gris) et le volume de leur SLF II (rectangles bleus foncés). Adapté deThiebaut de Schotten et al.[2011] ; Table supplémentaire 1.

Permettons-nous de préciser que le paradigme de Posner peut être considéré comme un paradigme de Poffenberger, à la différence près qu’un indice est présenté au-dessus du point de fixation central, avant l’apparition de la cible latéralisée. Cet indice, qui est généralement une flèche, est censé indiquer au participant dans quel hémichamp visuel la cible va apparaître. Cet indice peut être valide (les essais sont alors dits congruents) ou non-valide (les essais sont dits non congruents). Bien que Thiebaut de Schotten et collaborateurs n’aient pas testé la DO et n’interprètent donc pas leurs résultats à la lu-mière de cette latéralisation du système visuel, deux faits nous semblent particulièrement marquants :

– La proportion de participants montrant une inversion de la latéralisation de SFL II et donc, un biais vers la droite au test de bissection de ligne (5 participants sur 20) n’est pas sans rappeler la proportion de droitiers OD gauche dans une population aléatoire (34%) ;

– Les 5 participants montrant cette inversion de SFL II montrent également un avantage pour le traitement des cibles présentées dans le CVD au cours du paradigme de Posner ; Dans la partie Discussion de ce manuscrit, nous verrons que ces deux constats feront écho aux résultats issus de notre Article I et de nos données supplémentaires

III.

Enfin, une dernière expérimentation de neuro-imagerie, qui s’est proposée d’étu-dier la relation entre les dominances manuelle et oculaire avec la latéralisation hémisphé-rique des réseaux attentionnels retient particulièrement notre attention [Petit et al.,2014]. Ces auteurs ont conduit leurs observations sur des droitiers manuels fortement latéralisés (score au « Edinburgh Handedness Inventory » de 100% ; voir Article I pour la significa-tion de ce score), des participants ne présentant pas de latéralisasignifica-tion manuelle clairement établie (i.e. « mixed-handed » ; compris entre -54 et 99%) ou ayant une latéralité manuelle gauche (score compris entre -55 et -100%). Ces 293 sujets étaient, par la suite, impliqués dans une tâche de mouvements oculaires saccadiques visuellement guidés. Leurs résul-tats montrent que la voie ventrale du réseau attentionnel présente une forte asymétrie

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favorisant l’hémisphère droit, et ce indépendamment des latéralités manuelle et oculaire. Cependant, le réseau attentionnel pariéto-frontal dorsal (i.e. med-FEF et IPS) montre une forte asymétrie favorisant l’hémisphère droit uniquement chez les gauchers et chez les « mixed-handed », et à plus forte raison chez les gauchers ayant un OD droit. Ainsi, cette étude montre que l’asymétrie droite du réseau dorsal de l’attention visuo-spatiale est dépendante, à la fois de la latéralité manuelle et de la DO ([Petit et al., 2014]). Petit et al. [2014] rappellent que la relation privilégiée entre l’OD et son hémisphère ip-silatéral démontrée par Shima et al. [2010] ainsi que le fait que la motricité manuelle soit gérée controlatéralement [Gazzaniga, 2000; Serrien et al., 2006] conduisent à penser que les individus ayant une dominance œil-main croisée présentent un double avantage lorsque l’hémisphère ipsilatéral à l’OD est mis en jeu. Par ailleurs, chez les gauchers OD droit, cet hémisphère correspond à l’hémisphère droit qui montre une forte dominance pour l’attention visuo-spatiale, par l’intermédiaire du réseau dorsal. Ainsi, d’après Petit et collaborateurs, ce constat pourrait expliquer le fait que les gauchers OD droit soient surreprésentés au plus haut niveau des sports à haute incertitude spatio-temporelle (e.g. Azémar [2003]). En d’autres termes, les gauchers OD droit bénéficieraient du fait que leur hémisphère droit contrôle à la fois leur main dominante et soit spécialisé dans les traitements de l’attention visuo-spatiale. Cette démonstration constitue donc la première explication neurophysiologique au fait que les gauchers OD droit soient surreprésentés dans les sports d’opposition [Azémar,2003; Azémar et al.,2008], qu’ils montrent les TRs les plus faibles dans les paradigmes comportementaux tels que le paradigme de Posner [Nougier et al., 1990] et de Poffenberger (Article I ; Chaumillon et al. [2014]) et qu’ils semblent bénéficier de mécanismes visuo-moteurs spécifiques en comparaison aux autres populations (Article III).