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tion à considérer

IV) , quelques auteurs se sont intéressés aux éventuelles différences anatomiques et

III.5. Implications au niveau de la visuo-motricité

Les informations visuelles sont prépondérantes pour guider le comportement. De façon surprenante, la potentielle influence de la latéralisation du système visuel, que représente la DO, sur les transformations visuo-motrices a rarement été considérée. Une étude fondatrice de Minucci and Connors [1964] a pourtant montré que les TRs manuels en réponse à une stimulation monoculaire de l’OD étaient plus rapides que ceux produits en réponse à des stimulations de l’œil non-dominant. Ce travail a ouvert la voie au constat suivant : l’influence de la DO n’est pas restreinte aux processus perceptifs mais elle s’étend aux mécanismes sensori-moteurs (voir aussi Walls [1995]; Shneor and Hochstein [2006, 2008]. En cela, la DO, et plus particulièrement la relation privilégiée entre l’OD et son hémisphère ipsilatéral [Shima et al., 2010], que nous venons de décrire dans la partie précédente, peut avoir des conséquences sur les étapes ultérieures du traitement de l’information, et particulièrement quand celle-ci est utilisée pour la production de mouvements.

Un des rares chercheurs à s’être intéressé à l’influence de la DO sur les transfor-mations visuo-motrices impliquées dans les mouvements de la main est Guy Azémar. En ses qualités de chercheur et de médecin de la Fédération internationale d’escrime, il a pu observer qu’il y avait une grande probabilité de trouver des sportifs ayant des do-minances œil-main croisées au très haut niveau et plus particulièrement dans les sports à forte incertitude spatio-temporelle. En guise d’exemple, tandis que les gauchers ayant un OD droit représentent seulement 3% d’une population aléatoire [Bourassa et al.,1996] et 2% de la population contrôle testée par Azémar (i.e. 655 étudiants en Sciences et Tech-niques des Activités Physiques et Sportives), ils représentaient près de 35% des escrimeurs de l’équipe de France en 1982 [Azémar, 2003]. Pour des mouvements manuels complexes, l’idée proposée par Azémar est alors qu’un rapport privilégié, par la voie géniculo-striée, entre l’OD et l’hémisphère ipsilatéral, couplé au fait que la motricité manuelle soit gérée controlatéralement, confèreraient aux individus possédant une dominance non-homogène un avantage dans le contrôle moteur de la main controlatérale à leur OD [Azémar et al.,

2008].

En concurrence directe avec cette hypothèse, il a été observé que dans le cadre de mouvements de pointage, les droitiers montrent régulièrement des TRs plus faibles avec la main gauche [Carson et al., 1995; Mieschke et al., 2001; Boulinguez et al., 2001a; Barthélémy and Boulinguez, 2002]. Pour expliquer cette supériorité de la main gauche, l’hypothèse de la spécialisation de l’hémisphère droit pour les domaines de la sensori-motricité et de l’attention spatiale a souvent été avancée. Notons toutefois qu’une variabilité importante a été rapportée [Ballanger and Boulinguez, 2009] et que les résultats semblent être moins clairs chez les gauchers [Barthelemy and Boulinguez, 2001]. Nous poserons directement la question de l’influence de la DO dans cette perspective en utilisant un paradigme impliquant des mouvements de pointage manuels en réponse à des cibles latéralisées (données supplémentaires I).

Un autre rôle de la DO dans les transformations visuo-motrices a été proposé. L’OD pourrait être fonctionnellement activé avant l’œil non-dominant pour la réalisation de saccades horizontales dirigées vers une cible visuelle et aurait donc un rôle directionnel dans la spécialisation hémisphérique pour le contrôle saccadique (Oishi et al. [2005] voir aussi Han et al. [1995]). Oishi et al. [2005] ont, en effet, montré que la vitesse de l’OD était plus élevée que celle de l’œil non dominant pour les saccades horizontales dirigées vers la gauche comme pour celles dirigées vers la droite. Ces résultats s’opposent au concept largement établi d’asymétrie naso-temporale du contrôle saccadique [Hyde, 1959; Fricker, 1971; Averbuch-Heller et al., 1999]. D’après ce dernier, les saccades abductrices sont plus rapides que les saccades adductrices : au cours d’une saccade horizontale, le pic de vitesse est plus élevé pour l’œil abducteur, c’est-à-dire l’œil gauche lorsque la saccade est dirigée vers la gauche et vice-versa, que pour l’œil adducteur. Récemment, Vergilino-Perez et al. [2012], en séparant leurs participants sur la base de leur DO, ont permis de réconcilier ces deux résultats contradictoires. Cette expérimentation avait pour but d’étudier les asymétries « droite-gauche » dans le système saccadique. L’équipe Parisienne s’est proposée de comparer précisément le gain (i.e. le rapport entre

Cadre théorique : La dominance oculaire

l’amplitude de la saccade et l’excentricité de la cible) et le pic de vitesse des déplacements de chaque œil lorsqu’un participant produisait des saccades horizontales dirigées vers des cibles apparaissant dans le CVG ou dans le CVD, à différentes excentricités (5˚, 10˚et 15˚) d’un point de fixation central. Leurs observations ont montré que les deux patrons de résultats décrits précédemment étaient finalement présents : un premier groupe montrait toujours un pic de vitesse plus élevé pour l’œil abducteur que pour l’œil adducteur tandis que le second groupe montrait toujours un pic de vitesse plus élevé dans la direction ipsilatérale à l’OD et ce, quel que soit l’œil enregistré (Figure A.28). De manière primordiale, la mise en évidence de ce double patron de résultats s’inscrit dans la ligne argumentaire selon laquelle la DO ne serait pas un phénomène binaire mais s’exprimerait plutôt selon différents degrés d’intensité. De ce fait, lorsque la DO serait faiblement marquée, l’asymétrie naso-temporale serait observée. A contrario, lorsque la DO serait très marquée, elle pourrait prendre le pas sur ce fonctionnement « de base » du système en adduction-abduction. Nous verrons que cette hypothèse sera vérifiée puisque les participants étant catégorisés comme ayant une DO marquée sont les seuls à montrer une influence de la DO sur les TRs manuels dans un paradigme de Poffen-berger (données supplémentaires II). Cette catégorisation supplémentaire de la DO constitue également une piste intéressante vers une quantification de la DO (Article IV).

Figure A.28 : Dominance oculaire et saccades horizontales. Sont représentées, pour exemple, les

données individuelles de deux participants droitiers œil dominant gauche issus de l’expérimentation de

Vergilino-Perez et al.[2012]. La mesure utilisée représente la différence entre le pic de vitesse enregistré lors d’une saccade vers la droite et celui enregistré lors d’une saccade vers la gauche (en deg/s). (a) Asymétries naso-temporales bien établies dans la littérature avec l’œil abducteur qui montre un pic de vitesse plus important que l’œil adducteur. (b) Asymétries relatives à la dominance oculaire : les saccades exécutées dans la direction ispilatérale à l’OD montrent toujours le pic de vitesse le plus important et ce, quel que soit le rôle de l’OD (abducteur ou adducteur). Ces deux patrons de résultats pourraient être utilisés pour distinguer les participants ayant une dominance non-marquée ou une dominance marquée.