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Partie A / Cadre théorique

I.2. La voie rétino-géniculo-striée

I.2.3. Les aires extra-striées

Les voies ventrale et dorsale du traitement de l’information visuelle précédem-ment évoquées mettent en jeu un large réseau d’aires visuelles dites associatives qui ensemble, forment les aires extra-striées. Chez le singe, une trentaine d’aires visuelles ont été mises en évidence [Zeki, 1969; Van Essen, 1979] et plus de la moitié d’entre elles ont d’ores et déjà été identifiées chez l’homme, grâce notamment au développement des techniques d’imagerie comme la tomographie par émission de positons (PET ; Fox et al. [1986, 1987]) et l’Imagerie par Résonance Magnétique fonctionnelle (IRMf ; initiée par l’enregistrement du signal « blood oxygen level dependent » (BOLD) par résonance magnétique chez l’animal par Ogawa et al. [1990a,b]; Ogawa and Lee [1990]). Cette abondance d’études, menée sur différentes espèces, a démontré que la représentation rétinotopique du champ visuel n’est pas confinée à V1 et que le système visuel est

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en fait composé de multiples cartes rétinotopiques [Talbot, 1940, 1942; Talbot and Marshall,1941;Thompson et al.,1950;Cowey, 1964;Hubel and Wiesel, 1965;Zeki, 1969, 1971, 1976; Allman and Kaas, 1971; Tusa et al., 1978; Gattass et al., 2005; Wandell and Winawer, 2011; Jerde et al., 2012]. Le cortex strié envoie des afférences vers cette multitude de cartes rétinotopiques par l’intermédiaire de fibres trouvant leur origine dans les couches 2/3 et 4B [Zeki,1976]. Dans les années 1940, les mesures électrophysiologiques ont permis de mettre en exergue l’existence d’une seconde carte (V2) adjacente à V1 chez le lapin et le chat [Talbot,1940,1942;Talbot and Marshall,1941;Thompson et al., 1950; Tusa et al., 1978] puis chez le singe [Cowey, 1964]. Par la suite, une troisième carte (V3), adjacente à V2, fut décrite chez le chat [Hubel and Wiesel, 1965]. Bien des années plus tard, les études en IRMf ont clairement révélé que ces trois aires, regroupées autour de la fissure calcarine dans le lobe occipital (i.e. V1, V2 et V3), étaient également présentes chez l’humain [Sereno et al., 1995; DeYoe et al., 1996; Engel et al., 1997]. Tandis que V1 contient la représentation d’un hémichamp visuel, V2 et V3 contiennent toutes deux des cartes rétinotopiques discontinues qui sont divisées le long du méridien horizontal rétinien. Cette discontinuité aboutit à la création de deux cartes divisées en quarts de champ visuel, chacune d’entre elle possédant un axe représentant le méridien horizontal rétinien et un autre représentant le méridien vertical rétinien.

Tandis que V1 et V2 sont toutes deux impliquées dans les deux voies de traitement de l’information visuelle, il semblerait que la dissociation entre les voies ventrale et dorsale s’effectue à la sortie de V2. Une partie des afférences (localisée dans les bandes minces de V2) se projette sur l’aire V4 pour initier la voie ventrale tandis que l’autre partie (localisée dans les bandes épaisses de V2) se projette sur l’aire V3 pour initier la voie dorsale.

De manière simplifiée mais concise, la voie ventrale pourrait être considérée comme étant une voie nerveuse occipito-temporale reliant V1 à V2 puis V4 et enfin le cortex temporal inférieur (IT), qui se compose des aires inféro-temporales postérieure (PIT), centrale (CIT) et antérieure (AIT). Les neurones de V4 répondent sélectivement à la couleur d’un stimulus indépendamment de la direction de son déplacement [Zeki, 1983]

et semblent être également impliqués dans la reconnaissance des formes [Desimone and Schein, 1987]. Le cortex temporal inférieur est quant à lui largement connu pour exécuter les calculs nécessaires à la reconnaissance d’objets plus complexes [Tanaka,1996;DiCarlo et al., 2012] tels que les visages [Perrett et al.,1991].

La voie dorsale se caractérise, quant à elle, par une projection des afférences en provenance de V1/V2 vers V3, V3A puis vers MT/V5 (MT pour aire temporale médiale) et DM/V6 (DM pour aire dorsomédiale) avant de rejoindre le cortex pariétal postérieur (PPC). L’aire MT/V5, située à la jonction occipito-parieto-temporale, semble jouer un rôle majeur dans la perception du mouvement et dans l’orientation de certains mouvements oculaires. Les aires décrites jusqu’à présent ont pour caractéristiques d’être organisées en cartes rétinotopiques et être strictement relatives à l’hémichamp visuel controlatéral. A contrario, V5/MT reçoit des informations en provenance des deux hémichamps visuels via les voies de communications interhémisphériques [Tootell et al., 1995, 1998]. De plus, en adéquation avec le fait que MT/V5 reçoive un grand nombre de connexions interhémisphériques [Clarke and Miklossy, 1990], il a été montré que, dans cette aire, la représentation de l’hémichamp visuel ispilatéral est due au transfert de l’information visuelle du mouvement de son homologue controlatéral [ffytche et al., 2000]. En ce sens, MT/V5 est considérée comme étant une composante clé du réseau neuronal permettant la perception du mouvement [Zeki et al., 1991; Watson et al., 1993; Tootell et al.,1995;Clarke et al., 2000]. Récemment, une aire adjacente (DM/V6) située dans le sillon pariéto-occipital a été révélée chez l’humain et serait elle aussi sensible à la perception du mouvement [Pitzalis et al., 2006, 2010]. Cependant, il apparaît, que ces deux aires ont des fonctions différentes, avec MT/V5 spécialisée dans la perception de patrons de type « radial rings » et DM/V6 spécialisée dans la perception de patrons de type « flowfields » (ces différents patrons sont détaillés dans la Figure A.8 ; Pitzalis et al. [2010]). Par conséquent, cette expérimentation suggère que MT/V5 et DM/V6 fonctionnent en parallèle avec une spécialisation de MT/V5 dans l’analyse du mouvement d’objets isolés par rapport à un arrière-plan et une spécialisation de DM/V6 dans nos mouvements propres par rapport à l’environnement. Notons que ces deux aires

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reçoivent également des projections directes en provenance de V1 (e.g. McKeefry and Zeki [1997]; VanRullen and Thorpe [2001]; Vanni et al. [2004] pour MT/V5 ; Galletti et al. [1999] pour DM/V6). De manière intéressante pour notre thématique de recherche, les populations de neurones de MT/V5 sont également impliquées dans le traitement de l’information visuelle spécifiquement reliée aux mouvements de la main [Tankus and Fried,2012]. Par ailleurs, le PPC est, lui aussi, un important nœud pour l’intégration des informations visuo-motrices (voir Chapitre II.1 ; Mountcastle et al. [1975]; Andersen [1987]) et est impliqué dans le traitement des informations visuo-spatiales (e.g. Kravitz et al. [2011]) qui contribue notamment à la définition du but visuel des mouvements à exécuter [Rozzi et al., 2008]. Par exemple, il a été démontré que des patients souffrant d’une lésion au niveau du PPC montraient des troubles du contrôle des mou-vements manuels [Pisella and Mattingley,2004;McIntosh et al.,2011;Mutha et al.,2011].

Notons finalement que bien qu’elles soient organisées de façon rétinotopique, les cartes adjacentes à V1 présentent des champs récepteurs de plus en plus « grossiers » à mesure que l’on s’éloigne de V1. Par conséquent, chez le primate non-humain, alors que la capacité de discrimination des aires codant pour la fovéa dans V1 est d’environ 0.1 à 0.5 degrés d’angle visuel, elle est typiquement de 0.5-1 degrés dans V2, de 1-4 degrés dans V4 et de 25 degrés ou plus dans IT [Desimone and Schein,1987]. Ce dernier constat plaide en faveur d’une organisation des voies visuelles permettant des traitements de plus en plus élaborés et intégrés à mesure que l’on s’éloigne de l’entrée visuelle primaire au niveau du cortex strié.

a)

b)

Phase ON (16 s) Phase OFF (16 s)

Figure A.8 : MT/V5 et DM/V6 pour une perception du mouvement. Stimuli utilisés pour

distinguer précisément les fonctions spécifiques des aires MT/V5 et DM/V6, toutes deux spécialisées dans la perception du mouvement. (a) Radial rings. Les deux panneaux de la phase ON montrent les deux directions du mouvement radial (vers l’intérieur ou vers l’extérieur) qui alternent toutes les deux secondes. Les activations provoquées par cette phase ON sur MT/V5 et DM/V6 sont comparées à la phase OFF dans laquelle les cercles sont stationnaires. (b) Flow fields. Les deux panneaux de la phase

ON montrent les deux types de mouvements « cohérents » (mouvement radial et mouvement en spirale

rotative) qui alternent toutes les 500 ms. Les activations provoquées par cette phase ON sont comparées à la phase OFF qui correspond à un mouvement aléatoire de chacun des points. Tiré de Pitzalis et al.

[2010]

I.2.4. Projections rétroactives et connexions cortico-corticales : nuances sur la