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Le colliculus supérieur comme structure centrale de l’oculomotricité D’un point de vue neurophysiologique, le CS est connu pour être une structure

Chapitre II / Les transformations visuo-motrices

II.3. Spécificités du système oculo-moteur

II.3.2. Le colliculus supérieur comme structure centrale de l’oculomotricité D’un point de vue neurophysiologique, le CS est connu pour être une structure

neuronale cruciale du système oculomoteur et par conséquent des transformations visuo-motrices ayant pour but une motricité de l’œil [Sparks and Hartwich-Young, 1989; White and Munoz, 2011]. Il est connu depuis longtemps que les neurones de cette structure du mésencéphale (Figure A.12a) sont organisés en cartes topographiques par lesquelles chaque colliculus contient des représentations multisensorielles [Meredith and Stein, 1983, 1985; Jay and Sparks, 1987; Stein and Meredith, 1993; Groh and Sparks, 1996] et motrices [Wurtz and Goldberg, 1971; Robinson, 1972; Sparks, 1978] de l’espace visuel controlatéral. Les différentes couches du CS sont regroupées en deux régions

Cadre théorique : Les transformations visuo-motrices

fonctionnelles : les CSs et les CSi (voir Chapitre I.3). Chaque neurone des CSs répond à la stimulation d’une zone précise du champ visuel [Cynader and Berman,1972] tandis que la stimulation électrique d’une zone donnée des CSi provoque une saccade correspondant à un vecteur constant ayant une direction et une amplitude spécifiques [Robinson, 1972]. En ce sens, les CSs sont considérées comme étant des couches « visuelles » tandis que les CSi sont considérées comme étant des couches majoritairement « motrices ». De la même manière que pour les cartes du CS, des études électrophysiologiques ont démontré que les neurones de LIP [Ben Hamed et al., 2001] et de FEF [Bruce and Goldberg,1985] sont impliqués dans la production des mouvements oculaires et représentent le champ visuel controlatéral.

Les couches superficielles du CS reçoivent des entrées visuelles directement de la rétine (i.e. voie rétino-tectale ; Hubel et al. [1975]; Cowey and Perry [1980] mais égale-ment du cortex visuel (V1, V2, V3, V4 et MT/V5 ; Tigges and Tigges [1981]; Graham [1982]; Fries [1984]; Cusick [1988]; Lock et al. [2003]). Nous pouvons alors nous interro-ger sur la relation topographique entre la répartition des cellules rétiniennes et celle des neurones colliculaires. L’organisation topographique des projections visuelles sur le CS a trouvé de nouvelles explications à la lumière des études computationnelles. En se basant sur les données recueillies chez le singe par Robinson [1972],Ottes et al. [1986] ont pro-posé une transformation mathématique permettant de convertir l’espace de coordonnées du champ visuel, qui ne contient pas de déformation, en coordonnées de l’espace collicu-laire, qui lui est fortement déformé en raison de la surreprésentation de la région fovéale (Figure A.12b). Les couches intermédiaires du CS (i.e. CSi) reçoivent quant à elle un grand nombre de projections cortico-tectales en provenance des lobes occipital, pariétal et frontal. Ces projections incluent notamment LIP [Lynch et al.,1985], les FEFs [Künzle et al., 1976; Künzle and Akert, 1977; Stanton et al., 1988, 1995] et les champs oculomo-teurs supplémentaires (SEFs ; Huerta and Kaas [1990];Shook et al. [1990]). De par leurs connexions verticales intrinsèques avec les CSs [Behan and Appell,1992;Isa et al., 1998; Isa and Saito, 2001; Isa, 2002; Helms et al., 2004], les CSi reçoivent également des

infor-mations visuelles en provenance de ces couches superficielles. Ainsi, les CSi constituent une structure d’intégration des informations visuelles de saillances perceptives (processus « Bottom-up ») et des informations liées au but du mouvement (« Top-down » ; Olivier et al. [1999]; Trappenberg et al. [2001]; Fecteau and Munoz [2006]; Dorris et al. [2007]). Ce lieu de compétition entre ces sources d’informations indique que les CSi participent à la sélection de la cible à atteindre (voirWhite and Munoz[2011] pour une revue complète sur le CS).

Figure A.12 : Le colliculus supérieur. (a) vue postérieure du tronc cérébral et localisation des

colliculi supérieurs. Tiré de Purves et al.[2004]. (b) A gauche : magnification rétinienne d’une image de Charlie Chaplin sur la rétine gauche. A droite : estimation de la projection de cette image dans le CS selon les équations d’Ottes et al.[1986] à partir des données recueillies chez le singe par Robinson

[1972]. Modélisation réalisée par Geoffrey Mégardon, reproduite avec autorisation.

Par leurs connexions efférentes avec la FR, qui contient les noyaux prémoteurs des saccades oculaires (Chapitre II.3.1), les CSi jouent un rôle dans le déclenchement de la saccade. Concernant les voies permettant la production et le déclenchement des saccades, deux voies distinctes peuvent être isolées. Une voie empreinte directement, mais non exclusivement, les connexions intrinsèques verticales entre les CSs et CSi et permet la génération de saccades, appelées « express-saccades » en raison de leur grande vitesse de déclenchement (environ 100-120 ms). Cette voie est cependant uniquement possible sous certaines conditions particulières [Fischer and Weber, 1993; Isa, 2002]. La seconde permet le déclenchement des saccades non-express par l’intermédiaire des afférences corticales sur les CSi que nous avons détaillées précédemment.

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En situation écologique, il est extrêmement rare qu’un seul stimulus soit présent au sein d’une scène visuelle. La question se pose alors de savoir comment le but de la saccade est codé au sein des cartes colliculaires lorsque plusieurs stimuli concurrents sont présentés au sein d’une même scène visuelle. Koch et ses collaborateurs [Koch and Ullman, 1985;Itti and Koch,2000;Walther and Koch,2006] ont introduit l’idée selon laquelle cette sélection serait permise par l’existence de cartes de saillance qui effectueraient une présé-lection des caractéristiques des différents stimuli (e.g. orientation, intensité, couleur). Ils ont défini les cartes de saillance comme étant des cartes bidimensionnelles dans lesquelles l’intensité de l’activité représente la saillance du stimulus dans l’environnement visuel. La compétition entre les neurones codant pour deux positions différentes de l’espace visuel au sein de ces cartes donnerait lieu à un seul et unique vainqueur représenté par l’activité maximale au sein de la carte de saillance et désignant ainsi la cible à atteindre (i.e. règle du « winner-take all » ou WTA). De manière importante, des études menées chez le singe ont montré que ces cartes de saillance n’étaient pas restreintes au CS, mais que celles-ci étaient plutôt distribuées à travers un large réseau de structures sensori-motrices incluant notamment LIP [Ipata et al.,2006;Thomas and Paré,2007;Bisley and Goldberg, 2010], FEF [Thompson and Bichot, 2005] et le cortex occipital [Gur and Snodderly, 1997]. La règle du WTA au sein des cartes de saillance trouve cependant ses limites lorsque deux stimuli partagent des caractéristiques physiques communes. En effet, la présentation si-multanée d’une cible et d’un distracteur entraîne de multiples pics d’activations neurales formant une carte de saillance codant les potentielles cibles de la saccade [Findlay and Walker, 1999]. En suivant la logique de fonctionnement des cartes de saillance, si deux stimuli sont identiques, aucune activité n’est supérieure à l’autre. Pour une saccade ocu-laire efficace, il faudra pourtant que l’activité relative au stimulus ne constituant pas la cible de la saccade (i.e. distracteur) soit inhibée. L’efficacité de cette inhibition peut être vue comme un continuum et donnera lieu à des conséquences différentes sur la métrique de la saccade. Dans le cas où l’activité liée au distracteur n’est pas du tout inhibée, la métrique de la saccade est perturbée et résulte du moyennage de l’activité de chacun des stimuli (i.e. phénomène d’effet global). Dans le cas de figure qui nous intéresse plus

par-ticulièrement, lorsque deux stimuli sont présents sur la carte, le stimulus concurrent peut également ne pas être sélectionné comme étant la cible de la saccade, mais son activité peut ne pas être totalement inhibée par la règle du WTA. Cette inhibition incomplète provoque une saccade dont le point d’arrivée est proche de la cible mais dont la trajectoire est déviée. Ce phénomène est connu sous le nom de déviation saccadique.