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Le caractère global et multidimensionnel du confort, les dépendances entre ses composantes physiques et situationnelles (contextuelles) et l’influence d’autres facteurs, tels que les facteurs psychologiques, physiologiques, socio-culturels et an-thropométriques, sur sa perception, complexifient son évaluation. Nous avons vu au chapitre 2 que des études et des enquêtes sur la perception du confort par les voyageurs, notamment dans le projet ACONIT [18], ont montré que la majorité des travaux menés jusqu’à présent sur la recherche d’indicateurs de confort glo-bal directement à partir de ses composantes physiques (dynamique, acoustique,

thermique, visuel), dans le domaine ferroviaire, à l’image des travaux de l’IN-RETS [71], du CERNE [20] et du RTRI [84] n’étaient pas satisfaisants car ces modèles n’étaient pas fondés sur la perception des voyageurs (ils reposaient sur des hypothèses d’ingénieurs) et les composantes physiques considérées n’étaient pas exhaustives.

Pour cela, notre modèle sera construit de telle sorte à ce que l’évaluation du confort des offres se fasse à partir des composantes physiques identifiées par les voyageurs, et que leur agrégation puisse intégrer, au mieux, la perception du confort par les voyageurs. Nous proposons, tout d’abord, d’identifier les facteurs qui af-fectent cette perception afin de pouvoir la formaliser et l’intégrer dans notre modèle

Définition 6 (Les facteurs affectant la perception des composantes du confort ) On définit un facteur affectant la perception du confort comme étant tout ce qui

peut rendre différente la perception des composantes du confort physiquement me-surables (acoustique, dynamique, éclairage, siège, espace).

Ces facteurs peuvent être le fruit de dépendances ou interactions entre com-posantes du confort [80, 16, 49, 63]. Par exemple l’influence de l’acoustique sur la dynamique ou la sensibilité au bruit selon le type d’activité. Mais, ils peuvent être, aussi, d’ordre psycho-sociologiques (la mémoire et les représentations sociales) ou concerner la morphologie des voyageurs, l’âge, le confort en gare et la régularité.

Dans cette section nous n’allons pas citer les composantes du confort que nous allons prendre en compte dans notre modèle, chose qui sera faite à la section 4.3, mais nous allons plutôt nous intéresser aux facteurs qui affectent leur perception :

– les interactions entre les composantes physiques du confort, – le type d’activité pratiquée,

– le facteur temporel, – les facteurs individuels,

– la présence des autres voyageurs.

La prise en compte de la perception dans notre modèle se traduira par la prise en compte des facteurs identifiés comme étant importants par les enquêtes.

4.2.1 Les interactions entre composantes physiques du confort

Dans sa perception du confort, le voyageur peut associer plusieurs composantes entre elles, par exemple, il associe le mouvement du train (dynamique) et son bruit (acoustique) comme un indicateur de la vitesse à laquelle il circule. La difficulté est que ces interactions dépendent de nombreux facteurs (contextuels et individuels) dont la nature est difficile à caractériser et à associer à des paramètres physiques. De nombreux travaux de recherche pour l’élaboration d’un indicateur de confort

global dont ceux menés par des chercheurs de l’INRETS [71] et du CERNE [20], ont étudié les interactions entre composantes physiques de manière analytique sans s’intéresser à leur nature dans la perception des voyageurs. Dans l’étude menée par les chercheurs de l’INRETS [71], ils avaient défini des groupes de situations mais en prenant en compte uniquement certains facteurs de l’ambiance sensorielle (ther-mique, dynamique et acoustique). Bien que cette variabilité considérée n’était pas exhaustive (les autres facteurs étant fixés), les interactions entre les composantes étaient significativement différentes. Ces interactions sont en général de type effet de masque et synergie (positive ou négative).

a) L’effet de masque

Ce type de dépendance apparait lorsqu’une ou plusieurs composantes du confort se dégrade(ent) à un point où :

– elle(s) masque(ent) l’effet de toutes les autres composantes sur le confort global bien que leurs niveaux de confort soient excellents,

– elle(s) masque(ent) l’inconfort d’une (ou plusieurs) composante(s) phy-sique(s), ce qui réduit la sensation d’inconfort de cette(ces) dernière(s) par rapport à une situation d’ambiance normale.

Exemple 11 L’expression du confort global dans [71] pour la situation où seule la composante acoustique était dégradée, ne dépendait que de cette der-nière. Et la situation où la composante thermique était dégradée, l’inconfort de la composante acoustique diminuait par rapport aux conditions normales b) La synergie

Le fait que les composantes du confort soient perçues simultanément crée une synergie entre ces dernières qui se traduit par le fait que le niveau de confort d’une composante physique à un instant t s’exprime parfois (pas né-cessairement de manière exclusive) en fonction du niveau de confort d’autres composantes physiques [80]. L’exemple suivant [71] illustre une synergie entre les composantes acoustique et thermique.

Exemple 12 Dans une étude menée par les chercheurs du CERNE [71], l’indicateur acoustique I0t(Leq) à un instant t, dépend des paramètres de l’environnement acoustique : Leq et d’une synergie S(P MV, Leq) tradui-sant leur interférence avec les paramètres de l’environnement thermique : P M V [19]

S(P M V, Leq) = (1, 6 − |P M V |)75 − Leq

1, 5Leq (4.1)

Nous pouvons remarquer dans l’expression de cette synergie (voir équation (4.1)) que, selon l’ambiance considérée (Leq < (≥)75 et |P MV | < (≥)1, 6), elle peut être positive lorsque (1, 6 − |P MV |) × (75 − Leq) > 0, ou négative lorsque (1, 6 − |P MV |) × (75 − Leq) < 0.

Nous avons vu dans cette section les différentes interactions entre les compo-santes physiques du confort et surtout qu’elles constituaient un facteur qui affecte à la fois le confort des composantes physiques mais aussi le confort global. Pour cela, le modèle conceptuel doit être conçu de telle sorte à ce que ces interactions puissent êtres prises en compte dans la phase d’agrégation.

4.2.2 Le type d’activité pratiquée dans le train

Le terme activité comprend tout ce que peut faire le voyageur dans le train (dormir, lire, admirer le paysage, se déplacer, etc.). Le type d’activité pratiquée est l’un des facteurs qui affecte le plus la perception (et donc l’évaluation des com-posantes physiques du confort) car les voyageurs évaluent le confort en fonction de ce qu’ils font dans le train et non pas de manière absolue.

Nous pouvons citer quelques exemples de variation de la perception des com-posantes physiques selon le type d’activité.

a) La composante acoustique

Les voyageurs sont plus sensibles aux bruits (du train ou des autres passagers) lorsqu’ils se reposent ou dorment que lorsqu’ils discutent, comme le confirme Mzali (2002) [63] : « l’évaluation du confort acoustique par les personnes ne se limite pas à la simple prise en compte des sensibilités de l’oreille humaine en tant que récepteur acoustique mais s’établit dans un cadre plus complexe, intégrant les activités des personnes voyageant, les significations et objets en mémoire ».

b) La composante posturale

Le confort du siège est jugé en fonction de l’activité pratiquée comme le montrent les résultats des enquêtes menées dans le projet ACONIT. En ef-fet, chaque activité nécessite une posture qui est parfois très différente de la posture classique pour laquelle on demande habituellement aux voyageurs d’évaluer le confort du siège. Ce qui a conduit récemment à orienter les questionnaires sur l’évaluation du confort du siège selon les postures cor-respondant aux activités pratiquées, à l’image des chercheurs de l’université de Pohang en Corée du Sud [41] et plus récemment le projet Dyapos à la SNCF [35].

c) La composante éclairage

Les enquêtes menées dans le projet AL [26][27] ont montré que l’évaluation de l’éclairage était systématiquement associée à une activité : « lumière trop forte pour dormir » , « pas assez forte pour lire ».

Le même type de remarques peut être fait sur les composantes dynamique et thermique.

4.2.3 Les facteurs individuels

Nous avons vu au chapitre 2 que les aspects liés à l’individu, ayant un impact sur la perception du confort dans les trains, regroupaient les facteurs psychologiques et socioculturels, la morphologie et l’âge des voyageurs.

– Les facteurs psychologiques : la perception n’est pas uniquement une réaction à des stimuli mais dépend également de facteurs psychologiques intégrant la mémoire. Bien que ces facteurs soient importants, il est difficile de les prendre en compte car ils varient d’un individu à un autre.

– Les représentations sociales : le confort est perçu différemment selon les motifs du voyages : professionnel ou loisir mais aussi selon les catégories sociales : première classe et deuxième classe. Il y a également d’autre facteurs culturels difficiles à caractériser.

– La morphologie et l’âge : le facteur morphologie affecte particulièrement l’évaluation du confort postural. Il concerne essentiellement la taille et le poids. En effet, un siège peut très bien convenir à un groupe morphologique et pas à un autre

Exemple 13 Pour un siège dont la hauteur de l’assise est de x cm, peut convenir à une grande personne, alors qu’une petite n’arriverait même pas à poser ses pieds. Pour le même siège, l’espace pour les jambes disponible peut convenir à une petite personne alors que cela peut ne pas être le cas pour une grande.

Pour ce qui concerne l’âge des voyageurs, peu de travaux ont été réalisés jusqu’à présent pour étudier l’évolution de la perception du confort avec l’âge. Il est probable, d’après les experts en confort, que la modification des capacités physiques et cognitives des personnes vieillissantes affectent la plupart des composantes du confort.

4.2.4 La présence des autres voyageurs

Ce facteur peut être considéré à l’image du facteur type d’activité pratiquée, comme étant l’un des facteurs qui affecte le plus la perception du confort. Le type de matériel proposé par les constructeurs peut jouer un rôle sur ce facteur en pro-posant des aménagements qui peuvent réduire l’inconfort (le bruit des autres, la promiscuité et les gènes lors des déplacements), ou améliorer le confort (possibi-lité de discuter avec les autres). Parmi les composantes du confort qui peuvent être affectées par ce paramètre, nous pouvons citer l’acoustique, l’espace et les déplacements.

a) L’acoustique

Le bruit des autres passagers est la source principale du confort et de l’incon-fort acoustique, d’après les enquêtes menées dans le projet ACONIT, phase

2 [65] et plus récemment dans les projets Ambiances Lumineuses [26][27] et Esther [28].

b) L’espace

La présence des autres voyageurs provoque une gène qui se traduit par la difficulté ou même l’impossibilité de maintenir ses distances et qui empêche le voyageur de construire sa zone vitale ce qui peut constituer une vraie source d’inconfort pouvant empêcher le voyageur de mener à bien ses activités comme le repos, la lecture et le travail.

c) Les déplacements

Les déplacements dans le train peuvent être fortement affectés par la présence des autres voyageurs. Cela peut se voir notamment lors de l’accès au train, lorsque le voyageur assis coté fenêtre quitte sa place (il est gêné par celui qui est assis coté couloir) ou lors des déplacements dans le couloir.

4.2.5 Le facteur temporel

Nous avons vu au chapitre 2 que la durée d’exposition à un stimuli peut avoir un effet cumulatif qui peut se traduire soit par une hypersensibilité (fatigue) vis-à-vis des composantes physiques, soit par un phénomène d’accoutumance [12]. Par ailleurs, la perception du confort à un instant dépend d’une part des réactions subjectives aux divers stimuli à cet instant (avec prise en compte de l’effet cumulatif pour chaque stimulus) et d’autre part, des réactions qui les ont précédées aux mêmes (ou à d’autres) stimuli (effet mémoire) [20].

Remarque 9 Nous avons vu dans cette section les facteurs qui affectent (ou qui affecteraient selon les experts) la perception des composantes du confort de manière générale. La prise en compte de ces facteurs, dans le modèle conceptuel, constitue la principale particularité de notre approche par rapport aux autres modélisations. Néanmoins, nous n’allons pas prendre en compte l’intégralité de ces facteurs dans notre modèle, pour les raisons suivantes

a- La famille de critères issue de cette modélisation doit être conçue pour juger les offres des constructeurs. Par conséquent tout facteur qui ne permet pas de différencier les offres ne peut être pris en compte (les retards, le confort en gare, le choix de la place, le personnel) car sinon on violerait l’une des conditions théoriques de construction des critères (la minimalité).

b- Ces facteurs doivent être communs au moins à une catégorie de voyageurs pouvant être caractérisée afin de construire des évaluations consensuelles des composantes physiques du confort : en effet certains facteurs psychologiques comme la mémoire intégrant l’expérience du voyage en train peuvent

influen-cer l’évaluation des composantes physiques. Le fait de prendre en compte tous ces paramètres reviendrait à évaluer le confort de chaque individu.

c- Il n’est pas facile de déterminer ou de caractériser la nature des influences de tous les facteurs (manque d’information). A titre d’exemple on pourrait citer l’interaction entre l’acoustique et la dynamique dont on ne connait pas, pour l’instant la nature.

D’autre part, il existe des facteurs qui affectent la perception d’une composante de confort en particulier (comme les saisons pour le confort thermique). Nous avons jugé utile de présenter ces facteurs dans la section 4.3.4 avec les composantes du confort associées, afin de mieux comprendre leur influence.